10 ans après, les jeunes Tunisiens rallument le feu de la colère

Publié dans l’Humanité le Mardi 19 Janvier 2021

Dix ans après la chute du président Ben Ali, confrontée au chômage, une nouvelle génération affronte la police. Le gouvernement déploie l’armée.

Scènes d’émeutes en Tunisie… Dix années après la chute du régime dictatorial de Ben Ali, les jeunes bravent le couvre-feu sanitaire, à partir de 16 heures, et affrontent la police dans les quartiers pauvres de Tunis, à Kasserine, Sousse, Bizerte, Terbouba, Siliana, Hammamet, Sidi Hassine… Le ministère de l’Intérieur annonçait, lundi, l’arrestation de 600 personnes, dont des mineurs, depuis la nuit du 15 janvier. Son porte-parole parle de jeunes qui « brûlent des pneus et des poubelles afin d’entraver les mouvements des forces de sécurité ». Selon lui, « cela n’a rien à voir avec les mouvements de revendication garantis par la loi et la Constitution ». Les revendications « se déroulent normalement le jour (…) et sans actes criminels », commente-t-il dans une interview à la radio privée Mosaïque, rapporte l’AFP. Cette même source indique que l’armée a déployé des renforts dans de nombreuses régions afin de protéger les bâtiments publics. Les islamistes crient au pillage, au vandalisme et à la manipulation de la jeunesse pour semer le chaos dans le pays.

Un contexte économique des plus sombres

La présidente du Parti destourien, Abir Moussi (PLD, droite nostalgique de l’ancien régime), affirme que des commanditaires rémunèrent les jeunes insurgés, qualifiant même les affrontements de tentative de « coup d’État » contre le président de la République, Kaïs Saïed. Le leader de Qalb Tounes (Au cœur de la Tunisie, droite), Nabil Karoui, demande l’ouverture d’enquêtes. Sur le plan politique, l’exécutif confirme encore une fois son instabilité. Le premier ministre remanie son gouvernement dans un contexte de bras de fer entre le chef de l’État et les partis majoritaires au Parlement, qui auraient imposé leurs conditions afin d’isoler la présidence.

La crise est en fait latente et le contexte économique des plus sombres. Le FMI a coupé les vivres depuis mars 2020 et le tourisme, activité essentielle, est complètement paralysé par la pandémie de nouveau coronavirus (175 065 cas, dont 5 528 morts). Le chômage est en hausse constante, les prix flambent, et au cœur d’un Parlement très fragmenté, les élus peinent à se prononcer sur le budget 2021. Qualifiés de vandales et de semeurs de troubles manipulés, les émeutiers se font en réalité l’écho de cet enlisement politique et social. Le feu a pris dans des zones urbaines misérables où toutes les perspectives sont anéanties. De Tunis à Kasserine, la plus pauvre des localités, la grande masse de la jeunesse rongée par le désespoir crie sa colère. Mais sans trop se faire d’illusions. Le pays semble dans une impasse.

Le procureur de Paris, le préfet Lallement et trois magistrats visés par une enquête pour « faux témoignage »

Lallement, un préfet qui ment? Sa pratique répressive nous rappelle celle de Maurice Papon préfet de Paris pendant la guerre d’Algérie.

Publié sur 20minutes.fr le 14 janvier 2020

En septembre 2020, le député (LFI) Ugo Bernalicis avait signalé à la justice des propos, selon lui mensongers, tenus devant la commission d’enquête parlementaire qu’il présidait.

  • Selon nos informations, le parquet de Nanterre enquête depuis plusieurs jours sur des soupçons de « faux témoignage » visant cinq hautes personnalités de la magistrature et de la police.
  • Elles sont soupçonnées d’avoir tenu des propos mensongers lors de leurs auditions devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire.
  • Président de la commission, le député (LFI) du Nord, Ugo Bernalicis, avait signalé les faits à la justice, suscitant la désapprobation d’autres députés.

Le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz. Le préfet de police, Didier Lallement. L’ancienne cheffe du parquet national financier, Eliane Houlette. La procureure générale, Catherine Champrenault, et le président de la cour d’appel de Paris, Jean-Michel Hayat. Le casting est impressionnant. Mais il ne présage en rien de la suite qui sera donnée à la procédure.

Selon nos informations, le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) enquête depuis plusieurs jours sur des soupçons de « faux témoignage » visant cinq hautes personnalités de la magistrature et de la police. « Une enquête est en cours. Tous ces signalements font l’objet d’un traitement groupé », confirme à 20 Minutes le parquet de Nanterre sans vouloir « communiquer davantage » sur le sujet.

Cette procédure fait suite aux travaux de la commission d’enquête sur l’indépendance de la justice présidée par le député (LFI) du Nord, Ugo Bernalicis. Le 2 septembre, en marge de la présentation du rapport, celui-ci avait indiqué avoir signalé à la justice des soupçons de « parjure » visant plusieurs personnalités auditionnées par la commission. Mettant en cause des magistrats parisiens, le dossier a, depuis, été dépaysé à Nanterre où il fait donc l’objet d’une enquête.

Des explications par écrit réclamées aux mis en cause

« Je suis agréablement surpris par les suites données aux parjures que j’ai signalés, témoigne Ugo Bernalicis. Je craignais qu’un classement sans suite ne soit prononcé comme pour la commission d’enquête du Sénat, lors de l’affaire Alexandre Benalla. »

Le parquet de Nanterre procède, lui, à des vérifications. Selon nos informations, les personnes mises en cause ont dû fournir des explications par écrit, sans pour autant avoir été convoquées physiquement officiellement. « J’observe un peu circonspect le caractère quelque peu innovant de cette procédure groupée, poursuit Ugo Bernalicis. L’important, pour moi, c’est que l’on prenne au sérieux ce que signifie que de témoigner devant une commission d’enquête parlementaire. »

Un prétexte pour parler du programme sur la justice de LFI ?

Dans les faits, chaque personnalité se voit reprocher des propos tenus devant les députés qui ont planché sur les obstacles à l’indépendance de la justice. Par exemple, le procureur de Paris Rémy Heitz avait assuré n’avoir « signé aucun document donnant des instructions à [ses services] » lors de la crise des « gilets jaunes » alors qu’une note interne laisse entendre le contraire.

Autre illustration : le préfet de police, Didier Lallement, est, de son côté, accusé de ne pas avoir dit la vérité lorsqu’il a assuré ne pas avoir « trouvé les organisateurs » des manifestations de policiers non autorisées ayant eu lieu en juin 2020.

Manifs non déclarées de policiers : avec Lallement, c’est facile. pic.twitter.com/mat1M6K5pK— Alexis Poulin (@Poulin2012) June 24, 2020

Perçue comme étant politique, la démarche du député insoumis avait crispé jusqu’au sein même de la commission parlementaire. « Je suis un peu ennuyé, avait ainsi confié Didier Paris, le rapporteur (LREM). Je me demande si tous ces signalements ne sont pas un prétexte pour faire parler du programme de La France insoumise en matière de justice… »

Instuire ou classer : la décision du parquet de Nanterre le dira. Le délit de faux témoignage est passible de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 75.000

Vaste opération policière à Hongkong: une cinquantaine d’opposants pro-démocratie arrêtés pour « subversion » en application de la récente loi de « sécurité nationale »

A Hongkong le musèlement de l’opposition continue par des arrestations massives pour « subversion » en application de la récente loi de « sécurité nationale ». Le régime chinois qui marie harmonieusement capitalisme d’état et dictature totalitaire…annexe ainsi manu militari Hongkong.

Publié sur lemonde.fr le 6/01/2020 Le Monde avec AFP

Vaste opération policière à Hongkong contre l’opposition prodémocratie

Les arrestations de dizaines de personnes dans le cadre de la récente loi de sécurité nationale seraient liées aux primaires organisées par l’opposition l’été 2020.


L’ex-journaliste Gwyneth Ho, figure de l’opposition à Pékin, en juillet 2020, a annoncé sur son compte Facebook avoir été arrêtée le 6 janvier. MAY JAMES / AFP

Cinquante-trois figures de l’opposition prodémocratie ont été arrêtées, mercredi 6 janvier, à Hongkong, au nom de la récente loi sur la sécurité nationale, lors de la plus importante opération policière menée en vertu de ce texte drastique imposé par Pékin.

Les autorités chinoises ont engagé en 2020 une reprise en main musclée de l’ex-colonie britannique, un an après une mobilisation populaire sans précédent dans ce territoire semi-autonome depuis sa rétrocession, en 1997. Ces interpellations, dont beaucoup sont liées aux primaires organisées par l’opposition cet été, en sont une nouvelle illustration.

Le ministre de la sécurité hongkongais, John Lee, a qualifié ces arrestations de « nécessaires », expliquant qu’elles visaient un groupe de personnes ayant cherché à « noyer Hongkong dans les abysses ».

Le gouvernement chinois a aussi défendu l’opération. La porte-parole du ministère des affaires étrangères, Hua Chunying, a assuré que ce qui était menacé, ce n’était que « la liberté de certaines forces extérieures et individus à Hongkong, qui s’associent les uns aux autres pour tenter de saper la stabilité et la sécurité de la Chine ».

Condamnations européenne et américaine

L’opération a visé des anciens parlementaires prodémocratie, comme James To, Andrew Wan et Lam Cheuk Ting, mais aussi des militants plus jeunes. Parmi ces derniers, deux ont confirmé leur propre arrestation sur Facebook : Gwyneth Ho, une ex-journaliste de 30 ans passée dans le militantisme, et Tiffany Yuen, une conseillère de district de 27 ans.

Des proches de Joshua Wong, l’un des visages les plus connus de la mouvance prodémocratie, actuellement incarcéré, ont affirmé sur son compte Facebook que son domicile avait été perquisitionné.

Ces arrestations ont été condamnées par Antony Blinken, qui a été choisi par le président élu américain, Joe Biden, pour être le futur chef de la diplomatie des Etats-Unis. « Les arrestations massives de manifestants prodémocratie sont une attaque contre ceux qui défendent courageusement les droits universels »a écrit M. Blinken sur son compte Twitter« L’administration Biden-Harris se tiendra aux côtés du peuple de Hongkong et contre la répression de la démocratie par Pékin », a-t-il ajouté.

L’Union européenne, elle, a réclamé mercredi la « libération immédiate » des 53 figures de l’opposition prodémocratie arrêtées et étudie de nouvelles sanctions contre les autorités du territoire, a annoncé le porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. L’unanimité des Etats-membres est nécessaire pour l’adoption de telles mesures.

« Grave provocation » et « subversion »

Des personnalités prodémocratie ont déclaré que ces interpellations étaient liées aux primaires organisées en juillet 2020 par l’opposition avant les législatives qui étaient prévues en septembre.

Ces élections, au cours desquelles l’opposition entendait capitaliser sur la popularité de la mobilisation de 2019, ont été reportées d’un an par le gouvernement au prétexte de l’épidémie de Covid-19. Le but des primaires, auxquelles plus de 600 000 Hongkongais ont participé, était d’éviter un éparpillement des votes de l’opposition et de désigner les trente-cinq candidats qui brigueraient ceux des sièges du Conseil législatif (LegCo, le Parlement local) qui sont attribués au suffrage universel ; les autres le sont selon un système alambiqué qui garantit presque à coup sûr la majorité au bloc pro-Pékin.

L’opposition espérait rafler les trente-cinq sièges en question, et être ainsi pour la première fois majoritaire dans la législature. La Chine avait présenté ces primaires comme une « grave provocation » et affirmé que faire campagne pour prendre le contrôle du Parlement pouvait relever de la « subversion », au nom de la loi sur la sécurité nationale qui était entrée en vigueur le 30 juin 2020.

Arrestation en direct

Ng Kin-wai, un conseiller de district, a retransmis en direct sur Facebook l’arrivée de la police à son domicile. « Je vous arrête pour subversion », lui dit un policier. « Vous avez participé à une élection primaire (…) en 2020 pour élire trente-cinq personnes ou plus au Conseil législatif. » L’agent ajoute que cette primaire « visait à s’ingérer, perturber ou saper gravement » l’action de l’exécutif et relevait par conséquent de la qualification de subversion.

Robert Chung, membre d’un institut de sondage qui avait participé à l’organisation des primaires, a également été arrêté mercredi, selon son collègue Chung Kim-wah.

La loi sur la sécurité nationale a été imposée par Pékin, sans discussion au LegCo, pour répondre à la crise politique de 2019, quand Hongkong avait pendant des mois été le théâtre de manifestations quasi quotidiennes, et parfois violentes, contre les ingérences de la Chine.

Les critiques de cette loi la présentent comme le dernier clou sur le cercueil de la semi-autonomie hongkongaise, pourtant théoriquement garantie jusqu’en 2047 dans le cadre du principe « Un pays, deux systèmes » qui avait présidé à la rétrocession.

Rédigé de façon très floue, ce qui renforce selon ses détracteurs son caractère menaçant, le texte s’attaque à quatre types de crimes : la sécession, la subversion, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères. Il prévoit des peines de prison à perpétuité. Les autorités avaient initialement assuré que la loi ne viserait qu’une « extrême minorité ». Mais elle a très vite été invoquée pour étouffer la dissidence et criminaliser l’expression de certaines opinions politiques.