Le recul de la démocratie en France est une menace pour la liberté dans le monde

Tribune internationale signée par Gráinne de Burca, Sébastien Chauvin, Noam Chomsky, Angela Davis, Alfonso Pérez Esquivel, Franco Fracassi, Sonia Guajajara, Barbara Havelková, Kamel Jendoubi, Iphigénie Kamtsidou, Tawakkol Karman, Eléonore Lépinard, Frédéric Mégret, Mathias Möschel, Fernanda G. Nicola, Ruth Rubio Marin, Aminata Dramane Traoré, Chico Whitaker, Jody Williams, Jean Wyllys, Jean Ziegler

Publié le 29/03/2021 sur huffingtonpost.fr

Nous exhortons le président Macron et son gouvernement à abandonner les lois « sécurité globale » et « séparatisme », des dérives autoritaires qui portent atteinte aux droits fondamentaux que la France prétend incarner.

Depuis plusieurs années, la démocratie paraît reculer un peu partout dans le monde, être en danger, sans tenir ses promesses d’égalité et de garantie des libertés. Les gouvernements autoritaires, conservateurs, ou d’extrême-droite sont aux commandes dans de nombreux pays et avec eux de nombreuses  restrictions des droits fondamentaux et une répression des acteurs et actrices de la société civile. La récente défaite de Trump aux États-Unis ne signifie pas encore une inversion de cette tendance.

Au Brésil, Jair Bolsonaro tente de placer les associations et les mouvements sous surveillance constante; en Inde, Narendra Modi réprime le mouvement paysan en le qualifiant de terroriste et réprime les minorités religieuses chrétienne et musulmane avec des lois discriminatoires et des discours haineux; en Thaïlande, des centaines de jeunes sont emprisonné.es pour avoir participé à des manifestations demandant plus de démocratie; en Russie, Vladimir Poutine met des milliers de citoyen.nes en prison lors de manifestations en soutien à Alexeï Navalny; la junte putschiste en Birmanie fait tirer sur les foules…

La France –berceau des droits humains tels que promulgués en 1789– serait-elle en train de rejoindre le camp des pays où la démocratie est fragilisée par le pouvoir lui-même? Nous y observons malheureusement de violentes atteintes aux droits fondamentaux et un recul démocratique. La République française et sa devise “liberté, égalité, fraternité” subissent des coups répétés de la part de celles et ceux qui devraient les sauvegarder et les promouvoir: le Président de la République, son gouvernement et une majorité de parlementaires français.

Depuis 2015, une série de lois sécuritaires ont été promulguées en France. Elles prétendent répondre à la vague d’émotion causée par les terribles attentats de 2015 jusqu’à la décapitation d’un professeur en région parisienne ou l’attaque d’une église à Nice en 2020. Ces lois s’accumulent sans évaluation de leur efficacité alors que leurs effets pervers sur l’État de droit ou sur les personnes de confession musulmane sont largement démontrés. Les gouvernements français successifs s’enferment dans une dépendance inquiétante aux ”états d’urgence”, désormais promulgués pour faire face à la pandémie de covid-19.

Actuellement débattues au Parlement français, la loi “sécurité globale” et la loi “confortant le respect des principes de la République”, aussi appelée “loi contre le séparatisme”, constituent des atteintes sans précédent aux piliers de la République Française menaçant plusieurs droits fondamentaux. Le Conseil d’État -plus haute cour de justice administrative- avait pourtant prévenu: “Les mesures du projet [de loi contre le séparatisme] concernent pratiquement tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis, et les plus éminents d’entre eux: liberté d’association, liberté de conscience et de culte, liberté de réunion, d’expression, d’opinion, de communication, liberté de la presse, libre administration des collectivités territoriales, liberté de l’enseignement, liberté du mariage, liberté d’entreprendre, liberté contractuelle. L’esprit même de cette loi, dont l’objectif annoncé était de lutter contre l’islamisme radical, s’est vite mué en l’expression d’une idéologie de la suspicion généralisée et du contrôle. Cette loi contient un arsenal juridique redoutable qui pourra être utilisé contre toutes personnes physiques ou morales qui dérangent les intérêts de l’État de par leurs activités, leurs propos ou leur religion. Les personnes musulmanes, ou perçues comme telles, ainsi que les associations et les militants qui défendent leurs droits et libertés sont visées en premier lieu. L’histoire prouve que les pouvoirs autoritaires savent utiliser ce type de loi pour réprimer encore plus largement. 

Outre le piège évident qu’elle représente pour la démocratie française, cette loi contre le séparatisme, ainsi que la loi sécurité globale, constituent des menaces pour la liberté dans le monde. Quel message d’exemplarité le Président Emmanuel Macron, son gouvernement et les parlementaires français veulent-ils envoyer au moment où les populations souffrent d’un recul global des droits humains, des libertés et de la démocratie dans des dizaines de pays?

Cette sombre conjoncture mondiale a cependant le mérite de mettre en évidence le rôle clé de contre-pouvoir des sociétés civiles et mouvements sociaux qui luttent contre les dérives autoritaires et sécuritaires. En France, de multiples voix s’accordent et s’élèvent contre la dérive autoritaire dans laquelle le gouvernement français s’inscrit actuellement. Des associations et collectifs citoyens, des syndicats, des magistrat.es et avocat.es, des universitaires et journalistes organisent la contestation, soutenus par des centaines de milliers de citoyen.nes, qui protestent dans les rues ou en ligne.

Dans un monde globalisé, la nécessité de dépasser les frontières et faire jouer la solidarité internationale n’est plus à démontrer. Si la société civile française lutte, la communauté internationale doit agir et la soutenir, en dénonçant ces atteintes aux droits humains et aux libertés. Nous, observateurs attentifs de la société française, attachés à la force de sa devise, nous nous devons d’alerter lorsque les fondements de votre État de droit vacillent. Nous exhortons le président Macron et son gouvernement d’abandonner les lois sécurité globale et contre le séparatisme afin que la défense de la liberté, de l’égalité et de la fraternité aient encore un sens de par l’Europe et le monde.

Les signataires de la tribune:

  1. Gráinne de Burca, professeure de droit, Université de New York (Irlande)
  2. Sébastien Chauvin, professeur associé, Université de Lausanne (Suisse)
  3. Noam Chomsky, professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology (Etats-Unis)
  4. Angela Davis, écrivaine et professeure émérite de philosophie, Université de Santa Cruz (Etats-Unis)
  5. Alfonso Pérez Esquivel, prix Nobel de la Paix (Argentine)
  6. Franco Fracassi, Journaliste, (Italie)
  7. Sonia Guajajara, femme politique autochtone et présidente de l’APIB (Brésil)
  8. Barbara Havelková, professeure associée de droit, Faculté de droit, Université d’Oxford, chargée de cours en droit, St Hilda’s College, Université d’Oxford (Rép. Tchèque)
  9. Kamel Jendoubi, activiste des droits humains (Tunisie)
  10. Iphigénie Kamtsidou, Professeure de Droit Constitutionnel, Université Aristote de Thessalonique (Grèce)
  11. Tawakkol Karman, journaliste, prix Nobel de la Paix (Yemen)
  12. Eléonore Lépinard, professeure associée, Université de Lausanne (Suisse)
  13. Frédéric Mégret, Co-directeur, Centre sur les droits de la personne et le pluralisme juridique, Université de McGill (Canada)
  14. Mathias Möschel, Professeur associé en droit constitutionnel comparé, droits de l’homme et droit de la non-discrimination. Université d’Europe centrale, Budapest(Autriche, Allemagne)
  15. Fernanda G. Nicola, professeure de droit, directrice du Programme pour les organisations internationales, le droit et le développement au collège de droit de l’Université de Washington (Italie)
  16. Ruth Rubio Marin, directeure de la Chaire UNESCO en droits de l’homme et interculturalité, Université internationale d’Andalousie (Espagne).
  17. Aminata Dramane Traoré, ancienne ministre (Mali)
  18. Chico Whitaker, altermondialiste et activiste (Brésil)
  19. Jody Williams, prix Nobel de la Paix (Etats-Unis)
  20. Jean Wyllys, ancien député fédéral (Brésil)
  21. Jean Ziegler, universitaire, expert Nations Unies (Suisse)

Birmanie : Total doit cesser de financer la junte

Fin mars les massacres de la junte portent les victimes à plus de 400 dont beaucoup d’enfants. Total doit cesser de financer la junte criminelle. La Chine et la Russie empêchent toujours le Conseil de sécurité de l’ONU de condamner la junte criminelle.

Communiqué inter-associatif du 21 mars 2021 dont La Ligue des Droits de l’Homme est signataire

Publié sur info-birmanie.org

CP – Paris, le 19 mars 2021 – Depuis le coup d’État en Birmanie du 1er février, Total est redevenu l’un des plus importants contributeurs financiers de la junte militaire, qui a repris les pleins pouvoirs par la force et réprime le mouvement de protestation de la population dans le sang. Plus de 200 morts, des centaines de blessés et plus de 2 000 personnes interpellées. Meurtres, torture, persécutions, exécutions extra-judiciaires, arrestations arbitraires… : le Rapporteur spécial de l’Onu sur la Birmanie évoque de probables crimes contre l’Humanité [1].   

Aujourd’hui, nous – Attac France, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, la Ligue des droits de l’Homme, Info Birmanie, Notre Affaire à Tous, Sherpa et 350.org – exhortons Total à suspendre tout paiement à la junte en plaçant les millions d’euros en jeu sur un compte bloqué[2].

Selon Justice for Myanmar, Total a notamment versé plus de 229 millions de dollars à l’Etat birman en 2019 en taxes et en parts du gouvernement dans la production de gaz[3]. Le Monde rapporte qu’en août 2020, sa filiale Moattama Gas Transportation Co, enregistrée aux Bermudes, a reçu le « prix du plus gros contribuable » dans la catégorie « entreprises étrangères » pour l’année fiscale 2018-2019[4]. Cet argent transite principalement par l’entreprise publique Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), dont les liens avec les milieux d’affaires militaires sont pointés du doigt par la société civile[5]. Mise en cause pour son opacité[6], cette entreprise représente la source de revenus la plus importante de l’Etat birman et se trouve désormais placée sous le contrôle direct de la junte. Le Rapporteur spécial de l’Onu sur la Birmanie demande d’ailleurs que des sanctions internationales soient prises à l’encontre de la MOGE[7].

Pendant que la junte tue, Total “évalue la situation”, se dit “préoccupée”[8], mais maintient le statu quo. Pourtant, d’autres entreprises ont réagi à la situation sur place :  l’entreprise singapourienne Puma Energy a suspendu ses activités et l’australienne Woodside annonce qu’elle va démobiliser ses opérations offshore.

Interpellée par des citoyens birmans, Total met en avant la fourniture d’électricité qu’elle apporte à une partie de la population, des arguments repris par l’Ambassade de France[9]. Mais la multinationale n’apporte pas de réponse face à l’enjeu central des paiements versés à la junte, et s’en remet aux sanctions décidées par les Etats[10]. Cette posture revient à alimenter un régime militaire brutal et illégitime.

Pourtant, des Birmans ont manifesté à Kanbauk le 12 février 2021 pour demander à Total et aux autres compagnies gazières de ne pas financer la junte[11]. Des employés de Total en Birmanie ont également rejoint le mouvement de désobéissance civile[12]. Et MATA (Myanmar Alliance for Transparency and Accountability), qui regroupe 445 organisations de la société civile birmane, appelle les compagnies pétrolières et gazières à cesser immédiatement tout paiement à la junte, seule mesure à même de garantir le respect des Principes directeurs de l’Onu sur les entreprises et les droits humains, ainsi que de la loi française sur le devoir de vigilance de mars 2017. Nous rappelons d’ailleurs que le plan de vigilance de Total est largement insuffisant, tant dans son contenu que sa mise en oeuvre, et que l’entreprise fait l’objet de deux actions en justice en France sur le fondement de cette loi[13].

Le message de la société civile birmane est clair : “Si vous continuez le “business as usual”, nous vous tiendrons pour responsables de la violence infligée par la junte au peuple birman.” A son tour, le Ministre de la planification, des finances et de l’industrie nommé par le CRPH (Committee Representing Pyidaungsu Hluttaw) – le parlement en résistance – demande à Total de ne plus collaborer avec le régime de la junte[14].

Le gouvernement français doit quant à lui agir pour que des sanctions soient adoptées contre les dirigeants de la junte et contre les entreprises, notamment la MOGE, dont les revenus financent la répression. Ne pas agir en ce sens revient à renforcer la junte dans sa volonté de se maintenir au pouvoir par la force des armes et au prix d’une répression sanglante.

Signataires :

Attac France

Greenpeace France

Les Amis de la Terre France

Ligue des droits de l’Homme

350.org

Notre Affaire à Tous

Info Birmanie

Sherpa

Contacts Presse :

Sophie Brondel, Info Birmanie – sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33

Laura Bourgeois, Sherpa – laura.bourgeois@asso-sherpa.org 06 78 00 07 17

Le mouvement pour « rouvrir la culture » s’étend avec de nombreux théâtres occupés en France

La LDH soutien le mouvement « Rouvrir la culture ». A Perpignan le Théatre de l’Archipel invite le public a demandé sa réouverture le samedi 20 mars 2021. Les intermittents ont décidé d’une occupation itinérante, cette semaine, dans plusieurs lieux culturels de la ville. S’il est à craindre que la décision des autorités de confinement de certains départements dont ceux de la région parisienne n’étouffe en partie ce mouvement, celui-ci continue cependant et vendredi 26 mars une journée d’action nationale est prévue.

L’occupation du Théâtre de l’Odéon à Paris, depuis le jeudi 4 mars, a déclenché un mouvement qui s’est étendu sur l’ensemble de la métropole et également en Outre-Mer. Plus de 30 théâtres en France sont occupés par des techniciens, des artistes et des étudiants en école d’art dramatique.

Publié sur https franceinter.fr le 16 mars 2021

L’occupation du Théâtre de l’Odéon à Paris, depuis le jeudi 4 mars, a déclenché un mouvement qui s’est étendu sur l’ensemble de la métropole et également en Outre-Mer. Plus de 30 théâtres en France sont occupés par des techniciens, des artistes et des étudiants en école d’art dramatique.

Le mouvement initié à l’Odéon fait tache d’huile, en tous type de lieux et déjà dans plus de 30 théâtres, avec des mots d’ordre convergents. Les « occupants » demandent la réouverture des lieux de culture dans le respect des consignes sanitaires et la prolongation de l’année blanche pour les intermittents.

Le mouvement de l’Odéon est parti de la manifestation du 4 mars organisée par la CGT Spectacle. L’essentiel des occupants sont des militants syndicaux, des artistes, des techniciens. Puis les étudiants en Écoles d’art dramatiques se sont joints au mouvement à La Colline à Paris et à Strasbourg au TNS.

Ce week-end, il s’est étendu à tout le territoire en métropole et également à Saint-Denis de la Réunion, et à tous types de salles. Des centres dramatiques nationaux à Lille, Montluçon, Rouen, Limoges ; des scènes nationales à Brest, Châteauroux, Périgueux ; des salles de musiques actuelles comme La Tannerie à Bourg en Bresse ou La Paloma à Nîmes ; des théâtres indépendants comme le Théâtre du Chevalet à Noyon ou le Chêne Noir à Avignon… Et parfois avec des méthodes plus innovantes, comme à Perpignan où les intermittents ont décidé d’une occupation itinérante, cette semaine, dans plusieurs lieux culturels de la ville.

Dans tous ces lieux, ils bénéficient du soutien des directions, qui ont prévu une grande journée d’action le 26 mars, baptisée l’Assemblée Générale des Théâtres. Et ce week-end, les spectateurs seront invités à se rassembler devant le théâtre de leur ville pour soutenir le mouvement.