Une lettre ouverte de Pierre Tartakowsky à Manuel Valls

La politique menée par le ministre de l’Intérieur concernant les demandeurs d’asile, les sans-papiers, et d’une façon générale, les immigrés, inquiète les associations, qui ne voient pas de différence avec celle que menait l’ancien gouvernement. Les expulsions se poursuivent, malgré la circulaire signée par M. Valls, des enfants se retrouvent encore en centre de rétention (pas plus tard que cette semaine)…

C’est la raison qui a poussé Pierre Tartakowsky à écrire une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, en espérant qu’il la lise, et qu’il en tienne compte… Nous la reproduisons ci-dessous.

Paris, le 10 janvier 2013

Monsieur le Ministre,

J’ai eu à plusieurs reprises, au cours de l’année écoulée, l’occasion de manifester auprès de vos services les incompréhensions, les inquiétudes et la désapprobation grandissante que suscite la politique actuelle du gouvernement en direction des femmes et des hommes dits « sans papiers » qui vivent, habitent et travaillent dans notre pays.

Je saisis ce début d’année nouvelle pour exprimer le voeu que ces messages soient pris en compte au niveau où ils le méritent et que l’actualité, hélas, illustre sans désarmer sur l’ensemble du territoire français.

Tout récemment, le préfet du Nord a reçu les représentants des grévistes de la faim du Nord, engagés dans une longue et cruelle grève de la faim pour l’obtention de la régularisation de leur séjour en France, en présence de la fédération du Nord de la Ligue des droits de l’Homme. Un conflit d’autant plus douloureux qu’il a été marqué par des expulsions dont la seule raison était d’intimider les grévistes, alors même que leurs revendications sont légitimes. Elles correspondent à la situation de nombre de personnes étrangères présentes sur le territoire national. C’est dire que si l’étude au cas par cas de la situation de ces grévistes de la faim est un acte responsable de votre administration, il ne saurait à lui seul suppléer à la définition législative et réglementaire d’une régularisation objective, permanente et stable.

Lors des nombreuses rencontres que vous avez eues avec les associations et syndicats membres de la « Plateforme des 12 », avant la publication de la circulaire du 28 novembre, dite de régularisation, nous vous avons présenté et expliqué la convergence, l’accumulation, la combinaison des effets de précarisation, de flexibilisation, de mise en clandestinité de milliers de personnes qui, pourtant, participent à la vie économique de notre pays au point que des secteurs notables, tels les services, la manutention, le bâtiment, la restauration et même la sécurité, ne peuvent plus s’en passer. Simplement parce que ces travailleurs effectuent le travail dont personne d’autre ne veut.

Discriminés, stigmatisés, ignorés, fragilisés, ces femmes et ces hommes subissent de plus le poids de l’arbitraire que leur infligent souvent, si ce n’est la plupart du temps, les servicespréfectoraux, soit qu’ils ignorent vos directives quand elles s’avèrent plus favorables qu’auparavant, soit qu’ils les appliquent avec un zèle excessif, quand malheureusement elles ont renforcé un arsenal répressif existant.

Ce que nous disent les grèves de la faim et autres occupations c’est que votre réglementation, trop timide dans ses avancées par rapport à une situation qui n’a fait que se dégrader ces dix dernières années, ne peut plus en compenser l’aggravation. La seule solution serait une régularisation massive et généreuse.

L’argument qui sert à refuser ces régularisations parce qu’elles produiraient un appel d’air – une forme de primes à la clandestinité – repose sur une déformation des liens de causalité. La présence de ces travailleurs est directement liée aux rigueurs des contrôles migratoires, qui renforcent l’organisation économique dominante vivant de la précarité et de la concurrence ycompris monétaire entre les salariés. Cette gestion sécuritaire produit de la clandestinité et de la discrimination, comme les excès du marché financier produisent des licenciements. Ce n’est donc pas en expulsant des immigrés même « clandestins » au seul sens administratif du terme, que la politique de votre gouvernement restaurera de l’emploi et de la confiance.

Nous attendons autre chose de votre gouvernement. Nous souhaitons qu’il traduise dans les faits ce qui a été affirmé pendant les campagnes électorales : puisque les immigrés ne sont pas le problème, les expulser n’est pas la solution. Nous réitérons auprès de vous et de vos services, que ces gens qui vivent, étudient, travaillent, jouent, aiment ici, doivent voir reconnue leur place dans la République, bénéficier de ses principes et de ses valeurs. Il est à cet égard parfaitement regrettable que vous ayez cru devoir reprendre à votre compte un objectif chiffré de rapatriement, autrement dit d’expulsions, sans qu’aucun argument objectif n’ait pu vous permettre de le fixer. Comment oublier d’ailleurs que ce chiffre de 35 000 expulsions est déjà atteint avec toutes les personnes expulsées au mépris de la loi, du droit et des droits, à partir de la Guyane ou de Mayotte ?

Il suffit, Monsieur le Ministre, de se pencher et de décomposer les données publiées dans les différents rapports sur l’immigration soumis à l’Assemblée nationale, pour comprendre que l’objectif fixé d’un nombre d’expulsions n’est que le masque d’une politique de communication. C’est un gage donné non pas à la réalité, mais à la peur.

Je me permets d’attirer votre attention sur un chiffre. Il s’agit du nombre de régularisations par le travail arrachées, depuis la grève des sans-papiers de 2008, à un gouvernement dont l’aménité vis-à-vis des « immigrés clandestins » n’était pas établie : 11 à 12 000 de plus par an ! La régularisation en nombre est donc possible, et sans dégâts perceptibles pour notre pays, lorsque les premiers concernés se mobilisent et bénéficient de la solidarité populaire. C’était sous un gouvernement de droite. Faut-il aujourd’hui recourir au même bras de fer en redoutant des résultats moindres ? Nous voulons espérer que ce n’est pas le cas.

Nos craintes s’enracinent dans les critiques et jugements de la circulaire du 28 novembre, que nous avons formulés. Les grèves de la faim attestent de leur validité. Car cette circulaire dite de « régularisation » exclut de fait certaines catégories d’étrangers, tout en prévoyant une maîtrise d’oeuvre par les préfectures qui reste changeante et aléatoire.

Sur le fond, la logique des critères pour obtenir un titre de séjour reste restrictive. En fixant des chiffres très élevés de présence constatée, la circulaire apporte certes des améliorations par rapport à la situation précédente, et ouvre la possibilité d’un nombre notable d’issues positives. Mais, que ce soit pour les enfants et les jeunes majeurs en cours d’études, pour leurs familles, que ce soit pour les salarié(e)s, les durées exigées sont trop loin de la réalité des demandes déposées ou exprimées. De plus, les autres conditions ajoutent une très rigoureuse limitation des situations éligibles à la régularisation, telle l’exigence de bulletins de salaire sur toute la période de référence, ce qui évacue de façon massive et négative toutes celles et tous ceux qui subissent nécessairement le système du travail non déclaré.

Si nous avons apprécié que votre ministère s’engage à mettre un terme à l’arbitraire des administrations préfectorales, en fixant des dispositions stables et pérennes applicables partout, nous sommes inquiets d’observer que la réalité est bien éloignée de cet objectif, parce que l’éloignement du territoire demeure encore et toujours la règle. Il est donc de votre responsabilité de ministre de l’Intérieur de s’assurer que les dérives de ces dernières années cessent.

Notre pays a besoin de fraternité, de justice, de sérénité et de progrès social, qui sont autant d’atouts dans la lutte contre les crises économiques et les extrémismes xénophobes qu’elles attisent. C’est pourquoi la LDH souhaite une autre orientation de la politique gouvernementale vis-à-vis des étrangers, de leur rôle et de leur apport. Il dépend de cela que l’espoir revienne chez des milliers de familles, de jeunes et de travailleurs sans papiers, dès maintenant.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky

Mariage pour tous : le président de la Ligue des droits de l’Homme écrit au député Le Fur

Une photo désormais célèbre, prise pendant une manifestation de catholiques intégristes, contre le mariage pour tous, à Marseille.

A la veille de la manifestation contre le mariage pour tous, il est bon de relire ce que Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, écrivait au député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor après son intervention indigne à l’Assemblée nationale. La voici.

Le député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor, Marc Le Fur, est intervenu, le 28 novembre, à l’assemblée nationale, pendant les questions au gouvernement, au sujet du projet de loi sur le mariage pour tous.

Alerté par la section Loudéac centre Bretagne, le président de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky, a écrit, ce mardi 4 décembre, au député. Voici la lettre qu’il lui a adressée (Vous pouvez la télécharger ici. Vous pouvez télécharger ici l’intervention du député à l’Assemblée nationale et la réponse que lui a faite la ministre, Dominique Bertinotti).

 LE PRESIDENT
Réf 577/12/PT/VP/CP

 Monsieur Marc Le Fur
Député des Côtes-d’Armor
Assemblée nationale
126 rue de l’Université
75355 Paris 07 SP
Paris, le 4 décembre 2012,

Monsieur le Député,

Lors de la séance des questions au gouvernement du 28 novembre dernier, vous êtes intervenu pour exprimer votre opposition au projet de loi sur le « mariage pour tous », en des termes qui sont non seulement inacceptables, mais de plus en contradiction flagrante avec l’appel à l‘apaisement que vous prétendez rechercher.

Si votre opinion de citoyen est libre, votre responsabilité en tant que législateur ne devrait pas vous permettre de pratiquer l’amalgame, la désinformation, et de jeter le discrédit sur une partie de nos concitoyens. En effet, votre argumentation, marquée par un ordre moral éculé et réactionnaire, tend à attiser des passions malsaines en reprenant les menaces et discours apocalyptiques sur le devenir de la famille et la protection de l‘enfant.

Comme Madame Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, vous l’a rappelé en séance, ces prévisions de fin du monde étaient déjà les mêmes lors des débats sur le Pacs, ou à l‘époque, pour s‘opposer au divorce, à la contraception, ou à l’interruption volontaire de grossesse. Elles ne se sont évidemment pas réalisées, et tous s‘accordent aujourd’hui sur les avancées indéniables qu’ont représenté ces mesures de progrès et de liberté.

Les évolutions constatées dans notre société posent déjà la réalité d’une diversité des compositions des familles, qui ne se posent plus en un modèle unique depuis des décennies. La reconnaissance juridique des couples de même sexe ne vient que confirmer un état de fait et un principe d’égalité. Le mariage pour tous permet à celles et ceux qui le désirent d’offrir la possibilité d’un statut juridique a des dizaines de milliers de couples, et autant d‘enfants vivant déjà au sein de telles familles.

Vos inquiétudes sur l‘adoption sont non seulement malveillantes mais surtout infondées, car l’évolution législative proposée ne change pas les règles applicables en France en la matière. Elles resteront régies par la convention de La Haye, ratifiée par la France en 1998, qui prévoit que toute adoption est prononcée par un juge, qui vérifie toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de l’enfant. De plus, il convient de vous rappeler qu’elle est autorisée aux personnes célibataires, et que l‘adoption ne peut être entravée en raison de l‘orientation sexuelle du ou des demandeurs, qui reste indépendant du projet parental.

Enfin, les exemples étrangers viennent aussi démentir vos fantasmes. Vingt-deux pays disposent déjà d‘une législation posant le mariage et l’adoption sans discrimination, comme l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Canada, neuf États américains, mais aussi en Europe : les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, la Suède ou le Portugal et l‘Espagne. Dans chacun d‘entre eux, la lutte contre l’homophobie, contre les discriminations, pour l’égalité entre les sexes, a progressé. Ni la « famille » ni la « protection des enfants » n’y sont mises en péril. La France ne sera donc pas pionnière sur le sujet, mais elle confirmera ainsi son attachement à une république laïque, fondée sur les principes de liberté et d‘égalité.

C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme appelle tous les parlementaires et les citoyens à se mobiliser pour défendre l‘État de droit, à faire échec aux campagnes de haines, de peurs et d’exclusions, et à soutenir le projet de mariage pour tous.

Je vous prie d‘agréer, Monsieur le Député, l‘expression de mes salutations républicaines.

 Pierre Tartakowsky

Président de la Ligue des droits de l’Homme

Actualité de la section : interventions en milieu scolaire

La section va intervenir demain, jeudi 10 janvier, auprès des élèves des classes de 3ème du collège Saint-Joseph de Loudéac. Brigitte Monjarret, animatrice pastorale dans cet établissement, conduit avec les élèves un travail qui sera exposé pendant les Droits en fête à La Motte du 29 au 31 mars. C’est dans ce cadre que se situe cette intervention, qui consiste en une présentation de la Ligue des droits de l’Homme et de ses thèmes de travail.

Fin janvier, nous interviendrons au lycée Rosa-Parks à Rostrenen, avec qui nous avons déjà travaillé. Nous y interviendrons à deux reprises, auprès de deux groupes d’élèves différents.

Ces interventions en milieu scolaire sont pour nous très importantes pour sensibiliser les adolescents aux problèmes des droits de l’homme. L’expérience montre qu’ils y sont très sensibles, et qu’il suffit souvent de peu de chose pour faire tomber des préjugés ou des idées préconçues.

 

Ballon d’or et droit de vote : l’actualité d’une comparaison

Bien que le président de la République semble manquer singulièrement d’enthousiasme pour réaliser la promesse qu’il avait faite, pendant la campagne pour l’élection présidentielle, de donner le droit de vote et d’égibilité aux étrangers non communautaires, la pétition lancée par la Ligue des droits de l’Homme pour exiger le vote d’une loi le permettant a déjà recueilli 10000 signatures, et elle continue d’en recevoir.

La désignation de Lionel Messi comme meilleur joueur de football par la délivrance du « Ballon d’or » est l’occasion de revenir sur ce sujet, et de compare la situation de plusieurs joueurs professionnels célèbres : c’est ce qu’a fait la Ligue des droits de l’Homme, et le résultat, c’est qu’on atteint les limites de l’absurdité.

Lisez plutôt. Et aussitôt après, allez signer la pétition, dont l’adresse est en fin d’article !

En ce début janvier, pour la quatrième fois, un vote a permis à Lionel Messi d’être élu meilleur joueur de football par la délivrance du « Ballon d’or ». Argentin, il joue à Barcelone. Conformément à la loi espagnole et à la clause de réciprocité, il pourra, s’il le décide, voter aux prochaines élections locales de son pays d’adoption.

A chacun de ses matchs avec le PSG, son club actuel, Zlatan Ibrahimovic fait l’actualité et le résultat. Suédois, conformément à la réglementation communautaire et à sa transposition en droit français, il pourra, s’il le souhaite, voter aux prochaines élections municipales en 2014 dans sa commune de résidence.

Dans le même PSG, Javier Pastore fait preuve de tout son talent stratégique pour assurer spectacle et conduite du jeu. Mais Argentin, il ne pourra pas, s’il le souhaitait, s’exprimer ou se présenter, puisque la France ne donne pas le droit de vote aux élections locales aux étrangers non membres d’un pays de l’Union européenne.

Dans l’effectif des Girondins de Bordeaux, Fahid Ben Khalfallah est un incontournable de la sélection. Tunisien, lui non plus ne pourra pas s’exprimer sur un autre terrain que celui du jeu, et s’il le souhaitait, accentuer sa participation à la vie locale dans tous ses aspects. Conformément à la Constitution de la France, ressortissant d’un Etat non membre de l’Union européenne, il ne bénéficie pas du droit de vote.

A Marseille, l’OM est le club aux multiples couleurs. André Ayew fait partie de ces joueurs africains dont on admire la dextérité et le sens du jeu. Guanéen, il ne votera pas, même si éventuellement il le souhaitait. Malgré sa parfaite participation à la vie du pays qui plaiderait en ce sens, la loi étant ce qu’elle est, il fait partie de ces personnes dont on parle tout le temps, mais dont la citoyenneté de résidence n’est pas reconnue.

Absurde, non ? Cet état de choses doit changer !

La Ligue des droits de l’Homme, avec le collectif « Droit de vote 2014 », appelle tous celles et ceux qui considèrent qu’une extension du droit de vote à tous les résidents de France serait une amélioration de la démocratie et un apport considérable à l’égalité des droits, à participer à la campagne pour gagner ce droit dès maintenant et faire de 2014 l’année où la France, d’une façon ou d’une autre, par une voie ou par une autre, aura su être à la hauteur des exigences de la composition de sa population.

Pour signer la pétition ou participer à la campagne de mobilisation :

–        visiter le site de la LDH : http://www.ldh-france.org

–        visiter le site du collectif « Droit de vote 2014 » : http://www.droitdevote2014.org

 

Un institut catholique envoie aux parents d’élèves une lettre contre le mariage pour tous avec le bulletin scolaire

L'institut Saint-Lô à Agneaux

A l’Institut Saint-Lô, à Agneaux, dans la Manche, on a une conception très particulière du débat démocratique. Les parents d’élèves des classes terminales (l’établissement scolarise des enfants de la maternelle à la terminale et aux BTS) ont reçu, avec le bulletin scolaire de leur enfant, une lettre de l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL), dénonçant le projet de loi sur le mariage pour tous. Le communiqué est clair : « l’APEL exprime son opposition ferme au projet de loi gouvernemental visant à permettre le mariage de personnes de même sexe ». Et il conclut de façon toute aussi claire : « On ne joue pas avec ce qui constitue l’un des fondements de notre société. Dénaturer le sens du mariage est un changement majeur, une rupture de civilisation. A quel moment les français ont-ils été informés, ont-ils débattu de ce changement de société ? L’Apel demande qu’une véritable réflexion s’engage sur ce sujet et que les français soient largement consultés. Quel que soit le devenir de ce projet de loi, l’Apel continuera, bien entendu, à remplir sa mission auprès de tous les parents qui font le choix de l’Enseignement catholique ».

Autrement dit, on veut un débat, mais qui, bien entendu, débouchera sur la conclusion que nous avons choisie : non au mariage pour tous. C’est bien cela que demande l’APEL.

Bien entendu, l’enseignement privé s’abrite, pour faire cela, derrière son fameux caractère « propre », qu’il met pourtant volontiers en veilleuse quand il s’agit de recruter des élèves, clamant haut et fort sa grande tolérance et sa volonté d’accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs croyances ou celles de leurs parents.

Le journal Ouest-France, qui a révélé l’affaire, cette histoire ne fait pas l’unanimité, et des élèves auraient monté un groupe sur le réseau social Facebook pour dénoncer cette lettre. Ils y voient une incitation à participer à la manifestation du 13 janvier contre le mariage pour tous.

Télécharger le communiqué ici.

Rennes (35) : la police empêche l’installation d’un squat destiné aux migrants

Ajouté à 16h : une polémique a commencé entre la préfecture et « Un toit c’est un droit » : à lire sur le site d’Ouest-France. La préfecture assure que l’intervention de la police n’était pas une « évacuation » mais un « empêchement d’intrusion ».

Une tentative d’installation d’une nouvelle réquisition par l’association « un toit c’est un droit », issue du DAL 35, en vue de permettre le relogement de migrants et demandeurs d’asile, a eu lieu dans la soirée de samedi, à Rennes.  Le bâtiment visé, rue Antoine-Joly, abritait les services vétérinaires et le laboratoire départemental d’analyse : « c’est La preuve que l’Etat dispose de locaux. Aménagés, ils coûteraient moins cher que de payer des gîtes et des chambres d’hôtel, un système d’hébergement qui favorise l’insécurité des migrants. Ils se retrouvent à la rue dans la journée et ne peuvent scolariser leurs enfants », estiment les militants.

Vers minuit et demi, la police est intervenue de façon un peu musclée, avec des chiens, pour s’opposer à cette initiative. Deux ont  été menottés et conduits en fourgon à l’hôtel de police. Ce midi, la police surveillait toujours le bâtiment.

Nous mettrons à jour les informations au fur et à mesure qu’elles nous parviendront. Article dans Ouest-France ici.

 

« Mettez cinquante hommes seuls sur une île, ils ne feront pas d’enfants »

Au moins ça, c’est un scoop ! Entendu sur le marché de Loudéac ce samedi matin 5 janvier : « Mettez cinquante hommes seuls sur une île, ils ne feront pas d’enfants ». On n’y avait pas pensé…
Tel est le discours des deux distributeurs de tract qui appelaient ce matin à participer à la « manif pour tous », ce rendez-vous d’homophobes prévu le dimanche 13 janvier. Car c’est bien cela dont il s’agit : les adversaires au projet de loi sur le mariage pour tous sont avant tout des homophobes, quoiqu’ils disent et quoiqu’ils fassent. Leurs arguments en arrivent toujours là au final, et leur efforts pour faire croire le contraire sont pathétiques.

Sur le marche de Loudéac ce matin, les distributeurs prenaient une autre précaution oratoire : « Ce n’est pas un problème religieux ». Tiens donc ! Civitas n’est pas une officine catholique intégriste peut-être ? et l’alliance Vita, officine créée par Christine Boutin non plus ?

Tous ces militants d’un autre siècle auront loupé toutes les évolutions de la société : le divorce, la contraception, le droit à l’avortement, le Pacs, et aujourd’hui le mariage pour tous. Comme ils avaient loupé la rotation de la terre autour du soleil : il faut tout de même se souvenir qu’il a fallu attendre Jean-Paul II (qui n’était pas le plus progressiste des papes…) pour que cette théorie soit reconnue par l’église…

Heureusement, des voix s’élèvent chez les catholiques. Il y a eu des prêtres : Elie Geffray, Laurent Laot. Mi-décembre, c’est un journal catholique, Témoignage chrétien, qui vient soutenir le mouvement en faveur du projet de loi sur le mariage pour tous : « Nous ne croyons pas que le mariage pour tous dissoudra la société », estime le journal pour qui « le divorce n’a pas fait disparaître le mariage » et qui considère « que le projet de loi actuel constitue une avancée réelle ». Cette déclaration a été publiée dans le numéro daté du 14 décembre 2012 du journal, vous pouvez la retrouver ici.

Droits de l’Homme : et les devoirs ? l’explication décapante d’Henri Leclerc

Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme répond à une question récurrente : « vous parlez toujours des droits, mais que faites-vous des devoirs ? ».

Combien de fois avons-nous entendu l’antienne ? « Vous parlez toujours des droits mais jamais des devoirs » Et l’assemblée d’approuver en hochant la tête. Alors il faut inlassablement recommencer. D’abord le problème n’est pas nouveau. Le 4 août 1789, ­ le jour de l’abolition des privilèges ­ l’abbé Grégoire, qui mérite pour bien d’autres raisons notre considération, se rallie à la proposition de Camus, soutenue par tous les adversaires du principe même d’une déclaration des droits, de faire une « Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen ». Il expose clairement les arguments que balbutient nos actuels contempteurs. Malgré cela la proposition est repoussée par 570 voix contre 533. Ce sera donc une « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

Ce n’est pas le lieu de faire ici l’exégèse d’un texte, dont je n’aime pas qu’on le qualifie de « sacré », mais d’analyser les mots employés pour mieux comprendre ce qu’ont voulu dire les constituants. Ce qu’ils souhaitent c’est que la Déclaration « constamment présente à tous les membres du corps social leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ». Voilà que tout est dit ! : c’est l’énoncé des droits qui renferme toute la mesure de devoirs. Et l’article 4, affirmant que « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » précise que « ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi », qui, aux termes de l’article 5, « n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » alors que « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché ». Les droits c’est affaire de principe, de nature de l’homme, et c’est pourquoi ils sont imprescriptibles, les devoirs eux sont les conséquences du contrat social qui détermine les bornes de la liberté, par la loi, expression de la volonté générale. Voilà le sens profond de la Déclaration de 1789.

La Déclaration de 1793 ne définit toujours pas de devoirs spécifiques de l’Homme. Elle ne parle que des devoirs de la société à l’égard des citoyens malheureux, et attribue au peuple, le devoir d’insurrection qui est le « plus sacré des droits et le plus impérieux des devoirs » lorsque le gouvernement viole ses droits. Est-ce à cela que font référence ceux qui nous reprochent de ne pas exalter les devoirs ?

Il faudra attendre les thermidoriens pour qu’apparaisse une « Déclaration des droits et des devoirs », celle 1795, qui oublie la liberté d’opinion et la liberté d’expression, et patauge lamentablement lorsqu’il s’agit d’énoncer des devoirs : ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fasse ( c’était déjà la limite fixée à la liberté par la Déclaration de 1793 ) ; obéir aux loi et ne pas leur désobéir même par ruse ( ce qui est contenu dans la définition même de la liberté) ; être « bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux » , ce qui est d’une platitude moralisante bien faible ; servir la Patrie. Mais le plus important n’est-il pas pour ces réactionnaires d’affirmer à l’article 8 que « c’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail et tout l’ordre social ». Travail, Famille, Patrie ….et Propriété : voilà ce qui arrive quand on veut définir des devoirs de l’Homme !

Les rédacteurs de la Déclaration universelle de 1948 se sont bien gardés d’énoncer des devoirs. Simplement, de façon très générale, l’article 28 dit que, « l’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personne est possible ». Quelle communauté ? La nation ? Le texte reste ambigu mais précise néanmoins que seule la loi peut limiter les libertés et qu’elle ne peut le faire que pour assurer les droits et libertés d’autrui et « afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien général ». Et encore faut-il que ces mesures de restriction soient nécessaires dans une « société démocratique », comme le précisera de façon plus claire et plus précise la Convention européenne.

Voilà pour les textes. Voyons les raisons. Les devoirs ne sont ni naturels, comme l’avaient bien vu nos pères constituants en 1789, ni universels, comme l’avaient constaté les nations assemblées en 1948. Quels devoirs faudrait-il énoncer ? Devoirs religieux ? Ils seraient en contradiction avec la liberté religieuse, qui comprend celle de ne pas avoir ou de changer de religion. Devoirs moraux ? Mais la liberté ne peut avoir d’autres bornes que celles qui sont définies par la loi. L’ordre moral n’est pas l’ordre public. Quant à l’obéissance à la loi, elle fait partie de la définition même de la liberté. Alors on en revient au débat de 1789. Il n’y a pas besoin d’énoncer de devoirs puisqu’ils sont contenus dans la Déclaration des droits. Nous avons pour seul devoir celui de respecter les droits d’autrui. Combattre pour la défense des libertés individuelles mais aussi des droits économiques et sociaux c’est exercer nos droits de citoyens. Et nous avons effectivement le devoir de les exercer. Les sociétés démocratiques reposent sur l’existence des droits égaux de citoyens libres d’où émane le pouvoir. Ce sont les sociétés totalitaires qui reposent d’abord sur l’obéissance, sur des devoirs de l’Homme auxquels des droits peuvent alors être concédés.

Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH

 

Un article réclamant un débat sur le mariage pour tous dans l’église censuré par les dominicains

Copie d'écran de la page à laquelle conduit le lien vers l'article de Lionel Gentric.

Ajouté mercredi 2 janvier : Cécile Duflot a twitté l’adresse du cache Google où on peut retrouver l’intégralité du texte de Lionel Gentric : un seul coeur, une seule âme.  A lire à la suite de cet article.

Les opposants au mariage pour tous réclament, à corps et à cris, un grand débat national. C’est ce qu’avait cru comprendre un Dominicain, Lionel Gentric. Et du coup, il a écrit et publié un article passionnant sur le site « Dominicains, province de France ». Dans cet article, Lionel Gentric faisait une critique sévère de l’attitude de l’Eglise dans le débat qui entoure le projet de loi sur le mariage pour tous. Intitulé « un seul cœur et une seul âme », il s’interrogeait sur l’étrange « unanimité », au moins de façade, de l’Eglise sur ce sujet. En voici un extrait :

« Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. » Il ajoute plus loin : « Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay »

Vous ne pourrez malheureusement pas lire le reste de ce long article : depuis le 31 décembre, il a curieusement disparu du site « Dominicains province de France ». Le  lien conduit à une page d’erreur (voir copie d’écran en tête d’article).

Pourtant, Lionel Gentric ne se dit pas partisan du mariage pour tous ; il résume sa position par une formule claire : « très hésitant dans l’ensemble ».

Alors, censure ? ça y ressemble bien. Coïncidence : cette censure intervient au moment où quelques voix commencent à s’élever dans le clergé et chez les catholiques pour dire, comme le titre de la pétition lancée par le « réseau des parvis » : « Trop, c’est trop ! » (qui a pour le moment recueilli 2600 signatures).

Le texte intégral

Un seul cœur et une seule âme ?

De l’unanimité de l’Église sur la question du mariage pour tous

Il est bien des organisations humaines (gouvernements, partis politiques, entreprises commerciales), trop humaines peut-être, où la capacité à afficher une unanimité de façade dans les situations d’adversité est un atout de poids, voire une nécessité. Il est bien des circonstances dans lesquelles il faut accorder au rassemblement des forces une priorité qui justifie qu’on diffère l’ouverture d’un débat de fond où viendraient se confronter des perspectives diverses et des opinions contradictoires. Plus encore, certaines organisations sont jugées sur leur capacité à juguler efficacement l’expression de la diversité des opinions : ainsi les ministres de notre République sont-ils sévèrement jugés lorsqu’ils manifestent de manière désordonnée leur désaccord avec la ligne officielle. Jean-Pierre Chevènement l’a brillamment résumé, alors qu’il s’apprêtait à donner sa démission du gouvernement Mauroy en 1983 : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».

L’Église n’est pas au nombre de ces institutions humaines, trop humaines. Leconsensus auquel elle aspire partout où, en son sein, on délibère, on décide et on agit, va bien au-delà d’une simple convergence des opinions et des intérêts. Ceconsensus doit se fonder sur une unité que réalise en elle Celui qui en est la tête, notamment lorsque les chrétiens se rassemblent en son Nom, sous le signe de la croix, pour communier à son corps et à son sang. L’Église n’est pas un parti. Elle n’est d’aucune tribu, d’aucun clan, d’aucune faction : elle entend être et elle est vraiment le sacrement visible de l’unité du genre humain. En elle se réalise l’« unité catholique du Peuple de Dieu qui préfigure et promeut la paix universelle » (Lumen Gentium, n. 9). A cette unité, tous les hommes sont appelés, de même qu’à tous est destinée la promesse de vie.

L’Église n’a pas le droit de délaisser ne serait-ce qu’un seul instant cette perspective de l’unité qu’elle est vouée à réaliser en son sein. Il est vrai que le consensus et la concorde ne seront parfaitement établis que lorsque le Royaume lui-même trouvera son parfait achèvement – c’est-à-dire à la fin des temps. Dans le temps présent, il nous faut composer avec bien des dissensions et une diversité souvent compliquée à gérer. Il n’en reste pas moins que la perspective du dépassement de toutes les divisions et de toutes les dissensions, la perspective du grand rassemblement des enfants de Dieu ne peut pas disparaître de notre horizon. C’est pourquoi il est bon de réentendre l’exhortation que l’apôtre Paul prodiguait aux Philippiens : « Mettez le comble à ma joie par l’accord de vos sentiments : ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n’accordez rien à l’esprit de parti. » (Ph 2,2-3)

Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. Lorsque nous agissons ainsi, l’Église est défigurée et affaiblie. De l’extérieur, elle n’est plus reconnaissable qu’à ses « positions » : elle agit comme si devait prendre au sérieux la provocation de Staline (« Le pape, combien de divisions ? »). Vue de l’intérieur, les choses ne sont guère plus favorables, car en se comportant comme une puissance séculière, l’Église laisse circuler en ses veines certains de ces poisons qui font que toutes les organisations humaines (trop humaines) sont périssables.

Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay. De manière peut-être encore plus troublante, aucun évêque n’a osé s’aventurer à l’exercice de la correction fraternelle lorsque l’un ou l’autre de ses confrères s’est laissé aller à des débordements de langage. Un tel exercice, aussi périlleux soit-il, aurait pourtant été bien salutaire en plusieurs occasions, ne serait-ce que pour fournir l’attestation de ce qu’il y a des ecclésiastiques qui, non contents de n’être pas homophobes (puisqu’il est entendu que les catholiques ne sont pas homophobes), n’entretiennent vraiment aucune complicité avec l’homophobie : il est vraiment désolant que nul évêque ne s’y soit risqué publiquement.

Depuis des mois, la hiérarchie catholique ne parle que d’une seule voix. Comme si tout le monde était d’accord. Comme s’il n’y avait plus qu’à choisir les moyens d’action et à entrer en campagne. On peut craindre que cette fausse unanimité desserve profondément la cause de l’unité de l’Église : beaucoup de catholiques aujourd’hui, sans être nécessairement de grands partisans du mariage pour tous, ne sont pas convaincus par l’argumentaire anthropologique qui a été retenu pour la cause ; ils entretiennent des doutes qui méritent d’être pris au sérieux et qui ne le sont pas.

Rien n’est évident dans cette histoire. Rien n’est évident et rien n’est simple. Comme l’indiquent les sondages (ceux des instituts comme celui que n’importe qui peut faire dans la plupart des paroisses), les fidèles sont partagés. Beaucoup ne demanderaient qu’à voir ouvrir vraiment le débat, non seulement dans la société, mais aussi et d’abord dans l’Église. Les prêtres sont également partagés. Oserai-je dire enfin que les évêques eux-mêmes sont certainement partagés ? Je ne suis pas journaliste d’investigation, je n’ai recueilli aucune confidence, je n’ai aucun enregistrement téléphonique… mais considérant d’une part que les prêtres français sont très partagés et d’autre part que les évêques ne sont pas des hommes extrêmement différents des simples prêtres, il est assez clair que les évêques ne partagent pas tous l’ardeur des leaders. Il n’y a pas de vraie unanimité, même au sein du collège épiscopal, au sujet du fameux projet de loi. Nous jouons depuis des mois une grande partie de cache-cache, dans laquelle certains pourraient finalement se lasser de s’être si bien cachés.

L’Église a sans doute beaucoup à perdre à dissimuler qu’il y a aujourd’hui en son sein une très grande diversité de points de vue au sujet du projet de loi sur le mariage pour tous. Les opinions de l’auteur de ces lignes sur la question de fond (l’ouverture du mariage aux couples homosexuels) n’ont pas ici grande importance [1]. Quelles qu’elles soient, elles susciteront nécessairement de la sympathie chez quelques uns, des hésitations chez d’autres, une franche opposition chez d’autres encore. Peu importe : c’est en assumant tout cela, toutes ces différences et toutes ces dissensions, que l’Église se construit, en se donnant délibérément pour horizon de conduire les enfants de Dieu au grand rassemblement promis à tous.

Puisse donc l’Église se donner comme perspective de rassembler ses enfants. Non dans une militance toute séculière, dans une logique toute humaine qui justifierait la mise à l’écart des fortes têtes et le mépris des hésitants, mais au contraire dans le souci tout évangélique de n’en perdre aucun (Jn 18,9). Pour cela, il faudrait qu’elle renonce à tout ce qui risque de faire d’elle une institution très humaine, trop humaine peut-être.

PS : La présente contribution n’engage évidemment que son auteur.

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[1] Disons en quelques mots, pour couper court à d’inutiles spéculations, que je suis 1) convaincu de la légitimité et du bien-fondé des principales revendications des familles homoparentales, ainsi que de la nécessité de leur accorder une juste reconnaissance, 2) assez convaincu que le projet de loi transforme en profondeur l’institution civile du mariage, 3) très dubitatif sur l’opportunité de procéder à cette transformation, 4) plutôt favorable à l’ouverture du droit à l’adoption pour les couples homosexuels, 5) très réticent à l’ouverture du droit à l’A.M.P. pour les couples de lesbiennes, 6) farouchement opposé à la légalisation de la G.P.A., et donc 7) très hésitant dans l’ensemble.

 

Quels voeux pour 2013 ?

Le 31 décembre, on pensait que quelques mois plus tard, le ciel se serait éclairci pour les laissés pour compte de la société, ceux qui sont obligés de fuir leur pays pour des raisons politiques, économiques, climatiques… Le 31 décembre 2013, le rêve a disparu, et la réalité n’est pas plus belle qu’un an plutôt. Aujourd’hui même, le réseau éducation sans frontière et toutes les associations mobilisées contre la chasse aux « sans-papiers » sont sur le pont, avec des dossiers lourds, souvent dramatiques.

Deux  exemples.

Celui de ce jeune Pakistanais, Ahmed Sohail, (source, RESF), 23 ans, arrivé tout seul en France à l’âge de 15 ans, pris en charge par l’ASE jusqu’à 21 ans. Il avait trouvé un employeur mais la préfecture du 93 ayant traîné pour lui donner un titre l’autorisant à travailler, son patron s’est lassé et ne l’a pas embauché. Il s’est retrouvé sans papiers, condamné à travailler au noir. Suite à un contrôle, il a été placé en rétention au centre de rétention de Vincennes. Il y est depuis 40 jours. Il a été présenté à l’avion cet après-midi. Une vingtaine de militants du RESF étaient dans le hall de l’aéroport pour informer les passagers du fait qu’ils risquaient de voyager dans un fourgon cellulaire volant avec un garçon de 23 ans menotté, ligoté et bâillonné dans la cabine. Ahmed a finalement réussi à ne pas monter à bord. Il a été ramené au CRA de Vincennes mais il risque fort d’être à nouveau présenté à l’avion dans les prochains jours, avec des risques de violences cette fois. Amhed devait être « extrait » du centre de rétention aujourd’hui à 13h15…

Celui de Zviad SULADZE, évoqué le 28 décembre dans cet article. Des contacts semblent s’établir à un niveau assez élevé, et une manifestation était à nouveau prévue à Saint-Brieuc aujourd’hui 31 décembre. Outre les complications administratives, il y a les difficultés financières : pour déposer un dossier de demande de régularisation, il faut commencer par régler le timbre fiscal. C’est presque donné : 110€… Remarquez, la République est bonne fille, elle ne demande pas aux retenus de payer leur séjour en CRA, ni aux expulsés de payer l’avion…

On a pu constater des avancées dans certains domaines : le mariage pour tous notamment. Mais dans le domaine des demandeurs d’asile et des sans-papiers, la situation n’a pas évolué, et aucun signe ne peut laisser espérer une amélioration : la circulaire Valls n’a pour le moment rien amélioré, et le ministre semble s’arcbouter dans une posture destinée avant tout à rassurer droite et extrême droite, et accessoirement ( ?) à assoir sa carrière…

Alors, quels vœux, ce soir ?

 

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