Nous sommes profondément attachés à l’existence d’une police au service de tous.
Une police au service de tous nécessite de renforcer les liens de confiance dans les rapports entre les policiers et les citoyens.
« La police, elle doit être là pour nous défendre, et là, ce n’est pas ce qu’on voit ».
Quelles sont aujourd’hui les politiques suivies et le rôle assigné aux forces de l’ordre par le pouvoir politique ?
La surveillance et le contrôle des populations
Trois décrets pris début décembre permettent d’enregistrer dans les fichiers de police les opinions politiques, les convictions religieuses, des données relatives à la santé, et tant pis pour le secret médical qu’on rogne encore un peu…
Surveillance et contrôle, c’est aussi le sens du livre blanc de la sécurité intérieure : adoption d’une approche multi biométrique, développement des biométries à distance (visage, voix, démarche, odeur) ; constitution de bases de données biométriques d’apprentissage pour servir au développement des systèmes d’Intelligence Artificielle (entendre reconnaissance faciale) pour les services de police (judiciaire, sécurité publique) et les partenaires du continuum.
Le continuum, c’est la police nationale, les polices municipales, les sociétés privées de sécurité. Le problème étant qu’on attribue des compétences de police judiciaire à tout le monde. La Police nationale est effectivement sous contrôle judiciaire. La police municipale est sous contrôle du maire et de sa politique. Quant aux sociétés de sécurité, elles travaillent pour des clients. Et tous ces agents auraient accès aux fichiers, base de données.. ?
Le contrôle par la sanction : surveiller et punir
La récente réforme de la justice prévoit l’application de peines forfaitaires. Le ministère de l’intérieur a beaucoup communiqué sur le nombre de verbalisation avec des amendes forfaitaires concernant les consommateurs de cannabis. Une façon expéditive d’attribuer une condamnation délictuelle sans passer par la case justice. Le projet de loi sécurité globale inscrit policiers municipaux et agents de sécurité privés dans le continuum de la sanction forfaitaire (peine qui peut être inscrite au casier judiciaire).
La politique, c’est aussi ce que disent les personnels politiques quand ils parlent des citoyens : La racaille de Sarkozy, les « Sauvageons » de Chevènement qui ne sont pas loin de l’ensauvagement de Darmanin …La aussi, un continuum. A partir de telles assertions, d’une telle «essentialisation des quartiers », la police ne peut pas être indemne, ni les habitants qui se sentent visés par de tels discours. Dès lors, les rapports tendus entre police et population ne sont pas étonnants.
La parole sur l’action de la police est, elle aussi, politique : il n’y a pas de violences policières, le racisme dans la police ce n’est pas un problème de la police mais de quelques individus. Ces paroles ne concernent pas que la communication externe du gouvernement. C’est aussi de la communication interne à destination des forces de l’ordre, un « on n’a rien vu » délétère.
Cédric CHOUVIAT, Michel ZECLER, Zineb REDOUANE… disent le contraire. Quand un policier tue un homme qui ne mettait pas sa vie ni celle des autres en danger immédiat, il affaiblit la police.
En mai 1968, Maurice GRIMAUD, Préfet de police, écrivait aux forces de l’ordre : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est comme se frapper soi-même ». Une phrase que l’on imagine mal dans la bouche du Préfet Lallement.
Aujourd’hui, les opérations de maintien de l’ordre ne sont plus considérées ni d’un côté ni de l’autre comme destinées à la protection des manifestants et à la chasse des seuls perturbateurs, mais comme la réaction d’un État aux abois cherchant à réduire un adversaire politique. La police (ou la gendarmerie) devient le bras armé de l’État. Cela n’est pas sans évoquer le ressenti des populations des « zones sensibles » qui s’en prennent à tout ce qui évoque la seule idée d’État.[1]
Alors, quelle police ?
L’article 12 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose la nécessité de la police– « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique » – et les premières limites –« cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
La police n’est pas un pouvoir. Elle est un service public dont la mission est précise, limitée et doit être contrôlée.
Nous déplorons le fossé qui s’est établi entre la police et la population. Rétablir la confiance indispensable entre police et population nécessite de s’interroger sur les politiques suivies et le rôle assigné aux forces de l’ordre par le pouvoir politique.
La défiance du pouvoir envers les citoyens a généré une défiance réciproque. Les réponses sécuritaires ne contribuent pas à apaiser les tensions, au contraire.
Pour rétablir la confiance le livre blanc de la sécurité intérieure préconise de mieux communiquer. Une mesure dérisoire.
« La police, elle doit être là pour nous défendre, et là, ce n’est pas ce qu’on voit ». La police doit agir de façon à être perçue comme un service au bénéfice de tous. C’est une urgence et les fonctionnaires de police y gagneront en considération.
Conscients des contraintes de la profession, nous appelons à sortir des réflexes purement corporatistes et à ouvrir un dialogue sur les objectifs, les moyens et les méthodes des forces de l’ordre.
L’institution judiciaire, tout aussi malmenée, a toute sa place dans ce dialogue nécessaire pour retisser des liens de confiance entre police et population.
Bernard LECLERC
[1] Anthony-Caille/Secrétaire Général de la CGT Police :police-une-restructuration-complète-s-impose
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