Photo Pierre Fénard.
Sur les origines de la Ligue des droits de l’Homme, par André Hélard
La section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme présente deux originalités : elle a été la première section créée en province, et elle a été présidée par un de ses créateurs, Victor Basch, qui a été assassiné par la milice de Vichy, le 10 janvier 1944, dans l’Ain, avec son épouse.
Dans le dernier numéro du bulletin de cette section, André Hélard, qui en est membre, revient sur les origines de cette association, créée en 1898, pendant le procès en appel d’Alfred Dreyfus à Rennes.
« Il y a dans cette affaire Dreyfus, et il y aura longtemps en elle, et peut-être éternellement, une vertu singulière. […] Plus cette affaire est finie, plus il est évident qu’elle ne finira jamais. Plus elle est finie, plus elle prouve. » (Péguy, Notre jeunesse)
Revenir aux origines d’un mouvement, que ce soit un parti politique ou une association, n’est pas forcément du simple ressort de l’archéologie. Cela permet aussi d’éclairer sa raison d’être première, les valeurs au nom desquelles il s’est constitué et les principes selon lesquels il s’est organisé.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer un peu rapidement, la Ligue des droits de l’homme n’est pas née du rassemblement d’hommes partageant sur tout et unanimement une même vision. Ceux qui la fondèrent ne se souciaient « que » d’être d’accord sur ce qui leur semblait être l’essentiel dans la France d’alors, la France de 1898 et de l’affaire Dreyfus.
Quelques explications, les plus simples possibles, permettent de comprendre ce qui lui conféra ce caractère exemplaire. Fin 1894, un conseil de guerre a condamné le capitaine Dreyfus au bagne à perpétuité pour trahison. Or il est bientôt apparu que Dreyfus a été condamné à la fois illégalement (un dossier contenant de prétendues preuves de sa culpabilité été communiqué a ses juges sans que l’accusé et ses défenseurs en aient eu connaissance, ce qui constitue évidemment une violation majeure du droit), et injustement (puisque il a été établi par le colonel Picquart que le traître n’était pas Dreyfus mais un autre officier, Esterhazy). La simple reconnaissance de la vérité, mais aussi le respect du droit, et la plus élémentaire justice voudraient que le procès de 1894 fût révisé, mais les gouvernements successifs s’y refusent, répétant qu’« il n’y a pas d’affaire Dreyfus ». Parce qu’il leur paraît impossible de reconnaitre que l’Armée ait pu se tromper ou, bien pire, tramer une machination contre un officier innocent, qui n’aurait eu que le tort d’être juif. Et aussi parce qu’ils n’osent s’opposer a une opinion travaillée depuis le début de l’Affaire, au cri souvent répété de « La France aux Français », par une presse d’un antisémitisme exacerbé. C’est au lendemain de l’acquittement d’Esterhazy, le coupable évident, par un autre conseil de guerre, que Zola lance son fameux J’accuse qui amène le gouvernement à l’assigner en justice pour diffamation envers l’Armée.
Et c’est précisément pendant le procès de Zola que s’ébauche la Ligue des droits de l’Homme, en février 1898.
L’ancien garde des sceaux, Ludovic Trarieux, effaré de la manière dont se passe ce procès, en est venu à penser qu’il est nécessaire « de former un groupe, une association, ou une ligue, quelque chose qui serait la sauvegarde des droits individuels, la liberté des citoyens et leur égalité devant la loi. (1) » Le 17 (ou 18) février, pendant une suspension d’audience, il en fait part à quelques hommes qui sont là, comme lui, en tant que témoins de la défense (2).
C’est là le noyau initial, quelques hommes qui, au nom des principes du droit ou de l’idée qu’ils se font de la recherche de la vérité, partagent le même refus du dévoiement de la justice sous prétexte de raison d’État.
Constatant que « tout est sapé, les droits de l’homme, le respect de la justice, enfin tout ce qui fait une société policée, et que nous appelons civilisation », ils se demandent: « Allons-nous rester isolés dans ce désordre qui gagne de proche en proche ? Non! il faut au contraire segrouper […] pour rappeler sans cesse les grands principes démocratiques (3). »
Telle est l’association originelle. Les premiers statuts de ce qui va s’appeler Ligue des droits de l’homme et du citoyen, sont bientôt rédiges. L’article 1er stipule qu’il s’agit d’une « association destinée à défendre les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de justice énoncés dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 », affirmant avec force la volonté de s’inscrire dans la perspective universaliste de la Révolution française. Mais le plus important, quant à l’esprit, est certainement l’article 3 :
« Elle fait appel à tous ceux qui, sans distinction de croyance religieuse ou d’opinion politique, […] sont convaincus que toutes les formes d’arbitraire et d’intolérance sont une menace à la civilisation et au progrès. » Comme l’a écrit Madeleine Rebérioux, la Ligue est ici clairement définie comme « un creuset ou des énergies d’origines fort diverses purent, sinon fusionner, du moins agir en commun, si fortes étaient en France la référence de l’universalisme de la Révolution française et l’aspiration à maintenir et à renouveler les pratiques citoyennes. »
Sur ces bases, ces précurseurs contactent leurs collegues, leurs relations, à Paris, puis en province, obtenant rapidement nombre d’adhésions individuelles. Début avril, on en compte près de 300. Le 4 juin 1898 peut se tenir l’assemblée générale constitutive de la LDH. Et le 23 décembre la première assemblée générale ordinaire réunit 2000 personnes à Paris, avec sept sections de province « constituées ou en cours de constitution », dont celle de Rennes (4), représentée par Basch.
Parmi ces premiers ligueurs il y a des intellectuels, savants, universitaires, écrivains, des fonctionnaires, des membres de professions libérales, médecins, avocats, bon nombre de journalistes, et de rares hommes politiques. Des parcours, des statuts sensiblement différents donc. Mais aussi des engagements parfois nettement divergents. À côté de républicains modérés, voire même conservateurs, et libéraux, comme Trarieux ou Reinach, des gens bien plus à gauche et même franchement socialistes et jaurésiens, tels Lucien Herr ou Francis de Pressensé, ou anarchistes comme le fondateur du journal Le Libertaire, Sébastien Faure. Ces caractéristiques de la naissance et des premiers pas de la Ligue au plan national, on les retrouve dans l’histoire de la section de Rennes.
Ici aussi, tout est parti d’une toute petite poignée d’hommes. Cinq professeurs de l’Université, qui dès fin 1897, ont commencé a s’interroger sur le déni de justice dont le capitaine Dreyfus pourrait avoir été victime. Ce sont Jules Andrade, Jules Aubry, Victor Basch, Georges Dottin, Henri Sée, et ils enseignent les mathématiques, le droit, l’allemand, la philologie, l’histoire. Afin de se forger une opinion par eux-mêmes, ils se sont mis, dit Basch, à « suivre de près et à étudier tous les documents qui seraient publiés avec le sévère scrupule que nous apportions à nos recherches scientifiques. » Attitude typique des intellectuels dreyfusards, esprits libres et rationnels pour qui l’esprit d’examen et la raison scientifique fondent la liberté d’opinion contre les prétendues vérités imposées par la raison d’État.
Après J’accuse, ils ont été parmi les signataires des « protestations » plus connues aujourd’hui sous le nom de pétition des intellectuels. Ce qui a fait d’eux la cible d’attaques particulièrement violentes.
Rien d’étonnant donc à ce que, dans les semaines qui suivent la fondation de la Ligue, au printemps 1898, ils y adhèrent à titre individuel, bientôt rejoints par deux nouveaux collègues (pas un de plus…), le chimiste Cavalier et le physicien Weiss. Ce sont eux « les sept » dont Basch dira : « nous étions sept contre soixante-dix mille. » Ce sont eux aussi (5) qui seront à l’origine de la section de Rennes, à moment où la Ligue prend sa dimension nationale. Mais à un moment aussi ou l’antidreyfusisme se fait de plus en plus virulent en dépit ou à cause du naufrage de plus en plus évident de l’accusation, après (entre autres) le démontage complet par Jaurès, dans Les Preuves, de la machination dont Dreyfus a été victime, et surtout après la saisie de la Cour de cassation, qui aboutira à la révision du procès de 1894, et au renvoi de Dreyfus devant le Conseil de guerre de Rennes.
C’est donc dans un climat très tendu que Basch et ses amis se posent cette question, si semblable à celle que se posait Trarieux en février 98 : « Sur qui appuyer notre action ? Comment recruter? » Et c`est en réponse à cette question qu’ils vont effectuer un travail à la fois militant et politique tout à fait remarquable de la part de gens qui n’avaient aucune expérience de l’action militante ou de l’action politique. En témoigne la liste des premiers membres de la section, fondée le 21 janvier 1899 : comme chez les « inventeurs » de la Ligue en 1898, on a là « un creuset d’énergies d’origines fort diverses ». Parmi les universitaires, se côtoyaient sans problème les modérés Aubry, qui a une vision très juridique de l’Affaire, ou Dottin, qui est catholique, et les juifs Basch et Sée qui ne tarderont pas devenir socialistes. Désormais se sont joints à eux deux francs-maçons, forcément très anticléricaux à l’époque, les deux derniers Vénérables de la Loge La Parfaite Union; le pasteur protestant et deux membres de son conseil presbytéral, deux fonctionnaires que Basch qualifie de « vieux républicains » et cinq ouvriers, dont l’un est le secrétaire de la Bourse du travail, et les autres des leaders du Cercle d’études sociales, la fraction la plus révolutionnaire du modeste mouvement ouvrier rennais.
Ils sont tous représentatifs de courants ou de mouvements que bien des choses peuvent séparer, voire opposer. Mais ce qui les unit en ce moment précis leur a paru plus important que ce qui les sépare. Et lorsque Rennes se verra désignée pour être le théâtre du second procès Dreyfus, en 1899, la section sera bien présente pour jouer, en coulisse mais avec beaucoup d’efficacité, son rôle d’accueil et parfois de protection de quelques-uns des plus célèbres dreyfusards présents à Rennes.
Pour en savoir plus, cf. le numéro spécial (97/98) de Hommes & Libertés, « 1898-1998, Une mémoire pour l’avenir», les nombreux articles dans diverses revues d’E. Naquet, et sa thèse, La Ligue des droits de l’Homme, une association en politique, accessible sur le site spiresciences-po.fr ; sur la section de Rennes, cf. André Hélard, L’honneur d’une ville, La naissance de la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme, éditions Apogée, Rennes.
1. Selon Jean Psichari, qui raconte avec un peu de recul ce moment crucial, Cité par Emmanuel Naquet.
2. Ce sont surtout des « savants », qui ont témoigné pour dire comme Émile Duclaux, directeur de l’Institut Pasteur : « si, dans les questions scientifiques que nous avons à résoudre, nous dirigions notre instruction comme elle semble l’avoir été en cette affaire, ce serait bien par hasard que nous arriverions à la vérité. »
3. Toujours d’après Psichari
4. Elle se constituera un mois plus tard. Les autres sont celles de Marseille, Lyon, Le Havre, Rouen, Nancy et Orléans.
5. Avec le philosophe Paul Lapie, qui vient d’être nommé à Rennes à la place d’Andrade, mute à Montpellier par mesure disciplinaire.
Pour la réhabilitation des soldats « Fusillés pour l’exemple » pendant la première guerre mondiale
Le 11 novembre prochain, la commune de Mellionnec rendra hommage, comme toutes les communes de France, aux victimes et aux soldats de la première guerre mondiale.
Mais elle ne se contentera pas de cela. Comme en 2011, Marie-José Fercoq, maire de Mellionnec, rendra aussi hommage à François Laurent. Un hommage particulier, puisque François Laurent a fait partie de ceux qu’on a appelés les « fusillés pour l’exemple », la plupart du temps victimes de l’arbitraire d’un Etat major incompétent. La Ligue des droits de l’Homme participera à cet hommage, aux côtés de la Libre pensée, l’Association des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR), l’ Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC). Les associations se réuniront devant la mairie de Méllionnec à 11 heures ce 11 novembre 2012, pour descendre en cortège jusqu’au monument aux morts. Les prises de parole au nom de la Réhabilitation devraient se faire à partir de 11h20/11h25.
Il se trouve que le combat pour la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » est un des grands combats de la Ligue des droits de l’Homme, à tel point que, Gilles Manceron, historien spécialiste de la « grande guerre » et de la LDH, n’hésite pas à dire qu’il s’agit, avec l’affaire Dreyfus, de « son second grand combat fondateur ». Un combat qui a débuté dès après la guerre, et qui n’est pas terminé, puisque la réhabilitation officielle par la République de ces hommes n’a toujours pas eu lieu.
Yves Tréguer, de la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes, s’est penché sur l’histoire de ces soldats, et plus précisément celle de deux soldats bretons, Lucien Lechat, et, justement, François Laurent. Voici le résultat de ses recherches, qui a également été publié dans le bulletin de la section de Rennes (novembre 2012).
Fusillés pour l’exemple, par Yves Tréguer, de la section LDH de Rennes.
Déjà la pierre pense, où votre nom s’inscrit
Déjà le souvenir de votre nom s’efface
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri
Louis Aragon – « Tu n’en reviendras pas »
La proche célébration de l’armistice du 11 novembre 1918, le centième anniversaire à venir en 2014 du déclenchement de la première guerre mondiale vont faire ressurgir la cause des fusillés pour l’exemple, à laquelle la Ligue des droits de l’Homme est liée, à travers ses campagnes contre l’iniquité des décisions des tribunaux militaires et pour la réhabilitation des victimes.
La défense de cette cause a été, on le sait, un des engagements majeurs de la Ligue et même, selon l’expression de Gilles Manceron, « après l’affaire Dreyfus, son second grand combat fondateur ».
Un long travail, avec des victoires sur le plan législatif et judiciaire, qui a permis de rendre justice à quelques dizaines de soldats : c’est le cas, intéressant la Bretagne, de deux soldats, François Laurent, de Mellionnec, exécuté en1914 et celui, plus connu, de Lucien Lechat, l‘un des caporaux de Souain, exécuté en 1915 dont nous allons évoquer la mémoire.
Pour autant, depuis les années 1930, le cas d’autres fusillés ou de victimes d’exécutions sommaires, reste à examiner, et le combat n‘est pas fini aujourd’hui…
Un bref rappel s’impose, pour comprendre le contexte des années 14-15 .C’est en effet dans ces années qu‘ont eu lieu la plupart des 600 exécutions de la Grande Guerre (430 environ), alors que la postérité a surtout retenu la répression des mutineries de 17.
Au début des opérations l’État-major se place dans la perspective d’une guerre courte et elle recherche avant tout une justice sévère et expéditive. Il s‘en donne les moyens en obtenant par les décrets du 2 aout et du 6 septembre 1914 les « conseils de guerre spéciaux» qui permettent de punir de façon exemplaire à l’aide d’une procédure simplifiée, avec des droits de la défense réduits. Pas de possibilité de grâce ou de révision, sentence de mort applicable dans les 24 heures.
On fusillera donc pour l’exemple c’est à dire qu’un soldat pourra être exécuté pour avoir commis un délit précis mais aussi « pour faire un exemple » susceptible de maintenir une obéissance stricte, qui est, on le sait, la force principale des armées.
Le souvenir de 1870 et de la débandade des armées françaises reste un souvenir cuisant. Un certain nombre de cas de peines de mort est prévu dans la réglementation : nous en retiendrons deux qui seront la cause de la condamnation de François Laurent et de Lucien Lechat, la mutilation volontaire et le refus d’obéissance. La condamnation est d’autant plus aisée que selon un historien, cité dans une thèse récente « il existe un décalage entre les théories du soldat-citoyen et les représentations communes des chefs militaires, cette conception des troupiers comme matériau obéissant, silencieux et consommable »(1).
François Laurent.
L’histoire du soldat de Mellionnec n’est pas très connue et n’a pas fait l’objet d’un culte mémoriel, comme celui des caporaux de Souain, que nous aurons l’occasion d’évoquer.
Elle a, en revanche, fourni le sujet d’un texte remarquable de Louis Guilloux, paru dans Vendredi, le 5 juin 1936, en plein triomphe électoral du Front populaire, et moins de 3 ans après la réhabilitation du soldat breton, le 6 décembre 1933. Le texte s’appelle « Douze balles montées en breloque ».On pourrait l‘appeler un texte de fiction documentée, tant, dans sa première partie, il reste proche des faits. Laissons-lui la parole : « Le Bihan était né dans un hameau où on ne parlait que le breton. Il ne savait pas le français du tout. Le peu qu’il avait appris à l’école, il l’avait oublié entièrement. Il était aussi ignorant qu’on puisse l’être, ce qui ne fût pas arrivé si on l’avait instruit dans sa langue. Il le disait, et ne comprenait pas pourquoi on ne l’avait pas fait, puisque l’institutrice, bretonne comme lui, savait naturellement le breton. Mais il était interdit à l’institutrice de parler le breton à l’école…
Il partit dès le premier jour…
Un matin, le soldat Le Bihan tiraillait derrière un bosquet, quand vint l’ordre de se porter en avant. Comme il s’élançait, une balle lui traversa la main droite de part en part. Il n’en continua pas moins de courir. Mais quand, de nouveau couché par terre, il voulut recommencer à tirer, il ne le put, et le capitaine lui donna l’ordre de rejoindre le poste de secours le plus proche. Il se mit en route et après quelque temps arriva au poste ou il montra sa blessure à un major, qui parut extrêmement intéressé…
Le major lui posa diverses questions, auxquelles Le Bihan ne répondit pas, ne les ayant pas comprises. Le major n’insista pas. D‘une part, il n’avait pas de temps à perdre, et, d’autre part, il avait ses idées arrêtées sur la discipline aux armées, et la manière de la faire observer. Il griffonna quelque chose sur un bout de papier, qu’il remit à Le Bihan, et donna l‘ordre a un planton de le conduire plus loin à l’arrière, ce qui fut fait …. Le Bihan se laissa conduire où l’on voulut …. Or, aussitôt « remis aux autorités » et le billet du major déchiffré, le soldat Le Bihan fut conduit au poteau et fusillé. Accusation : « blessure volontaire à la main droite. »
Le fameux billet du major, qui conduisit à la mort François Laurent, nous l’avons à disposition (2). Il est disponible aux archives des services historiques de l‘armée de Terre (Dossier Laurent, série J, SHAT): il s’agit des célèbres certificats du Dr Buy ,en grande partie pré-rédigés, qui firent exécuter deux autres soldats, réhabilités en1925 et en 1934,ce qui fait dire à Nicolas Offenstadt (3) que « (ces certificats) ne contribuent pas à améliorer cette image de la médecinecmilitaire dans l‘entre-deux-guerres ».
A la suite de l’action d’anciens combattants, le conscrit de Mellionnec est réhabilité, sa famille reçoit la somme de 10.000 francs et la mairie de sa commune refait faire une plaque où le nom de François Laurent figure parmi les noms des morts au champ d’honneur.
Sa fiche consultable sur le site SGA, Mémoire des Hommes, mentionne : mort pour la France le 19 octobre 1914. Genre de mort: fusillé, puis : réhabilité par jugement le 3 décembre 1933.
Les nationalistes bretons font de François Laurent, mort de ne pas avoir pu se défendre en français « la victime de la domination française en Bretagne », et, en 1934 Breiz Atao proteste contre la présence du préfet à la cérémonie de réhabilitation. En 1982, un film bilingue sur « Frances Laorans »est tourné à Clohars-Carnoët que la famille du soldat désavoue.
Lucien Lechat.
Le cas de Lucien Lechat, né dans la commune de Le Ferré, Ille et Vilaine, est beaucoup plus connu, car il fait partie d’une affaire restée célèbre, celle des caporaux de Souain. Cette affaire a donné lieu à une médiatisation et à un culte mémoriel exceptionnels. (4)
Les faits sont bien connus. Le 10 mars 1915, les soldats de la 21ème compagnie du 336ème régiment d’infanterie reçoivent l’ordre de sortir des tranchées et d‘attaquer à la baïonnette. Les précédentes attaques avaient été des échecs sanglants.
La préparation d‘artillerie atteint (volontairement ?) les tranchées françaises. Épuisés, démoralisés, les soldats refusent de quitter leurs abris.
Le général Réveilhac veut des sanctions pour refus d’obéissance: elles visent 6 caporaux et 18 soldats.
Finalement, le 16 mars, après un procès expéditif, sont condamnés à mort, d‘une façon arbitraire qui fait penser aux anciennes décimations en usage dans les légions romaines, 4 caporaux, dont le plus jeune est Lucien Lechat. Le 17 mars, ils sont fusillés, deux heures avant que les peines n’aient été commuées en travaux forcés. Le général Réveilhac ne sera pas inquiété. Une loi d’amnistie, votée en 1919 empêche même les sanctions contre les chefs responsables d`exécutions sommaires. Qui plus est, il sera fait plus tard grand officier de la Légion d’honneur.
La réhabilitation : le combat admirable de Blanche Maupas (à Sartilly, dans la Manche) pour la réhabilitation de son mari, l’un des 4 caporaux, est bien connu (5). Elle fut aidée par des groupes d’anciens combattants et par la Ligue des droits de l’Homme dont l’action en faveur des fusillés pour l’exemple fut l‘une des grandes causes dès la fin de la guerre.
Moins connus sont les efforts d’Eulalie Lechat, la sœur de Lucien, qui soutenue par la Ligue, obtint en mars 1934 que son frère soit réhabilité.
Le souvenir de l‘enfant du pays ne s’est jamais éteint.
Le 24 novembre 2004, a l’initiative du maire de Le Ferré, Monsieur Pautrel, a eu lieu une cérémonie religieuse et civile d‘une très grande ferveur. Une délégation venue de Sartilly associait une fois encore les deux noms de Lechat et de Maupas et ceux de Girard et Lefoulon dans un souvenir commun.
Notre section, à la demande de la mairie, était présente en la personne de son président. Le chant de Craonne et le chant des partisans résonnèrent au cimetière pour l’inauguration de la plaque du souvenir.
La journée se termina avec uneremarquable conférence de Nicolas Offenstadt, qui suivait l’hommage au cimetière.
Et maintenant ?
Comme le rappelle à juste titre Gilles Manceron, dans un article paru en 2008 dans « Hommes et Libertés», intitulé « La mémoire des fusillés de la Grande Guerre », des questions très importantes restent en suspens.
Chacun se souvient de la déclaration, faite le 5 novembre1998, de Lionel Jospin, premier ministre, à Craonne, haut lieu des souffrances des poilus : « Certains des soldats, épuisés par des attaques condamnées a l’avance, glissant dans une boue trempée de sang plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d‘être des sacrifiés. Que ces soldats « fusillés pour l’exemple », au nom d‘une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ».
Depuis, rien. Or il reste des cas graves, que recense l‘article d’« Hommes et Libertés », notamment dans les troupes coloniales.
Le combat des ligueurs pour défendre la mémoire des fusillés de 14-18, va revenir en force, en 2014, pour le centième anniversaire du début de la guerre pour lequel il faut nous mobiliser dès à présent. Ce combat n’est pas terminé.
(1) in André Loez: 14-18, Gallimard, Folio histoire. Les refus de la guerre 2010, p 61.
(2) Une photo de ce certificat du Dr Buy, figure à la page 41 du livre de Nicolas Offenstadt :Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective (1914-2009), Éditions Odile Jacob 2009.
(3) Offenstadt, op cité p 40.
(4)Essentiellement, le film de Stanley Kubrick, Les sentiers de la gloire, sorti en 1957 …. et projeté en France en 1975,18 ans plus tard.
(5) Un film de Patrick Jarnain, Blanche Maupas, a été donné, en 2009, à la télévision.
Aurore Martin : LDH et FIDH écrivent au président de la République
Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, et Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme, viennent d’adresser une lettre ouverte commune au président de la République, au sujet de l’arrestation, l’extradition et l’incarcération d’Aurore Martin.
Petit rappel des fait : Aurore Martin, ressortissante française, et militante d’un parti basque interdit en Espagne, mais autorisé en France, faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen (MAE). Elle a été arrêtée les jours derniers, à l’occasion d’un contrôle routier « inopiné ». Elle a aussitôt été transférée en Espagne, et incarcérée. Elle risque d’être condamnée à 12 ans de prison.
Le droit a semble-t-il été respecté. Mais il reste deux problèmes : Aurore Martin est une ressortissante française, et aux yeux de la justice française, elle n’a commis ni délit ni crime. C’est cela qui conduit la LDH et la FIDH à prendre sa défense, et à plaider sa cause auprès du président de la République. Il ne s’agit évidemment pas de prendre parti de quelle que manière que ce soit sur la légitimité du militantisme d’Aurore Martin.
Voici le courrier cossigné par les deux organisations.
M. François Hollande
Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint-H0n0ré
75008 Paris
Paris, le 6 novembre 2012
Monsieur le Président,
La remise aux autorités espagnoles d’Aurore Martin et son incarcération sont sans doute formellement légales. Elle n’en demeure pas moins, à la fois, une démonstration d’espèce de « la force injuste de la loi », comme un de vos prédécesseurs avait su le dire à d’autres occasions, et une faute politique.
Admettre qu’une ressortissante française puisse faire l’objet de poursuites pénales pour des faits légaux en France, mais réprimés en Espagne, atteste d’une incohérence de l’État de droit européen qui porte préjudice à l’idée même de justice.
Cette seule considération aurait dû suffire à empêcher l’exécution d’un mandat d’arrêt qui ne repose que sur l’expression d’idées politiques et sur aucun faits délictueux, et encore moins criminels.
Ceci nous amène à rappeler que, lors de son adoption dans la précipitation à la suite des attentats du 11 septembre 2011, nous avions souligné les dangers d’une telle mesure sans harmonisation des incriminations pénales en vigueur dans les pays de l’Union européenne, et sans garanties des droits de la défense (devenus, en ce domaine, de pure forme). Malheureusement, le souci d’apaiser les peurs engendrées par ces attentats, ainsi que la propension naturelle des gouvernements à s’arroger de plus en plus de pouvoirs, a fait que nous n’avons pas été écoutés.
Ce n’est pas sans raisons que la Commission européenne, elle-même, s’interroge sur les dysfonctionnements d’un système aussi peu respectueux des libertés individuelles, au point d’envisager des modifications de la directive. Nous vous demandons d’appuyer cette démarche et, au besoin, d’en prendre l’initiative.
Mais, au-delà de ces éléments juridiques, il reste et il demeure qu’une jeune femme est aujourd’hui en détention pour une durée au moins de plusieurs mois, devant une juridiction d’exception parce que les autorités espagnoles ont cru devoir criminaliser une expression politique, celle de l’indépendantisme basque.
Est-il besoin de rappeler que nous avions fermement condamné le recours a la violence de l’ETA, passée la dictature franquiste ?
Aujourd’hui, la situation n’est plus la meme et nous ne comprenons pas qu’Aurore Martin se voit reprocher des activités purement politiques qui ont amené son courant politique à être le deuxième parti politique du pays basque espagnol lors des dernières élections.
Il y a quelque chose d’incompréhensible à constater que les autorités françaises et espagnoles continuent à penser que c’est en ayant recours à la répression que se règlera ainsi un problème politique multiséculaire.
La multiplication des protestations de toutes origines qui se manifestent atteste qu’il est temps de donner à cette question une solution autre que judiciaire ou policière.
Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’intervenir auprès du gouvernement espagnol afin que s’ouvre un véritable dialogue politique qui inclut tous les acteurs, y compris du côté français.
Nous vous demandons d’user de votre influence afin qu’Aurore Martin ne soit pas la victime d’un conflit qui est en train de trouver une issue dans le cadre démocratique.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Recevez, Monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération.
Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme,
Souhayr Benlhasen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme.
Un pétition raciste demande la suppression de la prime de Noël pour les musulmans…
Ajout du 18 décembre 2012 : la pétition annulée.
C’est signé « Manoury ». Manoury, c’est le patronyme d’un élu front national du conseil régional de Lorraine (lire ici). Rien ne prouve que Jean-Luc Manoury soit l’auteur de cette pétition mise en ligne le 4 novembre : il n’y en a aucune trace sur son blog.
S’il en est l’auteur, il n’a en effet pas de raison particulière d’en être fier. Cette pétition demande que la caisse d’allocations familiales cesse de verser la « prime de Noël » aux musulmans. Rien que ça.
Mais ça n’est évidemment pas du racisme ! L’auteur s’en défend : « Ce n’est pas une initiative raciste mais tout simplement un acte de bon sens et de solidarité envers mes compatriotes qui souffrent de plus en plus du chômage et de la misère grandissante ». Si le titre de la pétition en limite la portée aux musulmans, le texte l’élargit : « La CAF verse une prime de Noël à des allocataires opposés au Christianisme. Les musulmans, les juifs, Bouddhistes… ne la fêtent en aucune manière donc pourquoi leur verser cette somme alors qu’ils ne feront aucune dépense pour cette fête ». L’auteur ne maîtrise pas parfaitement la typographie : pourquoi une majuscule à « christianisme » et à « boudhiste », et pas à « musulmans » ni à « juifs » ?
Ne mégotons pas. Cette pétition part d’un bon sentiment mais elle laisse un goût d’inachevé : et les athées, comme le rappelle à juste titre Jégoun, dans son blog ? et les agnostiques ? Quant aux « vrais » chrétiens, comment les reconnaître ? Une solution consisterait bien à ne verser cette prime que sur présentation d’un certificat de baptême. Mais ceci ne garantit évidemment pas l’assiduité de son titulaire à la sainte messe ! Il faudrait donc instaurer un système de certificat de présence, avec obligation de présenter un motif sérieux en cas d’absence à la messe.
Par ailleurs, pourquoi ces païens profitent-ils des jours de congés liés aux fêtes catholiques ? Au boulot les gars ! Réquisitionnés !
Décidément M. Manoury, vous êtes un petit joueur.
Une dernière chose. L’auteur de la pétition la signe à peine : on ne peut pas l’identifier à coup sûr. Curieusement, c’est également le cas de nombreux signataires : sur 503 signatures, lundi 5 à 13h30, 163 sont anonymes ! 32,4% de lâches ! Ou alors, auraient-ils honte d’avoir signé ?
Un jeune demandeur d’asile écrit au préfet d’Île-et-Vilaine
D’origine arménienne, la famille Balasanov a fui la Géorgie dès 2004 pour la Russie, avant de solliciter la protection de la France en 2009.
Le couple est arrivé en octobre 2009 à Rennes, où est née Elina un mois plus tard. Elle est aujourd’hui scolarisée à l’école maternelle du Clos-Joury au Rheu.
Édouard, le fils aîné, les a rejoints en décembre 2009.
Âgé de 17 ans, Édouard n’a pas eu la chance d’être scolarisé, mais a rapidement appris le français. Toujours prêt à faire l’interprète auprès des associations, Édouard a été interpellé jeudi 27 septembre lors d’un contrôle routier en se rendant au secours populaire, où il travaille comme bénévole.
La famille étant déboutée de l’asile depuis avril 2012, la Préfecture d’Ille et Vilaine a décidé de placer Édouard en rétention et de sortir ses parents et sa petite sœur du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) pour les assigner à résidence dans un hôtel à Rennes pendant 45 jours. Le réseau Éducation sans frontière a aussitôt fait circuler une pétition, et Eduard a finalement été libéré par le juge des libertés et de la détention. Mais il est toujours sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Chassée de Géorgie par les nationalistes, la famille Balasanov n’a plus aucun lien avec ce pays. Leur avenir est dorénavant en France, où M.Balasanov travaillait légalement avant qu’on ne lui retire son titre de séjour.
La famille vit aujourd’hui dans une grande précarité, aussi bien morale que matérielle. C’est ce qui a conduit Édouard à écrire au préfet d’Île et Vilaine, et à publier sa lettre sur Internet. La voici.
Bonjour Monsieur le Préfet.
Je m’appelle Édouard Balasanov. Je suis arrivé en France avec ma famille en octobre 2009.
Notre famille est aujourd’hui déboutée de l’asile. On nous a retiré notre titre de séjour et mon père a perdu son travail. Il travaillait à Marine Harvest à Chateaugiron dans une fabrique de découpes de poissons. Après avoir travaillé pendant 11 mois par intérim puis en CDD, son patron lui a fait une promesse d’embauche, car il était content de lui et il souhaitait le garder. Malheureusement avant de signer son contrat, notre famille a reçu une OQTF et nous avons tout perdu…
Moi je n’ai pas eu la chance d’être scolarisé, mais j’ai fais pris des cours de français dans une école pour les étrangers, puis j’ai fait du bénévolat au Secours Populaire .
Ma petite soeur a 3 ans, elle est née à Rennes. Elle est scolarisée à l’école maternelle au Rheu.
Depuis le 25 septembre, ma famille est assignée à résidence à l’hôtel Colombier . Mes parents ont été envoyés à l’ambassade de Géorgie. Ils ont eu un laissez- passer. Maintenant on est o
bligés de se cacher, car on a peur de retourner en Géorgie. J’ai 20 ans et toute ma vie j’ai connu des difficultés et je ne veux pas que ma petite sœur vive la même chose.
Monsieur le Préfet, vous êtes notre dernière chance.
Édouard Balasanov – le 4/11/2012
Moëlan(sur(Mer (29), 17 novembre : Quelle justice pour les jeunes ?
La section de Quimperlé-Riec-Concarneau de la Ligue des Droits de l’Homme, le Conseil Municipal des Jeunes de Moëlan-sur-Mer et l’association Enfance et Partage vous invitent à la journée sur les droits de l’enfant qui se tiendra le 17 novembre à la salle de l’Ellipse à Moëlan-sur-Mer.
À partir de 16 heures et pour tout public, une exposition animée par Monique Thoral, directrice d’un service socio judiciaire de l’Association d’Action Éducative de Loire Atlantique (AAE44), elle est également membre du bureau de la Fédération Citoyen et Justice.
À partir de 20h30, conférence débat sur « Les évolutions récentes de la justice des mineurs et du système de protection de l’enfance ». Conférence animée par Roland Janvier, directeur Général de la Fondation Massé Trévidy et Patrick Martin, directeur Général de l’Association d’Action Éducative de Loire Atlantique, président de la commission protection de l’Enfance et de la Jeunesse de l’UNIOPSS et membre du bureau de la Fédération Citoyen et justice.
Contrôles au faciès : « ne pas renoncer à agir ! »
Alors que le ministre de l’intérieur annonce l’abandon du projet de récépissé délivré par les policiers après un contrôle d’identité, de nombreuses voix s’élèvent pour en réclamer au moins l’expérimentation. La Lettre d’information n°87 datée du 2 novembre, publiée par la Ligue des droits de l’Homme y consacre un dossier. Parmi les articles qu’il rassemble, en voici un signé par Xavier Gadrat, secrétaire général du syndicat de la magistrature, et qui appelle à « ne pas renoncer à agir » contre les contrôles au faciès. Par ailleurs, la pétition initiée par la LDH et le collectif « Stop le contrôle au faciès » http://stoplecontroleaufacies.fr/slcaf/ afin de mettre un terme aux contrôles au faciès grâce à la mise en place de la politique du reçu de contrôle d’identitén est toujours d’actualité.
Pour signer la pétition, lettre ouverte au Premier ministre.
Ne pas renoncer à agir !
Déjà en 2001, le Syndicat de la magistrature – dans son ouvrage « Vos papiers ! » – dénonçait la multiplication insupportable des « contrôles d’identité au faciès », ce qui lui valut les foudres des syndicats de police et du ministre de l’intérieur, Daniel Vaillant. Quelque dix années et de nombreuses études plus tard, nul ne peut désormais contester ces abus.
Même le candidat François Hollande en paraissait convaincu en s’engageant, dans son programme, « à lutter contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité » par la mise en place « d’une procédure mieux encadrée, respectueuse des citoyens ». Dès le 1er juin, le Premier ministre annonçait d’ailleurs que bientôt les policiers remettraient un reçu lors des contrôles d’identité, et ce afin de lutter contre toute pratique discriminatoire.
Mais le ministre de l’intérieur, particulièrement soucieux de ménager la susceptibilité des syndicats de police dont certains criaient déjà au « discrédit sur l’honnêteté morale des policiers », manifestait rapidement des velléités d’enterrer cette promesse ce que confirmait son discours du 19 septembre aux cadres de la police et de la gendarmerie. La remise d’un reçu serait ainsi « trop complexe à mettre en place », manifesterait « une défiance » envers les forces de l’ordre et pourrait même être « contraire aux règles sur les fichiers »… Et la fin (officielle) du tutoiement, le rétablissement du numéro de matricule sur les uniformes des agents, voire l’installation de caméras-boutons sur ces mêmes uniformes (!) représenteraient autant d’alternatives « miraculeuses » répondant à l’engagement du Président de la République.
Quant au rapport du défenseur des droits, confirmant la nécessité d’une réforme, il ne semble pas avoir convaincu le gouvernement d’agir …
La question est pourtant trop importante pour la traiter par le mépris et trop sérieuse pour que l’on se satisfasse de simples rappels à la déontologie ou de gadgets vestimentaires !
Il s’agit en effet de mettre fin au dévoiement de cette procédure qui conduit certaines personnes à voir leur identité contrôlée plusieurs fois par semaine (voire par jour !) par les mêmes fonctionnaires de police – probablement amnésiques… Il s’agit de faire cesser des pratiques discriminatoires objectivées notamment par une étude menée en 2009 par des chercheurs du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), étude qui révèle que les personnes perçues comme « arabes » ou « noires » ont 7 ou 10 fois plus de risque d’être contrôlées que celles perçues comme « blanches ».
La disparition de ces pratiques malheureusement banalisées par l’élargissement, sans aucun contrôle, des conditions d’exercice des contrôles d’identité passera nécessairement par leur limitation aux stricts impératifs de lutte contre la délinquance et par un contrôle rigoureux de cet usage.
Cet objectif se satisfait pleinement du champ déjà très large du contrôle d’identité dit « judiciaire » qui suppose l’existence de simples « raisons plausibles de soupçonner » que la personne « a commis ou tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ou fait l’objet de recherches ordonnées par l’autorité judiciaire ».
On peut donc sereinement envisager, sans mettre en danger la sécurité de nos concitoyens, la suppression des contrôles dits « administratifs » – permettant le contrôle de toute personne, quel que soit son comportement, pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » –, des contrôles sur réquisitions du procureur de la République ainsi que des contrôles dits « Schengen » qui sont, sans conteste, le principal vecteur des pratiques discriminatoires constatées. De fait, ces contrôles ont pour l’essentiel servi la politique de « chasse aux étrangers ».
Leur suppression apparaît seule de nature à en réduire substantiellement le nombre ; elle n’est pour autant pas suffisante : une trace matérielle doit subsister à la suite de chaque contrôle pour s’assurer de leurs motifs objectifs, circonstanciés et se référant aux critères définis par la loi. La délivrance d’un récépissé trouve ici sa place et n’est pas incompatible avec la législation sur les fichiers si l’exemplaire conservé par les forces de l’ordre ne porte pas de données nominatives mais un simple numéro d’identification, comme cela a été suggéré par certaines associations.
N’en déplaise enfin à M. Valls, la mise en œuvre d’un contrôle sur l’activité d’une institution, dans une société démocratique, loin d’être une mesure de défiance insupportable, est de nature à renforcer la confiance des citoyens dans cette institution. Plus certainement, mettre fin à ces pratiques – qui apparaissent comme une des principales causes de la dégradation des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre – pourrait participer au rétablissement d’un indispensable dialogue.
Il est donc plus que temps de sortir de cette situation, contraire aux principes démocratiques, et source d’une profonde révolte : mobilisons-nous !
Xavier Gadrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature
La Ligue des droits de l’Homme proteste et dénonce l’arrestation d’Aurore Martin
Le Mrap dénonce l’acharnement judiciaire de l’agrif
AGRIF : alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité chrétienne et française. Président, Bernard Antony, ancien responsable du front national dont il a été député.
Une des principales activités de l’agrif consiste à porter plainte contre les gens qui ne lui plaisent pas. C’est ainsi qu’ils ont porté plainte contre Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République (qui s’est faite agresser les jours derniers par un militant de la ligue de défense juive pour ses positions pro-palestiniennes).
Cette fois, l’agrif s’en prend à Saïd Bouamama, sociologue, et auteur d’un ouvrage intitulé « Nique la France », et Saïdou, chanteur du groupe de rap ZEP.
Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) s’émeut de cet acharnement judiciaire, et a publié ce communiqué :
Le MRAP dénonce les procès intentés par l’AGRIF à l’encontre de Saïd Bouamama et Saïdou du groupe de rap ZEP.
L’AGRIF est une organisation d’extrême-droite, liée aux fondamentalistes chrétiens. Elle tente d’instrumentaliser la justice en multipliant des plaintes qui sont autant d’atteintes à la liberté d’expression : plainte contre les auteurs de la pièce de théâtre GOLGOTA PICNIC, plainte contre Caroline Fourest, plainte contre Charlie Hebdo, plainte contre Houria Bouteldja ou encore, ces derniers jours, contre Saîd Bouamama et le rappeur Saïdou.
Ces atteintes à la liberté d’expression émanent d’une mouvance islamophobe, homophobe, anti-immigrés dont le président, Bernard Antony, est un nostalgique de l’Algérie française.
La liberté d’expression est un acquis fondamental qui ne saurait souffrir les pressions de l’extrême droite.
Elle doit s’exercer avec esprit de responsabilité, surtout en période de tensions sociales . Le MRAP entend poursuivre son combat contre tout discours stigmatisant tel ou tel groupe humain et tout antagonisme de nature « raciale ». Seul doit prévaloir un message rassembleur pour mieux lutter contre la relégation sociale, le racisme et les discriminations qui gangrènent notre société.
Le MRAP fait confiance à la Justice pour refuser cette nouvelle manipulation de l’extrême-droite à l’encontre de Saïd Bouamama et de Saïdou.
Paris, le 26 octobre 2012.
Mariage pour tous : quelle créativité à droite !
Le débat provoqué par le projet de loi autorisant le mariage pour tous a au moins un mérite : il déclenche un ras de marée de créativité à droite et à l’extrême droite. Et dans ce débat, la frontière entre les deux est mince.
Commençons par Guillaume Peltier. Lui et son compère Geoffroy Didier sont surnommés dans leur camp « Adolf et Bénito ». Le dit Peltier, créateur de « la droite forte », réussit le tour de force de « démontrer », rien que ça, que ce projet de loi est une atteinte à la laïcité (lire la vidéo à 25mn). Explication : musulmans, juifs et chrétiens, donc les trois religions monotéistes, s’opposent au projet. Donc, si toutes les religions s’y opposent, elles risquent de s’en prendre au mariage civil dans son ensemble, et par conséquent de sombrer dans le communautarisme.
Les amateurs de sauciflar et de gros rouge de riposte laïque ont un point de vue tout aussi intéressant : le 29 octobre, leur site publie un article intitulé « Comment le Mariage gay devient l’allié du jihad et de la haine des femmes ». Et nos braves « laïcards » de venir au secours de la chrétienté : « La question du mariage gay, lancée entre autres pour diviser les Français et diaboliser la culture chrétienne, pourrait devenir un sujet de concorde sur certaines de leurs valeurs fondamentales ». Et ils insistent : « Le mariage gay tel qu’il est présenté, tout comme le PACS, est à la fois et en grande partie pour les mêmes raisons, une démolition du reste de conception chrétienne qui subsistait dans le mariage civil, et, parce qu’il s’appuie sur la théorie du genre, une menace pour les droits des femmes et des enfants à l’intégrité physique ».
L’heure est grave : l’intégrité physique des femmes et des enfants seraient menacés ? Diable !
On continue, toujours avec riposte laïque : « les militants gays revendiquent la légalisation des «mères porteuses » (gestation pour autrui, ou GPA), à « égalité » avec l’accès des couples ou femmes seules ou lesbiennes aux procréations médicalement assistées, PMA, et l’ « égal droit » à se voir attribuer un enfant adoptable ». Sauf que là, camarades, faudrait voir à pas en rajouter. L’appel lancé par un groupe de femmes, avec à leur tête Yvette Roudy, ancienne ministre, dit exactement ceci : « PMA (procréation médicalement assistée) et GPA (gestation pour autrui) ne sont pas le pendant l’une de l’autre, ou, comme certains se plaisent à le dire, la GPA n’est pas une « PMA pour gays ». La GPA n’est pas une forme de procréation médicalement assistée : les lobbies pro-GPA entretiennent cette confusion à dessein. Si l’insémination artificielle et la fécondation in vitro relèvent de la PMA, ce n’est pas le cas de la GPA qui correspond à une véritable industrie de « location des ventres » et de commerce d’ovocytes. La GPA ne donne pas aux femmes la possibilité de disposer de leur corps, mais donne la possibilité aux hommes de disposer du corps des femmes pour satisfaire un « droit à l’enfant » que nous récusons ». N’insistons pas, vous avez compris l’imposture.
Poursuivons cependant avec riposte laïque. Le mariage homosexuel serait « déni de réalité et dérive du principe d’égalité ». C’est aussi le titre d’un article paru sur le site de riposte laïque, paru également le 29 octobre. Pourquoi ? Ben, c’est évident ! La conclusion de l’article l’exprime clairement : « Avec le mariage homo on reste dans la cour de récré. On veut le même ballon que le copain alors qu’on vous en a offert un bien à vous. Corporatisme sexuel et approche fausse de l’égalité sont à la base du désir de mariage homo. Souci d’électoralisme et façon de voter une mesure qui fait diversion, voilà ce qui motive le gouvernement ».
On passe au dessert. Figurez-vous qu’un groupe de 36 députés UMP lance un appel pour l’organisation d’un référendum sur le mariage pour tous. Et ils le font presqu’au nom de Jean Jaurès : “ Jaurès avait raison : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. », écrivent-ils en introduction.
Le texte, très « soft », mais tout aussi dangereux que les autres, est relayé, notez-le bien, par « novopress », une agence de presse d’extrême droite. Il avance des arguments tels que celui-ci : « par le mariage, l’État n’officialise pas une relation affective de l’ordre de l’intime, ce qui n’est pas de son ressort, mais une institution sociale dont l’intérêt particulier rejoint l’intérêt général, à savoir le renouvellement des générations. » Et il embraye aussitôt sur la possibilité offerte aux couples de même sexe d’adopter des enfants : « l’adoption n’est jamais un droit absolu, mais toujours relatif à l’intérêt de l’enfant. L’adoption ne doit pas avoir d’abord pour objectif de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. » Ce projet de loi, finalement, mettrait en péril « le socle de notre pacte collectif ».
36 députés sur les 83 que compte le groupe UMP à l’assemblée, ont signé ce texte. Ça fait 43,37% : c’est un peu léger. Mais ce ne sont pas n’importe quels députés : on y trouve par exemple Olivier Dassaut, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Patrick Ollier. Et, comme de bien entendu, Marc Le Fur, député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor. On avait jusqu’ici peu entendu, dans ce débat, celui qui avait cosigné un amendement (le 6 juillet 2006) à la loi qui devait créer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (la HALDE), qui affirmait : « (…) En effet, il doit être possible dans le cadre d’un débat démocratique respectueux des croyances religieuses ou engagements philosophiques des uns ou des autres que chacun puisse en toute liberté soutenir son propre point de vue. Par exemple, qu’un chrétien, un juif et un musulman puissent faire valoir l’infériorité morale des comportements homosexuels par rapport à ceux qui fondent le mariage entre un homme et une femme afin de créer une famille au sein de laquelle seront élevés des enfants. » Autrement dit, légaliser l’homophobie…
Monsieur Vingt-Trois, ecclésiastique catholique parisien, a appelé les parlementaires à résister : « Lors de la messe de rentrée des députés et sénateurs, mardi soir, l’archevêque de Paris a confirmé l’opposition frontale de l’Église au mariage homosexuel. Il a demandé aux élus de ne pas suivre les consignes des partis ».
Alors, la prochaine étape, ça sera quoi : on a eu la pédophilie, la polygamie, l’inceste… il reste la zoophilie. Il ne faut jamais désespérer !
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