TRIBUNE «Police partout, images nulle part»

Cette tribune initiée par la Société des réalisateurs de films (SRF), soutenue par 40 organisations (dont la LDH) et collectifs et signée par plus de 800 cinéastes et professionnel·le·s du cinéma et de l’image.

Publié dans liberation.fr le 11 novembre 2020

Par la Société des réalisateurs de films (SRF), des cinéastes, organisations et collectifs


Lors d’une manifestation des gilets jaunes, dans le quartier de La Défense, le 8 avril 2019. Photo Emilie Royer

Face à la proposition de loi, de nombreux cinéastes revendiquent le droit des citoyens d’opposer leurs images à celles de l’Etat.

Le 14 septembre, les cinéastes de la Société des réalisateurs de films, à travers un texte intitulé «l’Œil et la main de Darmanin», dénonçaient la volonté du ministre de l’Intérieur d’exiger que les médias et les réseaux sociaux floutent les visages des policiers en opération. Cette volonté s’est transformée en une proposition de loi au titre glaçant : «Sécurité globale.» Passée en commission des lois la semaine dernière, elle sera débattue à l’Assemblée le 17 novembre. En trois articles (21, 22, 24), le gouvernement se propose de déréguler l’utilisation des caméras mobiles portées par les forces de l’ordre, de permettre la reconnaissance faciale en temps réel, d’étendre la surveillance par drone, d’interdire au public de diffuser l’image de policiers. Cette loi, dont le rédacteur principal est l’ancien chef du Raid, préfigure une société gouvernée par la peur où les citoyen·ne·s, privé·e·s du droit de porter un regard sur les agissements de la police, verraient en retour leurs corps exposés sans limite à la surveillance des forces de l’ordre. Elle dessine un paysage asymétrique, sorte de panoptique géant, où nos libertés fondamentales sont gravement menacées, en premier lieu le droit à la vie privée et la liberté d’information.

Après avoir progressivement entravé les manifestations de rue et grièvement blessé ou mutilé des dizaines de personnes, il s’agit désormais de systématiser l’identification, la surveillance, le fichage des individus souhaitant exercer ce droit fondamental. Après avoir nié et invariablement refusé de sanctionner les violences policières, il s’agit d’en effacer toute preuve, dans la mesure où seules les images tournées par des filmeurs anonymes permettent aujourd’hui d’en témoigner. Pour nombre de cinéastes, cette loi constituerait une censure pure et simple. Un film tel que le récent  Un pays qui se tient sage  de David Dufresne ne pourrait voir le jour, la majorité des sources d’images qu’il utilise tombant sous le coup de la loi. A l’hégémonie grandissante des images du pouvoir, les cinéastes, les photographes, les journalistes, ainsi que tou·te·s les habitant·e·s de ce pays doivent être en mesure d’opposer leurs propres images. Rappelons que l’Etat de droit tire avant tout sa légitimité du droit de porter un regard sur ce que fait l’Etat.

Mesdames et messieurs les député·e·s, nous ne voulons pas d’un monde de surveillance généralisée, régi par un œil tout puissant sur lequel aucun regard ne pourrait se porter. Ne votez pas pour une loi qui rendrait les contre-pouvoirs aveugles, ils sont les garants de notre démocratie.

Les signataires

Antoine Abdo-Hanna, Sandra Ach, Julie Aguttes, Lise Akoka, Hala Alabdalla, Fleur Albert, Marie Alberto Jeanjacques, Anne Alix, Patricia Allio, Christine Almeida, Siegrid Alnoy, Carlos Alvarez, Jérôme Amimer, Shirel Amitay, Viviana Andriani, Michel Andrieu, Claire Angelini, Lionel Vania Arazi, Sarah Arnold, Nicolas Aubry, Jacques Audiard Sophie Audier, Emma Augier, Joris Avodo, Myriam Aziza, Olivier Babinet, Sandrine Bagarry, Lionel Baier, Christine Balas, Pierre Balas, Jeanne Balibar, Sylvie Ballyot, Jean Marie Barbe, Aurelia Barbet, Matthieu Bareyre, Alain Barlatier, Antoine Barraud, Natalie Barsacq, Marc-Antoine Bartoli, Moise Batola, Luc Battiston, Viviane Baubry-gautier, Christophe Baumard, Carine Baxerres, Philippe Bazin, Antoine Beauchamp, Simon Beaufils, Marie Beaune, Frank Beauvais, Yann Beauvais, Mehdi Belhaj Kacem, Marie Belin, Lucas Belvaux, Safia Benhaim, Sarah Benillouche, Martin Benoist, Carole Benoliel, Ghislain Benrais, Malek Bensmail, Amal Bentounsi, Jacob Berger, Frederic Bernard, Donatienne Berthereau, Fanny Bertrand, Julie Bertucelli, Thomas Bidegain, Jean-Jacques Birgé, Arnaud Bitschy, Simone BItton, Catherine Bizern, Bernard Blancan, Lise Blanchet, Manon Blanfumet, Claire-Emmanuelle Blot, Baptiste Bogaert, Bertrand Bonello, Damien Bonduel ; Isabelle Boni-Claverie, Jérôme Bonnell, Isabelle Bony, Corinne Bopp, Aurélie Bordier, Claudine Bories, Lucie Borleteau, Julie Borvon, Olivier Bosson, Sigrid Bouaziz, Mosco Boucault, Riad Bouchoucha, Géraldine Boudot, Taha Bouhafs, Laurent Bouhnik, Gilles Bour, William Bourdon, Aude Boursin, Thomas Bousquet, Antoine Boutet, Xanaé Bove, Serge Bozon, Guillaume Brac, Rémi Brachet, Samia Brahimi, Fiona Braillon, Guillaume Bréaud, Sophie Bredier, Julien Brel, Nicole Brenez, Vincent Brengarth, Elsa Brès, Jean Breschand, Catherine Briault, Stéphane Brizé, Jean-Stéphane Bron, Rosalie Brun, Hugo Brune, Anne Bruneau, Raphaëlle Bruyas, Mikael Buch, Erik Bullot, Mael Cabaret, Dominique Cabrera, François Caillat, Nicolas Cailleret, Barbara Canale, David Caner, Adrien Cannepin, Laurent Cantet, Angelo Caperna, Barbara Carlotti, Émilie Carpentier, Pierre Carrasco, Anne Carrasco, Matthieu Carrasco, Françoise Carrasse, Valentin Carré, Edmond Carrère, Yannick Casanova, Jean-Philippe Cazier, Olivier Cazin, Pascal Cervo, Jean Luc Cesco, Daniel Chabannes, Patrice Chagnard, François Chaignaud, Étienne Chaillou, Alain Chaix, Philippe Chapuis, Benjamin Charbit, Matthieu Chatellier, Sarah Chaumette, Jean-Sébastien Chauvin, Vanessa Chauvin-Degenne, Laurent Chevallier, Brigitte Chevet, Malik Chibane, Carine Chichkowsky, Benoît Chieux, Patric Chiha, Dominique Choisy, Pierre Chosson, Davy Chou, Jihane Chouaib, Laurent Cibien, Helier Cisterne, Jean-Paul Civeyrac, Nara Cladera, Vanessa Codaccioni, Romain Cogitore, Christophe Cognet, Grégory Cohen, Denis Cointe, Pascal Collin, Étienne Comar, Jean-Louis Comolli, Anne Consigny, Nicolas Contant, Richard Copans, Anthony Cordier, Catherine Corsini, Philippe Costantini, Sebastien Coupy, Victor Courgeon, Françoise Cousin, Cloé Coutel, Lola Creton, Gabrielle Culand, Sandra da Fonseca, Fred Dabo, Michaël Dacheux, Aubépine Dahan, Antoine Danis, Sylvain Daulin, Judith Davis, Geneviève de Kermabon, Félix de Givry, Yves De Peretti, Agnès de Sacy, Marina Déak, Luc Decaster, Cyril Dechampd, Lucie Dèche, Etienne Decle, Yann Dedt, Ladane Dehdar, Francis Del Rio, Jeanne Delafosse, Benjamin Delattre, Emilie Deleuze, Christophe Deloire, Sophie Delvallée, Emmanuelle Demoris, Stéphane Demoustier, Valérie Denesle, Raymond Depardon, David Depesseville, Raphaël Depret, Agathe Dercourt, Caroline Deruas, Arnaud des Pallières, Fabianny Deschamps, Aurélien Deschamps, Sylvain Desclous, Arnaud Deshayes, Jonathan Desoindre, Hélène Desplanques, Marion Desseigne Ravel, Lucie Detrain, Martine Deyres, Rokhaya Diallo, Fatou Dieng, Alice Diop, Mati Diop, Elsa Diringer, Marie Dolez, Valérie Donzelli, Clément Dorival, Christine Dory, Fanny Douarche, Ariane Doublet, Maïmouna Doucouré, Claire Doyon, Martin Drouot, Émérance Dubas, Antoine Dubois, Isaac Dubourg, Hélène Duchateau, Natalia Ducrey, Alain Dufau, Eric Dufour, Pierre Dufour, Martine Dufour-Forest, David Dufresne, Pierre Dugowson, Claire Dujardin, Karine Durance, Pierre-Nicolas Durand, Jean-Pierre Duret, Marion Durin, Laure Duthilleul, Chloé Duval, Aminatou Echard, Eric Egé, Laëtitia Eïdo, Bernard Eisenschitz, Nadia El Fani, Malaury Éloi, Licia Eminenti, Liam Engle, Amalia Escriva, Corinne Espagno Elisa Estebanez, Wilfrid Esteve, Audrey Estrougo, Abbas Fahdel, François Farellacci, Frédéric Farrucci, Philippe Faucon, Cyrielle Faure, Leslie Fauvel, Lea Fehner, Anna Feillou, Pascale Ferran, Anaïs Feuillette, Agnès Feuvre, Louise Filippi, Sophie Fillières, Emmanuel Finkiel, Fabien Fischer, Aline Fischer, Giulia Fittante, Marie Flageul, Gahité Fofana, Marina Foïs, Fanny Fontan, Laïs Foulc, Isabelle Fremeaux, Manuela Fresil, Daniel Friedmann, Brahim Fritah, Damien Froidevaux, Laurent Froidevaux, Jean-Luc Gaget, Valéry Gaillard, Anne Galland, Aurélie Garand, Edgard Garcia, Jean-Raymond Garcia, Laure Gardner, Philippe Garrel, Marielle Gautier, Patrice Gautier, Alexandre Gavras, Laurence Gavron, Dyana Gaye, Julie Gayet, Michael Gence, Camille Geoffray, Sylvain George, Vincent Gérard, Denis Gheerbrant, Raphaël Gianelli-Meriano, Jean-Marie Gigon, Pauline Ginot, Elise Girard, Raphaël Girardot, Catherine Giraud, Nicolas Giuliani, Gaspard Glanz, Delphine Gleize, Boris Gobin, Fabienne Godet, Pierre Goetschel, Mathias Gokalp, Jacky Goldberg, Frédéric Goldbronn, Jacques Goldstein, Yann Gonzalez, Bertrand Gore, Stéphane Goudet, Cathie Gouttefange, Olivia Grandville, Arnaud Gransac, Emmanuel Gras, Alexandra Grau de Sola, Juliane Gregori, Guillaume Grélardon, Benoît Grimalt, Chloé Guerber Cahuzac, Romane Gueret, Patrick Gufflet, Alain Guiraudie, Hervé Guyader, Charles Habib-Drouot, Joana Hadjithomas, Erika Haglund, Nicola Hahn, Thomas Hakenholz, Pascal Hamant, Olivier Hamant, Claire Hamant, Philippe Hamant, Rachid Hami, Tom Harari, Ted Hardy-Carnac, Gabriel Harel, Laurent Hasse, Michel Hazanavicius, Aubin Hellot, Charles Hembert, Liv Henneguier, Noël Herpe, Cédric Herrou, Clotilde Hesme, Esther Hoffenberg, Aurelia Hollart, Robin Hunzinger, Maurice Huvelin, Mehdi Idir, Henri-François Imbert, Catherine Jabot, Alexis Jacquand, Sarah Jacquet, Danielle Jaeggi, Bérangère Jannelle, Nicolas Jaoul, Audrey Jean-Baptiste, Thomas Jenkoe, Rémi Jennequin, Yves Jeuland, Elisabeth Jonniaux, Baptiste Jopeck, John Jordan, Khalil Joreige, Jérémie Jorrand, Joséphine Jouannais, Chrystel Jubien, Naruna Kaplan de Macedo, Baya Kasmi, Nina Kawakami, Vergine Keaton, Jacques Kebadian, Raphaël Kempf, Anna Kendall, Yannick Kergoat, Gustave Kervern, Souad Kettani, Mathieu Kiefer, Cédric Klapisch, James Kleinfeld, Helena Klotz, Baudouin Koenig, Béatrice Kordon, Ella Kowalska, Julia Kowalski, Michel Kowalski, Nathalie Kowalski Blanc, Jane Kozlowski, Daniel Kupferstein, Maxime Kurvers, Hadrien La Vapeur, Joris Lachaise, Robin Lachenal, Raphaël Laforgue, Magali Lafourcade, Lauriane Lagarde, Leslie Lagier, Rémi Lainé, Anne-Marie Lallement, Laura Lamanda, Nadine Lamari, Yaël Lamglait, Emilie Lamoine, Alexandre Lança, Thierry Lanfranchi, Yannis Lantheaume, Daniela Lanzuisi, Clara Laperrousaz, Jérôme Laperrousaz, Laura Laperrousaz, Vincent Lapize, Laurent Larivière, Éric Lartigau, Marion Lary, Laurie Lassalle, Cédric Laty, Sébastien Laudenbach, Christine Laurent, Esther Laurent-Baroux, Razerka Lavant, Ginette Lavigne, Georgi Lazarevski, Emma Le Bail, Erwan Le Duc, Pierre Le Gall, Jeanne Le Gall, Alain Le Gouguec, Pierre-Yves Le Guen, Marie-Francine Le Jalu, Serge Le Péron, Christiane Lebel, Guillaume Lebel, Pierre-François Lebrun, Julien Lecat, Éric Leclerc, Luc Leclerc du Sablon, Michèle Leclerc-Olive, Simon Leclère, Olivier Lecot, Jérôme Lefdup, Raphaël Lefèvre, Néhémie Lemal, Pierre Lénel, Blandine Lenoir, JP Lenoir, Vladimir Leon, Christophe Leroy, Valerie Leroy, Quentin Lestienne, Christelle Lheureux, Fanny Liatard, Catherine Libert, Philippe Liégeois, Zoé Liénard, Sébastien Lifshitz, Almut Lindner, Virginie Linhart, Carl Lionnet, Ken Loach, Pierre-Alain Lods, Christophe Loizillon, Jacques Lombard, Frédéric Lombard, Olivier Lorelle, Anne Lorho, Emilie Losange, Marie Losier, Camille Louis, Olivier Loustau, Elina Lowensohn, Eleonore Lubna Secondi, Irina Lubtchansky, Nicolas Lugli, Noémie Lvovsky, Benoit Maestre, Juliette Maillard, Sabrina Malek, Léa Malgouyres, Chiara Malta, Bertrand Mandico, Marie Mandy, Florent Mangeot, Sylviane Manuel, Naël Marandin, Dominique Marchais, Gilles Marchand, François Margolin, Eduardo Mariotti, Anna Marmiesse, Eric Marque, Benjamin Marquet, Thitia Marquez, Fabien Marsaud, Philip Martin Lacroix, Gaetan Mas, Michael Masschek, Valérie Massadian, Sabine Massenet, Jean-François Masson, Hugo Masson, Séverine Mathieu, Louis Matton, Stéphane Maugendre, Sophie Mazas, Patricia Mazuy, Callisto Mc Nulty, Pierre Medurio, Odile Méndez-Bonito, Delphine Ménoret, Stéphane Mercurio, Agnes Merlet, Nicolas Mesdom, Nathalie Mesuret, Perrine Michel, Mathilde Michel, Radu Mihaileanu, Laetitia Mikles, Jonathan Millet, Valérie Minetto, Joseph Minster, Stefano Miraglia, Marié José Mondzain, Phane Montet, Magali Montoya, Céline Morales, Gérard Mordillat, Laëtitia Moreau, Frédérique Moreau, Olivier Morel, Manuela Morgaine, Lucas Morlot, Nicolas Mourgère, Ricardo Munoz, Julien Naveau, François Nemeta, Catherine Nguyen, Nathan Nicholovitch, Didier Nion, Claudine Nougaret, Valentina Novati, Anna Novion, Romain O., Agnès O’Martins, Jean Odoutan, Valérie Osouf, Marianna Otero, Manon Ott, Catherine Paillé, Karel Pairemaure, Bojina Panayotova, Enrika Panero, Rithy Panh, Bonita Papastathi, Daniel Paris, Agnès Patron, Rachel Paul, Karine Pedurand, Marguerite Pellerin, Héloïse Pelloquet, Maïté Peltier, Charlotte Penchenier, Pauline Penichout, Vivianne Perelmuter, Antonin Peretjatko, Elisabeth Perez, François Perlier, Jean-Francois Perrier, Fanny Perrier Rochas, Sophie Perrin Kamurasi, Laurence Petit-Jouvet, Pascal Petitmengin, Boris Perrin, Florence Pezon, Nicolas Philibert, Jules Philippe, Alexandra Pianelli, Raphaël Pillosio, Victor Pinault, Lila Pinell, Sylvain Pioutaz, Camille Plagnet, Loïc Ploteau, Lucie Plumet, Bruno Podalydès, Martin Poncet, Christophe Postic, Jean-Baptiste Pouilloux, Florian Pourchi, Alicia Pratx, Séverine Préhembaud, Françoise Prenant, Frédérique Pressmann, Jérôme Prieur, Primitivi, Lucile Prin, Pascal Privet, Mathilde Profit, Martin Provost, Emmanuelle Pujol, Linda Qibaa, Matthieu Quillet, Katell Quillevere, Lola Quivoron, Stéphane Ragot, Charlotte Ramette, Clotilde Ramondou, Alain Raoust, Aude Léa Rapin, Alban Ravassard, Anne Raveau, Touatia Razali, Laurence Rebouillon, Jean-Jacques Reboux, Lorenzo Recio, Eric Recordier, Maria Reggiani, Alexandre Regol, Franck Renaud, Lionel Retornaz, Noé Reutenauer, Aurélie Ricard, Chantal Richard, Pauline Rigal, Giovanna Rincon, Marie-Noël Rio, Cécile Riou-Batista, Raphaël Rivière, Denis Robert, Mona Robert, Vincent Robert, Mathieu Robin, Emilie Rodiere, Stéphane Roland, Francoise Romand, Axelle Ropert, Benoît Rossel, Marie Rosselet-Ruiz, Camille Rosset, Gabriele Rossi, Brigitte Roüan, Christian Rouaud, Denoal Rouaud, Céline Rouzet, Emmanuel Roy, Sophie Roze, Gaelle Ruffier, Olivier Sagette, Hamich Saïd, Malik Salemkour, Emmanuel Salinger, Julien Sallé, Matthieu Salmon, Martial Salomon, Thomas Salvador, Pierre Salvadori, Anna Salzberg, Srinath Christopher Samarasinghe, Rima Samman, Natacha Samuel, Lucia Sanchez, Régis Sauder, Geoffrey Sautreau, Giuseppe Schillaci, Noémie Schmidt, Delphine Schmit, Clément Schneider, Niels Schneider, Pierre Schoeller, Dorothée Sebbagh, Julien Selleron, Pierre Selvini, Idir Serghine, Reza Serkanian, Olivier Séror, Louis Albert Serrut, Magalie Shiva, Iro Siafliaki, Vivien Sica, Marion Siéfert, Claire Simon, Morgan Simon, Xavier Sirven, Eyal Sivan, Omar Slaouti, Patrick Sobelman, Frédéric Sojcher, Carlos Solano, Michèle Soulignac, Joffrey Speno, Wanda Sportes, Antoine Stehlé, Léo Stritt, Marc Syrigas, Katia T, Mehran Tamadon, Carine Tardieu, Coco Tassel, Bertrand Tavernier, Marie Tavernier, Sophie Tavert Macian, Drass Tecles, Nathalie Tehio, Lidia Terki, Sylvie Texier, Anne Théron, Mathias Thery, Jenna Thiam, Pacôme Thiellement, Antoine Thirion, Jean-Pierre Thorn, Catherine Tissier,Frédéric Touchard, Anne Toussaint, Marie-Claude Treilhou, Annie Tresgot, Vincent Tricon, Gilles Trinques, Stéphane Trouille, Damien Truchot, Jacky Tujague, Laetitia Tura, Gabriel Turkieh, Corto Vaclav, Lawrence Valin, Charles Van De Vyver, Naïs Van Laer, Camille Varenne, Cécile Vargaftig, Cécile Vaudey, Sylvain Verdet, Florent Verdet, Laure Vermeersch, Marie Vermillard, Aurélien Vernhes-Lermusiaux, Marion Vernoux, Cyprien Vial, Christian Vialaret, Jean-Christophe Victor, Frédéric Videau, Vanina Vignal, Leslie Villiaume, Pierre Vinour, Elisabeth Vogler, Maxence Voiseux, Christiane Vollaire, Gilles Volta, Nicolas Vrignaud, Samuel Wahl, Elodie Wahl, Elie Wajeman, Denis Walgenwitz, Benjamin Walter, Eléonore Weber, Stanley Weber, Patricia Welinski, Fabienne Winne, Zoé Wittock, Derek Woolfenden, Luc Wouters, Louise Ylla Somers, Myriam Yven, Annarita Zambrano, Yolande Zauberman, Caroline Zéau, Valérie Zenatti, Anne Zinn-Justin, Catherine Zins, Rebecca Zlotowski, Ruth Zylberman.

Associations

3 Films 14, 45 RDLC, Act Up – Paris, Altomedia, Association des auteurs réalisateurs du sud-est, Association des cinéastes documentaristes (Addoc), Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid), Automedia de la ZAD NDDL, Brigade d’actions cinématographiques, Canal marches, Cerveaux non disponibles (CND), Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM), Collectif de défense des jeunes du Mantois, Collectif justice pour Angelo, Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage (Codedo), Collectif pour une nation refuge (CNR), Collectif régional pour la coopération Nord-Sud Hauts de France (Corens), Collectif régional pour la coopération Nord-Sud Ile-de-France (Cibele), Collectif urgence notre police assassine, Collectif vies volées, Comité justice et vérité pour Wissam, Comité vérité et justice pour Lamine Dieng, Droits ici et là-bas (Diel), Forensic Architecture, Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP), Histoire de voir, Justicepouribo, la Clef revival (Association home cinema), Là-bas si j’y suis (Média), le Laboratoire d’imagination insurrectionnelle, les Cinéastes de l’Etna, les Films de Nemo, les Monteurs associés, les Mutilés pour l’exemple, les Scénaristes de cinéma associés (SCA), les Sons fédérés – Assemblée des artisan·es radiophoniques et sonores, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Minimum moderne, Nantes révoltée, Paris d’exil, SaNoSi productions, Surveillons-les, Union juive française pour la paix (UJFP), Voies libres Drôme.

Blocages des lycées à Paris et en province pour protester contre l’absence de mesures sanitaires strictes dans leurs établissements.

Plusieurs blocages de lycées pour protester contre le non-respect des mesures sanitaires

Publié sur le site lemonde.fr mardi 3 novembre 2020

Par Violaine Morin et Luc Chatel

Une dizaine de blocages ou tentatives ont eu lieu à Paris, ainsi qu’à Saint-Etienne, Saint-Nazaire, Toulouse, Nantes ou encore Besançon. Dans certains lycées bloqués, des heurts ont eu lieu avec les policiers.

Le ton monte dans les lycées sur l’application des consignes sanitaires. Le lendemain de la rentrée, alors qu’un protocole « renforcé » est désormais censé s’appliquer dans les établissements scolaires, « une dizaine » de blocages ou tentatives de blocage ont eu lieu dans la capitale, selon le décompte du rectorat de Paris.

Des lycées ont également été bloqués à Saint-Etienne, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Toulouse, Nantes ou encore Besançon. Le ministère de l’éducation nationale ne disposait pas, mardi soir, de « remontées précises ». Alors que la France s’est reconfinée, les lycéens protestent contre l’absence de mesures strictes dans leurs établissements.

« C’est exactement pareil qu’avant les vacances, rien n’a changé, déplore Déborah, élève de terminale au lycée Hélène-Boucher (Paris 20e), qui a participé au blocus mardi matin. Le président nous dit que c’est la crise et qu’on doit se confiner et, en fait, on retourne au lycée. » Et d’énumérer la somme des petites incohérences qui font que le protocole sanitaire, renforcé au cours des vacances par l’éducation nationale, n’est finalement pas respecté.

« On est censés aérer les salles, sauf qu’il fait 7 degrés le matin, explique-t-elle. On est agglutinés dans le couloir ou la cantine, qui est toute petite. Les seuls gestes barrières, au final, c’est le port du masque et le gel hydroalcoolique. » Déborah souhaite la mise en place d’un protocole plus strict, avec la formation de demi-groupes dans les lycées, comme le réclament aussi les syndicats – une solution tolérée par le ministère, sans être encouragée.

« S’il y a un virus dans le lycée, il se propagera forcément »

Clara, dans le même lycée, souhaite aussi la mise en place d’un protocole plus strict. « On a organisé ce blocus pour pouvoir continuer à étudier dans le respect des règles sanitaires, annonce-t-elle. Si ça n’est pas possible, il faut fermer les établissements, jusqu’à ce que cela le devienne. » Au lycée Colbert (Paris 10e), où la situation s’est tendue mardi matin, Jean, lui aussi élève de terminale, ne dit pas autre chose. « On est 30 dans les classes, serrés dans les couloirs, sans masque à la cantine ni en cours de sport, énumère-t-il. S’il y a un virus dans le lycée, il se propagera forcément. »

Ailleurs aussi, les lycéens se mobilisent. Dès le 2 novembre, des élèves du lycée Honoré-d’Urfé, à Saint-Etienne, ont voulu organiser un blocus symbolique – mais une voiture de police stationnée devant le portail les en a empêchés. Ils ont alors déployé une banderole « Honoré révolté » et se sont mis en grève. « Depuis lundi, on se retrouve entassés par dizaines sans masque dans la cantine à midi ou dans la cour pour fumer », explique Gabriel, 15 ans, élève de première.

S’ils n’étaient guère plus d’une dizaine de grévistes, mardi 3 novembre, leur initiative ne rencontre pas de résistance. « Nous avons beaucoup parlé avec le proviseur qui a donné un de nos tracts aux policiers, lundi matin, pour leur expliquer ce que nous faisions, raconte Maë, 15 ans, élève de seconde. Et il nous a laissés organiser une assemblée générale dans le lycée mercredi matin. » Leur principale appréhension serait de voir le lycée fermer ses portes : « Je suis en terminale et je ne veux pas d’un bac au rabais », s’inquiète Yanis, 17 ans.

« Les élèves ont de grosses restrictions dans leur vie sociale, mais une fois au lycée, il n’y a plus rien »

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) rejoint les positions des lycéens, en réclamant, elle aussi, l’instauration de demi-groupes au lycée pour permettre un meilleur respect des consignes sanitaires. « Il y a un fort sentiment d’incompréhension des lycéens et des parents sur le protocole sanitaire, rapporte Ghislaine Morvan-Dubois, responsable de la FCPE Paris. Les élèves ont de grosses restrictions dans leur vie sociale, mais une fois au lycée, il n’y a plus rien. » Les parents élus FCPE souhaitent que les établissements restent ouverts et accueillent les élèves en classe dédoublée, tout en accueillant les autres dans d’autres lieux « où ils pourraient suivre la classe en parallèle », pour éviter que les jeunes soient « dans la nature ».

Heurts et verbalisations

Si la plupart des lycées ont levé rapidement le blocus de mardi matin, la FCPE dénonce des verbalisations aux abords du lycée Colbert, où des heurts ont éclaté entre policiers et lycéens, ce dont témoignent plusieurs vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux.

Blocage au lycée Colbert dans le 10e arrondissement de Paris en protestation à l’ouverture de l’établissement duran… https://t.co/t0jdEXVY5V— tremblay_p (@Pierre Tremblay)

Les élèves verbalisés ont reçu des amendes de 135 euros, pour « rassemblement interdit », selon leurs témoignages – en application du décret nº 2020-1310 du 29 octobre 2020 interdisant les réunions de plus de six personnes sur la voie publique. « Ces verbalisations n’ont pas été comprises par les élèves et leurs parents », insiste Ghislaine Morvan-Dubois.

Fatima, mère d’une élève de terminale au lycée Colbert, a récupéré sa fille lestée d’une de ces amendes. « Ma fille n’a même pas participé au blocus, elle voulait juste se rendre en cours ! s’agace-t-elle. Sauf qu’au bout d’un moment, ça ressemble forcément à un rassemblement… puisque les élèves ne pouvaient pas entrer. » La FCPE, de son côté, se félicite d’une mobilisation organisée globalement « dans le calme », en dépit des heurts à Colbert, citant notamment le sit-in « pacifique » du lycée Balzac (Paris 17e).

Les élèves de Colbert refusent de dire s’ils se mobiliseront de nouveau dans les jours à venir. A Hélène-Boucher, on a décidé de faire les choses différemment. « Si c’est pour qu’on parle de guerre des poubelles dans la presse sans écouter nos revendications, on va s’y prendre autrement, annonce Déborah. On va faire des tracts et discuter avec l’administration, et il y a aussi des pétitions qui circulent », ajoute-t-elle.

Répression du pouvoir au Nigéria: au moins 18 morts et des centaines de blessés par la police qui tire à balles réelles

Au Nigéria un vaste mouvement de contestation traverse le pays depuis plusieurs semaines. La jeunesse (60% de la population) réclame la justice et la fin de la corruption et des violences policières. Un régime autoritaire a été mis en place depuis longtemps dans le cadre d’une politique néolibérale. La LDH dénonce la répression sanguinaire du pouvoir.

Publié sur lemonde.fr le 22 octobre 2020

Nigeria : une juste révolte contre l’impunité

Editorial. Des manifestations agitent le pays depuis deux semaines. Déclenché par des violences policières, ce mouvement est une devenu une contestation plus globale d’un pouvoir abusif et discrédité.

Editorial du « Monde ». 

Première puissance économique du continent africain, pays connu pour son dynamisme et sa créativité, mais aussi pour sa corruption et ses inégalités abyssales, le Nigeria est en proie à une révolte inédite de sa jeunesse. Depuis deux semaines, des manifestations secouent le pays non seulement à Lagos, mégalopole de vingt millions d’habitants et capitale économique du pays, mais dans plusieurs autres villes, dont Abuja, sa capitale fédérale. Déclenchée par une vidéo montrant des policiers abattant un homme de sang-froid, la révolte contre les violences policières s’est muée en une contestation globale du régime revendiquant la démission du président, Muhammadu Buhari. Le soulèvement de la jeunesse urbaine se nourrit aussi de l’exaspération après un confinement anti-Covid-19 levé cet été, mais qui a asphyxié l’économie.

Au moins dix-huit personnes sont mortes dans ces affrontements avec la police avant même le « mardi sanglant », ce 20 octobre, au cours duquel un millier de manifestants rassemblés à un péage de Lagos ont été dispersés par des tirs à balles réelles. La police et l’armée sont mises en cause, mais aussi des voyous stipendiés pour jeter le discrédit sur le mouvement. Depuis lors, des jeunes continuent de braver le couvre-feu instauré pour tenter de stopper leur révolte. La promesse du président de dissoudre la brigade spéciale de la police nigériane, accusée de tortures et d’exécutions sommaires par Amnesty international, convainc d’autant moins les manifestants qu’elle a déjà été formulée, en vain, par le passé.

Vieux militaires brutaux

La jeunesse du Nigeria – 60 % de ses 200 millions d’habitants ont moins de 24 ans – ne supporte plus d’être exclue par un système politique incapable de réduire l’extrême pauvreté et dont la violence est couverte par une totale impunité. Le président Buhari, 77 ans, ancien général putschiste finalement élu en 2015, focalise le mécontentement : taiseux, claquemuré à Abuja, impuissant à vaincre l’insurrection islamiste de Boko Haram au nord-est, tout comme le grand banditisme, qui met en coupe réglée la région pétrolière du delta du Niger, il personnifie un pouvoir de vieux militaires du Nord, brutaux et incapables d’écouter la population. Son armée se caractérise par sa propension à commettre des exactions sur des civils réduits au silence – y compris numérique – loin des grandes villes. En dépit de la manne pétrolière, le revenu moyen nigérien ne dépasse pas 5 dollars (4,20 €) par jour, et l’espérance de vie plafonne à 52 ans.

L’impunité qui protège les responsables des violences au Nigeria est inacceptable. L’Union européenne et l’ONU réclament, à juste titre, qu’ils soient « traduits en justice » et que les abus policiers cessent. Locomotive de l’Afrique de l’Ouest, ce pays qui fait rêver tant d’Africains devrait se montrer exemplaire. Cela passe en tout premier lieu par la nécessité d’écouter les revendications d’une jeunesse qui réclame la justice, la fin de l’arbitraire des forces armées et la redistribution des richesses. Un programme ambitieux, qui, soixante ans après les indépendances, pourrait être celui de bien des pays du continent.

Le Monde