COP26 : un petit pas pour les négociateurs, un rendez-vous raté pour l’humanité

Greenpeace – le 13 novembre 2021

Après avoir joué les prolongations, les négociateurs de la COP26 se sont finalement entendus samedi à Glasgow sur un texte d’accord. Las, la révolution attendue n’a pas eu lieu. Si l’objectif de 1,5° reste sur la table, les engagements pris nous mènent toujours vers un scénario catastrophique de réchauffement de +2,4°C à l’horizon 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, et le texte de décision finale ne contient pas de disposition suffisamment contraignante pour combler rapidement le fossé avec l’objectif de l’Accord de Paris.

Les maigres avancées obtenues sont le résultat de la mobilisation des jeunes, des leaders des communautés autochtones, des activistes et des pays qui sont en première ligne du changement climatique sans qui ces négociations auraient été un total désastre. 

L’appel à réduire de 45% les émissions de GES d’ici à 2030 est conforme à ce qu’il faut mettre en œuvre pour tenir l’objectif de +1,5° mais reste à voir comment il sera effectivement appliqué. En 2022, il sera crucial que les pays présentent des objectifs plus ambitieux. 

Plusieurs annonces ont émaillé ces deux semaines de négociations, de l’arrêt de la déforestation en 2030 aux engagements sur le méthane en passant par la coalition pour la sortie progressive du gaz et du pétrole. Sans calendrier de mise en œuvre concret ni moyens contraignants pour les faire respecter, ces engagements restent pour le moment incantatoires. Si les pays les plus riches ont finalement commencé à prêter attention aux demandes des pays les plus vulnérables à recevoir des financements et des ressources pour faire face à l’augmentation des températures, les promesses sont loin de ce qu’il est nécessaire d’apporter sur le terrain.

Sur la question centrale des énergies fossiles, leur mention dans la décision finale constitue une première encourageante dans l’enceinte des conférences climat onusiennes, tout comme est essentielle la référence à une transition juste ; mais dans le monde réel, la faiblesse du langage utilisé et les précautions ajoutées en dernière minute ne confèrent aucun caractère contraignant ni n’imposent d’échéancier concret, ce qui contribuera à accroître les retards et le décalage de la communauté internationale vis-à-vis de l’urgence climatique.

Quant à l’article 6, censé régler la coopération internationale pour réduire les émissions de CO2, il se trouve détourné de son sens initial pour autoriser la mise en place de compensations carbone massives, sous forme de marchés et de crédits inopérants et dangereux, qui risquent de vider rapidement l’Accord de Paris de toute substance. Les émissions doivent être réduites à la source, les pays riches et les multinationales doivent en porter en priorité la responsabilité.

Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace France : “Les États les plus riches, en dépit des alertes scientifiques qui s’accumulent, se sont montrés incapables de discuter d’un calendrier de sortie des énergies fossiles. Leur trahison est double : d’abord ils refusent de mettre sur la table les financements nécessaires pour que les pays les plus vulnérables puissent faire face au réchauffement climatique, ensuite ils mettent en place des crédits carbone pour pouvoir continuer à polluer impunément, au risque de transformer l’Accord de Paris en gigantesque machine à greenwashing. Pour eux, le futur des jeunes générations et la survie de certains pays semblent pleinement négociables, mais pas les intérêts criminels de leurs industries fossiles.”

La France semble avoir abandonné sa tutelle sur l’Accord de Paris. Repris de justice climatique, Emmanuel Macron s’est pourtant permis de venir les mains vides à la COP26, sans objectif plus ambitieux de réduction des émissions de GES, ni mesures additionnelles pour combler les retards accumulés. La France s’est contentée de rejoindre des initiatives non contraignantes, comme sur la déforestation ou l’aviation, ou encore en prenant des engagements sans effet concret sur son arsenal législatif. Son ralliement in extremis à la coalition sur la sortie progressive du gaz et du pétrole n’acte en rien la fin immédiate des nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures, pourtant indispensable pour respecter l’accord de Paris, selon l’Agence internationale de l’énergie. De même, l’initiative sur la fin  des subventions internationales pour les projets d’hydrocarbures inclut une dérogation pour les projets dotés de dispositif de compensation ou de captage des émissions, et n’aura donc probablement aucun impact par exemple sur le soutien public de l’Etat au méga-projet gazier de Total en Arctique. Bref, de l’affichage facile en fin de quinquennat. Il devra en être tenu responsable dans les urnes. La priorité diplomatique française s’est portée ailleurs : parvenir à faire intégrer le gaz dans la taxonomie verte européenne, quitte à faire capoter un Green Deal déjà poussif.”

Une cinquantaine de responsables internationaux appellent à accélérer l’adaptation au dérèglement climatique

Publié par lemonde.fr avec AFP le 7 septembre 2021

Les participants à un dialogue international décrivent les mesures à adopter, selon eux, lors de la conférence mondiale sur le climat (COP26), qui se tiendra à Glasgow au mois de novembre.

Un dialogue, rassemblant une cinquantaine de responsables politiques et de spécialistes du climat et du développement, s’est tenu en présence de Ban Ki-Moon, président de la GCA, à Rotterdam, le 6 septembre 2021.

Une cinquantaine de responsables internationaux ont appelé, lundi 6 septembre, à accélérer la préparation aux effets du changement climatique comme les tempêtes, les inondations et les sécheresses extrêmes, rappelant que la plupart de ces phénomènes sont « tragiquement, déjà inexorables ».

Ces conséquences « mettront les gens, les communautés et l’économie mondiale en danger comme jamais auparavant et feront peser de nouvelles menaces majeures sur la biodiversité et la santé de l’homme », a souligné dans un communiqué le Centre mondial pour l’adaptation (GCA).

Fondé en 2018, le GCA est une organisation internationale destinée à accélérer l’adaptation du monde aux effets du changement climatique. Elle est présidée par l’ancien secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Lire aussi (Le Monde et AFP)  « Nous ne pouvons pas attendre que la pandémie de Covid-19 soit terminée pour réduire rapidement les émissions » de CO2 : l’alerte des principaux journaux médicaux

L’adaptation – comprenant systèmes d’alerte avancés, ajustements des infrastructures, améliorations agricoles – n’a, selon le GCA, pas bénéficié de la même attention, des mêmes ressources ni du même niveau d’action sur le terrain que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, laissant des communautés du monde entier exposées à une urgence climatique plus rapide que prévu.

« Les pays sont prêts pour une nouvelle ambition »

Un dialogue, rassemblant une cinquantaine de responsables politiques et de spécialistes du climat et du développement en présence de M. Ban et de la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, s’est tenu, lundi, à l’occasion de l’inauguration à Rotterdam du siège du GCA.

Les participants – ministres, maires, chefs d’organisations internationales et banques de développement – ont décrit dans un communiqué les mesures à prendre, selon eux, lors de la conférence mondiale sur le climat (COP26) qui se tiendra à Glasgow au mois de novembre, notamment la révision des plans d’adaptation pour lesquels les Nations unies se sont engagées à consacrer 100 milliards de dollars par an (environ 85 milliards d’euros).

« Les pays sont prêts pour une nouvelle ambition en matière d’adaptation, et sont également prêts pour un financement à grande échelle pour l’adaptation », a déclaré Ban Ki-moon.

Un récent rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a averti qu’une aggravation majeure des impacts climatiques surviendrait une décennie plus tôt que prévu, avec des changements sans précédent et certains irréversibles. Lire l’éditorial : Climat : été extrême, urgence absolue

Le monde a d’ores et déjà été confronté cette année à des événements climatique extrêmes : incendies spectaculaires en Grèce et en Turquie, feux de forêt en Sibérie et en Californie, famine à Madagascar, inondations exceptionnelles en Chine et en Allemagne, canicule record au Canada

Rapport du GIEC sur le dérèglement climatique: la vie peut s’en remettre, l’humanité non…

Ce document technique préparatoire au prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) annonce clairement la couleur : le refus des états à limiter le réchauffement à 2° entraînera un emballement climatique aux conséquences cataclysmiques: la vie s’en remettra, pas l’humanité. Pour la LDH les mobilisations sur le climat sont primordiales, pour la justice sociale et climatique…

Publié sur lemonde.fr le 23 juin 2021 avec AFP

Une femme et un garçon passent devant un troupeau de chèvres mortes sur une terre aride près de Dhahar, en Somalie, le 15 décembre 2016. MOHAMED ABDIWAHAB / AFP

Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, alerte un projet de rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont le contenu a été dévoilé, mercredi 23 juin, par l’Agence France-Presse.

Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assurent des centaines de scientifiques rattachés au GIEC, et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le résumé technique de 137 pages. L’humanité ne le peut pas. »

Le projet de rapport rédigé par le GIEC oscille entre un ton apocalyptique et l’espoir offert aux hommes de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques. Le rapport d’évaluation complet (4 000 pages), bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 Etats membres. Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues à la fin de 2021, notent certains scientifiques.

Risque d’« impacts irréversibles » au-delà du seuil de 1,5 °C

Parmi ses conclusions les plus importantes figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible à 1,5 °C. Désormais, le GIEC estime que dépasser le seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner, « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %.

« Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », affirme le GIEC, alors que la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue.

Le climat a déjà changé. Tandis que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1 °C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées. Et les êtres vivants – humains ou non – les moins à blâmer pour ces émissions sont ceux qui en souffriront le plus. Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard : « Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens, dont un demi-milliard de personnes dépendent.

Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, des modes de vie ancestraux, de peuples vivant en lien étroit avec la glace, pourraient aussi disparaître.

Jusqu’à 80 millions de personnes de plus auront faim

Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ». Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques », prévient le GIEC.

Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans. En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. Avec une augmentation limitée à 1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions au-delà de 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.

« Les coûts d’adaptation pour l’Afrique devraient augmenter de dizaines de milliards de dollars par an au-delà de 2 °C », prédit le rapport. Encore faut-il trouver cet argent. Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météorologiques simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendie, inondation, maladies transportées par les moustiques… Et il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le rapport : destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…

« Le monde fait face à des défis entremêlés complexes », commente ainsi Nicholas Stern, spécialiste de l’économie du climat, pas impliqué dans ce rapport. « A moins de les affronter en même temps, nous n’allons en relever aucun », estime-t-il.

Des choix radicaux

Sans oublier les incertitudes autour des « points de bascule », éléments-clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement violent et irrémédiable. Au-delà de 2 °C de réchauffement, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (qui contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres) pourrait par exemple entraîner un point de non-retour, selon de récents travaux. C’est pour cela que « chaque fraction d’un degré compte », insiste le GIEC, alors qu’un autre point de rupture pourrait voir l’Amazonie – un des poumons de la planète avec les océans – transformée en savane.

Face à ces problèmes systémiques, aucun remède miracle unique. En revanche, une seule action peut avoir des effets positifs en cascade. Par exemple, la conservation et la restauration des mangroves et des forêts sous-marines de kelp, qualifiées de puits de « carbone bleu », accroissent le stockage du carbone, mais protègent aussi contre les submersions, tout en fournissant un habitat à de nombreuses espèces et de la nourriture aux populations côtières.

En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre ainsi une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle. « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », plaide le rapport. « Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. »