L’archevêque de Rennes s’indigne du placement des enfants en rétention

Pierre d’Ornelas, archevêque de Rennes, aurait-il lu la tribune de Jacques Boutbien publiée les jours derniers dans Ouest-France, et qui s’étonnait du silence des autorités religieuses sur le sort indigne réservé aux demandeurs d’asile ?

Toujours est-il que ce jeudi 1er septembre, l’archevêque s’interroge, dans la presse, sur l’enfermement des enfants en centres de rétention administratives : « Pourquoi leur faire subir ce régime d’arrestation et d’enfermement ? Pourquoi, pour un temps, briser leur lien familial ? Pourquoi risquer de les blesser psychologiquement ? » Et il mettait en doute la conformité de ces mesures avec la Convention internationale des droits de l’enfant.

Droit dans ses bottes, le préfet Cadot le rassure, faisant allusion à un arrêt de la cour de cassation, stipulant selon lui « que le seul fait de placer en rétention administrative un étranger en séjour irrégulier, accompagné de son enfant mineur, ne constituait pas en soi un traitement inhumain ou dégradant interdit par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». « Un de ces deux arrêts concernait le Centre de rétention administrative de Saint-Jacques de la Lande qui dispose d’infrastructures adaptées pour les familles et dans lequel les personnes bénéficient d’un accès aux soins », affirme le préfet.

Cela ne convainc pas l’archevêque, qui rappelle que « ces derniers mois 7 autres enfants ont vécu la même épreuve, parfois avec un seul de leurs parents ou de leurs frères et sœurs car les autres membres de la famille étaient absents au moment de l’arrestation ». Et il prend l’exemple d’un enfant de 5 ans, libéré du CRA de Rennes Saint-Jacques après cinq jours de détention.

Les 8 enfants interpellés depuis le 29 juillet et placés en centre de rétention avant d’être libérés ont la nationalité arménienne, somalienne, bengali ou tchétchène, selon le Réseau éducation sans frontières.

Sources : AFP, Ouest-France, le Télégramme, La Croix,

Le tramway de la honte

L’information est reprise par de nombreux journaux : la RATP a affrêté un tramway pour évacuer un camp de Roms à Saint-Denis. La direction de la régie se justifie mollement en évoquant une situation d’urgence : en somme, elle a voulu humaniser l’évacuation. Ce n’est pas l’avis des syndicats, qui évoquent le triste souvenir des rafles de la deuxième guerre mondiale.

Articles disponibles : Libération, Orange, l’Express, le Monde, l’Humanité,  etc…

La droite « populaire » veut maîtriser les manuels scolaire

Le Monde s’en est ému. Puis Libération. Le problème ?

« 80 députés UMP ont demandé mardi au ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, le retrait de manuels scolaires qui expliquent «l’identité sexuelle» des individus autant par le contexte socio-culturel que par leur sexe biologique.

Ces parlementaires, conduits par Richard Maillé, député des Bouches-du-Rhône, font ainsi écho aux critiques exprimées sur le même sujet au printemps par la direction de l’enseignement catholique. »

Et Libé de poursuivre son enquête :

«Selon cette théorie, les personnes ne sont plus définies comme hommes et femmes mais comme pratiquants de certaines formes de sexualités: homosexuels, hétérosexuels, bisexuels, transsexuels», écrivent-ils. Il s’agit selon eux d’une «théorie philosophique et sociologique qui n’est pas scientifique, qui affirme que l’identité sexuelle est une construction culturelle».

Évidemment, et heureusement, des voix se sont élevées pour dénoncer cette initiative, y compris à droite, avec par exemple Yves Jégo (Parti radical, ancien ministre).

La droite populaire, (qui, sur sa page Facebook, se présente comme étant un « organisme gouvernemental », rien que ça !) dans la circonscription de Loudéac (la 3ème des Côtes d’Armor), on connaît ! Elle est « brillamment » représentée par le député Marc Le Fur (qui n’apparaît pas dans la liste des signataires, voir ci-dessous). Il s’était fait épinglé il y a quelques années par le Canard enchaîné : au moment de l’affaire « du voile islamique », il avait commis, avec un collègue, un amendement visant à interdire aux professeurs d’arborer des insignes maçonniques dans les établissements scolaires. Le Canard avait alors rappelé qu’effectivement, dans les couloirs des collèges, on pouvait voir des individus, et notamment des profs de maths, qui déambulaient avec des équerres et des compas. Mais Marc Le Fur ne se contente pas d’être un comique troupier.

Marc Le Fur, c’est aussi celui qui a cosigné un projet d’amendement au sujet de la création de la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations  et pour l’Égalité), qui visait à légitimer les propos homophobes. Jugez plutôt, dans les exposés des motifs de cette proposition de loi (c’est un peu long, mais de grâce, allez jusqu’au bout, ça vaut le détour), déposé le 6 juillet 2006 à l’Assemblée nationale :

Lors de l’examen, en deuxième lecture, de la loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, le 7 décembre 2004, trois articles concernant l’homophobie et l’orientation sexuelle, introduits lors de la lecture au Sénat, au Titre III, ont suscité un débat portant notamment sur les risques de développement du communautarisme et créent, surtout, de nouvelles limites à la liberté d’expression.

À l’époque, le Ministre de la Justice, M. Dominique Perben, disait : « ce dispositif ne remet aucunement en cause la liberté d’expression ni la possibilité pour celles ou ceux qui sont légitimement impliqués dans les débats sur les valeurs de continuer à exprimer ce qu’ils pensent sur les modes de vie, les orientations sexuelles ou sur tout autre sujet ».

M. Clément, alors rapporteur du projet de loi et aujourd’hui Ministre de la Justice, précisait le même jour : « la liberté d’organiser des débats de société, sur l’homoparentalité par exemple est indispensable dans une société qui veut préserver la liberté d’expression ».

Manifestement, ils n’ont pas été entendus puisque se développe une véritable inquisition menée par certaines associations homosexuelles qui prétendent s’en prendre au droit de tout citoyen d’exprimer son opinion sur des sujets relevant davantage de la morale et de la sphère privée que de l’Ordre public.

Il convient, donc, pour restaurer la hiérarchie des normes et faire en sorte que la loi instaurant la Halde soit conforme à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, partie intégrante de la Constitution de 1958, et à l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), d’abroger certaines dispositions introduites dans la loi sur la presse de 1881 par la loi de décembre 2004 portant création de la Halde.

En effet, il doit être possible dans le cadre d’un débat démocratique respectueux des croyances religieuses ou engagements philosophiques des uns ou des autres que chacun puisse en toute liberté soutenir son propre point de vue. Par exemple, qu’un chrétien, un juif et un musulman puissent faire valoir l’infériorité morale des comportements homosexuels par rapport à ceux qui fondent le mariage entre un homme et une femme afin de créer une famille au sein de laquelle seront élevés des enfants.

Il est, en effet, légitime que ceux qui se réclament de la bible, puissent adhérer au principe énoncé dans le Lévitique : « Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. » (L. 18.22) et tout aussi loisible aux citoyens préoccupés par l’avenir de la Nation de préférer des comportements qui ne constituent pas une menace pour la survie de l’humanité ainsi que le notait Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique.

Limiter le libre débat sur des questions relevant de la conscience n’est pas acceptable dans une République où les citoyens sont libres : cela reviendrait à accepter une dictature de conception sectaire, que la démocratie française, dans le respect de ses traditions, ne peut accepter.

Que dire de plus ? Juste une chose : fort heureusement, cet amendement a été rejeté.

La liste des signataires (source : site LDH Toulon) :

Richard Mallié (Bouches-du-Rhône (10ème), UMP)
Véronique Besse (Vendée (4ème), aucun groupe)
Elie Aboud (Hérault (6ème), UMP)
Alfred Almont (Martinique (2ème), UMP)
Patrick Beaudouin (Val-de-Marne (6ème), UMP)
Etienne Blanc (Ain (3ème), UMP)
Valérie Boyer (Bouches-du-Rhône (8ème), UMP)
Jean-Marie Binetruy (Doubs (5ème), UMP)
Emile Bléssig (Bas-Rhin (7ème), UMP)
Claude Bodin (Val-d’Oise (4ème), UMP)
Chantal Bourragué (Gironde (1ère), UMP)
Françoise Branget (Doubs (1ère), UMP)
Louis Cosyns (Cher (3ème), UMP)
Marie-Christine Dalloz (Jura (2ème), UMP)
Bernard Debré (Paris (15ème), UMP)
Jean-Pierre Decool (Nord (14ème), apparenté UMP)
Rémi Delatte (Côte-d’Or (2ème), UMP)
Bernard Depierre (Côte-d’Or (1ère), UMP)
Eric Diard (Bouches-du-Rhône (12ème), UMP)
Jean-Pierre Door (Loiret (4ème), UMP)
Dominique Dord (Savoie (1ère), UMP)
Jean-Michel Ferrand (Vaucluse (3ème), UMP)
Sauveur Gandolfi-Scheit (Haute-Corse (1ère), UMP)
Jean-Paul Garraud (Gironde (10ème), UMP)
Alain Gest (Somme (6ème), UMP)
François-Michel Gonnot (Oise (6ème), UMP)
Philippe Gosselin (Manche (1ère), UMP)
Michel Grall (Morbihan (2ème), UMP)
Anne Grommerch (Moselle (9ème), UMP)
Pascale Gruny (Aisne (2ème), UMP)
Jean-Claude Guibal (Alpes-Maritimes (4ème), UMP)
Francis Hillmeyer (Haut-Rhin (6ème), Nouveau Centre)
Françoise Hostalier (Nord (15ème), UMP)
Guénhaël Huet (Manche (2ème), UMP)
Jaqueline Irles (Pyrénées-Orientales (4ème), UMP)
Jacques Lamblin (Meurthe-et-Moselle (4ème), UMP)
Thierry Lazaro (Nord (6ème), UMP)
Michel Lejeune (Seine-Maritime (12ème), UMP)
Jean-Marc Lefranc (Calvados (5ème), UMP)
Céleste Lett (Moselle (5ème), UMP)
Gérard Lorgeoux (Morbihan (3ème), UMP)
Gabrielle Louis-Carabin (Guadeloupe (2ème), UMP)
Lionnel Luca (Alpes-Maritimes (6ème), UMP)
Daniel Mach (Pyrénées-Orientales (1ère), UMP)
Jean-Pierre Marcon (Haute-Loire (1ère), apparenté UMP)
Hervé Mariton (Drôme (3ème), UMP)
Christian Ménard (Finistère (6ème), UMP)
Gérard Menuel (Aube (3ème), UMP)
Philippe Meunier (Rhône (13ème), UMP)
Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne (1ère), UMP)
Alain Moyne-Bressand (Isère (6ème), UMP)
Jacques Myard (Yvelines (5ème), UMP)
Jean-Pierre Nicolas (Eure (2ème), UMP)
Yves Nicolin (Loire (5ème), UMP)
Béatrice Pavy (Sarthe (3ème), UMP)
Nicolas Perruchot (Loir-et-Cher (1ère), Nouveau Centre)
Henri Plagnol (Val-de-Marne (1ère), UMP)
Josette Pons (Var (6ème), UMP)
Eric Raoult (Seine-Saint-Denis (12ème), UMP)
Laure de la Raudière (Eure-et-Loir (3ème), UMP)
Fréderic Reiss (Bas-Rhin (8ème), UMP)
Jacques Remiller (Isère (8ème), UMP)
François Rochebloine (Loire (3ème), Nouveau Centre)
Jean-Marc Roubaud (Gard (3ème), UMP)
Rudy Salles (Alpes-Maritimes (3ème), Nouveau Centre)
Fernand Siré (Pyrénées-Orientales (2ème), UMP)
Dominique Souchet (Vendée (5ème), aucun groupe)
Guy Teissier (Bouches-du-Rhône (6ème), UMP)
Michel Terrot (Rhône (12ème), UMP)
Dominique Tian (Bouches-du-Rhône (2ème), UMP)
Yves Vandewalle (Yvelines (2ème), UMP)
Christian Vanneste (Nord (10ème), UMP)
René-Paul Victoria (Réunion (1ère), apparenté UMP)
Philippe Vitel (Var (2ème), UMP)
Michel Voisin (Ain (4ème), UMP)
Jean Ueberschlag (Haut-Rhin (4ème), UMP)


Jacques Boutbien : « l’Etat brade ses propres lois… »

Jacques Boutbien, ligueur membre de la section de Saint-Brieuc, a fait paraître cette tribune dans la rubrique Forum de l’édition Ouest-France de Saint-Brieuc. Il y donne son avis sur la situation des demandeurs d’asile dans le département. Elle est reproduite telle que publiée dans Ouest-France.

« Dans la torpeur de l’été, rares sont sans doute les lecteurs d’Ouest-France qui ont eu connaissance de l’acte désespéré d’une réfugiée mongole arrivée depuis quelque temps à Saint-Brieuc. Une jeune femme venant de Mongolie qui, complètement à bout après des  mois d’errance et devant l’incompréhension, l’inhumanité des autorités de notre pays, s’est résolue à « passer sous les roues d’une voiture pour en finir une bonne fois pour toutes ». Illustration d’une désespérance ordinaire dont sont victimes ces « parias »… Un État qui brade ses propres lois, en particulier celles relatives au droit d’asile et au droit à l’hébergement pour les demandeurs d’asile, est un État qui se déshonore. Quand verra-t-on, dans « notre douce France », un haut fonctionnaire, un préfet… même proche de la retraite, s’offusquer de ce qu’on lui demande de faire aujourd’hui. […] On aimerait bien que, dans cet été finissant, il y ait au moins dans notre pays un représentant de la préfecture qui puisse s’élever contre les injonctions […] qui leur sont données par leur ministère de tutelle.

À l’opposé, je voudrais souligner l’immense admiration que je porte pour ces quelques hommes et femmes de l’ombre qui s’investissent corps et âme pour défendre ces « damnés de la terre » arrivés dans notre département. Ces personnes aux comportements héroïques font honneur à notre pays et représentent assurément le mieux les vraies valeurs de la République et, en particulier, cet esprit de fraternité qui figure aux frontons… de nos préfectures.

On aimerait bien aussi que des voix fortes et respectées se fassent entendre un peu plus vigoureusement pour les aider dans leur combat […]. Une communication percutante, sans ambiguïté, sous forme de messages à la presse, des autorités religieuses de notre département sur les conditions indignes que l’on fait subir à ces hommes et femmes contribuerait très certainement à atténuer leur souffrance et à trouver des solutions. Mettre une bougie devant la préfecture. Quelques centaines de bougies allumées – jour et nuit – par les habitants du pays de Saint-Brieuc devant la préfecture. Voilà quelque chose qui aurait certainement un impact symbolique fort […]. »

Et de 5 ! Une nouvelle famille en rétention à Rennes

La famille Avetisyan est arrivée en France septembre 2007 et vit depuis 3,5 ans au CADA de Fougères. Anna, Zaruhi et Artur sont scolarisés à l’école de La Forairie à Fougères.
Suite au refus de leur demande d’asile, la Pref du 35 a émis une  OQTF vers l’Arménie en mars 2011 à l’encontre de la famille.

Anna, la fille aînée âgée de 11 ans, vit très mal cette situation et bénéficie d’un suivi psychologique. Anna ayant perdu le sommeil de peur de voir la police débarquer,  la maman a décidé de quitter le domicile avec ses 2 filles pour les sécuriser.

Aujourd’hui le père de famille se retrouve donc enfermé au CRA de Rennes avec son fils Artur, âgé de 5 ans, qui vit très mal cette situation. Il réclame sans cesse sa maman et développe en 24h des symptômes liés à l’enfermement : énurésie et démangeaisons incessantes.

Quels crimes ? Quelles peines ?

Nicolas Frize est co-responsable du groupe de travail « Prisons » de la Ligue des droits de l’Homme. Il est par ailleurs membre du Genepi, le Groupe d’Étudiants National d’Enseigement aux Personnes Incarcérées. Il nous livre ici quelques unes de ses réflexions sur le sens de le peine, dans une période où la politique du chiffre guide la politique judiciaire. On peut entendre ici une conférence que Nicolas Frize a donnée au forum de l’IRTS Lorraine le 3 décembre 2010, sur le thème « Le travail incarcéré ». A noter que Nicolas Frize est par ailleurs compositeur de musique.

La mode bat son plein, pas de soldes pour ces produits, la bourse est stable, tout se vend, tout s’achète, les courbes grimpent, l’inflation montre ici un visage positif, elle jubile de son succès, elle guette ses progrès incessants ! Oui, ces questions de sanctions publiques ont le vent en poupe, et sont frappées de plein fouet par leur propagande ; le climat est au spectacle, au théâtre du crime ou du délit, au théâtre de la justice et de la police. Incontrôlée, la dérive sécuritaire génère un vent de répression et d’intolérance, armée de son bras droit : les médias. La médiatisation progresse et se sophistique pour mieux coller à son époque, comme toute industrie lucrative, capable de faire événement de tout, de se surenchérir à elle même, dans un double mouvement de banalisation et de dramatisation.

Elle fait chou gras de tous les actes de transgression quels qu’ils soient jusqu’aux anecdotes en sous main de la machine policière, judiciaire et pénitentiaire.

Nous n’avons pas assez conscience de la complicité tacite et structurelle entre les médias et les pouvoirs législatif, exécutif et économique. Chaque fait divers est d’abord émouvant, susceptible de faire loi ou décret, et parallèlement, chaque loi ou décret fait publicité. Dans ce ballet de causalités d’intérêts, la répression sur les individus – et donc sur le collectif – est une arme de soumission et de séduction.

Nous n’avons peut-être pas besoin de citer ici l’accumulation des mesures répressives qui se sont abattues sur le pays (peines planchers, bracelet électronique tous azimuts, recul des libérations conditionnelles, fichiers des empreintes génétiques, STIC et autres, suivi médical « obligatoire »…), accélérant encore ce qui avait été amorcé depuis l’abolition de la peine de mort en 1981 (périodes de sureté incompressibles…).

De toute évidence la transgression fascine et excite certains de nos concitoyens (cf. la presse spécialisée sur les faits divers crapuleux et les émissions de télévision thématiques retraçant l’histoire des grands crimes…), qui, terrassés par leur propre culpabilité de s’intéresser de si près et de se répandre en fascination dans ces horreurs, réclament à corps et à cris les peines les plus immondes, les plus longues, les plus dures et les plus inéluctables. On croit rêver, en observant les États-Unis, qui brillent par l’excellence et l’hystérie de leur arsenal répressif, de voir à quel point celui-ci n’a aucun effet quantitatif ou qualitatif sur la criminalité ! Ce qui n’est pas dit, c’est que ces mesures punitives démentielles n’ont pas pour naïveté de faire reculer par la dissuasion les velléités criminelles des citoyens, elles ont d’une part pour objet d’asseoir un État sur le principe de son pouvoir absolu, de son autorité souveraine et de ses méthodes de « terreur », d’autre part, de se donner les moyens de régler par la coercition toutes les difficultés liées au dérèglement économique de la vie des gens (discriminations, précarités, chômages, immenses disparités entre les couches sociales, dérives psychiatriques, maladies liées à l’abandon social…).

Quels combats reste-t-il à mener dans le champ pénal trente ans après l’abolition de la peine de mort ? Qu’est-ce qui continue à faire débat aujourd’hui dans le champ pénal ?

Nous avons plutôt envie de répondre : tout et rien ! La question n’est pas tant sur le terrain du champ pénal que sur le terrain du politique, à un niveau macro !

La société a les comportements journalistiques, politiques et judiciaires qu’elle décide. Alors voilà, si nous acceptons de rester à la surface des petites horreurs qui dépassent de la norme, pour ne pas nous occuper de leur source, nous allons ergoter ardemment pour « négocier » que les enfants bénéficient d’accompagnement scolaire en prison (quelle honte), que des victimes puissent être présentes dans les commissions d’application des peines (quelle souffrance), que nos prisons soient plus sécurisées, plus fiables (quel mensonge) et qu’il en soit construites 50 de plus pour palier à la surpopulation pénale (quelle imposture), que les droits fondamentaux [les règles européennes] soient respectés (oui absolument !)…

Nous allons juste participer de plus en plus à la perfectibilité d’une machine sociale, qui punit tout ce qu’elle est incapable d’accueillir, tout ce qu’elle a déjà rejeté par impuissance, tout ce qu’elle a réduit au malheur, par la discrimination sociale (le racisme au sens large !), la discrimination économique (l’impossibilité pour certains d’être les premiers !), la discrimination idéologique (les théories essentialistes), la discrimination culturelle (l’aptitude à la « modernité » incessante !)…

Les crimes passionnels, les attaques à main armée et la pédophilie ont bon dos pour nous faire avaler toute la machine répressive entière. Incapable de prévention, incapable d’égalité, incapable de solidarité, incapable de démocratie participative, la société nous enjoint de nous pencher avec les yeux bandés sur des ersatz, les incidents de parcours, les boutons de fièvre, tout ce qui dépasse trop et fait « désordre ». Alors que le désordre est dans la structure, dans les fondements de l’architecture !

La société Française ne s’intéresse pas à elle-même. En Norvège, lorsqu’un tueur fou et inspiré va au bout de ses idées ou de ses démences, toute la société s’interroge sur les conséquences et les origines de ses motivations, philosophiques, éthiques, idéologiques, sociales. Quand est-ce que le viol, les agressions physiques, les conduites en état d’alcoolémie, la dépendance aux stupéfiants, la prostitution, la grande précarité, les psychoses… soulèveront une fois le désir collectif de débattre de nos mœurs, de nos idées, de nos façons de vivre, de nos institutions, de nos règles… et de nous mobiliser, dans la rue, les facultés, les écoles, les lieux de travail ?

Le combat qu’il nous faut ? Se mettre debout ensemble.

Nicolas Frize

Coresponsable du groupe de travail « Prisons » de la LDH

Guéant : contrôler le niveau linguistique des candidats à la naturalisation

Libération nous apprend que Claude Guéant souhaite que les étrangers voulant s’installer en France aient une «maîtrise de langue française» comparable à celle «d’un élève en fin de scolarité obligatoire (entretien à paraître mercredi 24 août dans l’Express). Il précise : «Je veux que les connaissances exigées se situent au niveau de celles d’un élève en fin de scolarité obligatoire», soit un niveau de fin de collège. Concernant les naturalisations, «Je viens de signer une circulaire destinée aux préfets pour les guider dans l’instruction des demandes», annonce-t-il, en soulignant que «les conditions de l’assimilation — c’est le mot utilisé par le Code Civil – doivent être étroitement vérifiées».

Faisons un petit test. Imaginons un candidat à la naturalisation qui dirait par exemple :  » Ma détermination n’a rien changé » (comprendre : « ma détermination n’a en rien changé »). Ou : « si y en a que ça les démange d’augmenter les impôts ». Ou encore : «  Mais franch’ment, par moments, on s’demande c’est à quoi ça leur a servi toutes ces années pour avoir autant de mauvais sens ! ».

Poursuivons le test : « on commence par les infirmières parce qu’ils sont les plus nombreux ». Ou :  » comme y’aura l’allongement de la durée de la vie, y’aura de plus en plus de gens qui voudront partir faire des tours en croisière. ». Et une dernière pour le plaisir : « j’préfère qu’vous savez qu’vous soyez avec un actionnaire que vous connaissez ici».

Question : ce candidat pourra-t-il obtenir la nationalité française ?

N.B. Toutes ces citations sont extraites de discours ou de déclarations de l’actuel président de la République…

Les tests osseux pour dérterminer l’âge des mineurs migrants contestés

Le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a émis un avis très critique sur l’utilisation des tests osseux pratiqués pour déterminer l’âge des jeunes migrants lorsqu’ils affirment être majeurs. Deux critiques majeures : la fiabilité de ces, tests, de plus en plus contestés par les scientifiques, et le fait que la méthode (radiographie) expose inutilement ces jeunes à des radiations. Dernier point : cette méthode est en contradiction avec la convention relative aux droits de l’enfant.

Voici l’avis publié par Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’Homme au Conseil de l’Europe, signalé par la Cimade.

Les méthodes d’évaluation de l’âge des migrants mineurs doivent être améliorées

L’âge d’un migrant peut être déterminant pour son avenir. S’il est reconnu mineur, il peut se voir accorder un titre de séjour. S’il est considéré comme un adulte, il risque d’être rapidement placé en rétention et expulsé. L’âge charnière en la matière est de 18 ans.

Il existe des raisons évidentes pour accorder une attention particulière aux enfants dans les politiques migratoires.  Ce principe est consacré par les normes internationales applicables en matière de droits de l’enfant et admis par la plupart des gouvernements. Mais il soulève une question particulière : quelles méthodes d’évaluation les autorités doivent-elles utiliser pour déterminer si un migrant est âgé de moins ou de plus de 18 ans ?

Bon nombre de jeunes migrants arrivent sans passeport, carte d’identité ou acte de naissance. Les autorités compétentes en matière de migration soupçonnent que certains d’entre eux se disent plus jeunes qu’ils ne le sont réellement pour bénéficier d’un traitement respectueux des droits de l’enfant. Aussi les autorités de certains pays ont recherché un moyen scientifique d’établir l’âge précis des jeunes migrants provenant d’autres pays. Il est temps d’examiner ces méthodes d’un œil plus critique.

Plusieurs États européens, dont la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne, effectuent des contrôles à l’aide de rayons X pour déterminer si l’intéressé est mineur ou non. Les radiographies de la main, du poignet ou des dents sont ensuite comparées à des tableaux normalisés qui permettent de déterminer « l’âge osseux » d’une personne.

Cette méthode est présentée comme rapide et relativement facile à mettre en œuvre, mais elle est de plus en plus contestée par des médecins spécialisés. Elle n’est en effet pas suffisamment précise pour déterminer un âge et soumet les intéressés à des radiations inutiles.

Les rayons X ne permettent en aucun cas de déterminer un âge avec certitude

La croissance osseuse varie considérablement d’un adolescent à un autre. La croissance corporelle dépend en effet de nombreux facteurs, dont l’origine ethnique et géographique, la situation nutritionnelle et socio-économique, ainsi que les antécédents médicaux de l’intéressé et les pathologies dont il souffre.

Partout en Europe, et notamment au Royaume-Uni, les associations de pédiatres sont catégoriques sur un point : la maturité de la dentition et du squelette ne permet pas de déterminer l’âge exact d’un enfant, mais uniquement de procéder à son estimation, avec une marge d’erreur de deux à trois ans. L’étude sur les mineurs non accompagnés réalisée par le Réseau européen des migrations souligne que l’interprétation des données peut varier d’un pays à l’autre, voire d’un spécialiste à l’autre.

Le recours aux rayons X soulève par ailleurs de graves questions d’éthique médicale. En 1996, la Faculté royale de radiologie (Royal College of Radiologists) de Londres a déclaré que l’examen radiographique pratiqué pour évaluer l’âge d’une personne était « injustifié » et qu’il était inadmissible d’exposer des enfants à des radiations ionisantes sans un intérêt thérapeutique et dans un but purement administratif.

Des évaluations pluridisciplinaires s’imposent

Les Médiateurs des enfants des pays européens ont adopté une position commune sur le traitement qui doit être réservé aux mineurs non accompagnés. Ils précisent que toute analyse supplémentaire de l’âge d’un jeune migrant ne devrait intervenir qu’en cas de doute sérieux, par exemple lorsqu’il apparaît clairement que les documents fournis ou les déclarations faites par l’intéressé ne sont pas fiables. Il convient par conséquent de ne pas soumettre les migrants mineurs à un examen médical quasi automatique ou de routine.

Il importe que les techniques d’évaluation de l’âge respectent la culture, la dignité et l’intégrité physique de l’enfant. L’évaluation de son âge doit être réalisée par un groupe pluridisciplinaire d’experts indépendants, à partir de l’appréciation combinée de sa maturité physique, sociale et psychologique. Ces experts devraient tenir compte du fait que certaines évaluations physiques risquent d’être traumatisantes ou éprouvantes pour les nerfs d’un enfant qui peut avoir été victime de violences physiques ou sexuelles. Il convient enfin que l’intéressé puisse faire appel de la décision rendue par le groupe d’experts ou demander la révision de l’évaluation effectuée.

Témoigner à l’enfant du respect et de la confiance

Le Comité des droits de l’enfant, qui contrôle la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, a déclaré « qu’il convient de traiter l’intéressé comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur ». En l’absence d’un doute sérieux, les autorités devraient se fier aux documents fournis ou aux déclarations faites par l’enfant.

L’évaluation inexacte d’un âge peut avoir des conséquences dramatiques, notamment entraîner le placement abusif en rétention d’un mineur séparé de ses parents ou non accompagné. Il appartient aux gouvernements de mettre au point des méthodes respectueuses de l’enfant. Au lieu de faire preuve de méfiance à l’égard des mineurs migrants et de les soumettre à des examens inutiles, il importe de les respecter et de leur témoigner de l’empathie ; cette attitude devrait tenir lieu de principe fondamental.

Thomas Hammarberg

Lecture complémentaire : la position du Commissaire sur les droits des migrants mineurs en situation irrégulière

http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=166

http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=167

Rennes : une nouvelle famille en rétention

Communiqué de RESF

Comme chaque année, les vacances scolaires sont propices à la chasse à l’enfant. Après une famille arménienne avec 2 enfants, une femme somalienne avec un bébé de 6 mois, le CRA de Rennes retient entre ces grilles une famille bengali avec 2 enfants âgés de 6 et 3 ans. Interpellée à son domicile à Rennes, le 17 août, la famille Chowdhury est soutenue par RESF 35 depuis des années. Nés en France, les 2 enfants, Safayet, 6 ans et Janiya 3 ans, sont scolarisés à l’école maternelle de Picardie à Rennes. Ils ont reçu un parrainage républicain à la mairie de Rennes en octobre 2008. Le couple est arrivé en France en 2005 pour demander l’asile. Déboutée depuis 2007, la famille n’a cessé de faire des démarches pour tenter de régulariser sa situation auprès de la Préfecture d’Ille et Vilaine qui a toujours refusé de leur délivrer un titre de séjour.

Me Le Strat, l’avocate de la famille Chowdhury, a saisi le JLD en urgence dès leur placement en rétention. En raison de la présence des 2 enfants en bas âge, le juge a estimé la requête recevable et l’audience s’est déroulée le 18 août.

Malgré les vacances scolaires, le public était nombreux pour soutenir la famille Chowdhury.

Me Le Strat a rappelé que, même si la cour de cassation avait « légitimé» en avril 2009 le placement en rétention des enfants accompagnés de leurs parents, elle autorisait une interprétation au cas par cas pour les plus jeunes et les plus fragiles.

C’est dans ce sens qu’elle a argumenté en évoquant les troubles du développement de Safayet (6 ans) qui bénéficie d’un suivi psychopédagogique depuis 2 ans. Grâce à cette prise en charge, Safayet a fait des progrès considérables qui peuvent être remis en cause par un traumatisme ou un choc émotionnel…

Le représentant de la Préfecture a assumé avec zèle son rôle de représentant de l’État… Selon lui le « CRA n’est pas une prison et même dans les prisons, les femmes sont autorisées à garder leurs enfants avec elles jusqu’à l’âge de 18 mois ». Pour lui les conditions d’accueil du CRA sont parfaitement adaptées aux jeunes enfants en précisant que si Safayet avait besoin de soins, il serait autorisé à se rendre à ses rendez-vous.

Le juge a retenu que le placement au CRA était injustifié, car la Préfecture n’apportait pas la preuve qu’une alternative à la rétention ait été tentée et qu’aucune diligence n’avait été effectuée auprès du consulat du Bangladesh. Il a donc libéré la famille. La joie fut de courte durée, puisque 1h plus tard le procureur faisait appel de la décision. Une « position de principe » selon lui, qui faisait suite à une circulaire de la Chancellerie datée du 16 août qui demandait aux Préfectures de faire systématiquement appel dans ce cas.

Tous les soutiens présents à l’audience ont aussitôt rejoint le rassemblement devant de CRA de Rennes St Jacques pour demander la libération et la régularisation de la famille Chowdhury et que cesse définitivement le placement des enfants en rétention.

Le jugement en appel a eu lieu le 19 août. Dès le début de l’audience, la présidente de la Cour a demandé aux 2 enfants de quitter la salle. Ce n’était évidemment pas leur place, on statuait sur le sort de leurs parents, entre adultes, pas sur le leur bien sûr ! A aucun moment, la situation des enfants n’a été pris en compte malgré les tentatives de Me Le Strat, les débats étant centrés sur la recevabilité de la requête de saisir le JLD en urgence.

La famille Chowdhury a été maintenue en rétention.  Une décision purement politique, rendue par la juge Françoise Cocchiello, qui a estimé que le placement des enfants en rétention ne constituait pas un traitement inhumain et dégradant et qu’en AUCUN CAS le JLD ne pouvait être saisi avant les 5 jours, comme le permet dorénavant la loi Besson.

Cette décision a été rendue dans le cadre prestigieux du Parlement de Bretagne « dont l’harmonie exceptionnelle donne aux magistrats, comme à leurs illustres anciens, l’exemple de ce que doit être et demeurer la Justice dans ces lieux » (Maître Emmanuel de Rusquec). Me Cocchiello l’aurait-elle oublié ?

Samedi 20 août, nouvelle audience devant le JLD à J+4 ; une stratégie de la Préfecture pour éviter de tomber sur le même juge qui a déjà libéré la famille…Par chance le juge de permanence est une juge pour enfants, elle libère la famille sur la base de l’article III de la Convention des droits de l’enfant et notamment de l’état de santé de Safayet. Mais l’acharnement continue et le procureur fait de nouveau appel ! La famille Chowdhury est de retour au CRA  et se prépare à passer pour la seconde fois en 2 jours devant la cour d’appel de Rennes.(jour et heure non communiqués pour l’instant).

L’audience au Tribunal Administratif est prévue lundi à 14h3O.

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