Photo Pierre Fénard.
Réforme du RSA activité et de la PPE : redonner aux pauvres ce qui leur est dû !
Un des problèmes du Revenu de solidarité active est que 68% des bénéficiaires potentiels renoncent à le demander : lourdeur et complexité des démarches, erreurs fréquentes qui plongent souvent les victimes dans des situations inextricables puisqu’ils doivent rendre le trop perçu… Le collectif Alerte, dont fait partie la Ligue des droits de l’Homme s’est donc réjoui de voir sa proposition de faire fusionner le RSA activité et la prime pour l’emploi.
Mais…
Car il y a un mais. Si 68% de personnes renoncent à demander le RSA alors qu’ils y ont droit, l’enveloppe budgétaire qui lui est consacrée n’est pas dépensée entièrement. Cela représente environ un milliard d’euros par ans, qui n’est pas dépensé par le Fonds national des solidarités actives. Du coup, ce milliard d’euros a été supprimé dans la loi de finance. Un absurdité qu’Alerte dénonce dans un communiqué, qui est également diffusé par la Ligue des droits de l’Homme.
Réforme du RSA activité et de la PPE :
Redonner aux pauvres ce qui leur est dû !
Le plan pluriannuel interministériel de lutte contre la pauvreté, dont le collectif ALERTE est à l’origine, a prévu une réforme des deux dispositifs de soutien financier aux revenus d’activité des travailleurs modestes, dans le sens d’une éventuelle fusion : le RSA activité et la prime pour l’emploi (PPE). En effet, le RSA activité connaît un taux de non recours de plus de deux tiers (68 %), ce qui l’empêche d’atteindre sa cible, et la PPE, faute de revalorisation, a perdu son efficacité. ALERTE soutient cette proposition du plan. Mais le Gouvernement fait fausse route en demandant au groupe de travail qui prépare la réforme de le faire « à euros constants ».
En effet, du fait du non recours massif au RSA activité, c’est chaque année environ un milliard d’euros qui ne sont pas dépensés par le Fonds national des solidarités actives et sont donc supprimés dans les lois de finances.
On ne peut pas faire une réforme pour lutter contre le non recours en profitant financièrement de celui-ci. Les associations nationales de solidarité regroupées dans le Collectif ALERTE demandent donc au Premier Ministre de réintégrer dans la base de calcul de la réforme à venir la totalité des crédits prévus et dus aux travailleurs pauvres ou modestes.
Rroms : de plus en plus d’évacuations forcées
Trois ans après le triste « discours de Grenoble » qui marquait une déclaration de guerre du président de la République de l’époque à toute une partie de la population, les Rroms et les gens du voyage, il y a eu changement de majorité. Mais pas de changement politique sur ce sujet. Pour preuve, les statistiques d’évacuations forcées des Rroms au cours du 2ème trimestre 2013 : 5482 personnes évacuées, deux fois plus qu’au premier trimestre. Des résultats à faire pâlir de jalousie les Hortefeux, Besson et Guéant. Et à faire rugir de plaisir M. Estrosi, qui s’est fait remarquer ce week-end par des déclarations qui donnent la nausée.
La parution de ces statistiques a été l’occasion pour l’ERRC (European Roma Rights center) et la Ligue des droits de l’Homme de publier un communiqué commun dans lequel les deux associations les commentent. On peut télécharger le dossier statistique complet ici. Lire également l’article paru dans le journal l’Humanité.
Les Roms étrangers évacués de force durant le deuxième trimestre de l’année 2013 ont été plus nombreux que durant le premier trimestre. Ces nouvelles données délivrées par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le European Roma Rights Centre (ERRC) viennent d’être publiées dans le recensement des évacuations forcées du deuxième trimestre 2013.
Un total de 5 482 personnes ont été évacuées de force par les autorités durant le deuxième trimestre, comparé à 2 883 durant le premier trimestre de 2013.
La plus forte augmentation du nombre d’évacuations forcées a été observée en Ile-de-France. Dans les autres régions (incluant Paca, Rhône-Alpes et le Nord), les évacuations forcées ont perduré à un rythme stable.
Trois personnes, dont un enfant, sont décédées dans un incendie d’un squat à Lyon, le 13 mai. Ce serait une bougie d’éclairage qui aurait causé l’incendie après que l’électricité a été coupée quelques jours auparavant. En tout, le nombre de personnes forcées d’évacuer leurs lieux de vie à cause d’un incendie, d’une inondation ou d’une agression, a diminué (530 contre 1 007).
Durant le deuxième trimestre 2013, les évacuations forcées ont continué à un rythme élevé et, dans la plupart des cas, sans solution alternative crédible de relogement ni d’accompagnement social. Dans la pratique, la mise en application de la circulaire interministérielle du 26 août 20121 « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » reste rare, hétérogène ou est généralement très rapide et superficielle. Elle s’apparente souvent plutôt à un recensement des populations qu’à un réel et durable travail social d’insertion. Malgré le fait qu’aucune expulsion du territoire ne soit rapportée durant le deuxième trimestre, le recensement montre qu’il y a eu 8 distributions massives d’obligations de quitter le territoire français (OQTF), attribuées à 424 personnes.
Les autorités françaises continuent dans la réalité à violer impunément les lois européennes et plusieurs traités internationaux, notamment la Charte sociale européenne révisée. Ceci se perpétue tout en développant un discours gouvernemental ambigu, se traduisant dans les faits par la même violence qu’antérieurement. Les traumatismes faisant suite aux évacuations forcées continuent de provoquer une précarité de plus en plus grande : rupture d’accompagnement social, déscolarisation des enfants, rupture de soins, instabilité, pertes de biens personnels… sans évoquer les traumatismes psychologiques.
Ce n’est pas en souhaitant leur retour dans leur pays d’origine que l’on va réussir à insérer, en France, ces populations vivant dans les bidonvilles. Ce n’est pas une solution à long terme durable pour la France.
Nous demandons l’arrêt immédiat de cette politique de rejet : les évacuations forcées ne peuvent se perpétuer au mépris des traités internationaux et européens. Au-delà de l’application concrète de la circulaire du 26 août, nous demandons par ailleurs qu’une véritable politique d’insertion pour ces personnes en grande précarité soit mise en place. Cette politique devra dépasser celle qui « anticipe et accompagne » leurs expulsions ou leurs évacuations forcées.
Estrosi se lâche sur les gens du voyage et l’Islam
On croit rêver. Mais alors ça serait un cauchemar.
M. Estrosi s’est surpassé pendant l’émission « Le grand rendez-vous », sur Europe 1, à laquelle il était invité. Il s’y est naturellement exprimé sur la décision du Conseil constitutionnel qui a rejeté les comptes de campagnes de M. Sarkozy. Mais il s’est aussi exprimé sur les gens du voyage.
Et là, le maire de Nice a pratiquement appelé les maires de France à engager une chasse aux gens du voyage et aux Rroms : « j’appelle les maires de France à la révolte quelque part et à utiliser le mode d’emploi qui est le mien », a-t-il déclaré, avant d’expliquer en quoi consiste son « mode d’emploi ».
Il est simple. Il repose sur cette première affirmation du maire de Nice : « j’en ai maté d’autres, je vous materai ». Phrase qu’il indique avoir prononcé à l’adresse de gens du voyage qui s’étaient installés sur un terrain de football de Nice. Notons déjà que s’ils se sont installés là, c’est faute d’autre lieu d’accueil, or, la loi fait obligation aux communes d’une certaine importance de prévoir des aires d’accueil.
Mais passons. Le mode d’emploi :
- Installation de caméras « partout, pour surveiller vos faits et gestes dans les heures qui viennent. On va noter ceux qui rentrent, ceux qui sortent, à quelle minute, à quel moment et ce que vous allez faire partout, dans la ville, dans la métropole, etc ».
- Relevé des immatriculations
- Référé devant le tribunal à titre conservatoire, pour pouvoir saisir les véhicules, « vous savez ces belles et grosses voitures avec lesquelles ils tirent leurs belles et grosses caravanes pour lesquelles les Français, il (leur) faudrait quelquefois toute une vie pour se payer la même (…) »
- Faire payer aux gens du voyage les dégâts que le maire les accuse d’avoir provoqués : « non seulement vous allez partir, mais avant, vous allez payer. Si vous ne payez pas, OK, saisie des véhicules (…) pour pouvoir rembourser ce que les contribuables de Nice n’ont pas à payer. »
C’est assez savoureux que M. Estrosi parle de « rembourser ce que les contribuables n’ont pas à payer ». La décision du Conseil constitutionnel de refuser les comptes de campagne de l’ancien président de la République a pour conséquence que l’Etat ne remboursera pas l’UMP de ses frais de campagne. L’UMP lance donc une souscription. Mais ce que l’UMP ne dit pas, c’est que les souscripteurs qui verseront leur aumône par chèque auront la possibilité de déclarer cette somme au fisc, ce qui leur permettra d’obtenir une réduction (réduction, pas déduction !) d’impôt égale à 66% de la somme versée. M. Estrosi affirme que l’UMP a déjà collecté 2 millions d’Euros. Les contribuables vont dont payer 1,320 million d’euros pour rembourser les généreux donateurs. Pour rembourser une amende, en fait. Ceci n’empêche pas M. Estrosi de considérer qu’il s’agit d’un « impôt sur l’opposition »…
Et M. Estrosi ne s’est pas arrêté là. Après les gens du voyage et les Rroms, il s’en est pris à l’Islam, « incompatible avec la démocratie »…
N’en jetez plus, la coupe est pleine.
Sale temps pour les droits de l’Homme en France, ces temps-ci
Les droits de l’Homme sont malmenés en France, ces temps-ci. Après le pitoyable incident de l’avion du président bolivien interdit de survol de la France parce qu’on soupçonnait la présence d’Edward Snowden à bord, puis le refus par la France de donner suite à sa demande d’asile (lire ici le passionnant article de Maître Eolas à ce sujet), on a appris que la France elle aussi aime bien intercepter et stocker des communications : voici le communiqué publié par la Ligue des droits de l’Homme à ce sujet :
Dans son édition en date du 5 juillet, le quotidien Le Monde affirme que la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) intercepterait et stockerait la totalité des communications en France et procéderait à un stockage de données sans limite de temps. Si ces informations sont exactes, cette collecte systématique couvrirait les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs en France ainsi que les flux entre les Français et l’étranger. Les courriels, SMS, relevés d’appels téléphoniques, Facebook, Twitter seraient concernés.
Cette base de données serait utilisée par d’autres services, tels la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ou les douanes. Si ces informations devaient s’avérer exactes, nous serions dans une situation de violation flagrante des lois en vigueur.
Dans un contexte marqué par les révélations d’Edward Snowden concernant un système d’écoute global pratiqué par le gouvernement des Etats-Unis, la Ligue des droits de l’Homme estime que les informations du Monde appellent une mise au point convaincante, seule capable de dissiper les inquiétudes et indignations légitimes sur un mésusage d’écoutes systématique violant les libertés et garanties constitutionnelles des citoyens français.
Ensuite, il y a eu le jugement de la cour d’appel de Versailles, le 4 juillet, ordonnant à Mediapart et Le Point de supprimer de leurs sites toute citation des enregistrements effectués par la majordome de Mme Bettencourt. Une décision qui va être totalement inefficace : la mémoire cache de Google permet de retrouver ces enregistrements qui ont par ailleurs été publiés par une multitude de sites et de blogs. Et surtout une décision qui ressemble à s’y méprendre à une censure, au moment où la ministre de la justice dépose un projet de loi qui affirme que « les journalistes doivent pouvoir exercer leur mission sans entraves »…
Sur ce sujet aussi, la Ligue des droits de l’Homme s’est rapidement exprimée, par ce communiqué :
Veut-on revenir aux temps obscurs de la censure ? D’allure baroque, la question doit pourtant être posée après l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, rendu le 4 juillet, qui ordonne à Mediapart et Le Point de supprimer de leurs sites, dans les huit jours, toute citation des enregistrements effectués par le majordome de madame Bettencourt. L’arrêt va jusqu’à interdire qu’ils soient mentionnés.
On se souvient que ce sont ces révélations qui ont été à la source d’une enquête journalistique éclairante sur les rapports entre le monde de l’argent et de la politique. L’arrêt de la cour d’appel, censurant de fait l’information, est un coup porté aux titres de presse Mediapart et Le Point, et à la liberté de la presse d’une façon générale.
Au moment où la ministre de la Justice dépose un projet de loi qui affirme que « les journalistes doivent pouvoir exercer leur mission sans entraves », cette décision est rien moins qu’inquiétante ; au lendemain du refus de la France d’accorder l’asile à Edward Snowden, elle rappelle à quel point la liberté d’informer et d’être informé, en toute liberté, reste fragile.
La Ligue des droits de l’Homme exprime sa solidarité avec Mediapart et Le Point ; elle appelle à une grande vigilance pour défendre la liberté de la presse, facteur incontournable de la démocratie.
Enfin, dans un tout autre domaine, le vieux président « d’honneur » (sic) du front national s’est une nouvelle fois fait remarquer par des propos scandaleux, au sujet des Rroms cette fois-ci. Le MRAP a décidé de le poursuivre en justice ; la Ligue des droits de l’Homme pour sa part « examine le procédure judiciaire la plus appropriée pour faire sanctionner à nouveau Jean-Marie Le Pen. Pendant que le père répand ses idées d’un autre âge, une bonne nouvelle est tombée : la fille est privée de son immunité parlementaire par le parlement européen, pour, elle aussi, « incitation à la haine raciale » (Article du Monde ici). Voici le communiqué de la LDH concernant le vieux Le Pen :
La Ligue des droits de l’Homme condamne vigoureusement les scandaleux propos tenus à l’encontre des Roms, à Nice, par le président d’honneur du Front national, ayant qualifié leur présence « d’urticante et d’odorante ».
Cette déclaration indigne confirme la réalité de la pensée de ce parti d’extrême droite, qui demeure fondée sur le racisme, la xénophobie et la haine des étrangers.
Un parti qui porte de tels discours doit être combattu avec la plus grande fermeté, sans être dupe des opérations de séduction fallacieuses engagées par ses autres dirigeants.
La Ligue des droits de l’Homme appelle à la plus grande vigilance et à dénoncer les alliances ou convergences envisagées avec ce mouvement anti-républicain, notamment en vue des prochaines élections municipales.
La Ligue des droits de l’Homme examine par ailleurs la procédure judiciaire la plus appropriée pour faire sanctionner à nouveau Jean-Marie Le Pen.
L’Etat poursuivi par treize victimes de contrôle au faciès
Pour la première fois, l’Etat est poursuivi par des personnes qui estiment avoir été contrôlées abusivement par la police sur la voie publique, en d’autres mots, avoir été victimes de « contrôles au faciès ». Treize personnes au total étaient à la barre, pour dénoncer cette pratique humiliante, qui ressemble parfois à du harcèlement.
Il faut savoir que, d’après une étude menée en 2009 par l’Open society justice initiative avec le centre national de la recherche scientifique, « un Noir a de 3 à 11 fois plus de risques d’être contrôlé qu’un Blanc, et un Maghrébin 2 à 15 fois plus ». Les plaignants ? des étudiants, des salariés, des Noirs, des Arabes, âgés de 18 à 35 ans. Autre caractéristique, qui ajoute de la forces à leur témoignages : ce ne sont pas des militants. Ils ont simplement signalé leur histoire au Collectif contre le contrôle au faciès, qui travaille en relation étroite avec la Ligue des droits de l’Homme, et qui a publié de nombreuses vidéos édifiantes de témoignages de victimes de ces contrôles.
Le ministre de l’Intérieur, ça n’est pas une surprise, est évidemment opposé à la délivrance d’un récépissé à chaque contrôle, ce qui, pour les plaignants et le collectif serait une solution efficace pour lutter contre cette pratique abusive. Ce récépissé est déjà utilisé dans certains pays, à la satisfaction des victimes comme des forces de l’ordre : il permet d’améliorer sensiblement les relations entre les forces de l’ordre et le public.
Le jugement a été mis en délibéré pour le mois de septembre.
Lire aussi :
http://www.marianne.net/Controle-au-facies-l-Etat-sur-le-banc-des-accuses_a230018.html
Enfin, voici un témoignage publié sur son site par le collectif « Stop le contrôle au faciès ».
Chaque année, nous sommes des dizaines de milliers à subir l’humiliation et la violence des contrôles d’identité abusifs. Perte de temps dans le meilleur des cas, ces contrôles mènent bien trop souvent à des accusations d’outrage et rébellion, à des coups ou à la mort. Derrière ces injustices, un déclencheur : le contrôle au faciès, moyen d’intimidation, pratique discriminatoire qui se fonde uniquement sur l’apparence physique des individus. Ces abus constituent une violation de nos droits les plus fondamentaux et du pacte républicain.
Aujourd’hui, pour la première fois, le Ministère de l’Intérieur doit répondre de ces pratiques devant les tribunaux, dans le cadre des premières actions en justice contre l’État pour contrôles au faciès. A cette audience historique, nous y serons… pour écouter le gouvernement tenter de nous expliquer pourquoi.
Pourquoi un jeune noir a six fois plus de chances d’être contrôlé qu’un jeune blanc ?
Ma dignité vaut-elle moins que celle d’un autre ?
Pourquoi mon sexe me protège-t-il des contrôles d’identité ?
Pourquoi François Hollande qui est censé être le Président de tous les français tolère-t-il que les valeurs républicaines soient bafouées alors qu’il déclarait pendant la campagne présidentielle que la voie qu’il nous proposait était celle de l’espérance en la promesse républicaine ?
Pourquoi ma couleur de peau est-elle moins suspecte qu’une autre ?
Pourquoi tant de morts lors des contrôles d’identité ?
Nos vies valent-elles moins que celle des autres ?
Pourquoi suis-je moins suspecte qu’un autre ?
La Ligue des droits de l’Homme demande que la France accueille Edward Snowden
Edward Snowden, qui a révélé l’immense scandale de l’espionnage exercé par la NSA et le FBI aux dépends des citoyens et des institutions européennes, erre depuis plusieurs jours à la recherche d’un asile le mettant à l’abri de la justice américaine dont il sait qu’elle ne lui assurera pas toutes les garanties d’un procès équitable.
Le président de la République a eu des mots très durs à l’égard des Etats-Unis, lorsque cette information est tombée. Et quelques jours plus tard, on a assisté à ce ridicule épisode de l’avion du président bolivien bloqué parce qu’on supposait qu’E. Snowden était à bord… Et ce matin, jeudi 4 juillet, le ministre de l’intérieur, qui assurément semble se prendre pour le vice-président de la République, indique qu’il n’est pas favorable à ce que la France lui accorde l’asile politique (lire ici l’article du journal Le Monde) !
La Ligue des droits de l’Homme milite depuis longtemps pour que les « lanceurs d’alerte » bénéficient d’une protection juridique. C’est le sens de la lettre ouverte que Pierre Tartakowsky, président de la LDH, vient d’adresser au président de la République. Elle est reproduite ci-dessous.
Paris, le 3 juillet 2013
Monsieur le Président,
La Ligue des droits de l’Homme souhaite attirer votre attention sur la situation de M. Edward Snowden, à qui nous devons les révélations concernant l’existence d’un programme américain collectant des renseignements sur les serveurs de différentes sociétés exerçant dans le domaine de l’Internet.
Grâce au courage de M. Snowden, le monde a appris que la National Security Agency (ci-après « NSA ») et le Federal Bureau of Investigation (ci-après « FBI ») disposent d’un accès direct aux serveurs de neuf sociétés américaines exerçant dans le domaine de l’Internet, soit Microsoft (depuis 2007), Yahoo (depuis 2008), Google, Paltalk et Facebook (depuis 2009), Youtube et Skype (depuis 2010), AOL (depuis 2011) et, enfin, Apple (depuis 2012).
C’est grâce à sa détermination que nous avons appris l’espionnage systématique dont faisaient les frais les citoyens et les institutions de l’Union européenne via le programme Prism.
Vous avez eu à cette occasion des mots forts pour dénoncer ces pratiques et exiger qu’elles cessent immédiatement. De leur côté, les autorités américaines, ainsi d’ailleurs que les grands acteurs privés directement impliqués, ont multiplié des déclarations qui vont du déni à la banalisation pure et simple d’un système d’écoute généralisé initialement présenté comme exclusivement destiné à lutter contre le terrorisme.
Mais corrélativement à ces déclarations, les lanceurs d’alerte tels que M. Snowden sont incriminés, poursuivis et traités de façon infamante. Juan Ernesto Mendez, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, a déclaré, concernant le soldat Bradley Manning, soupçonné d’avoir été l’informateur de Wikileaks, qu’il avait subi « un traitement cruel » en étant tenu à l’isolement pendant des mois au cours de sa détention préventive aux Etats-Unis.
Dans ce contexte, M. Snowden est légitime à penser qu’il ne bénéficierait pas d’une justice sereine et équitable sur le territoire des Etats-Unis qu’il a préféré quitter. Il est aujourd’hui demandeur d’asile, comme défenseur des droits et lanceur d’alerte. La France s’honorerait en lui offrant l’accueil qu’il mérite à ce double titre.
C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président, d’agir en ce sens en vous remerciant d’avance de l’attention portée à notre démarche et en vous assurant de l’expression de notre haute considération.
Pierre Tartakowsky
Président de la Ligue des droits de l’Homme
Objection de conscience des maires au mariage entre personnes de même sexe : foutaise !
Quelques maires se font en ce moment remarquer par leur refus de célébrer des mariages entre personnes de même sexe dans leur commune. Au nom d’une prétendue « objection de conscience ». On peut tout d’abord noter que l’objection de conscience n’existe, en droit, que dans le domaine militaire, et qu’elle n’a de fait plus d’existence puisque le service national obligatoire n’existe plus. Et elle ne concernait que des personnes refusant d’effectuer leur service militaire, pas des élus chargés d’appliquer les lois. Cette notion n’existe dans aucun autre domaine du droit : ces maires se mettent donc hors la loi en refusant de célébrer ces unions.
Les plus intelligents d’entre eux résoudront facilement le problème en confiant à un adjoint, ou éventuellement, par délégation, à un conseiller municipal, le soin de célébrer ces unions. Les plus obtus feront vraisemblablement tout pour empêcher les unions d’avoir lieu. Certains refuseront sans doute d’enregistrer le dossier, ou de publier les bans… : ceux-là se placeront hors la loi, et pourront être traduits en justice. Pour le moment, les préfets semblent jouer la carte de la conciliation, redoutant sans doute une nouvelle crispation contagieuse.
Un mouvement est en train de se mettre en place. Il est lancé par Jean-Yves Clouet, maire de Mésanger, une commune de 4500 habitants de Loire-Atlantique. Il a adressé un courrier à ses collègues maires, les incitant à le rejoindre le dimanche 7 juillet, place de la Madeleine, à Paris, pour demander une audience au président de la République, à qui il demande d’introduire cette notion d’objection de conscience.
Ses arguments se résument à peu de choses. Il écrit notamment : « Le Ministre de l’intérieur prétend m’imposer, sous peine de prison, d’appliquer une loi qui heurte ma conscience de citoyen et d’élu. Selon la conception du gouvernement, ma conscience n’est pas cette faculté éminente qui distingue l’homme de l’animal, elle n’est qu’un « sentiment » comme un autre. C’est pourquoi il prétend dissocier en moi l’obéissance et la conscience. En me présentant aux élections municipales, je n’ai jamais eu l’intention de mettre ma fonction au service d’intérêts minoritaires et gravement contraires à la conception de la famille que je voulais servir. »
Arguments bien pauvres, qui cachent mal l’idéologie qui les sous-tend, et qui est confirmée par la nature des sites qui relayent cet appel (site d’extrême droite et/ou catholiques intégristes). Un autre maire s’est illustré également par un refus ce célébrer un mariage : Jean-Michel Colo, maire d’Arcanges, dans les Pyrénées –Atlantiques. Mais sa décision ne fait pas l’unanimité dans son conseil municipal : une conseillère municipale, Arbella d’Arcanges, a démissionné pour protester contre ce refus, non seulement de célébrer, mais aussi de laisser célébrer ce mariage. Elle écrit : «Je me sens trop « libérale » pour vivre cette situation sereinement et en silence avec toi et le reste de l’équipe», (Source, Libération). Elle avait en effet manifesté le souhait de célébrer le mariage avec une autre conseillère.
La Ligue des droits de l’Homme va être vigilante dans ce domaine dans les semaines et les mois qui viennent.
Lettre ouverte à François Hollande avant sa visite en Tunisie
Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, Karim Lahdji, président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et Michel Tubiana, président du Réseau euro – méditerranée viennent de cosigner une lettre ouverte à François Hollande, président de la République, qui doit se rendre en visite officielle en Tunisie les 4 et 5 juillet prochains. Pour les trois associations, cette visite ne doit pas faire l’impasse sur les violations des droits fondamentaux qu’on observe depuis plusieurs mois en Tunisie. Ceci est d’autant plus important que le projet de nouvelle constitution arrive à son terme. Voici, ci-dessous, le texte de cette lettre ouverte.
Monsieur François Hollande
Président de la République française
Transmission par fax et par mail
Lettre ouverte à l’occasion de votre déplacement en Tunisie
les 4 et 5 juillet 2013
Paris, Tunis, le 1er juillet 2013
Monsieur le Président,
L’annonce de votre déplacement en Tunisie, les 4 et 5 juillet prochains n’a pas manqué de soulever des interrogations voire certaines appréhensions au sein de la société civile tunisienne. Dans un contexte où la Tunisie a à nouveau, été ces dernières semaines le théâtre de procédures judiciaires visant à sanctionner l’exercice de libertés fondamentales, la visite du chef de l’État français, l’un des principaux partenaires de la Tunisie, doit être l’occasion d’aborder sans ambages les dossiers les plus sensibles en matière de droits humains sous peine non seulement de passer sous silence les violations et dysfonctionnements constatés mais également de fragiliser le combat des défenseurs qui luttent non sans risque pour une Tunisie respectueuse des droits universels.
Engagée depuis plus de deux ans dans un processus de transition politique, la Tunisie continue de faire face à de nombreux défis. Les travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC) autour de la rédaction de ce qui sera la nouvelle constitution tunisienne connaissent un retard considérable. Les débats au sein de l’ANC ont donné naissance à un projet de constitution dont le contenu, même si certaines améliorations notables ont été constatées, demeure en deçà des attentes en matière de respect des standards internationaux des droits de l’Homme. Cela est particulièrement le cas pour ce qui relève de l’égalité entre les hommes et les femmes, les libertés d’expression, d’information et d’opinion et de l’indépendance de la justice.
Les membres de l’ANC qui ont décidé de consacrer dans le Préambule de la future Constitution l’universalité des droits humains, décision unanimement saluée par les organisations signataires de ce courrier, se doivent également de faire prévaloir les standards internationaux pertinents dans l’intégralité du texte constitutionnel[1]. A ce titre, le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes devrait être constitutionnellement garanti et ne pas se limiter à l’égalité des chances (article 45). Toute limite au principe de l’égalité laisse la porte ouverte à toutes les discriminations et contrevient à la Convention pour l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes.
Les restrictions prévues dans le projet actuel de constitution à la liberté de pensée, d’expression, d’information et d’édition (articles 30 et 31) devraient également être abandonnées.
Par ailleurs, pour être indépendant le pouvoir judiciaire doit être régulé par une instance elle-même indépendante. La composition du Conseil supérieur de la magistrature telle que prévue dans le projet de texte constitutionnel n’offre pas les garanties nécessaires à une telle indépendance, la disposition pertinente (article 109) devrait dès lors être amendée.
Nous vous appelons dès lors, Monsieur le Président, à relayer auprès des Constituants tunisiens les revendications des organisations de défense des droits de l’Homme, qui aux côtés de nombreuses autres organisations de la société civile tunisienne poursuivent sans relâche leur mobilisation et interpellation des membres de l’ANC. Nous vous demandons d’encourager ces derniers à amender le projet de texte constitutionnel pour qu’une fois adoptée, la Constitution tunisienne soit garante du respect et de la protection des droits humains dans leur universalité et indivisibilité.
Garantir les libertés d’expression, d’opinion et de conscience est d’autant plus essentiel que depuis le début de la transition politique en Tunisie et de façon croissante ces dernières semaines, ces libertés ont été à de nombreuses reprises mises à mal. Des peines de prison ferme, parfois de plusieurs années ont ainsi été prononcées pour sanctionner l’exercice de ces libertés. Le caractère disproportionné de ces peines, voire dans de nombreux cas, le principe même de la condamnation, ont été dénoncés par les organisations de défense des droits de l’Homme[2]. La condamnation du rappeur Weld El 15 à deux ans de prison ferme pour une chanson considérée comme insultant la police (décision dont l’examen en appel à commencer le 25 juin 2013), la condamnation de trois militantes dont deux Françaises, du mouvement Femen à 4 mois de prison pour « atteinte à la pudeur, aux bonnes mœurs et à l’ordre public » (peine commuée en appel le 26 juin, à 4 mois et un jour de prison avec sursis), tout comme celle prononcée par le tribunal de Mahdia en mars 2012 à 7 ans et demi d’emprisonnement pour « atteinte à la morale, diffamation et trouble à l’ordre public » à l’encontre de deux jeunes qui avaient publié des écrits et des dessins jugés blasphématoires, ne sont que les illustrations les plus symboliques. Les poursuites judiciaires et le maintien en détention de la jeune militante accusée de partager le combat des Femen, Amina Sboui, relèvent au regard des faits qui lui sont reprochés, de l’arbitraire et d’une instrumentalisation de la justice pour servir des aspirations idéologiques.
Indépendant, le pouvoir judiciaire a la responsabilité d’administrer la justice conformément aux engagements pris par l’Etat tunisien au niveau international et dès lors d’appliquer les dispositions des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme. Une justice indépendante est un pilier essentiel d’un Etat démocratique. Les menaces dont a été l’objet à diverses reprises des représentants du pouvoir judiciaire dont la présidente de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Kelthoum Kennou menacée de mort dans une lettre anonyme lui intimant « d’arrêter de promouvoir l’indépendance de la justice » suscitent de vives inquiétudes[3]. Outre des mesures de protection des magistrats comme cela a pu être le cas pour la juge Kennou, il est attendu des autorités tunisiennes de s’inscrire sans plus de délais, dans un processus de réforme du pouvoir judiciaire qui passe notamment et de façon urgente par la mise en place d’une instance indépendante de régulation du pouvoir judiciaire pour remplacer le Conseil supérieur de la magistrature.
Les menaces et actes de violence y compris à l’encontre d’acteurs de la société civile et de militants politiques se sont multipliés au cours des derniers mois. L’assassinat du leader politique Chokri Belaïd a servi de déclencheur pour une mobilisation forte et coordonnée réunissant plus de deux cents organisations de la société civile et des dizaines de partis politiques pour appeler à mettre fin à cette violence. Diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales afin que toute la lumière soit faite sur les actes de violence perpétrés et pour que les responsables aient à rendre compte devant la justice constitue aujourd’hui une étape fondamentale pour mettre fin à cette situation qui menace le processus de transition en Tunisie et entrave la jouissance de la liberté d’association et du droit au rassemblement pacifique.
Plus généralement et pour ce qui relève des crimes commis lors du soulèvement qui a renversé le régime du président Ben Ali et des crimes du passé, le retard pris dans la mise en place du processus de justice transitionnelle est un autre frein à un processus de transition politique serein.
Enfin, la promotion de l’égalité, la garantie et le respect des droits des femmes doit, plus que jamais, être au cœur des priorités des autorités gouvernementales tunisiennes. En avril 2013, l’Association tunisienne des femmes démocrates dressait en effet un constat préoccupant de la situation des droits des femmes en Tunisie. « Contre toute attente, le contexte actuel, au lieu de favoriser la liberté de chaque individu – hommes et femmes – et au lieu de permettre le vivre ensemble a reconduit et répandu, dans toutes leurs formes, les violences à l’égard des femmes : politique, culturelle, religieuse, sociale et économique »[4]. La notification formelle de la levée des réserves à la CEDAW serait en ce sens, un geste fort de la part des autorités tunisiennes.
Face à ces défis majeurs, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), la Ligue des droits de l’Homme (France) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) vous demandent instamment d’aborder ces différentes questions avec vos interlocuteurs tunisiens et d’appeler les autorités tunisiennes à prendre, sans plus de délais, les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ces dysfonctionnements et de remettre ainsi, la Tunisie sur la voie de l’instauration d’un système démocratique pleinement respectueux des droits humains.
Nos organisations sollicitent enfin, qu’une rencontre soit organisée avec des représentants de la société civile indépendante, et en particulier les organisations de défense des droits humains à l’occasion de votre déplacement en Tunisie.
Vous remerciant par avance, de l’attention que vous porterez au présent courrier, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.
Karim Lahidji, Président de la FIDH
Pierre Tartakowsky, Président de la LDH
Michel Tubiana, Président du REMDH
[1] Voir notamment les recommandations du Réseau Doustourna portant sur le chapitre concernant les droits et les libertés dans le projet de Constitution rendu public le 1er juin 2013. : http://www.doustourna.org/news/single-news/?tx_ttnews[tt_news]=847&cHash=133e0aa4a21f99dd0cbb9359037b053f
2 Voir notamment, FIDH, « Tunisie : la liberté d’expression derrière les barreaux », 14 juin 2013,http://www.fidh.org/tunisie-la-liberte-d-expression-derriere-les-barreaux-13472
3 Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, « Tunisie : Menaces à l’encontre de la juge tunisienne Kalthoum Kennou », 23 mai 2013, http://www.fidh.org/tunisie-menaces-a-l-encontre-de-la-juge-tunisienne-kalthoum-kennou-13232.
4 ATFD, « Tunisie : Nous femmes tunisiennes, restons debout ! » , avril 2013, http://www.fidh.org/tunisie-nous-femmes-tunisiennes-restons-debout-13204
Mariam, la fillette qui écrit de la poésie sans papiers…
Les classes de cours élémentaire de l’école Jean-Giono de Lyon ont remporté le prix du concours « écrits pour la fraternité », organisé chaque année par la Ligue des droits de l’Homme, pour un travail collectif poétique intitulé « Des deux côtés de la fenêtre ».
Le thème du concours était cette année « un toit pour toi, un toit pour nous, un toit pour eux ».
C’est Mariam Mamoï, 10, élève d’une des trois classes, qui est allée à Paris avec sa maman recevoir le prix au nom de ses camarades.
Les problèmes de logement, Mariam les a connus : ses parents sont sans papiers. Ils ont fui l’Azerbaïdjan en 1992 pour l’Ukraine et la Russie d’où ils ont été expulsés, et la famille est arrivée en France le 1er septembre 2010. Sa demande d’asile puis sa demande de titre de séjour ont été tour à tour refusés… Mariam, son frère Atar et leurs parents ont été logés en CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), ont ensuite connu la rue, avant de trouver un bungalow, puis de retourner à la rue… Leur histoire dramatique est racontée par le Réseau éducation sans frontière sur son blog http://blogs.mediapart.fr/blog/resf/300613/mariam-10-ans-enfant-de-sans-papiers-prix-de-poesie-de-la-ldh. Allez la lire !
Pour qu’Arsen et Daphné vivent ensemble sans la crainte d’une expulsion, signez la pétition !
L’association Les amoureux au ban public attire aujourd’hui l’attention sur la situation absurde, et surtout dramatique, d’un couple qui risque d’être brisé par des règlements scandaleux. Elle vient de publier un communiqué (ci-dessous) et a mis une pétition en ligne pour tenter de sauver le couple d’Arsen et Daphné (http://www.amoureuxauban.net/fr/2013/06/25/petition-arsen/).
À Montluçon, Arsen a été interpellé à son domicile en vue d’être expulsé alors qu’il peut, de plein droit, prétendre à la délivrance d’un titre de séjour. L’administration s’obstine à mettre à exécution une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) prononcée 11 mois plus tôt par le Préfet de l’Allier, alors qu’Arsen est désormais inexpulsable.
Le 20 juin 2013, 06h00 du matin. Arsen, arménien, et Daphné, française, sont réveillés par deux agents de police qui se présentent à leur domicile. Arsen est interpellé et immédiatement conduit à l’aéroport de Paris Orly en vue de la mise à exécution d’une OQTF prononcée 11 mois plus tôt. Un vol pour Erevan est prévu à 13h15, dans lequel Arsen refuse d’embarquer. Les policiers reprennent la route, sourds aux questions d’Arsen qui n’a aucune idée d l’endroit où ils l’emmènent. Arsen est finalement reconduit chez lui dans la soirée après avoir passé toute une journée menotté, sans avoir pu ni se désaltérer, ni se nourrir.
Assigné à résidence, il s’enfuit et se cache pour échapper à l’expulsion
Ne renonçant pas à son expulsion, le Préfet de l’Allier a décidé le jour même de prolonger l’assignation à résidence d’Arsen au domicile conjugal pour une durée de 45 jours. Cette mesure d’assignation qui avait été prononcée le 2 mai 2013, impose à Arsen de se présenter tous les jours au commissariat, règle à laquelle il s’est plié pendant près d’un mois et demi.
Pour échapper à une expulsion programmée, Daphné et Arsen décident le 21 juin qu’il doit s’enfuir du domicile conjugal et se cacher.
Arsen dispose d’un droit au séjour au France et son éloignement du territoire français est désormais illégal
En tant que conjoint de français, Arsen doit notamment présenter les justificatifs de six mois de vie commune pour pouvoir déposer une demande de titre de séjour, en application de l’article L.211-2-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et des Demandeurs d’Asile (CESEDA). (Cf. encadré)
Dès le surlendemain de leur mariage, célébré le 12 juin 2012, et sur les conseils de la sous-préfecture, Arsen envoie sa demande par courrier : trop tôt pour obtenir un titre de séjour.
Le 02 juillet 2012, le Préfet de l’Allier rejette donc la demande de titre de séjour et prononce à son encontre une OQTF.
Depuis le mois de décembre 2012, Arsen remplit toutes les conditions pour obtenir un titre de séjour en France. Ce droit au séjour le rend inexpulsable du territoire français. La mise à exécution de l’OQTF prononcée le 2 juillet 2012 serait donc désormais totalement illégale.
Daphné et Arsen, choqués par l’interpellation du 20 juin dernier, par la tentative d’embarquement et découragés par le prolongement de l’assignation à résidence, ont décidé de vivre séparés, sans savoir combien de temps cette situation pourrait durer.
Comme l’illustre la situation d’Arsen et de Daphné, les conditions restrictives posées pour l’accès au séjour des étrangers conjoints de français, et la complexité des règles applicables sont incompatibles avec les exigences du droit au respect de la vie privée et familiale, droit garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Imposer notamment aux étrangers mariés à des citoyen-nes français-es un délai de six mois de vie commune sur le territoire français avant de pouvoir formuler une demande de titre de séjour, revient à l’inviter à rester en situation irrégulière pendant plusieurs mois et peut conduire à l’expulsion de conjoints de français ayant la malchance d’être interpellés avant d’avoir atteint ce délai…
Les amoureux au ban public interpellent le préfet de l’Allier afin que l’abrogation de l’OQTF visant Arsen soit prononcée dans les meilleurs délais et qu’il soit remis à l’intéressé le titre de séjour auquel il a droit.
Ils demandent en outre au ministère de l’Intérieur :
– la régularisation des conjoints de français, sans attendre un délai de six mois de vie commune.
– l’arrêt de l’éloignement des étrangers mariés, pacsés ou en concubinage notoire avec un(e) ressortissant(e) français(e).
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