Sécurité, liberté, droit à la vie privée,

des problématiques qui concernent aussi les enfants

Les technologies numériques permettent de terribles avancées dans la surveillance, y compris la surveillance des enfants. Les parents souvent inquiets, sont tentés de placer l’enfant sous surveillance. Ils ont la responsabilité d’assurer la sécurité de l’enfant. A quel prix pour sa liberté et sa nécessaire autonomie ?

La technologie est en vente depuis une dizaine d’années. Une montre GPS, une application sur le téléphone des parents et l’enfant est géolocalisé. Certaines montres permettent de contrôler l’environnement sonore des enfants. Certaines montres permettent l’écoute à distance, mais cela peut aussi bien être le téléphone de l’enfant.

En 2014, l’Allemagne avait légiféré pour interdire les montres connectées pour enfants qui permettaient l’écoute à distance. Cette décision avait fait réagir en France. Nadia DAMM interrogeait « Comment nous sommes devenus les Big Brother de nos enfants » avec en sous-titre une deuxième question « Que s’est-il passé pour qu’en une génération, des enfants qui allaient à l’école tout seuls, parcourant parfois un long trajet, se mettent, une fois devenus parents, à enlever toute autonomie à leurs enfants? »

Il y a eu le RGPD (règlement de protection des données personnelles). La loi prévoit le consentement pour partager les données de géolocalisation. Mais entre un enfant et ses parents, cela peut être compliqué. En France, la loi prévoit que les enfants de 15 ans ou plus peuvent consentir eux-mêmes au traitement de leurs données personnelles.

Quelles conséquences pour les enfants ?

Ils peuvent être soumis à une surveillance auprès de laquelle une surveillance sur décision judiciaire par un bracelet électronique pourrait presque paraitre anodine.

Vivre constamment sous surveillance, sans espace privé, n’est pas sans conséquence pour la construction de l’enfant en tant que citoyen, disposant d’une autonomie, pouvant prendre des initiatives, ayant des relations qu’il se choisit…

Cette « injonction paradoxale » d’une liberté sous surveillance peut être néfaste : « Pour l’enfant, exister en dehors du regard des parents est une victoire, il n’y a qu’à voir la fierté qu’il retire de la première fois qu’il ramène le pain. »[1]

Pourquoi ce sujet maintenant ?

Non, pas de manifs ni de mouvements sociaux du coté des enfants. Si le sujet réapparait, ça vient du coté de l’école et des parents vigilants qui choisissent d’assister en catimini, à l’insu de tous, aux cours que suivent leurs enfants. On peut être pour une école plus ouverte aux parents, mais la méthode pose problème.

L’espace de l’enfant à l’école peut être sous contrôle des parents. L’école comme lieu d’émancipation de la famille, des appartenances pour être un lieu de construction de soi en tant que citoyen disparait. Elle peut être constamment sous le regard des parents. Ce regard intrusif peut placer l’enfant dans des conflits de loyauté vis-à-vis de sa famille ou vis-à-vis de ses enseignants.

« Encore aujourd’hui, il est parfois difficile d’envisager l’idée même que les enfants aient également droit à une vie privée et à des espaces d’intimité et de secret, indispensables à la construction de soi » notait le rapport du défenseur des droits sur le droit des enfants à la vie privée[2].

La vie privée des enfants est un droit. Il est important d’interroger la façon dont on le fait vivre.


[1] Michael STORA psychologue-psychanalyste et cofondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH),

[2]  La vie privée, un droit pour l’enfant Rapport 2022 du Défenseur des Droits

Article du Monde -Allemagne https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/11/20/des-montres-connectees-pour-enfants-interdites-en-allemagne_5217525_4408996.html

Article de Nadia Damm https://www.slate.fr/story/92831/enfants-sortir