Logement social : Gérald Darmanin veut jeter les familles des émeutiers à la rue

Publié dans humanite.fr le 3/09/2023

Dans une lettre adressée aux préfets, le ministre de l’Intérieur demande une « fermeté systématique » à l’égard des personnes condamnées après les révoltes suivant la mort de Nahel. Des familles entières pourraient être expulsées de leur logement social.

Pour séduire l’extrême droite, Gérald Darmanin, autoproclamé défenseur des « classes populaires », préfère faire la guerre aux pauvres. Dans un courrier adressé aux préfets, le ministre de l’Intérieur préconise une « fermeté systématique » à l’égard des personnes condamnées à la suite des révoltes du début de l’été dans les quartiers populaires.

« Nous vous demandons de mobiliser tous les outils prévus par la loi pour expulser les délinquants des logements sociaux qu’ils occupent », écrit-il dans ce courrier cosigné par la secrétaire d’État chargée de la ville, Sabrina Agresti-Roubache.

Un bailleur « peut saisir », selon eux, « le juge civil pour que ce dernier prononce la résiliation du bail de l’habitation et l’expulsion de tout occupant pour rétablir la tranquillité des lieux ». Ce pour des actes de « délinquance grave à proximité de son lieu d’habitation », un motif que ne comprend pas la loi en vigueur.

Punition collective dirigée contre les pauvres

De telles mesures, si elles devaient se généraliser après un premier cas dans le Val-d’Oise à la fin août, relèveraient d’une véritable double peine. Elles seraient de surcroît dirigées contre des catégories populaires. Par ailleurs, en privant le titulaire d’un bail social de son logement, et en y expulsant « tout occupant », ce sont dans bien des familles entières qui se retrouveraient à la rue. L’équivalent de l’instauration d’une punition collective dirigée contre les pauvres.

Soulignons par ailleurs que ces procédures semblent moins expéditives chez les délinquants en col blanc. Les époux Balkany, par exemple, n’ont toujours pas été expulsés de leur moulin malgré leurs multiples condamnations.

Contrôles au faciès, interpellations violentes, menaces : À Perpignan, la sale besogne de la « milice municipale » de Louis Aliot

Article publié sur blast-info.fr

par Pierre Adrien

Dirigée par un ancien de la police nationale et poussée par un maire RN qui fait de la sécurité la clé de voûte de son mandat, la police municipale de Perpignan est sur tous les fronts. Omniprésente en ville, la « PM » multiplie les opérations coups de poing contre des commerces qu’elle fait fermer et contre les jeunes, tous soupçonnés d’être des dealers. Les vidéos que Blast s’est procuré témoignent d’interventions très musclées et de débordements inquiétants.

Il y a un nouveau shérif en ville. Avec son curriculum vitae, Philippe Rouch affiche des états de service qui en imposent. Jusqu’en 2020, ce commandant de police – 30 ans de police nationale en Ile-de-France – dirigeait le service judiciaire du quartier d’affaires de la Défense dans les Hauts-de-Seine, après avoir exercé à la BRB (la brigade de répression du banditisme) et été chef de groupe de sûreté départementale à Nanterre.

Le patron de « la municipale » Philippe Rouch (à droite) présente ses vœux aux agents en janvier 2021.
Image Ville de Perpignan

Depuis les municipales de 2020, Perpignan, préfecture des Pyrénées-Orientales de 120 000 habitants, vit à l’heure du Rassemblement national. Cadre du parti et « ancien compagnon de », candidat défait en novembre 2022 à la succession de Marine Le Pen, Louis Aliot tient « sa » ville d’une main de fer. Si le népotisme, les conflits d’intérêts et le clientélisme sont très vite apparus comme un mode de gestion de la municipalité actuelle, ainsi que Libération le racontait en novembre dernier, une autre arme est mise à contribution pour assoir ce nouveau pouvoir et ses lubies. Elle tient en deux lettres : PM, pour police municipale.

« C’est plutôt la milice municipale », sourit Ahmed, un habitant.

La promesse de « Loulou »

Pour y arriver, Louis Aliot a donc débauché un flic, un vrai. Sur le site de la ville, le patron de la municipale nommé directeur en octobre 2020 l’affirme : « L’objectif que nous nous sommes fixés est de remettre en place une police de proximité. Pour ce faire, nous ouvrons petit à petit des postes de police dans les quartiers. »

Comme Philippe Rouch, beaucoup d’anciens flics composent aujourd’hui les rangs de cette PM. « Plusieurs d’entre eux aussi étaient en poste en Ile-de-France depuis des années et attendaient une mutation dans le sud. Ils ont trouvé cette solution pour revenir chez eux, souligne une source syndicale. Ils connaissent le métier ».

La sécurité était une promesse phare du candidat Aliot – il en avait fait le pivot de sa campagne de 2020. Avec 192 agents composant sa police municipale, Perpignan est aujourd’hui la 8ème ville française en effectif, en valeur absolue. Si on rapporte ce chiffre au nombre d’habitants, l’ancienne cité des rois de Majorque grimpe même à la 2ème place de ce palmarès national, juste derrière Cannes (Alpes-Maritimes), qui a accessoirement un festival international à sécuriser.

A Perpignan, la police municipale est un enjeu politique que se disputent les maires qui se succèdent et se livrent à une course à l’échalote. A celui qui en fera le plus (image Ville de Perpignan)

Ces dernières années, le nombre d’agents de la PM n’a donc fait que croître. En 2013, selon les données du ministère de l’Intérieur, Perpignan comptait 104 agents municipaux qui y exerçaient. Puis 154 en 2019. Si l’actuel édile fait de ce virage sécuritaire le marqueur de son mandat, en réalité, son prédécesseur avait sérieusement engagé la tendance.

En 2020, Jean-Marc Pujol répondait (et se justifiait) en ces termes à la Cour des comptes, dans un rapport rendu après sa défaite (en octobre 2020) mais rédigé avant : « À Perpignan, pendant trop longtemps la ville a vu sa situation sécuritaire reculer en raison des trop faibles moyens donnés par l’Etat à sa police nationale ». Le prédécesseur LR d’Aliot relevait que « les moyens humains de la police municipale de Perpignan ont été doublés en 6 ans » alors que, depuis 2014, les effectifs globaux des agents de la ville n’ont cessé de baisser sur la même période – ils sont passés de 2 473 en 2014 à 2 251 en 2021.

Cette obsession pour la présence « de bleu » dans les rues de la ville avait d’ailleurs été éreintée à l’époque par les adversaires politiques de Pujol. En 2018, L’Indépendant publiait un article au titre explicite – « les policiers municipaux en font-ils trop ? » -, dans lequel le quotidien relatait que l’opposition s’offusquait presque de cette omniprésence à l’occasion des manifestations de gilets jaunes, sur lesquelles les agents de la PM étaient engagés en tenue de maintien de l’ordre. Le FN perpignanais y voyait alors « un mauvais signal [envoyé] aux services de l’Etat tentés de se désengager de ses missions ». Comme quoi…

La main du commissaire politique

Depuis, Louis Aliot s’est installé. Le maire Rassemblement national (RN) ne manque jamais une occasion de communiquer dans la presse locale sur les actions de sa municipale, qu’il s’agisse de l’ouverture d’un nouveau poste de police ou de recrutements. Lors de ses vœux 2023, l’ex-député de la 2ème circonscription des Pyrénées-Orientales a tenu à réaffirmer que « la sécurité est une priorité », « quitte à sortir parfois des seules compétences du maire d’une ville de 120 000 habitants ». Une précision qui dessine ce qui se joue aujourd’hui à Perpignan.

A l’occasion du débat d’orientation budgétaire pour 2023, l’équipe municipale a eu l’occasion de clarifier ses ambitions. Elle prévoit de « poursuivre, avec la collaboration de la police nationale et grâce aux renforts ponctuels accordés par le ministère de l’Intérieur, la lutte contre tous les trafics au sein d’espaces repérés dans différents quartiers, plus particulièrement en matière de stupéfiants ».

Tout un symbole, sa première sortie comme maire, Louis Aliot l’avait faite en juillet 2020 aux Oiseaux, une cité sensible touchée par les trafics de drogue, pour annoncer son objectif : « éradiquer la voyoucratie de nos quartiers ». L’une de ses premières décisions avait été de créer une brigade de nuit, avec pour but ultime que la PM soit sur le pont 7/7 jours, 24/24 heures. Signe de l’enjeu, le 1er magistrat de la ville a conservé la délégation à la sécurité.

Un… office municipal antistup 

Sur le terrain, concrètement, la PM fait feu de tout bois. Sur l’exercice 2022, elle a effectué 42 967 interventions – 38 % de plus qu’en 2021, pour une moyenne de 117 interventions par jour. Dans le lot, se conformant aux injonctions de l’hôtel de ville, la police d’Aliot a réalisé des saisies de stupéfiants : 17 kg de résine de cannabis, 3 kg d’herbe et 720 grammes de cocaïne, précisément. A croire que la mairie de Perpignan est devenue une dépendance de la place Beauvau – ou plus exactement le siège d’un ministère de l’Intérieur, celui d’un territoire autonome gérant directement une problématique pleinement régalienne.

Par ailleurs, autre évolution notable, l’augmentation des « mises à disposition de la police nationale » a elle aussi suivi : 1 376 personnes interpellées par les services de la PM ont été confiées au commissariat local.

Shit, cigarettes, argent liquide… Comme un véritable office national, la PM de Perpignan exhibe sur Internet les saisies réalisées par le « Groupe opérationnel de soutien tactique » (Gost), qui possède son propre insigne – une tête de mort.
Image compte Facebook police de Perpignan

S’il sème la confusion, cet activisme colle parfaitement aux desideratas du désormais 1er vice-président du RN et à sa volonté de « sortir parfois des seules compétences du maire », comme exprimée le 19 janvier dernier. Or il faut le rappeler, la PM de Perpignan ne dispose pas d’officiers de police judiciaire (OPJ), comme c’est partout le cas en France. Ses agents ne peuvent par conséquent ni mener d’enquête ni gérer des gardes à vue, prérogatives réservées en République française aux seuls fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie.

Ils occupent le terrain

« La problématique, c’est que nous avons un afflux de mis en cause qui impacte le service, constate de son côté Franck Rovira, secrétaire départemental du syndicat de droite Alliance pour la police nationale dans les Pyrénées-Orientales. Vu le manque d’OPJ, nous sommes vite engloutis ». Visiblement, le responsable d’Alliance s’en contente fort bien : « Ils occupent le terrain, et ça c’est bien », acquiesce-t-il, soulignant la complémentarité entre les deux polices.

Pourtant, cette volonté de grignoter toujours plus sur les missions relevant de l’Etat n’est pas sans poser des difficultés au sein même des rangs de la municipale. Le revers de la médaille ? La pression mise sur les agents et les promesses salariales (sur des primes de nuit) non tenues. Une situation qui les a poussés à débrayer en janvier 2022. Interrogé par France 3, Louis Aliot avait répondu que ces agents « auraient aimé avoir 300 euros de prime mais [que] les finances de la mairie, au moment où l’Etat nous contraint, ne sont pas extensibles ». Réalisme oblige, avait complété l’élu, « donc, il faut faire des choix. Cette brigade a été créée sur la base du volontariat, au moment où ils ont dit oui, ils connaissaient les conditions ». Marché à prendre ou à laisser : selon Omar Belguellaoui, secrétaire général CFDT-UD País Català, certains policiers municipaux, déçus, auraient depuis claqué la porte.

Des vidéos choquantes

Sur le terrain, l’omniprésence de la PM à Perpignan est assimilée par les jeunes à du harcèlement en bonne et due forme. Alors, énième version catalane de l’opposition aussi éternelle que caricaturale entre une jeunesse aspirant à toutes les libertés et des policiers qui représentent l’ordre ? Plaintes habituelles de voyous en réalité dérangés dans leurs trafics et exactions ? Ou plutôt des débordements caractérisés de certains agents en roue libre, décomplexés par les priorités à tout crin de la municipalité RN en place ?

La question, grave, est posée. En effet, Blast a été destinataire de plusieurs vidéos au contenu troublant.

Sur ces images que nous rendons publiques, on assiste à des scènes choquantes. Sur lesquelles on voit et entend des policiers municipaux dont les agissements apparaissent répréhensibles et peu compatibles avec le respect des libertés publiques d’un Etat de droit : usage intempestif des gazeuses, balayettes sur des jeunes et interpellations violentes, et même menaces de mort…

La première de ces vidéos que nous dévoilons met en scène deux agents de la municipale qui viennent d’interpeller un jeune homme dans la rue. Elle est tournée sur un téléphone portable depuis un appartement, d’un immeuble qui surplombe la rue. L’un des deux municipaux coince le jeune homme sur un parking, à un endroit où il ne peut plus bouger, entre un mur et une grille. Il ne donne pas d’ailleurs l’impression de vouloir s’enfuir et ne semble représenter aucune menace apparente. Pourtant, le second agent rejoint son collègue et lâche son chien, qui se jette à deux reprises sur le jeune homme… A aucun moment, le policier ne tente de lui tenir la bride et de le retenir – il ne fera qu’après ces deux premiers assauts.

Une scène d’interpellation par la police municipale à Perpignan.
Document Blast

Sur une seconde vidéo, on retrouve à nouveau deux agents de la PM face à un jeune homme interpellé, toujours à Perpignan. L’intervention là aussi est violente, avec des coups portés par les policiers, avant qu’ils ne tournent le dos. Des actes qui semblent gratuits puisqu’on ne perçoit, cette fois encore, à aucun moment sur ces images un danger pour les agents.

Coups de pied et gazage, deux agents sont passés par là…
Document Blast

La troisième vidéo que Blast produit témoigne d’un climat effarant, avec toujours les mêmes scènes dans les rues de Perpignan : des hommes, qui portent un uniforme bleu, celui de la police municipale, frappent et cognent en pleine ville, au vu et au su de tous. On est cette fois dans une petite rue où passent des voitures.

A Perpignan, tous les coups sont permis sous la municipalité Aliot…
Document Blast

Mais il y a pire que ces saisissantes démonstrations de testostérone et ce déferlement de violence. Sur une autre de ces séquences que nous produisons, la scène est filmée derrière un volet, depuis un balcon à l’étage, dans un quartier de la ville. Elle dure 45 secondes. Un agent de la police municipale cherche à savoir où un jeune homme, qui vient d’être interpellé, a dissimulé de la drogue. On a du mal à en croire nos oreilles.

« Dans un ruisseau avec une balle dans la tête« 

Devant le mutisme du gamin, le policier de la PM lui met un marché en mains : « Le grand chef on le connaît, on va dire que tu es une balance et demain on te retrouve dans un ruisseau avec une balle dans la tête »…

Le même surenchérit : « Le boss, quand on va lui dire que tu es une balance, il va te mettre une balle là et une balle là. Tu préfères l’avoir là ou là ? »

Sur cette vidéo, deux hommes de la police municipale s’adressent à un jeune qu’ils viennent d’interpeller. « Moi je lui dis que tu vends de la drogue et que t’es nul. On dit ça aux gros, demain tu as une balle dans la tête, tu vois ce que je veux dire ! »…
Document Blast

D’après nos informations, aucune plainte en relation avec cette scène particulièrement choquante n’a été déposée à ce jour. Ces images, si elles ont bien été captées à Perpignan, ne sont pas datées. Ce qui l’est en revanche c’est le reportage complaisant que la chaîne RMC Story a consacré à la police municipale de Perpignan.

Le groupe BFM/RMC a mis le paquet pour promouvoir la politique sécuritaire de Louis Aliot. « Sous le soleil du sud de la France, les délinquants ne prennent pas de vacances », annonçait Rachid M’Barki pour présenter « 100 jours avec la police municipale de Perpignan ». Parole d’expert.
Image RMC Story

À RMC on sait informer, la preuve avec ce résumé d’une enquête magistrale au soleil : les « professionnels » de la PM de Perpignan sont plein « d’empathie », ils ramassent même les poubelles ! Rien en revanche sur la sale besogne et l’étiquette politique de la municipalité… L’audimat, c’est un métier.
Image RMC

Diffusé en juillet 2022, ce « documentaire de société » documente les habitudes de ses agents. En particulier lorsque la voix off glisse ce commentaire : « Les policiers savent très bien qui contrôler ». A l’image, on voit ainsi deux agents à VTT coincer un jeune capuche sur la tête… qui n’a pas de drogue sur lui. Ce type d’intervention porte un nom : le contrôle au faciès. Et lorsqu’ils interrompent une distribution de nourriture organisée dans un quartier par l’influenceur NasDas, un policier de la municipale lâche, face caméra, cette remarque : « Ce n’est pas une population qui nous aime ».

Un extrait de « 100 jours avec la police municipale de Perpignan », quand des policiers municipaux se lâchent devant une caméra : un grand moment de sécurité et d’éthique journalistique…
Images RMC Story

Ce quartier, c’est Saint-Jacques. Ici, chacun a une histoire à raconter sur la police municipale. Rassemblés comme tous les jours devant le Casa café, centre névralgique de cette partie déshéritée de Perpignan où le taux de pauvreté est l’un des plus forts de France, une poignée de jeunes livre les mêmes expériences. « Ils viennent et ils nous tapent », dit l’un d’eux ; « Je dormais et ils sont venus, ils m’ont réveillé et m’ont volé 400 euros », affirme son voisin ; « Ils m’ont pris 500 euros à moi », surenchérit un autre. Invérifiable. De toute façon, « la plupart de ceux qui se font agresser n’ont pas de papier, ils savent qu’on ne va pas aller déposer plainte », décrypte l’un d’entre eux.

« Ça peut être très violent« 

Ces jeunes parlent aussi de l’usage des bombes lacrymogènes : « On était là en terrasse, montre l’un d’eux, ils sont arrivés et ils ont gazé tout le monde, sans raison » – celui qui s’exprime a été contrôlé plein de fois.

Scène de gazage en plein visage, sans précaution.
Document Blast

Il y a aussi les coups de pression et des coups réels, si bien que la distinction est désormais bien établie entre policiers nationaux et municipaux : « Même avec la BAC (la brigade anti-criminalité de la police nationale, ndlr), ça va. Les gendarmes (les gendarmes mobiles sont régulièrement en renfort, proximité avec l’Espagne oblige, ndlr) aussi quand ils nous contrôlent, ils nous parlent bien. S’il n’y a pas d’infraction, ils nous laissent. Les municipaux, eux, c’est des cowboys ».

Des interventions particulièrement musclées… Protégé par ses collègues, un agent plaque violemment un individu au sol. Un témoin filme la scène sans que ça ne perturbe les agents, également devant la caméra d’une sorte de JRI embedded qui ne manque pas une miette du spectacle.
Document Blast

Un commerçant du quartier, soucieux de son anonymat et de sa tranquillité, confie son inquiétude : « Pour l’instant, il n’y a pas eu trop de gros problème mais on a tous peur qu’il y ait un mort, lâche-t-il à Blast. Ça peut être très violent quand ils interviennent ».

Dérapages « appuyés »

Il y a deux ans, un événement avait profondément choqué les habitants du quartier de Saint-Jacques. Le 12 septembre 2021, ils s’étaient mobilisés en organisant une manifestation. Quelques jours plus tôt, les hommes de la PM avaient embarqué un gamin de la communauté gitane. Le môme, le petit David, 8 ans, jouait sur la voie publique avec… un pistolet à billes. Interrogé sur ces faits par L’Indépendant, Philippe Rouch était resté droit dans ses bottes, assumant les actions de ses hommes : « Nous sommes juste plus présents qu’auparavant, s’était-il félicité. Ces gens sont manipulés par des personnes que l’on dérange, avec des incitations à l’émeute. On est serein. Tout est filmé et nous avons des enregistrements audio que nous remettrons à la justice. Certains essayent de liguer les habitants contre nous, mais nous faisons notre travail et on va continuer à appuyer. »

Une descente made in Perpignan… Des agents fondent sur un groupe de gamins au pied d’un immeuble. L’un est brutalement plaqué au sol, les autres sont gazés au visage, en pleine poire. Avant que le premier soit emporté à l’abri des regards et des témoins.
Document Blast

Aucune plainte n’avait été déposée. L’affaire n’a pas connu de suite judiciaire. Autant appuyer, donc.

Un autre habitant raconte lui une histoire de policiers municipaux qui se seraient invités en octobre 2022en pleine nuit chez un de ses amis parce qu’ils n’avaient pas pu l’interpeller après un tapage qu’ils lui reprochaient. « Ils sont revenus vers 1 heure mais ne se sont pas présentés en tant que policiers », rembobine-t-il. Lorsqu’il regarde dehors au moment des faits, il constate que deux camions de la PM sont garés. « On a appelé le 17. Quand ils ont entendu qu’on appelait la police, ils sont ressortis dans la rue pour nous demander si on avait besoin d’aide comme si ce n’était pas l’équipe qui essayait de rentrer dans le logement ». Et de préciser : « C’est la même équipe qui commet ce genre de faits, pas toute la police municipale. Ils sont quatre ou cinq, très agressifs. Ils n’aiment pas qu’on leur réponde ».

Des policiers omnipotents

Il suffit d’arpenter les rues de Perpignan pour se rendre compte de la puissance de la police municipale. Difficile de louper ses bureaux, la PM s’affiche en grandes lettres avec liseré bleu blanc rouge en façade. Des postes comme ça, il y en a désormais six en ville. Avenue du Général De Gaulle, dans d’anciens locaux de la région Occitanie, mais aussi dans des endroits plus originaux comme Le Palmarium, un petit bijou art déco ou, à deux pas du quartier Saint-Jacques, dans l’ancien hôtel La Cigale – où le conseil départemental dirigé par la gauche projetait de créer un centre d’accueil pour migrants. Les deux collectivités s’écharpent notamment devant les tribunaux, autour de l’acte de propriété de ce lieu acheté par le département mais préempté par la mairie. En novembre 2022, Louis Aliot annonçait l’arrivée prochaine de quatorze agents dans les murs. En janvier, si l’enseigne PM était bien en place, il n’y avait pas encore de fonctionnaires ni de mobilier.

Le poste de police municipale du quartier de la gare inauguré en 2021 par le maire Louis Aliot.
Image Blast

Les commerces aussi sont ciblés. En septembre 2022, par délégation des pouvoirs du préfet, les municipaux ont obtenu le droit de fermer administrativement des établissements de restauration ou des épiceries qui créeraient des troubles à l’ordre public. Ce travail de contrôle exercé jusqu’alors avec les services de l’Etat s’est matérialisé par 161 contrôles en 2022. Depuis septembre dernier, 7 fermetures ont été prononcées en trois mois seulement, contre des « établissements, réellement générateurs de nuisances » selon la mairie, avec des « infractions quant à la vente de produits prohibés ».

Parmi ces commerçants sanctionnés, Ilies (*) avait monté un an plus tôt son entreprise de restauration rapide. Il dénonce des contrôles quasi quotidiens, « tous les soirs ». « Ils outrepassent leurs droits, ils font des sous-entendus. On voit que sont visés les établissements tenus par des Magrébins. Il y avait un petit café voisin de mon établissement qui n’a jamais eu un contrôle. Moi, ils m’ont ciblé parce qu’il y avait du monde, des jeunes devant. Une fois, ils m’ont mis 300 euros pour un mégot jeté dans la rue. Le peu d’argent que je gagnais, on me le prenait en amendes : j’en ai eu 80 en 90 jours ! Avant on mangeait (sic) un ou deux contrôles à l’année. Ils veulent faire le travail de tout le monde, de la douane, de l’Urssaf, de l’hygiène ». Tellement d’amendes qu’Ilies a dû déposer un dossier de surendettement.

Preuves à l’appui, le jeune chef d’entreprise égrène les griefs. « J’ai eu 10 jours pour présenter tous les papiers. Je les avais tous mais on m’a fermé quand même ». Et de solder la morale de cette histoire : « Je n’avais plus les moyens pour faire appel devant le tribunal administratif de Montpellier ».

Le maire de Perpignan et sa police prennent à cœur leur « mission ». Le témoignage dévoilé dans cette vidéo éclaire ce qui paraît relever d’une méthode.
Document Blast

Aliot le rayonnant en… position de cancre

A Perpignan, le Rassemblement national a donc accentué un virage sécuritaire que Les Républicains avaient déjà pris avant son arrivée aux affaires. Pour quel résultat ? Dans un classement de novembre 2022 consacré aux villes « les plus sûres » de France, le quotidien Le Parisien pointait Perpignan « la rayonnante » en queue de peloton : la 8ème ville de France en effectif et la 2ème au regard de sa population hérite de la… 261ème place de ce palmarès (sur 273 villes de plus de 20 000 habitants). Une gifle retentissante et un constat désastreux pour la police de substitution instaurée par Louis Aliot.

A la tête de la plus grande ville de France dirigée par le RN, Louis Aliot (à gauche) veut ériger sa gestion de Perpignan comme un modèle pour les prochaines conquêtes, qu’il espère à l’échelle nationale, de la formation d’extrême-droite.
Image Ville de Perpignan

Contactés au sujet des débordements relevés au cours de notre enquête, les services du Défenseur des droits indiquent à Blast n’avoir été saisis pour l’heure d’aucune réclamation liée à l’activité de la police municipale de Perpignan. De façon plus globale, si la police nationale ou la gendarmerie doivent rendre des comptes aux inspections générales (les « bœufs carotte », dans le jargon), les polices municipales elles sont assez peu contrôlées – selon une règle non-écrite que l’on retrouve à chaque fois qu’une mission publique est déléguée par l’Etat.

Certaines directions départementales de la sécurité publique disposent d’une « cellule déontologie » en charge de ces affaires considérées comme « réservées ». Dans le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2020 sur les polices municipales, il est précisé « [qu’]à la demande du maire, du préfet ou du procureur concerné » « le ministre de l’Intérieur peut décider de la vérification de l’organisation et du fonctionnement d’un service de police municipale ». Le contrôle est alors réalisé par « l’inspection générale de l’État ». Rien de tel pour le moment à Perpignan. La ville, malgré les relances de Blast, n’a pas répondu à nos questions.

(*) Le prénom a été modifié.

Iran: Caméras à reconnaissance faciale contre les femmes qui refusent de porter le voile

En Iran, la police accentue les sanctions contre les femmes qui ne portent pas le voile

Publié sur elle.fr

Samedi 15 avril, la police iranienne a annoncé des mesures plus strictes pour contrôler le port du voile imposé dans le pays. Les autorités utilisent désormais des caméras de surveillance, ainsi que la reconnaissance faciale pour sanctionner les femmes qui ne respectent pas le port du hijab.

La technologie traque désormais les femmes. En Iran, la police a commencé à appliquer des mesures permettant d’identifier et de sanctionner les femmes qui refuse le port du hijab. Depuis samedi 15 avril, les autorités se servent même d’un système de reconnaissance faciale installé sur des caméras de surveillance pour faciliter leur chasse. Dans un communiqué publié le samedi, la police assure avoir prévu des « actions soigneusement planifiées » sur les voies publiques, les véhicules et « les sites où le hijab est parfois enlevé ».

En Iran, le port du voile est obligatoire depuis la Révolution islamique de 1979. Depuis la mort en détention de Mahsa Amini, arrêtée le 13 septembre 2022 pour « tenue indécente », de nombreuses Iraniennes défient le code vestimentaire obligatoire, notamment à Téhéran. Mais les autorités n’en démordent pas : « Selon les lois en vigueur, le fait d’enlever le hijab est considéré comme un crime. » Hassan Mofakhami, le chef de la sécurité de la police a affirmé que les « femmes qui enfreignent la loi sont responsables de leurs actes et doivent être tenues pour responsables de leur comportement ». 

Les contrôles seront également opérés dans les véhicules, à l’aide d’un système de reconnaissance facial. « Les femmes qui enlèveront leur voile seront identifiées à l’aide d’équipements intelligents. Elles recevront d’abord un avertissement par SMS et seront ensuite présentées aux tribunaux. Si une passagère d’une voiture enfreint la règle, son propriétaire recevra un message de mise en garde et pourra voir son véhicule saisi » a déclaré le chef de la police, Ahmad-Reza Radan. Elles encourent des amendes, mais aussi des peines de prison allant de dix jours à deux mois.

150 ÉTABLISSEMENTS FERMÉS

Les restaurants et les entreprises qui autorisent leurs employées à travailler sans voile sont également dans le viseur des autorités. « Malheureusement, les policiers ont dû mettre sous scellés 137 magasins et 18 restaurants et salles de réception dans le pays pour ne pas avoir prêté attention aux avertissements précédents » liés à l’obligation du voile, a indiqué le porte-parole de la police, Saïd Montazerolmahdi, cité par l’agence Tasnim. Ces derniers sont accusés de n’avoir pas « prêté attention aux avertissements précédents ».

Fin mars, Gholamhossein Mohseni Ejei, chef du pouvoir judiciaire, avait déjà averti que toutes les Iraniennes qui enlèveraient leur voile seraient « punies ». Le correspondant iranien de « France 24 », Siavosh Ghazi, indique même qu’un texte législatif proposant des mesures plus fermes à l’encontre des femmes qui se découvrent les cheveux, est en préparation. Ce dernier prévoit de leur interdire la sortie du territoire, mais aussi l’accès à certains services.

Sabrine Mimouni