La rançon d’Haïti

Le 10 mai, nous célèbrons l’abolition de l’esclavage.

L’occasion d’éclairer une partie de notre histoire commune avec Haïti-Saint Domingue.

Saint Domingue en 1791 est une colonie française, dont 90% des habitants sont esclaves, et parmi ceux-ci, une majorité sont nés en Afrique, déportés par la traite. Depuis 1789, la promesse d’égalité contenue dans la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen a fait son chemin. Les esclaves se révoltent. Le 29 aout 1793 Toussaint LOUVERTURE déclare « Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint Domingue ». L’esclavage est aboli localement à Saint Domingue.

Le 4 février 1794, «La Convention nationale déclare aboli l’esclavage dans toutes les colonies ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution.».

En 1801, Napoléon décide d’une expédition vers Saint Domingue et l’esclavage est rétabli le 20 mai 1802. Toussaint LOUVERTURE est fait prisonnier et déporté. La résistance des anciens esclaves et libres de couleur, unifiée au sein de l’Armée Indigène, triomphe avec une victoire décisive en novembre 1803. Les troupes françaises capitulent et évacuent Saint-Domingue.

En 1825, le 17 avril, Charles X, roi de France concède par ordonnance, aux habitants de la partie française de Saint-Domingue, l’indépendance pleine et entière. Cette partie Française prendra le nom d’Haïti. Mais il y a une condition : il faut dédommager les propriétaires d’esclaves. Le dédommagement demandé est de 150 millions de Francs Or. « cette somme représente environ 2% du revenu national français de l’époque, soit l’équivalent de plus de 40 milliards d’euros aujourd’hui si l’on considère une même proportion du revenu national de 2018 »1.

La jeune république Haïtienne n’a pas les moyens de payer. Elle doit emprunter. « Les créditeurs français sont parvenus à extraire du pays l’équivalent de 5% du revenu national Haïtien, par an , en moyenne ».2

Cette dette, avec les intérêts a maintenu « Haïti dans une position de dépendance et freiné son développement, transformant la brutalité de la colonisation et du système esclavagiste en une dépendance prolongée à l’égard de son ancienne métropole »

Le 17 avril, c’est le 20ème anniversaire de la « rançon d’Haïti ».

A cette occasion nous demandons au Président de la République de demander pardon au peuple haïtien au nom de la France pour plus de cent ans de colonisation, de traite et d’esclavage, et pour l’injustice redoublée qu’a été ensuite pour lui l’imposition de cette « double dette » qu’il a intégralement remboursée, à force de sacrifices.

Il doit aussi engager la France à agir en faveur d’Haïti dans un esprit de réparation, d’abord pour aider le pays à sortir de la crise actuelle, et ensuite pour l’accompagner sur le chemin de sa reconstruction.

Voir la lettre commune adressée en ce sens au Président de la République

Le 17 avril, le Président Macron a reconnu le poids injuste pour Haïti de cette dette imposée par la France en 1825. Il a institué une commission mixte institué mixte franco-haïtienne ayant pour mission d’explorer deux siècles d’histoire, y compris l’impact de l’indemnité de 1825 sur Haïti. A suivre….

Bernard Leclerc

Cet article est paru d’abord dans le numéro 103 de la lettre mosellane des droits de l’homme

1 Thomas PIKETTI Capital et idéologie Seuil p 263

2 La double dette d’Haïti (1825-2025) Note de la fondation pour la mémoire de l’esclavage


 

LUTTE CONTRE LA TORTURE

Pourquoi un Forum de lutte contre la torture?

Parce que la torture est toujours d’actualité. Nous accueillons dans nos permanences des demandeurs d’asile. L’actualité mondiale ne manque pas d’exemples de torture et de mauvais traitements.

Parce qu’en 2015, Madame LEPEN pouvait affirmer qu’en certaines circonstances la torture pouvait se justifier

Parce que les sondages réalisés par l’ACAT montrent une tolérance de plus en plus importante pour la torture dans la population française.

Quelques vidéos des interventions lors de ce forum :

Michel TUBIANA : La torture est-elle utile?

Fabrice RICEPUTI : Torture et disparitions en Algérie.

Pour retrouver la totalité des interventions lors de ce forum.

Pour voir le programme complet, avoir davantage d’informations,

La plus belle déclaration d’amour

« En 2018, pour marquer le 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, l’Association pour les Nations Unies ( APNU ) mènera une campagne participative avec les jeunes francophones de Belgique, afin de diffuser et faire vivre les 30 articles de la Déclaration avec cette invitation, » je cite :

« La plus belle déclaration d’amour de l’humanité a 70 ans partageons-la. »

Imaginons un instant recevoir une telle invitation dans notre boite aux lettres … cela ferait peut-être sourire et pourtant, à y re­garder de près, que signifie aujourd’hui le texte adopté en 1948, juste après une des périodes les plus sombres de l’Histoire ?
Certaines personnes malgré le temps qui passe de­meurent des lumières pour le monde, et continuent d’éclairer même dans l’ab­sence, je pourrais écrire ici le nom de bien des femmes, de bien des hommes, qui restent pré­sents dans la mémoire col­lective …
Une « déclaration d’amour » si belle soit-elle, si elle n’est pas suivie de réalisations, de preuves mises en application, c’est certes une belle lettre, mais elle restera rangée au fond d’un tiroir et deviendra vite…un sou­venir !
Alors, en 2018, qu’est devenue cette volonté commune de construire une humanité fondée sur la fraternité entre les peuples et le refus de la barbarie ? Sur la justice et la liberté ?
La Déclaration Universelle reprend certes l’esprit de la Déclaration Française de 1789, quant aux droits et aux libertés, mais elle y inclut les droits sociaux, économiques, culturels…et elle lui donne surtout sa dimension universelle.

« Universelle » un adjectif qui concerne tous les pays de la terre, les puissants comme les fragiles, si ce mot a un sens au pré­sent, est-ce de l’ordre de l’adhésion, de l’enthousiasme de l’enga­gement ? Ou est-ce de l’ordre du découragement, du scepti­cisme,  du désintérêt ?
Autrement dit, les Droits de L’Homme ont-ils encore un ave­nir ?
C’est une évidence, entre le texte écrit à une certaine époque dans des circonstances particulières et notre monde contempo­rain, la distance est immense, pourtant, son es­prit sur l’indivisibi­lité des Droits demeure plus vrai que jamais.

Au moment où j’écris ces lignes, les médias ne parlent que de la journée internationale des Droits des Femmes, et c’est bien ainsi puisque ce jour est célébré à travers toute la planète.
Hier, ces mêmes médias nous montraient une région de l’Inde, un pays, où parmi d’autres dans le monde, naître fille est une malédiction : où la préférence ancestrale pour les garçons fait que des petites filles sont éliminées avant leur naissance ou après… uniquement parce qu’elles sont des filles.
Sur 29 pays d’Afrique et du Moyen Orient, l’excision, cette mutilation infligée aux femmes au nom de la tradition, reste une pratique qui demeure coutumière…

Au moment où j’écris ces lignes, alors que plus des deux tiers des pays du monde ont aboli la peine de mort, elle reste toujours en vigueur dans certains états, que ce soit dans des dictatures ou dans des régimes dits « comme les autres ».où dans les prisons règnent la terreur et la torture…
La peine de mort recule mais continue de diviser, au Texas, 4 condamnés ont été exécutés en 2017.

Au moment où j’écris ces lignes, des milliers de Migrants cherchent une terre d’accueil et frappent à nos portes… partout en Europe, on voit alors des barrières qui se dressent, des partis d’extrême droite qui se renforcent et crient à haute voix leur haine de l’étranger.

Les atteintes aux Droits de l’Homme sont ici et ailleurs, aucun continent n’est épargné.
La liste serait longue pour dire le combat qui reste à ac­complir, mais il est aussi parsemé de symboles d’espoir, ainsi, on ne peut plus ignorer la parole des femmes quand elles disent les violences dont elles sont victimes et dénoncent l’impunité dont bénéficient les agresseurs…

On a vu le 6 février dernier la communauté internationale célébrer la journée mondiale de lutte contre l’excision afin de mobiliser les États pour briser la loi du silence…
On a vu aux Etats-Unis une jeunesse manifester contre les armes après la tuerie en Floride..
Alors à ceux qui pensent « c’est un combat inutile et dépas­sé » une seule réponse : Si nous baissons les bras, que dirons- nous aux générations suivantes ? Nous ne ver­rons pas la fin de ce combat, mais chaque avancée si mo­deste soit-elle est une victoire sur l’obscurantisme.

Les bâtisseurs des cathédrales ou des pyramides qui ont posé la première pierre d’un édifice n’ont pas vu la réalisation de leur œuvre, elle a été poursuivie par d’autres.

« Cela semble impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse » disait Nelson Mandela. Alors, que vivent les Droits de l’Homme !

Françoise Maix pour la section de Metz-Thionville

Les illustrations sont de Elpuentea (Carlos Puente Ambrosio)

Illustration des articles 3 et 13 de la déclaration universelle des droits de l’homme

Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 13
Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat.
Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.