Centre de rétention de Metz : l’enfermement des enfants, une mesure banale !

1 – Qu’est qu’un centre de rétention administrative (CRA) ?

Les centres de rétention accueillent des personnes migrantes qui n’ont commis aucun délit, n’ont été condamnées par aucun tribunal, mais qui attendent là, dans la plus grande inaction, la mise en œuvre d’une procédure « d’éloignement » (d’expulsion) décidée par les autorités administratives (la préfecture).

Ce sont des lieux de privation de liberté.

Certes, les centres de rétention ne sont pas des prisons au sens où elles ne dépendent pas de l’administration pénitentiaire mais tout y rappelle pourtant l’univers carcéral.

Souvent situés près des pistes d’aéroports ou à côté de la prison, comme à Metz, les bâtiments y sont entourés de grilles et de barbelés

A l’intérieur, la police en uniforme supervise la vie quotidienne des migrants, gère leurs allées et venues entre les bâtiments.

Les témoignages de ceux qui sont autorisés à pénétrer dans ces centres évoquent régulièrement des conditions de vie très pénibles, que ce soit au niveau de la liberté d’aller et venir ou de la promiscuité.

Le manque total d’activité rend le temps particulièrement long et les bagarres, plus ou moins violentes, sont fréquentes

Ajouter à cela l’extrême tension qui y règne puisque le transfert en centre de rétention n’est que le prélude à un embarquement, qui peut être musclé, pour un retour contraint vers un pays qu’ils ont fui.

Rien d’étonnant donc si les centres de rétention sont aussi des lieux où les personnels de santé – d’ailleurs en nombre insuffisant- distribuent anxiolytiques et somnifères, à la fois pour calmer les angoisses et aider à tuer le temps.

Aujourd’hui, un étranger peut séjourner jusqu’à 45 jours dans un centre de rétention.

A Metz, la moyenne est de 12 jours

2 – Explosion du nombre de personnes placées en rétention

En 2017, près de 50 000 personnes en France ont été privées de liberté dans des centres de rétention. Depuis 2013, le chiffre ne cesse d’augmenter et il explose aujourd’hui de façon alarmante.

Situation d’autant plus scandaleuse que la loi du 7 mars 2016 dit que, pour des personnes devant être expulsées, la rétention n’est pas la règle.  Ce n’est qu’une mesure exceptionnelle. Ces personnes doivent être assignées à résidence (rester dans un lieu, se présenter à la police, éventuellement remettre son passeport)

Au CRA de Metz :

  • En 2012 : 8 familles avec 18 enfants
  • En 2017 : 73 familles avec 162 enfants, qui représentent 55 % des enfants enfermés en France

La France mène une politique assumée du tout rétention, unique en Europe, pour une efficacité très limitée :

  • La rétention s’avère inutile pour plus de la moitié des personnes enfermées, qui sont libérées, essentiellement par le juge des libertés et de la détention, car leur rétention était contraire au droit. Exemples : les demandeurs d’asile qui doivent être transférés dans un autre pays de l’union européenne ou des ressortissants de pays en guerre – Syrie, Irak, Erythrée, soudan, Afghanistan.

3 – Le CRA de Metz est le centre de France métropolitaine dans lequel ont été enfermés le plus d’enfants en 2017

C’est ce que nous apprend le rapport 2017 sur les centres et locaux de rétention administratives, établi par les six associations qui interviennent dans les CRA. A Metz, c’est l’Ordre de malte qui est habilité à suivre les personnes en rétention.

Au CRA de Metz en 2017, ont été placés en rétention :

  • 30 nourrissons de moins de 2 ans
  • 62 enfants de 2à 6 ans
  • 50 enfants de 7 à 12 ans
  • 20 adolescents de 13 à 17 ans

Soit un total de 162 enfants.

L’enfermement des enfants est devenu pour quelques préfectures une pratique destinée à faciliter l’organisation de la reconduite. C’est le cas de la préfecture de Moselle qui est une des trois préfectures de France qui place le plus d’enfants en rétention (Paris, Moselle et Doubs).

Depuis le 1° janvier 2018, Metz et le Ménil Amelot ont reçu la quasi-totalité des familles avec enfant (Rapport du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté). Il faut savoir que la plupart des préfectures ne procèdent jamais à des placements de familles en rétention, comme Lille et Marseille qui ont cessé cette pratique.

Le choix d’enfermer des enfants est donc, à l’évidence, lié aux pratiques locales.

Mais pourquoi enferme t’on des familles avec enfants ?

De fait, simplement pour faciliter le travail de l’administration !

C’est une mesure qui facilite l’organisation des reconduites, une commodité pratique qui évite un déplacement au petit matin au domicile de la famille.

On place les familles en rétention pour les « avoir sous la main » et ainsi faciliter la logistique du départ !

Or un placement en CRA, ne serait-ce que pour une nuit, constitue une mesure privative de liberté et ne saurait, dès lors, être décidé pour des raisons d’organisation ou de commodité pratique.

C’est, surtout pour les enfants, une expérience très traumatisante.

4 – Comment est vécue la rétention par les enfants ?

Nous avons tous en tête ces images de jeunes enfants séparés de leurs parents et enfermés dans des sortes de cages aux Etats-Unis.

Si, à la différence des Etats Unis, les enfants ne sont pas séparés de leurs parents en France, ils sont nombreux à y être enfermés avec eux.

Voici quelques exemples pour illustrer le fait que, pour les enfants, la rétention c’est la prison :

  • C’est un toboggan dans une cour entourée de hauts murs grillagés recouvert de barbelés,
  • C’est aussi une forte présence policière, avec des haut-parleurs qui sont utilisés toute la journée,
  • C’est aussi des tensions dans les autres zones parfois séparées d’un simple grillage de la zone famille.

Autant d’éléments qui sont traumatisants et qui participent au caractère extrêmement anxiogène d’un CRA tel qu’il est perçu par un enfant :

  • Ces enfants, ils arrivent souvent hagards et inquiets, après avoir été interpellés à leur domicile par un escadron de policiers
  • Cette petite fille de 10 ans qui pleure en racontant qu’il faut la libérer pour qu’elle puisse revoir sa maitresse
  • Cette petite fille de trois ans qui ne comprend pas pourquoi sa maman a été libérée avec sa petite sœur d’un an après avoir été hospitalisée, alors qu’elle, elle doit rester enfermée avec son père parce que l’administration a décidé de maintenir le vol le lendemain.
  • Des nourrissons, cessent de s’alimenter et parfois, c’est la mère qui n’arrive plus à allaiter à cause du stress de l’enfermement.
  • Certains enfants pleurent toute la nuit en demandant à rentrer chez eux,
  • Sur d’autres, ce sont des plaques d’eczéma qu’on voit apparaître après quelques jours de rétention.
  • Le placement d’un nourrisson d’un mois, né prématuré, enfermé au CRA avec sa mère l’hiver dernier, dans une chambre où il faisait 10 ° car le chauffage de marchait pas.
  • Enfin, c’est un lieu où les enfants sont réveillés à minuit, 1 heure ou 2 heures du matin pour être extraits du CRA en direction de l’aéroport.

Selon les bénévoles et avocats qui ont pu suivre les familles justes après leur libération, le choc de la rétention sur les enfants se révèle souvent par un épuisement total ou encore une perturbation telle qu’ils s’urinent dessus.

Ce n’est pas pour rien, qu’à six reprises, la Cour européenne des droits l’homme a condamné la France pour traitement inhumain et dégradant.

Ces enfants enfermés seront inévitablement impactés sur le long terme par cette expérience traumatisante.

Pour signer la pétition

5 – N’est-il donc pas possible d’envisager d’autres alternatives ?

N’est – il pas possible d’éviter, à minima, cette étape douloureuse à des enfants qui sont déjà bien fragilisés par l’exil et la précarité ?

Le principe même de l’enfermement doit être remis en question, peu importe la durée.

D’autres mesures sont possibles, comme :

– l’assignation à résidence qui est prévue par la loi

– des lieux d’aide au retour comme le centre de Vitry sur Orne.

Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir si c’est plus « pratique » pour l’administration de maintenir les familles en centres de rétention, s’il est possible de rendre les locaux plus « accueillants », plus vivables, en installant ici ou là un baby-foot ou une table à langer supplémentaire…

C’est l’enfermement des enfants qui doit être interdit dans les centres de rétention administrative.

Beaucoup de voix s’élèvent pour demander que la France respecte les droits de l’enfant en mettant fin à la rétention des mineurs et en remplaçant l’enferment des enfants par leur protection.

Pour en savoir plus sur le sujet :

Vous pouvez écouter ou podcaster l’émission ‘ « Passeurs d’humanité »   sur Radio JERICO

Jeudi 20 septembre à 20H et dimanche 23 septembre 2018 à 9H 30.

 

Hélène Leclerc- Déléguée régionale LDH