Pour la liberté – François SUREAU

Pour la Liberté, répondre au terrorisme sans perdre raison

François Sureau (Tallandier)

Plaidoyer pour la liberté : interview de François Sureau sur France Culture

Le 31 août 2017 la Grande Table deuxième partie

Notre système de droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes mais pour tous les temps. Nous dispo­sons depuis longtemps d’un système pénal qui permet de punir très lourde­ment les auteurs d’attentats abjects. Mais jusqu’à aujourd’hui l’autorité judiciaire était la gardienne des liber­tés publiques.

L’état d’urgence et la loi de sécuri­té intérieure et de lutte contre le terro­risme qui va bientôt être promulguée pour le rem­placer, sans rien apporter à la lutte contre le terro­risme vont à l’encontre de ce principe en offrant une gamme inquiétante de possibilités à l’imagina­tion administrative, sans contrôle à priori du juge judiciaire.

Le 13 février 2017 les parlemen­taires ont rétabli le délit de consulta­tion de sites djiha­distes que le conseil constitutionnel avait déclaré non constitutionnel. On ne peut pas être jugé pour un délit qui consiste à s’in­former. On pourra bien sur plaider sa bonne foi, mais on su­bodore que cela sera plus facile à plaider si l’on s’ap­pelle Sureau que si on s’appelle Mou­loud. Ce n’est pas en ôtant du cerveau du citoyen le trouble de pen­ser que l’on peut espérer triompher de tous ceux qui précisément veulent qu’on ne pense pas. Or, si vous avez autorisé une fois l’état à vous dire ce que vous devez lire, c’est fini. C’est un point de dégradation civique ja­mais atteint. C’est la fin de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La rédaction d’autres ar­ticles de la loi en préparation parlent d’atteinte à l’ordre pu­blic sans plus de précision, de préparer la commission de l’infraction jointe à l’intention de passer à l’acte… Depuis mille ans il n’y a jamais eu de condamnation sur des inten­tions : avant tout acte criminel, il n’y avait rien. Derrière le vague des faits déclencheurs, l’impré­cision des critères l’impossibil­ité des contrôles effectifs c’est toute une so­ciété qui bascule sous la coupe de corps d’état qui avaient pour but de lui procurer la sé­curité et qui loin de lui servir se la su­bordonnent.

Article paru dans la Lettre Mosellane N°75