LDH-66 – Pyrénées Orientales

Un récent décret autorise le fichage des données politique, syndicale, ethnique, … de toute personne en cas de « nécessité absolue »

Après la loi anti-casseurs le gouvernement continue dans sa politique liberticide et répressive: il a pris, le 20 février, un décret autorisant le fichage des données « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle » de toute personne en cas de « nécessité absolue ». (décret Décret n° 2020-151 du 20 février 2020, article 2 point 2).  La LDH fait un recours au niveau national ainsi que des avocats et magistrats.

Publié sur liberation.fr Par Anaïs Condomines 27 février 2020 

La gendarmerie nationale va se doter d’une application numérique de prise de notes, «GendNotes», qui suscite des inquiétudes. Consultée, la Cnil a donné son feu vert.

Question posée par Marc le 25/02/2020

Bonjour,

Votre question fait référence au décret n°2020 151 publié le 22 février dernier au Journal officiel. Signé par le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, il autorise la mise en place d’un «traitement de données à caractère personnel dénommé « application mobile de prise de notes »». En clair : une sorte de bureau mobile, qui s’appelle «GendNotes» et qui permet de dématérialiser la prise de notes des gendarmes. Dans le but, précise le décret, de «faciliter le recueil et la conservation […] d’informations collectées par les militaires de la gendarmerie nationale à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations nécessaires à l’exercice des missions de polices judiciaire et administrative» et de «faciliter la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires».

Mais depuis l’entrée en vigueur de ce texte, des inquiétudes se font entendre. Le journal Initiative communiste dénonce par exemple «une nouvelle escalade dans la fascisation et la construction d’un régime autoritaire». Et d’affirmer que le gouvernement permet «à la gendarmerie non seulement de constituer un fichier de police politique de l’ensemble de la population, mais également de le partager directement avec les autorités politiques, préfets et maires !»

Qu’en est-il vraiment ? Tout l’enjeu se cristallise autour de l’article 2 du décret, qui précise le type de données pouvant être enregistrées dans cette application. Est donc désormais autorisé l’enregistrement d’informations dites «sensibles». Dans une zone de commentaires libres – et uniquement à cet endroit –, pourront ainsi être consignées des données relatives «à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle». L’article 4 précise qui pourra avoir ensuite accès aux informations récoltées : à savoir le gendarme qui rédige la note et ceux de son unité, «sauf s’il s’y oppose», les gendarmes d’une autre unité qu’il peut désigner. Les autorités judiciaires, le préfet, le sous-préfet, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, et enfin le maire de la commune concernée

D’emblée, le décret précise dans quelles conditions ces informations pourront être recueillies. On peut lire que la collecte et le traitement de ces données sensibles «ne sont possibles qu’en cas de nécessité absolue pour les seules fins et dans le strict respect des conditions définies au présent décret, dans les limites des nécessités de la mission au titre de laquelle elles sont collectées». Le texte souligne aussi qu’il est par ailleurs «interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations».

Feu vert de la Cnil

Ce qui, à première vue, semble convenir à la Cnil. La Commission nationale de l’informatique et des libertés a en effet été consultée, comme le veut la loi dans ces circonstances. Dans sa délibération du 3 octobre, elle s’attarde sur ces fameux «champs libres», zone de commentaires où pourront figurer donc les données sensibles. La Cnil rappelle à leur égard que «les données traitées doivent être pertinentes, adéquates et non excessives au regard de la finalité poursuivie». Elle précise aussi ce que le ministère a déjà noté dans le décret : c’est-à-dire que «le traitement de telles données n’est possible qu’en cas de nécessité absolue, sous réserve des garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée». Pour le reste, la Cnil prend acte des garanties apportées par le gouvernement«à savoir que les informations enregistrées dans ces champs libres ne pourront pas alimenter d’autres traitements et qu’elles seront uniquement accessibles via l’application».

La gendarmerie nationale, contactée par CheckNews, se veut rassurante sur ce point : selon un porte-parole, les informations sensibles, portant sur la prétendue origine raciale, les opinions politiques, religieuses ou syndicales, la santéla vie sexuelle ou l’orientation sexuelle «ne sont transférées dans aucun autre fichier» et «ne peuvent être automatiquement transposées ailleurs», contrairement aux autres données portant sur l’identité complète de la personne concernée (nom, prénom, filiation…), qui elles sont transmises automatiquement sur le logiciel de rédaction des procédures (LRPGN). Du point de vue de la gendarmerie, cette section de commentaires libres fait office de «pense-bête» pour la rédaction d’éventuels procès-verbaux par la suite.

Une autre inquiétude est soulevée, cette fois par l’association de la Quadrature du Net. Dans un article, on peut ainsi lire que GendNotes facilite la collecte de photos, leur «transfert dans des fichiers extérieurs» et, in fine, la reconnaissance faciale. Outre les informations dites sensibles citées plus haut, GendNotes permet effectivement la collecte de photographies de la personne. La Cnil rappelle que ce nouveau calepin virtuel n’est pas en mesure d’effectuer une reconnaissance faciale. L’option est-elle pour autant complètement balayée ? Pas tout à fait. La gendarmerie nationale nous indique en effet que ces clichés, intégrés dans GendNotes, ne font pas partie des éléments automatiquement transférés dans le logiciel de rédaction des procédures. «Mais si le gendarme en a besoin dans sa procédure, il peut effectivement la transférer.» Dans un second temps, une ouverture de procédure pourra permettre de relier ce logiciel au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) qui, lui, procède à de la reconnaissance faciale.

«Effets potentiellement délétères»

Des précisions qui ne sont pas de nature à rassurer la pénaliste Virginie Gautron. Pour elle, «l’un des problèmes est la fusion dans un même fichier de finalités judiciaires et administratives, de sorte que le champ d’application vise toutes les missions de la gendarmerie, explique-t-elle à CheckNewsHabituellement, chaque fichier de police définit ses cibles. Par exemple, les personnes au sujet desquelles existent des indices graves ou concordants, des témoins, des personnes susceptibles de présenter une menace etc. Certes, le texte limite l’enregistrement aux informations « nécessaires, adéquates et proportionnées », mais comme aucune cible n’est précisée, les gendarmes sont totalement maîtres de la décision et de l’interprétation des critères de nécessité.»

Elle poursuit : «Un cadre plus précis éviterait les collectes de précaution, « au cas où cela pourrait servir », une tentation qu’on retrouve dans toutes les institutions.» Plus généralement, la pénaliste estime que «le sujet est totalement dépolitisé sans prise en compte d’effets potentiellement délétères».

De son côté, la gendarmerie nationale rejette toute idée de «fichage» : «Il n’y a aucun fichage de la population, qu’il soit politique, religieux, syndical ou sur les orientations sexuelles. GendNotes est un outil qui permet la prise de notes dématérialisées (elle était jusqu’à présent manuscrite) des gendarmes dans le cadre de leurs interventions. Dans certains cas, la prétendue origine raciale, les croyances religieuses, etc. sont directement liées à l’intervention, les gendarmes doivent être spécifiquement autorisés à collecter ce type de données.»

Cordialement,

Anaïs Condomines

Lire aussi l’article paru dans lemonde.fr

Faut-il s’inquiéter de « Gendnotes », le nouveau fichier de la gendarmerie ?

« Avec cette application, les gendarmes pourront saisir des données ethniques, religieuses ou politiques si elles sont « strictement nécessaires », mais des questions persistent… »

Le gouvernement a créé une cellule militaire pour surveiller les opposants à l’agro-industrie (Appel)

La LDH ne peut que soutenir cet appel signé par des associations écologistes et environnementales, des paysans soucieux d’une agriculture biologique, des médecins s’opposant à la criminalisation des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle suite à la création de la cellule de renseignement Demeter mise en place par le gouvernement.

Publié sur Reporterre

15 janvier 2020 / Une alliance d’écologistes, de paysans, d’associations environnementales, de médecins, etc.

Le gouvernement veut « faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle », dénoncent de multiples défenseurs de l’agriculture paysanne et biologique, réunis dans cette tribune. Ils s’inquiètent fortement de la création de la cellule de renseignement Demeter, lancée fin octobre, soi-disant destinée à lutter contre l’« agribashing ».

Il y aura un avant et un après Demeter. Le 13 décembre, le ministre de l’Intérieur de la République française Christophe Castaner s’est rendu dans le Finistère en compagnie de la présidente de la FNSEA Christiane Lambert. Dans le cadre d’une convention signée entre son ministère et ce syndicat agricole. Cette première anomalie démocratique — depuis quand la police républicaine est-elle aux ordres d’une structure privée ? — n’est pas la dernière, de loin.

En effet, ce voyage avait pour but principal de lancer une cellule de la gendarmerie nationale appelée Demeter, la déesse grecque des moissons. Et marque reconnue, depuis des lustres, de l’agriculture sans pesticides. Quel en est le but affiché ? La lutte contre « l’agribashing ». Ce terme est une invention des communicants de la FNSEA, qui prétend sans en apporter la moindre preuve qu’on assisterait en France à une entreprise concertée de dénigrement du monde agricole. Elle permet à ce syndicat de maintenir ce qu’elle fait depuis des dizaines d’années : une pression lobbyiste pour obtenir en retour des avantages économiques.

Le ministre, confronté avec son gouvernement à une situation politique difficile, a donc décidé de jouer ce rôle dangereux, affirmant par exemple : « Depuis quelques années, un phénomène grandit, inacceptable. De plus en plus, nos agriculteurs sont visés par des intimidations, des dégradations, des insultes. »

Empêtré dans cette imprudente déclaration, le ministre démontre dans le même texte qu’il est incapable de prouver par le moindre fait la réalité de ce phénomène. Les chiffres qu’il cite pour 2019 parlent d’eux-mêmes : sur la base de 440.000 exploitations agricoles, les plaintes portent sur 314 tracteurs volés, 24 vols avec violence, 657 voitures dérobées.

Encore faut-il préciser que les vols avec violences ont diminué en un an de 31,4 %. La plupart des centres urbains se damneraient pour de telles statistiques. Il est visiblement plus simple de mobiliser la police que de régler la situation dramatique de la paysannerie française.

Il y a encore plus grave. Volontairement, n’en doutons pas, M. Castaner mélange dans un stupéfiant gloubi-boulga la délinquance vile — cambriolages, vols de matériel, incendies, dégradations —, les occupations de terres agricoles par des gens du voyage, les actions antifourrure ou antichasse. C’est mettre sur le même plan criminel le vol, le droit des populations nomades, celui de la critique sociale et politique.

Il y a encore plus grave. M.Castaner entend s’attaquer dans le cadre de Demeter, ainsi qu’il l’écrit, aux « actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques ». Cette fois, on aura compris : il s’agit de faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle, dont la FNSEA est le principal soutien.

La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société

Qui mène « des actions symboliques » contre ce système ? Le mouvement des Coquelicots, qui réclame la fin des pesticides, soutenu par un million de citoyens. Les maires qui prennent des arrêtés contre ces poisons chimiques. Des dizaines de milliers de paysans qui ont déjà choisi l’agriculture biologique. Beaucoup d’autres, qui défendent le modèle de l’agriculture paysanne contre les projets délirants d’usines à vaches, à cochons ou à poulets. Et au total des centaines de milliers de citoyens engagés contre l’importation massive de soja transgénique et donc l’élevage industriel, contre la mort des oiseaux et des insectes, pour des rivières débarrassées de la pollution et des rivages sans algues vertes, enfin pour une alimentation de haute qualité.

Il ne fait aucun doute, à nos yeux, qu’une ligne a été franchie. La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société. Et quand le ministre parle « d’améliorer [la] coopération avec le monde agricole et de recueillir des renseignements », chacun comprend ce que cela veut dire. Cela signifie l’intimidation accrue de tous les adversaires décidés de la FNSEA, qui passe nécessairement par la surveillance électronique et informatique, d’éventuelles écoutes téléphoniques, voire des filatures, des infiltrations, ou pire encore, la délation.

Nous prévenons solennellement le gouvernement que nous refusons cette criminalisation et que nous demandons le démantèlement de la cellule Demeter. Notre contestation de l’agriculture industrielle, non-violente, se fait et se fera au grand jour, dans la conviction d’exprimer la volonté majoritaire de la société française. Nous voulons beaucoup de paysans, beaucoup plus de paysans, heureux et fiers de leur métier, enfin payés au prix convenable pour leur participation au bien commun. C’est en effet un autre monde que celui de la FNSEA.

  • Liste des signataires :

- Valérie Murat, porte-parole de l’association Alerte Aux Toxiques !
- Pierre-Michel Périnaud, président d’Alerte des médecins sur les pesticides
- Sylvie Nony, secrétaire d’Alerte Pesticides Haute Gironde
- Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre
- Jean-francois Lyphout, président de l’Aspro-Pnpp
- Pierrick De Ronne, président de Biocoop
- Gwenola Kervingant, présidente de Bretagne Vivante
- Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de Canopée
- Michel Besnard, du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest
- Marie-Lys Bibeyran, du Collectif Info Médoc Pesticides
- Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
- Violette Auberger, représentante des Ami.es de la Confédération paysanne
- Joël Spiroux de Vendômois, président du Criigen
- Alain Bonnec, président d’Eau et rivières de Bretagne
- Jean-Luc Toullec, président de la Fédération Bretagne Nature Environnement
- Guillaume Riou, président de la FNAB
- Eric Feraille, président de FNE Aura
- François Veillerette, directeur de Générations futures
- Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France
- Arnaud Apoteker, délégué général de Justice Pesticides
- Daniel Cueff, maire de Langouët (35)
- Patrick Lespagnol, président du Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique
- Eliane Anglaret, présidente de la fédération Nature & Progrès
- Fabrice Nicolino, président de Nous voulons des coquelicots
- Jean-Yves Bohic, président de Ragster
- Carole Le Bechec, présidente du Réseau Cohérence
- Jean-François Baudin, président du Réseau Amap Auvergne-Rhône-Alpes
- Florent Mercier, co-président du Réseau Semences Paysannes
- Jacky Bonnemains, directeur de Robin des bois
- Thierry Thévenin, porte-parole du syndicat Simples
- Gilles Lanio, président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF)
- Benjamin Sourice, co-président de Combat Monsanto
- François Halligon, président de la coordination LPO Pays de la Loire
- Perrine Dulac, co-fondatrice du réseau Paysans de nature

NON AU FICHAGE DES ENFANTS ÉTRANGERS !

Le gouvernement met en place un fichier national des mineurs étrangers afin notamment de procéder à leur expulsion. Cette pétition adressée au Premier ministre Edouard Philippe lui demande retirer ce décret, et garantir un accueil digne aux mineurs isolés étrangers.

La nouvelle loi Asile et Immigration autorise la constitution d’un fichier national comprenant les empreintes, les photos et des données personnelles de toutes et tous les jeunes étranger·e·s qui sollicitent la protection de l’enfance en tant que mineur·e·s isolé·e·s.

Le 30 janvier dernier, un décret signé par le Premier ministre a donc autorisé la création effective de ce fichier, nommé « Appui à l’Evaluation de la Minorité » (AEM). La priorité est donnée au fichage à travers une procédure d’évaluation de l’âge et de l’isolement de ces enfants. Auparavant, ces procédures étaient menées par les départements et censées être protectrices.

Avec ce décret, c’est désormais au commissariat ou à la préfecture, et non aux services de la protection de l’enfance, que les jeunes en quête de protection devront s’adresser. Leurs empreintes y seront enregistrées, tout comme leur photo et des informations personnelles comme leur numéro de téléphone. Un refus de communiquer ces informations pourra être transmis au Conseil départemental, et donc alimenter une suspicion de majorité. Alors qu’il est démontré que nombre de jeunes étranger·e·s isolé·e·s sont considéré·e·s à tort comme majeurs par les services départementaux, et rétablis dans leur minorité par le juge des enfants, le décret rend possible la décision d’expulser un jeune du territoire français sans attendre la décision judiciaire. Ces mineur∙e∙s sont ainsi considéré∙e∙s d’abord comme des migrant∙e∙s à expulser plutôt que comme des enfants à protéger.

Ce décret scandaleux est aujourd’hui expérimenté dans quatre départements français. S’il est maintenu et étendu à tout le territoire, il aura des conséquences désastreuses sur des milliers d’enfants et adolescent·e·s, dont le besoin de protection va être mis à mal.  

–> La Cimade avec 13 organisations et syndicats lancent cette pétition pour obtenir le retrait de ce décret.