Les saisonniers qui font les vendanges ne trouvent pas d’hébergement entre Banyuls-sur-Mer et Collioure

Publié sur france3-regions et sur L‘Indépendant

La LDH 66 est solidaire des vendangeurs saisonniers étrangers exploités et sans abri. Pour la LDH les droits sociaux font partie intégrantes des droits humains. C’est pourquoi nous soutenons le syndicat CGT 66 dans la défense des saisonniers. Les employeurs, les municipalités et les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités.

Des dizaines de vendangeurs étrangers, embauchés dans les vignes de Banyuls-sur-Mer, se trouvent sans logement ni emplacement de camping. Ils réclament un hébergement digne. Employeurs, municipalité et pouvoirs publics se renvoient la balle.

La précocité des vendanges 2022 aggrave une situation déjà tendue en temps normal. Car les campings et les hébergements touristiques sont pris d’assaut, mi-août, sur cette partie du littoral des Pyrénées-Orientales, juste à la frontière espagnole. Et les quelques places restantes ne sont pas abordables pour le budget d’un saisonnier.

Alors, les vendangeurs qui viennent travailler en Roussillon sont souvent, au mieux mal logés au pire, ils se retrouvent à faire du camping sauvage, sans aucune commodités. Quelques fois même, en lisière des vignes où ils récoltent le raisin.

« On dort où l’on peut, même dans les voitures »

Sous un soleil de plomb, en sueur, les vendangeurs quittent les vignes après leur journée de travail, de 6h00 à 14h00, du fait de la canicule.

« Après huit heures de travail, je n’ai envie que d’une chose : prendre une douche et un peu d’ombre », confie José Rueda, un Barcelonais de 32 ans.
Depuis sept ans, comme des centaines de jeunes étrangers, il vient faire les vendanges pendant trois à quatre semaines dans les vignes du cru Banyuls-Collioure.

« On ne nous laisse plus entrer au camping municipal, car ils veulent un autre type de clients, peste-t-il. On campe là où on peut, on dort dans les voitures. On se débrouille comme on peut. Et la semaine prochaine, ça va être pire: une centaine de vendangeurs arrivent ».

Des vendanges de plus en plus précoces

« Cette année, on a été surpris par la précocité, c’est du jamais vu. On a commencé à vendanger le 8 août, au moment où il y a le plus de tourisme, on avait commencé le 20 en 2021 », témoigne Thierry Parcé, propriétaire du domaine Rectorie, dont les vignes surplombent la Méditerranée, sur les communes de Banyuls et Port-Vendres.

Les vignes de la Côte Vermeille étant en pente, les vendanges se font à la main dans ce vignoble. A la machine, c’est impossible.

« Les municipalités doivent faire un effort pour nous aider à trouver des solutions d’accueil décentes », estime Thierry Parcé.

Karine Tartas, responsable CGT de l’union départementale des Pyrénées-Orientales, demande que la mairie mette à disposition un terrain municipal avec eau et électricité, soulignant que les employeurs sont prêts à financer la location de sanitaires mobiles.

« Il faut un minimum de dignité », ajoute Luana Graziano, une Sicilienne de 23 ans qui fait sa troisième saison de vendanges.

A Banyuls-sur-Mer, le camping a accueilli plusieurs années les saisonniers, avec une participation financière des employeurs.
« Les loger au camping? Il est plein », plaide le maire Michel Solé, de toute façon réticent, en raison « des nuisances, des dégradations » lors du dernier séjour des vendangeurs.
« Il faudrait que les employeurs prennent leurs responsabilités », souligne l’élu, qui se dit « prêt à aider ».

Gérald Darmanin, avez-vous déjà rencontré ces « étrangers délinquants » que vous souhaitez expulser ? Moi oui

Le ministre de l’intérieur de Darmanin a préparé un projet de loi qui va faciliter l’expulsion des « étrangers délinquants », une des terminologies favorite de l’extrême-droite dans sa campagne pour expulser les jeunes mineurs étrangers. Une fois de plus Darmanin légitime les thèmes de campagne de l’extrême-droite et contribue ainsi à la renforcer avec l’aval du président Macron. Une réaction unitaire de toutes les associations de défense des migrants s’avère nécessaire et urgente. La LDH y est prête.

Publié sur Rue89Strasbourg le 30/07/2022

Présidente de la section strasbourgeoise de la Ligue des droits de l’Homme et bénévole de l’association d’aide aux réfugiés et migrants La Cimade, Ingrid Boury a découvert avec stupeur le projet de loi qui vise à faciliter l’expulsion des « étranger délinquants ». Elle a écrit cette lettre ouverte destinée à son auteur, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin rencontre souvent des policiers. Mais a-t-il rencontré ces « étrangers délinquants » qu’il veut expulser ? (Photo Jacques Paquier)

Monsieur Darmanin,  

En me réveillant ce matin, j’ai découvert votre projet de loi « Étrangers délinquants ». Il a suscité en moi des sentiments de colère et d’incompréhension. Pourquoi ? Hier, j’ai passé mon après-midi à la maison d’arrêt de Strasbourg pour une permanence juridique en droit des étrangers. Je vous écris aujourd’hui du fait de mon expérience de bénévole au sein de La Cimade depuis plus de cinq ans. Par ce biais, j’ai rencontré des centaines d’ « étrangers délinquants » comme vous les qualifiez. Mais est-ce que vous vous les avez simplement rencontrés avant d’avoir l’idée de votre future loi ?

Avez-vous rencontré Monsieur Y ? Moi oui.

M. Y est arrivé à l’âge de 13 ans en France, seul, du Sahara occidental. Il n’a jamais été déclaré à la naissance. Il a été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et a fait un apprentissage dans un restaurant strasbourgeois réputé.

« Vous dites que la France est généreuse »

Mais sans papier d’identité, impossible de le régulariser. M. Y s’est retrouvé majeur, sans emploi, à vivre dans la rue. M. Y est un « ni ni » comme vous dites, « ni expulsable ni régularisable ». Il est dans un « cercle vicieux », comme il l’a compris lui-même. La préfecture envisage, encore une fois, de lui notifier une obligation de quitter le territoire français. M. Y aimerait bien avoir un papier d’identité pour faire des demandes de régularisation. Il aimerait pouvoir travailler avec sa formation, pour laquelle l’État français a investi. Il aimerait pouvoir s’occuper de son enfant français alors qu’il n’a pas eu de parents.  

Vous dites que la France est généreuse. Vous trouvez cela généreux de former un jeune mineur puis de le laisser à la rue à sa majorité ? Vous trouvez cela généreux de le mettre dans une situation où il risque de devenir un « étranger délinquant » alors qu’il pourrait simplement travailler ?  

Je vous invite à faire des recherches sur l’homosexualité en Biélorussie

Avez-vous vu les cicatrices de Monsieur U ? Moi oui.

M. U est biélorusse. Il a fait partie d’associations qui luttent contre le pouvoir en place. Il a été frappé par la police biélorusse. Il a des cicatrices sur le corps, les avez-vous vues ? Moi oui.

Il a été en prison en Biélorussie. Il a des séquelles qui nécessitent des soins réguliers. M. U est rejeté par sa famille car il est  homosexuel. Je vous invite à faire des recherches sur l’homosexualité en Biélorussie. 

Vous dites que la France est généreuse. Vous trouvez cela généreux de vouloir expulser une personne dans un pays où il  trouvera des conditions de prison inhumaines pour des crimes qu’il aurait commis pour défendre la démocratie et  les droits de l’Homme ?  

S’ils retournent au Sénégal, leur fille risque l’excision

Avez-vous rencontré Monsieur N ? Moi oui.

M. N est sénégalais, il est arrivé en France avec sa femme et sa fille. Leur fils est né ici. M. et Mme N se sont mariés au Maroc, après avoir fui le Sénégal. Ils n’avaient pas le droit de se marier dans leur pays car ils viennent de deux ethnies différentes. Ils sont menacés par leurs propres familles et sont ici car ils parlent français et voulaient vivre leur amour librement.

S’ils retournent au Sénégal, leur fille risque de subir l’excision. M. N travaille « au noir » et sous-loue un logement pour sa famille.  

Vous trouvez cela généreux de séparer une famille ?

Vous dites que la France est généreuse. Vous trouvez cela généreux de séparer une famille et de risquer l’excision de leur petite fille ? Vous trouvez cela généreux de ne pas régulariser une famille qui travaille et vit sans aucune aide de l’État ?  

Avez-vous vu une personne de 20 ans être expulsée dans un pays qui lui était inconnu alors qu’elle était arrivée en France à l’âge de sept ans et que son père s’engageait à s’occuper d’elle ? Avez-vous vu des personnes en prison car elles s’étaient rebellées contre les forces de l’ordre pour ne pas monter dans un avion tellement elles avaient peur de retourner dans leur pays d’origine ? Avez-vous vu une mère, désemparée, face à son obligation de quitter le territoire alors que sa fille est en France ?

Moi oui.

Avez-vous quitté votre maison pour fuir la guerre ? 

Êtes-vous partis de l’Iran, en traversant la Turquie, la Grèce, l’Italie pour arriver en France deux ans plus tard, en manquant de mourir chaque jour dans la rue ou en passant les frontières ? Avez-vous quitté votre maison et laissé votre vie derrière vous pour fuir des guerres ? 

Moi non. Vous non plus. Eux si. Ils ne le font pas par plaisir.  

Il serait difficile d’être exhaustive. Ce ne sont que des exemples qui représentent des milliers de situations.

Je vous souhaite de ne jamais être un « ni ni »

Je suis sortie de la maison d’arrêt de Strasbourg hier, outrée par la violence psychologique que cela engendre quand une personne sort de prison et qu’en 24 heures elle se retrouve au Kosovo. Je me suis réveillée ce matin encore plus outrée par votre projet de loi alors que je pensais à ce que j’allais faire pour aider M. Y.  

Il y a quelques semaines, nous avons perdu M. S. Ce fut un choc, à Strasbourg. M. S a été retrouvé mort, victime de ce système, après des années et des années dans le cercle vicieux de la rue et de la prison, malgré toutes les personnes et associations qui se sont démenées pour l’aider. Le système avait fait de lui un « ni ni ». Je vous souhaite de ne jamais être un « ni ni ».  

Je ne parlerai des violations des droits de l’Homme

Je suis juriste, vous aussi, mais je ne ferai pas de droit ici. Je ne parlerai pas des violations des droits de l’Homme, de la convention européenne, des traités internationaux, que provoque cette future loi. Je ne parlerai pas de toutes les entraves juridiques que nous rencontrons déjà et de tous les moyens abusifs que vous employez, de tout ce qui pourrait être mis en place pour améliorer plutôt la réinsertion, du système carcéral qui va mal…

Je vous parlerai seulement d’humains. Et je vous demanderai seulement d’arrêter de parler d’eux avec des statistiques dans les médias, et d’arrêter de chercher les responsables là où ils ne sont pas.  

Je vous invite à venir rencontrer les « étrangers délinquants » pour connaître les parcours de ces personnes avant de juger de leur sort.

Je vous prie d’agréer, Monsieur Darmanin, mes sincères salutations.

Ingrid Boury

Présidente de la section strasbourgeoise de la Ligue des droits de l’Homme et bénévole de l’association d’aide aux réfugiés et migrants La Cimade