Guerre à la drogue : amende forfaitaire délictuelle

Un délit est le non-respect d’une loi qui expose son auteur à une peine d’emprisonnement. Les délits sont jugés par le tribunal correctionnel.

Le gouvernement, lors de la dernière réforme de la justice, a estimé que la procédure devait être plus expéditive pour les usagers de drogue. Il s’agit toujours d’un délit, mais ce n’est plus le juge qui en décide, mais la police. Ceci  pose un problème de droit et, de façon annexe mais toute aussi importante, un problème de santé publique

Un enjeu juridique :

L’usage de drogue est un délit, susceptible de conduire son auteur en prison. Un délit est inscrit au casier judiciaire.  Avec l’amende délictuelle forfaitaire, ce sont les forces de l’ordre qui choisissent de condamner ou non l’usager de drogue. Les interpellations sont très inégalitaires. Les discriminations peuvent être importantes.

Avec l’amende forfaitaire délictuelle, on transfère un pouvoir de la justice au ministère de l’intérieur. C’est rogner encore un peu le pouvoir judiciaire.

Un enjeu de santé publique

L’amende forfaitaire ne concerne pas toutes les drogues. Les drogues visées sont l’héroïne, la cocaïne, le cannabis, l’ecstasy. Cette liste n’est pas en adéquation avec la dangerosité des divers produits stupéfiants : dangerosité pour la personne elle-même ou pour les autres (cf graphique ci-dessous).

Nocivité et niveaux de danger pour soi et pour les autres

Elle s’inscrit dans le cadre de la loi de 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses dont l’objectif est «un monde sans drogues » : un objectif de guerre à la drogue.

Pendant la crise sanitaire le gouvernement s’est appuyé sur la haute autorité de santé, il ne l’a pas fait dans le cadre de sa politique de lutte contre les drogues.

Quel bilan politique

La politique de guerre à la drogue est un échec. La France est le premier pays consommateur de cannabis et le troisième consommateur de cocaïne d’Europe.

Les politiques de prohibitions entraînent trafic et violences. La prohibition de l’alcool aux Etats Unis a permis Al Capone. La prohibition entraine une inflation répressive .  La politique de prohibition ne fonctionne pas ? on renforce la politique de prohibition.

Cette guerre à la drogue mobilise les forces de l’ordre de façon importante. Le rapport sénatorial Belorgey estimait de l’ordre de 25% le temps passé par les forces de l’ordre à la guerre à la drogue.

La France fait partie des pays les plus répressifs d’Europe vis-à-vis des usagers de cannabis.

Dans son avis « USAGE DES DROGUES et DROITS de L’HOMME » la CNCDH émettait des recommandations, dont celle-ci :

Recommandation n°30 : la CNCDH recommande la décriminalisation du seul usage des produits cannabiques, dont la spécificité est pointée par de nombreux rapports et études. Pour les autres produits stupéfiants, la CNCDH recommande la transformation du délit d’usage en contravention de cinquième classe. En complément, elle recommande de modifier le code pénal, en insérant un article 131-15-2 prévoyant que pour toute contravention de la cinquième classe sanctionnant l’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants (hors cannabis), la juridiction peut prononcer, à la place de la peine d’amende, l’orientation vers une structure sanitaire ou sociale, l’obligation de suivre une formation sur les dangers de l’usage de stupéfiants, ou une injonction thérapeutique.

En choisissant la pénalisation forfaitaire, on passe à coté de la prise en charge sanitaire. Cette modification législative ne s’inscrit pas dans une réflexion politique plus vaste prenant en compte la prévention. Actuellement, 77% du budget de lutte contre les drogues est consacré à la répression et 22% à la prévention.

Des choix lourds de conséquences.

Sources :