Conseil constitutionnel : une prime au harcèlement sexuel !

Communiqué de la Ligue de droits de l’Homme

Sept hommes et deux femmes, composant le Conseil constitutionnel, viennent d’annuler les dispositions du Code pénal réprimant le harcèlement sexuel. Le délit de harcèlement sexuel énoncé par l’article 222-33 du Code Pénal n’aurait pas été suffisamment défini pour satisfaire aux règles d’incrimination en droit pénal.

On aurait souhaité que le Conseil constitutionnel fasse preuve de la même exigence en d’autres domaines, comme la définition de l’association de malfaiteurs, l’incrimination de crimes ou délits en bande organisée, etc.

Aux yeux du Conseil constitutionnel, il semble donc que la rigueur d’interprétation de la définition des crimes et délits varie selon leur objet.

La LDH souhaite, d’une part qu’une telle rigueur d’interprétation prévale dans tous les cas et, d’autre part, que le législateur intervienne le plus rapidement possible afin de rétablir ce texte dans une nouvelle rédaction. Cette disposition avait, en effet, permis de révéler le sort de nombreuses femmes, victimes souvent silencieuses de pratiques et d’agissements présentés comme normaux alors qu’ils ne sont que l’expression d’une violence faite aux femmes.

Paris, le 4 mai 2012

P. Tartakowsky : « au-delà de l’alternance, nourrir l’alternative »

Éditorial de Pierre Tartakowsky, dans le dernier numéro de la revue interne de la Ligue des droits de l’Homme, « LDH info ».

Le score du Front national à l’élection présidentielle est un facteur d’amertume durable. Il risque même d’être bien davantage. Les 18 % de sa candidate renvoient certes, d‘abord, à un échec colossal de la pseudo-stratégie sarkozyste consistant à « assécher » la formation politique en empruntant ses idées. Comme une asphyxiante tunique de Nessus, le piège s‘est refermé sur le candidat Président, les électeurs préférant décidément l’original à la copie. Ce phénomène renvoie aussi – pourquoi ne pas le dire – à un échec des forces politiques ayant vocation à cristalliser un projet de société alternatif, structuré par les notions d’égalité et de justice, par les droits et les libertés. C’est contre ces valeurs que les peurs et les divisions ont gagné ; au moins à hauteur de 18 %…

La montée progressive du Front national au long de ces dernières décennies, l’existence de phénomènes du même ordre en Europe indiquent que nous sommes là confrontés à une tendance de fond, portée par les crises à répétition et le sentiment d’impuissance qui en résulte, par le décalage croissant entre nature des problèmes posés et effectivité de la souveraineté nationale, entre une hégémonie libérale du « tous contre tous », au moment où la solidarité n’a jamais été aussi vitale face aux défis du développement.

Cette toile de fond ne saurait pour autant exonérer les acteurs politiques de leurs responsabilités. Celles de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement sont lourdes : en banalisant, l’un après l’autre, les thèmes les plus réactionnaires, les plus agressivement xénophobes, en reprenant à son compte les clichés les plus odieux sur les « étrangers », en les désignant officiellement comme « le » problème de la France, ils ont légitimé un courant d’idées certes plus ou moins dégagé des contentieux historiques de l’extrême droite – la collaboration, l’Algérie -, mais profondément enraciné dans le terreau nationaliste, exclusif et haineux.

Face à quoi, et même si les règles du jeu électoral incitent a la contorsion intellectuelle, il faut savoir opposer un refus et des convictions, les unes nourrissant l‘autre. Pour parler clair, faut-il « convaincre » les électeurs du Front national ? Sans conteste. Faut-il leur complaire ? Certainement pas. Entre les deux, la marge est étroite mais elle est nette. Il est vital qu’elle le reste. De ce point de vue, méfions-nous du couplet surgi entre les deux tours sur l’expression d‘une « souffrance sociale » que traduirait le vote FN. D‘abord parce que souffrance n’est pas vertu ; ensuite parce que nombre de nos compatriotes, confrontés à la souffrance sociale, ne font pas ce choix ; enfin, parce que la persistance d‘un vote FN indique un socle idéologique stable, lequel se compose de xénophobie, du refus de l’autre, du culte des origines et d’un passe mythifie et mystifiant, d’un nationalisme exclusif charriant avec lui des hiérarchies raciales et des exigences singulièrement réactionnaires quant aux droits et aux libertés des salariés, des jeunes, des gens fragilisés par la crise.

Que nombre de ceux-là, tentés par un « coup de gueule », choisissent pour ce faire le bulletin FN n‘est pas un mince paradoxe. Et il faut bien évidemment travailler à les extirper de ce piège ; mais sans sous-estimer les voluptés qu’on trouve à affirmer – au travers d’obscures raisons de « race » ou de nationalité – un semblant de revanche sur « les autres ». Il faut donc lui opposer fermement une conviction politique et des décisions qui, dépassant l’alternance institutionnelle, ouvrent la voie à une réelle alternative. C’est pourquoi la LDH a appelé à battre le candidat des droites au second tour. C‘est pour cela qu‘elle entend réhabiliter dans le débat public le fonctionnement démocratique des institutions, la justice et l’égalité, l’indispensable rupture avec la xénophobie d’État, la lutte contre le sentiment de déclassement et de dépossession, l‘inscription de la France dans une Europe dégagée du dogme de la concurrence, ouverte sur le monde.

Ces axes constituent autant de conditions nécessaires pour que notre société se dégage du péril de la haine, cesse de produire de l’injustice et de l’exclusion, construise l’espoir d’une société plus solidaire, plus libre.

 

 

Pendant la campagne électorale, les atteintes aux droits continuent

Rien n’arrête les tenant de la société de surveillance. L’Assemblée nationale est en « vacance » depuis plusieurs semaines, sera renouvelée en juin, le président de la République sortant n’est pas certain d’être réélu, qu’à cela ne tienne : le 24 avril dernier, un député (devinez de quel parti…), Jacques Myard (Yvelines), consciencieux jusqu’au bout, a déposé une proposition de loi, qui a été enregistrée par la présidence de l’Assemblée (curieusement, M. Myard n’en parle pas sur son blog…). (il est peut-être intéressant de se souvenir que pour M. Myard,  »l’homosexualité est une perversion », et qu’il n’a pas hésité à comparer homosexualité et homophobie : à lire ici).

L’objet de cette proposition de loi ? « limiter les procédures pénales abusives menées par certaines associations ». Un but fort louable en vérité, d’autant plus que M. Myard souligne que ces associations « participent directement au mouvement de judiciarisation de la société, qui déplace le débat public dans les tribunaux, et conduit à une inflation des procédures et à un engorgement des tribunaux ».

Heureusement, ces associations veillent au grain (c’est bien ce que leur reproche M. Myard !). Ainsi, l’association Anticor, qui a débusqué cette nouvelle attaque aux droits, et qui la dénonce dans un article publié sur son blog.  Article dans lequel l’association explique de façon claire et précise les conséquences de ce projet de loi. Elle explique par exemple que : « Avec une telle loi, aucune contradiction citoyenne, comme nous l’avons portée seuls, n’aurait été présente lors du procès Chirac pour équilibrer les débats. »

Ci-dessous, la proposition de loi déposée le 24 avril au bureau de l’Assemblée nationale.

PROPOSITION DE LOI

visant à limiter les procédures pénales abusives menées par certaines associations,

présentée par

M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les articles 2-1 212-2l du code de procédure pénale permettent aux associations de se constituer partie civile dans les procédures pénales visant des crimes ou des délits mentionnés dans leurs statuts. Ces associations ont ainsi toute leur place dans le système judiciaire, notamment par l’assistance aux victimes.

En outre, dans les crimes et délits contre la chose publique, ou les victimes ne sont pas des particuliers mais la société tout entière, les associations vont jusqu’à représenter ou personnifier la victime. Elles ont alors un rôle très important dans le déclenchement de l’action publique, puisqu’elles peuvent se constituer partie civile et déclencher ainsi l’action publique pénale.

Certaines associations se sont ainsi spécialisées dans cette fonction de veille, et ont mis en place des structures professionnelles d’alerte et de poursuites très réactives. Elles sont organisées, ct dotées de moyens importants, souvent par le biais de subventions publiques.

S’agissant de victimes symboliques ou abstraites, ces associations ont ainsi un rôle politique consistant à sensibiliser la société sur des sujets qui font débat, mobiliser les éventuelles victimes physiques, et faire évoluer la jurisprudence. Ainsi les voit-on confisquer l’action publique au profit d’intérêts louables, mais la répétition de leur action aboutit à une véritable instrumentalisation de la justice a des fins politiques, ce qui constitue un réel abus de droit, et est inadmissible. Elles participent directement au mouvement de judiciarisation de la société, qui déplace le débat public dans les tribunaux, et conduit à une inflation des procédures et à un engorgement des tribunaux.

Il convient de rappeler que le déclenchement de l’action pénale appartient normalement au Procureur de la République, dont le rôle est primordial pour discerner les plaintes abusives des plaintes légitimes. Or la plainte avec constitution de partie civile permet de saisir un juge d’instruction malgré le classement sans suite ou la non réponse du Parquet au dépôt d’une plainte simple, et donc de déclencher l’action publique même si le Parquet estime qu’i1 n’y a pas matière à poursuites.

Cette procédure est très protectrice pour la victime qui s’estime ne pas être satisfaite dc la décision du Parquet. L’article 85 du code de procédure pénale va même jusqu’à exonérer les délits de presse ainsi que les fraudes électorales de toute condition de recevabilité du Procureur.

La combinaison des articles 2-1 à 2-21 du code de procédure pénale permet à des associations « plus ou moins politisées » de décider d’enclencher l’acti0n publique sur le même pied que le Procureur. L’institution judiciaire est de ce fait instrumentalisée et détournée de son but qui est de protéger les citoyens. L’action publique est ainsi purement et simplement privatisée.

La présente proposition de loi a donné pour but de limiter la possibilité pour des associations de déclencher l’action publique de façon abusive en leur interdisant de se constituer partie civile sans en avoir au préalable l’aval du Procureur. Le Procureur de la République reprend ainsi l’opportunité des poursuites, mais sa décision de classement sans suite est susceptible de recours auprès du Procureur général dans un premier temps, puis devant la chambre de l’instruction dans un second temps.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.

 PROPOSITION DE LOI

Article 1er

  1. L’artic1e 85 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
  2. « La constitution de partie civile formée par une association enapplication des articles 2-1 à 2-21 du présent code n’est recevable qu’après l’avis favorable du Procureur de la République.
  3. « En cas de refus, l’association peut demander au Procureur général un nouvel examen de sa plainte. En cas de non réponse ou de classement sans suite par le Procureur général, l’association peut en saisir dans les mêmes conditions la chambre de l’instruction. »

Article 2

  1. L’article 88 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
  2. Lorsque la partie civile a été constituée en application des articles 2-1 a 2-21 du présent code, la consignation ne peut être inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État. Cc montant tient compte des subventions publiques attribuées aux associations visées aux articles 2-1 a 2-21.

 

 

Concarneau : la section Françoise-Bosser de la LDH agace les droites. Tant mieux.

La section Françoise-Bosser, de Concarneau – Quimperlé – Riec a transmis aux journaux (Le Télégramme, Ouest-France), un communiqué, appelant à « barrer la route au candidat des droites ». Ce communiqué reprend celui qui avait été publié par le siège national de la Ligue.

Ce communiqué, publié dans Le Télégramme, agace fortement les droites finistériennes. Le Nouveau ( ?) centre et l’UMP se sont donc fendu d’une réponse dans les mêmes quotidiens.

Vous trouverez ici le communiqué intégral de la section Françoise-Bosser, ce qu’il en est resté dans Le Télégramme, les réponses du Nouveau centre et de l’UMP, et les réponses de la section Françoise-Bosser, dont on ne sait pas si elles seront ou non publiées.

A noter que le blog dans lequel le signataire  du communiqué de l’UMP, M. Gilles David, écrit régulièrement, a publié, pendant la campagne du 1er tour de la présidentielle, un article scandaleux sur les origines de la candidate d’Europe écologie les Verts. Il ne devait pas être particulièrement fier de cet article, (ou alors reste-t-il quelques démocrates dans ce parti ?) puisque qu’il a disparu du blog de l’UMP de la 8ème circonscription du Finistère. M. David est donc particulièrement bien placé pour donner des leçons de morales politique.

Il est aussi intéressant de noter que le journal Ouest-France n’a pas publié le communiqué de la section LDH. Cela ne l’empêche pas de publier le communiqué du Nouveau centre, qui est une réponse à la LDH… Comprenne qui pourra !

Voici donc dans l’ordre :

  • Le communiqué original de la LDH section Françoise-Bosser ;
  • Le communiqué paru dans le Télégramme du 27 avril ;
  • La réponse du Nouveau centre (Le Télégramme, 2 mai);
  • La réponse de l’UMP (Le Télégramme, 20 avril)
  • Le droit de réponse de la LDH au communiqué du Nouveau centre ;
  • Le droit de réponse de la LDH au communiqué de l’UMP.

 

Communiqué original de la section Françoise-Bosser.

Barrer la route au candidat des Droites

La  LDH, section Françoise Bosser,  se réjouit du haut niveau de participation au premier tour de l’élection présidentielle. Elle y voit la volonté du peuple français de restituer à la politique son rôle primordial, sans céder aux injonctions des se plier aux intérêts économiques.

Elle constate également  l’ampleur du désaveu qui frappe le Président sortant qui a mené une politique au service des puissants, caractérisée par des choix aggravant les injustices sociales, légitimant la xénophobie d’Etat, multipliant les atteintes aux droits et aux libertés, enfermant les citoyens dans une société de surveillance et dans une démocratie limitée. En s’en prenant à tout-va à diverses catégories de la population, parce qu’au chômage, selon leur origine, et même selon leur religion, en désignant des boucs émissaires et en attisant les peurs et les haines, Nicolas Sarkozy a légitimé les idées du Front national, qui s’en trouve plus fort que jamais.

Parce que notre pays ne peut continuer à se livrer, à lui-même, une guerre civile froide, parce que sa défaite est une étape nécessaire, il faut, le 6 mai 2012, barrer la route à Nicolas Sarkozy.

Mais, infliger une défaite au candidat sortant ne suffira pas à répondre aux angoisses et aux espoirs que traduit le premier tour des élections présidentielles. Ce sera au nouveau président de la République d’impulser une autre politique qui, dépassant l’alternance institutionnelle, ouvre la voie à une réelle alternative politique.

  • Rétablir un fonctionnement démocratique des institutions en supprimant le cumul des mandats, en assurant l’indépendance de la justice et en élisant les membres du Conseil constitutionnel, ainsi que les autres Autorités indépendantes, à une majorité des deux tiers du Parlement.
  • Bannir la xénophobie d’État en régularisant les sans-papiers qui étudient, vivent et travaillent ici, en ouvrant enfin un réel débat sur l’immigration, en accordant aux étrangers non européens le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales, et faire reculer le racisme en cessant de stigmatiser des catégories entières de population en raison de leur origine ou de leur religion.
  • Restituer aux citoyens leurs libertés en réformant profondément la justice pénale, en abolissant les lois d’exception, en rétablissant la justice des mineurs dans toute son exceptionnalité, en limitant les fichiers et leur usage à des fins proportionnées, contrôlables et à la finalité établie.
  • Reconstruire des services publics qui soient à la disposition de tous et auxquels tous doivent avoir accès, lancer un plan d’action pour l’hébergement d’urgence et le logement social, construire une justice fiscale et sociale qui assure la progressivité de l’impôt et la redistribution des richesses.
  • Construire une autre Europe, aux institutions démocratiques, dégagée du dogme de la concurrence, et ouverte sur le monde.

Notre section, au cours des mois à venir, portera ces revendications comme autant de conditions nécessaires pour que notre société cesse de produire de l’injustice et de l’exclusion, pour que se construise l’espoir d’une société plus solidaire et plus libre.

Communiqué paru dans le Télégramme.

La LDH appelle à « barrer la route à Nicolas Sarkozy »

Dans un long communiqué, la Ligue des Droits de l’Homme de Concarneau-Quimperlé (section Françoise-Bosser) se réjouit du haut niveau de participation au premier tour de l’élection présidentielle », qu’elle traduit comme une « volonté du peuple français de restituer à la politique son rôle primordial, sans céder aux injonctions de se plier aux intérêts économiques ». La LDH poursuit en appelant « le 6 mai 2012, à barrer la route à Nicolas Sarkozy ». Elle précise qu’ « infliger une défaite au candidat sortant ne suffira pas à répondre aux angoisses et aux espoirs». « Ce sera au nouveau président de la République d’impulser une autre politique», écrit la Ligue avant de détailler ses revendications; à rétablir un fonctionnement démocratique des institutions en supprimant le cumul des mandats (…) bannir la xénophobie d’État en régularisant les sans-papiers qui étudient, vivent et travaillent ici (…), restituer aux citoyens leurs libertés en réformant profondément la justice pénale (…), reconstruire des services publics qui soient à la disposition de tous et auxquels tous doivent avoir accès ».

Communiqué du Nouveau centre.

Réaction. Le Nouveau centre fustige la LDH

Georges Maurice, délégué Nouveau centre sur la 8ème circonscription réagit, à son tour, à l’appel de la section locale de la Ligue des droits de l’Homme à « barrer la route à Nicolas Sarkozy » (Le Télégramme de vendredi). La LDH « tombe le masque et sort complètement de son rôle premier », estime-t-il. « En prenant une position partisane dans cette élection, elle se discrédite aux yeux des habitants de la circonscription. (…) Les raisons invoquées n’ont aucune justification compte-tenu de la responsabilité d’un chef d’État de protéger les Français et étrangers en situation régulière d’une immigration non contrôlée ». « Quant au non-cumul des mandats, en tant que relais du Parti socialiste, elle est très mal placée pour donner des leçons aux autres. Enfin, que je sache, les citoyens français n’ont jamais perdu leur liberté. Preuve en est, le déferlement sans précédent de haine envers le chef de l’État. Devant de telles déviances, nous sommes en droit de craindre le pire pour la démocratie ». Georges Maurice conclut en appelant à voter pour Nicolas Sarkozy, « seul garant de toutes les libertés » .

Communiqué de l’UMP.

Présidentielle. L’UMP agacée par la Ligue des Droits de l’Homme

L’appel à « barrer la route à Nicolas Sarkozy » de la section locale de la Ligue des Droits de l’Homme (Le Télégramme de vendredi) n’a pas manqué de faire réagir le délégué UMP de la circonscription, Gilles David. Dans un communiqué, il s’étonne: « Il est extraordinaire dans cette circonscription qu’une association s’immisce dans le débat présidentiel, sans aucune légitimité. Cette association qui s’approprie les lettres de noblesses des droits de l’Homme, roule bien sûr, pour le PS au même titre que les Verts, qui roulent pour l’extrême gauche, s’approprient l’écologie. Les valeurs des droits de l’homme et celles de l’écologie ne sont pas des propriétés de gauche ».

Gilles David ajoute : « De quel droit, et avec quelle légitimité, la LDH qui donne des leçons démocratiques, veut imposer le droit de vote des étrangers? Je vais vous donner la réponse : leur but ultime est d’avoir une passerelle, via les grands électeurs, sur le Sénat. Par ce biais, tous ces petits groupes, aux ordres du PS, seront présents dans l’hémicycle du Sénat et feront régner leur démocratie. Ensuite, le petit couplet sur le cumul de mandats, me fait gausser de rire, car la LDH devrait d’abord regarder dans son camp (…) ». Et Gilles David d’appeler à voter Nicolas Sarkozy dimanche.

Réponse au Nouveau centre.

Au délégué du Nouveau Centre  qui se pose la question de la légitimité de la LDH à  s’immiscer dans le débat présidentiel , nous rappelons simplement que la LDH est  une association politique et citoyenne qui défend les principes énoncés dans les Déclarations des Droits de l’Homme et, pour ce qui concerne la France, les principes de la République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle n’ en a  évidemment et heureusement pas le monopole, mais, concourant au fonctionnement de la démocratie,  elle se doit d’intervenir dès que ces principes  lui semblent menacés.

C’est ce qu’elle a fait tout au long d’un quinquennat qui n’a cessé d’affaiblir la démocratie et d’installer l’insécurité sociale. Elle l’a fait, d’abord, en lançant une campagne  intitulée « urgence pour les libertés et les droits », puis en proposant avec une cinquantaine d’autres associations un nouveau « Pacte pour les Droits et la Citoyenneté » assorti de 35 propositions qui ont été soumises à l’étude des partis politiques à la veille des élections présidentielles.

Le non cumul des mandats figure effectivement  et de longue date, parmi ces propositions, comme bien d’autres propositions qui « agacent » semble-t-il les partis de droite.

Pour autant,  non, Monsieur Maurice,  la LDH  ne « roule « pas « pour le PS ». Le fait d’appeler à barrer la route au candidat sortant n’autorise nullement ce raccourci simpliste. Attachée à la diversité des origines et des opinions la LDH tient avant tout  à une indépendance dont dépendent sa survie et sa crédibilité.  Indépendance ne veut toutefois pas dire neutralité.

Dans son communiqué, la LDH appelle très exactement, à « barrer la route au candidat des droites » dans la logique du combat qu’elle mène depuis toujours contre la xénophobie et le racisme, terreau sur lequel prospère l’extrême-droite. En  instaurant une politique du bouc émissaire et de la peur, sur fond d’injustice sociale, le président sortant laisse s’installer une situation de « guerre civile froide » à laquelle il est urgent de mettre un terme. C’est la raison pour laquelle la LDH qui se contente généralement d’appeler à voter, est sortie de sa réserve habituelle. C’est contre une politique  économiquement, socialement, politiquement  et culturellement désastreuse que nous appelons à voter, conscients, cependant, comme nous l’écrivions dans le communiqué, qu’infliger une défaite au candidat sortant ne suffira pas à répondre aux angoisses et aux espoirs que traduit le premier tour des élections présidentielles.

Croyez bien, Monsieur le délégué du Nouveau Centre, que nous resterons mobilisés au-delà du 6 mai et que nous saurons rappeler le futur président à ses engagements de campagne autant qu’il sera nécessaire…En attendant, nous persistons à appeler à « battre le candidat des droites » dans l’espoir de voir se construire une société plus solidaire et plus libre.

Réponse à l’UMP.

Il y a bien entendu des parties communes aux deux réponses.

Droit de réponse :

Au délégué UMP de la circonscription qui se pose la question de la légitimité de la LDH à « s’immiscer dans le débat présidentiel », nous rappelons simplement que la LDH est  une association politique et citoyenne qui défend les principes énoncés dans les Déclarations des Droits de l’Homme et, pour ce qui concerne la France, les principes de la République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle n’ en a  évidemment et heureusement pas le monopole, mais, concourant au fonctionnement de la démocratie,  elle se doit d’intervenir dès que ces principes  lui semblent menacés.

C’est ce qu’elle a fait tout au long d’un quinquennat qui n’a cessé d’affaiblir la démocratie et d’installer l’insécurité sociale. Elle l’a fait, d’abord, en lançant une campagne  intitulée « urgence pour les libertés et les droits », puis en proposant avec une cinquantaine d’autres associations un nouveau « Pacte pour les Droits et la Citoyenneté » assorti de 35 propositions qui ont été soumises à l’étude des partis politiques à la veille des élections présidentielles.

Le droit de vote des étrangers en situation régulière aux élections municipales figure effectivement parmi ces propositions et cela, d’ailleurs, depuis une trentaine d’années. La LDH y voit un enjeu démocratique majeur et un facteur de cohésion sociale (ce qu’ont d’ailleurs, de temps à autre, ici ou là, également reconnu des personnalités majeures de l’UMP …). Contrairement à ce qu’affirme le délégué de circonscription qui semble méconnaître le dossier, les étrangers non européens, pas plus que les étrangers de l’Union Européenne qui bénéficient déjà de ce droit,   ne seront éligibles aux fonctions de maire ou d’adjoint, ni ne participeront aux élections sénatoriales si cette loi est votée.

Enfin, non, Monsieur David, la LDH ne « roule « pas « pour le PS ». Le fait d’appeler à ne pas voter pour le candidat sortant n’autorise nullement ce raccourci simpliste. Attachée à la diversité des origines et des opinions la LDH tient avant tout  à une indépendance dont dépendent sa survie et sa crédibilité.  Indépendance ne veut toutefois pas dire neutralité.

Dans son communiqué, la LDH appelle d’ailleurs, très exactement, à « barrer la route au candidat des droites » dans la logique du combat qu’elle mène depuis toujours contre la xénophobie et le racisme, terreau sur lequel prospère l’extrême-droite. En  instaurant une politique du bouc émissaire et de la peur, sur fond d’injustice sociale, le président sortant laisse s’installer une situation de « guerre civile froide » à laquelle il est urgent de mettre un terme. C’est la raison pour laquelle la LDH qui se contente généralement d’appeler à voter, est sortie de sa réserve habituelle. C’est contre une politique socialement, politiquement  et culturellement désastreuse que nous appelons à voter, conscients, cependant, comme nous l’écrivions dans le communiqué, qu’ infliger une défaite au candidat sortant ne suffira pas à répondre aux angoisses et aux espoirs que traduit le premier tour des élections présidentielles.

Croyez bien, Monsieur le délégué de l’UMP, que nous resterons mobilisés au-delà du 6 mai et que nous saurons rappeler le futur président à ses engagements de campagne autant qu’il sera nécessaire…En attendant, nous persistons à appeler à « battre le candidat des droites » dans l’espoir de voir se construire une société plus solidaire et plus libre.

 

Flash-ball contre manifestants : sortir de l’impunité !

Le candidat sortant sort de son chapeau « une présomption de légitime défense », qui a le mérite de bien faire rigoler tous les juristes. Il y a quelques jours, un procès s’est tenu à Nantes : celui d’un policier auteur d’un tir de flash-ball qui a provoqué la perte d’un oeil à un jeune manifestant. Le policier a été relaxé. La Ligue des droits de l’Homme s’était constituée partie civile dans cette affaire, et elle accompagnera le jeune homme en appel : il faut lui reconnaître le statut de victime, et l’usage de cette arme doit être reconnu dangereux. Voici le communique publié à cette occasion par la LDH.

Communiqué LDH

Flash ball contre manifestants : sortir de l’impunité !

Le 27 novembre 2007, un lycéen âgé de 16 ans était grièvement blessé à l’œil alors qu’il participait à une manifestation à Nantes contre la loi Pécresse sur « les libertés et responsabilités des universités ». La blessure a entraîné une incapacité totale de travail de six mois. L’acuité visuelle de l’œil de l’intéressé est presque totalement perdue, sans amélioration possible

L’intéressé et sa famille ayant porté plainte ; le 3 avril 2012, le tribunal correctionnel de Nantes a jugé que la blessure avait bien été occasionnée par l’usage d’une arme − un lanceur de balle de défense, à l’époque en cours d’expérimentation, proche du Flash-ball − par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions.

Cependant, le policier auteur du tir a été relaxé par le tribunal. En effet, l’ordre de tirer ayant été donné par un supérieur hiérarchique, le policier n’est pas pénalement responsable sauf si cet acte est manifestement illégal.

Or, pour le tribunal, tirer avec une arme de type Flash ball sur un manifestant n’est pas illégal dès lors que le tir a été réalisé dans un temps voisin de jets de projectiles en direction de la police, et avait pour finalité de les faire cesser dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre.  Enfin, il aurait été enseigné au policier que l’emploi de cette arme était justifié dans un tel cadre. Dès lors, il ne pouvait pas savoir que cette arme était susceptible de causer une blessure aussi grave.

Pour le tribunal, la blessure du manifestant a été occasionnée dans le cadre d’une opération de police administrative et les demandes de la victime ne sont pas de la compétence d’un tribunal pénal mais d’un tribunal administratif. Le tribunal a reçu la constitution de partie civile de la LDH, mais, compte tenu de la relaxe prononcée, elle a été déboutée de ses demandes.

Quand ils  protestent ou manifestent, les étudiants et lycéens, expriment comme les adultes, une des nombreuses formes de la citoyenneté, de la démocratie et de leur apprentissage. Dans un conflit social et collectif, comme dans une manifestation, les comportements individuels se situent, et doivent être restitués dans leur dimension d’implication collective.

L’action de la police ne doit pas avoir pour effet de dissuader les citoyen(ne)s de participer à des manifestations, car c’est une des libertés fondamentales que de pouvoir contester collectivement ce que l’on estime injuste. Le droit de manifester n’est pas respecté si les manifestants peuvent être gravement blessés.

Plusieurs manifestants, jeunes pour la plupart, ont été gravement blessés, ces dernières années, du fait de tirs de Flash-ball. Cette situation doit cesser. Les jeunes ne sont pas une classe dangereuse dont il faudrait avoir peur. La police doit accomplir sa mission de service public et de maintien de l’ordre, de manière adaptée et proportionnée. A défaut, si des abus sont commis dans l’exercice des compétences policières, ceux-ci constituent des violences policières illégitimes, qui, dans un Etat de droit, doivent être condamnées.

Le Flash-ball est une arme de tir. L’utilisation de cette arme ne peut être légitime dans les conditions d’une manifestation comme celle du 27 novembre 2007 qui a abouti à la mutilation d’un jeune âgé de 16 ans. Depuis, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a recommandé « de ne pas utiliser cette arme lors de manifestations sur la voie publique [estimant] qu’elle présente un degré de dangerosité totalement disproportionné ». Le Défenseur des droits, qui a succédé à la CNDS, « recommande aux responsables policiers de s’interroger sur l’opportunité d’emploi de tous les lanceurs de balles de défense ».

La procédure judiciaire ne doit pas se terminer par une relaxe qui deviendrait une référence pour l’avenir. Il n’est pas acceptable que la très grave blessure de ce jeune du fait de l’utilisation du Flash-ball, demeure impunie et que son statut de victime ne soit pas reconnu. La Ligue des droits de l’Homme accompagnera les actions demandant à la justice de se prononcer sur l’illégitimité de l’utilisation d’une arme de tir comme le Flash-ball lors de manifestations, d’affirmer que cette utilisation est un abus qui doit être condamné dans un État de droit.

 

Quand les mots n’ont plus de sens

Le numéro de mars de la revue trimestrielle de la Ligue des droits de l’Homme, « Hommes et libertés », s’ouvre sur un éditorial signé par son président, Pierre Tartakowsky. Écrit au début de la campagne pour l’élection présidentielle, et, de surcroît, avant les tueries de Montauban et de Toulouse, le texte a conservé une actualité saisissante, et le lire aujourd’hui, à la lumière de ce qui s’est passé depuis sa rédaction, lui apporte une autre dimension.

Entendre le président de la République se présenter comme candidat du peuple, en figure de la France qui se lève tôt, en apôtre du gagner plus…

Entendre Jean-François Copé expliquer, main sur le cœur, que la crise – que dis-je ? – les crises, étaient totalement imprévisibles.

Entendre un ministre de l’intérieur, intime parmi les intimes du Président, expliquer que certaines civilisations valent « évidemment « mieux que d’autres…

On peut évidemment en rire, tant les ficelles sont grosses et la pensée épaisse. Et miser sur le bon sens politique du peuple, sur l’expérience pour estimer que ces boniments de bas étage trouveront bientôt leur juste sanction électorale.

On peut aussi s’inquiéter. Du contenu même des propos tenus, tant ils sont incroyablement racoleurs et mensongers. Qui pourrait accepter l’idée que les crises financières étaient « imprévisibles », alors même que des dizaines d’ouvrages entassés sur les rayons de nos bibliothèques en avaient, à l’avance, démonté les mécanismes? Qui pourrait avaler que Nicolas Sarkozy est un enfant des faubourgs ouvriers, «très simple », comme le confie si délicieusement sa femme aux médias qui veulent bien l’entendre ? Qui voudrait, enfin, croire que ce gouvernement a pris le parti du travail et non des acteurs de la mondialisation financière?

Notre inquiétude va plus loin.

Aussi étrange que cela puisse paraitre à l’ère de la société du spectacle, nous considérons qu’il n’est pas fatal que la démocratie chemine aux côtés de la démagogie, et moins encore d’une anomie portée à un niveau de saturation permanente.

Tordre les mots pour piétiner le réel

La campagne présidentielle est loin d’être terminée, au moment où nous écrivons ces lignes, mais elle aura été marquée par deux séquences politiques assez singulières en termes de représentation.

La première, évoquée par l’image du «capitaine à la barre», visait à nous présenter un président de la République trop absorbé par les tâches urgentes de la conjoncture pour se livrer au jeu de la démocratie. Les alternatives possibles, les débats d’idées, la possibilité même d’une rupture avec les dogmes en cours, tout cela était renvoyé au domaine du futile : foin de bavardages, en quelque sorte. il faut insister sur la violence symbolique et politique que cela constitue, de la part d’un élu aux affaires depuis dix années, et président de la République depuis cinq !

La seconde phase, tout aussi catastrophique pour l’idée démocratique, a été constituée par ce que l’on a appelé la «droitisation » du discours – réaffirmation de la hiérarchie entre les civilisations, Dénonciation de l’immigration comme « problème », centralité de la viande hallal… -,doublée d’un populisme débridé avec la condamnation convenue des retraites chapeau, et autres outrances » de la finance ».

Ces deux moments partagent en commun de tordre les mots pour mieux piétiner le réel. Là est le risque majeur.

Certes, ni le mensonge ni l’approximation ne sont des maux nouveaux en démocratie; mais la systématisation de leur mésusage, alliée aux souffrances qui travaillent le corps social, constituent un mélange stuporeux, pathogène.

Dit plus simplement, le risque est énorme que les gens n’y comprennent plus rien, pire encore, qu’ils doutent de tout. Cette pédagogie de la désespérance est déjà à l’œuvre ; elle se lit dans l’abstention, elle nourrit les dérives les plus outrancières, les plus régressives. Car si plus rien n’est vrai, plus rien n’est faux et tout se vaut. Dans ces conditions, pourquoi ne pas expérimenter le Front national? Pourquoi ne pas sortir de l’euro, revenir au franc, taxer les chômeurs, expulser plus encore et toujours plus? Ainsi l’hubris sarkozienne conduit-elle tout droit à une novlangue à la puissance dix, un monde d’apparences, d’autant plus cruel et injuste qu’il n’est que d’apparences: un débat mais sans raison, un ordre mais sans justice, une démocratie mais sans sanction populaire…

Une presse qui rassemble les intelligences

Dans ce contexte assez délétère, la presse écrite nationale, si l’on excepte Le Figaro, tristement ramèné par son propriétaire à un rôle de chien couchant, joue un rôle d’éclairage non négligeable. Au gré de la crise de la représentation politique, elle en est venue a assumer un rôle nouveau, de « rassembleur d’intelligences », au travers de grandes réunions nationales, tables rondes, rencontres d’intellectuels. C’est un phénomène relativement neuf auquel il convient de réfléchir, tant il témoigne d’un intérêt pour un débat d’idées au détriment d’une information jugée comme trop pauvre, trop uniforme. À cet égard, la vigueur de la presse Internet, notamment avec Mediapart, doit également être soulignée.

En ce sens, la réflexion sur les médias, les contradictions qui les traversent, les rapports de connivence et de pouvoir qu’ils entretiennent à la représentation politique ne cessent de se modifier, contraignant ainsi les citoyens à revisiter en permanence l’analyse qu’ils ont de leur fonctionnement.

Reste que le réel n’est pas fait d’apparences. Un élément frappant de la présente phase électorale tient sans doute au décalage fascinant qui se confirme, de sondage en sondage, entre les efforts médiatiques du Président sortant, ses «coups », « sorties » et autres petites phrases calibrées, et l’impact négligeable qu’ils ont sur l’opinion publique. La crise, évoquée comme un mantra par Nicolas Sarkozy pour échapper à ses responsabilités, pèse réellement et appelle de vraies réponses, de celles qui, justement, passent par de vrais débats, peuplés de mots ayant un sens, et permettant de ce fait d’échanger des désaccords qui valent toujours mieux que des malentendus.

Hugo, en son temps, se targuait d’avoir « mis un bonnet rouge au dictionnaire ». Sans doute est-il temps de penser aux bonnets que nous entendons faire portera la représentation politique, aux mots qu’elle choisira pour incarner son projet, au fonctionnement médiatique qui en assurera la vitalité en l’exposant aux vents salutaires de la confrontation.

Cet éditorial, écrit avant les tueries de Montauban et de Toulouse, n’a pas été modifié. À sa façon, il en éclaire le contexte.

 

On vous fiche, ne vous en fichez pas !

La Ligue des droits de l’Homme vient d’éditer une plaquette, véritable « mode d’emploi » du STIC, ou Système de traitement des infractions constatées, un fichier redoutable qui a déjà bouleversé la vie de centaines de citoyens honnêtes. A télécharger ici.

Vous êtes peut-être fiché(e) au STIC…

Le saviez-vous ?

LE SYSTEME DE TRAITEMENT DES INFRACTIONS CONSTATEES (STIC) : qu’est-ce que c’est ?

Un fichier informatisé qui répertorie des informations provenant des comptes rendus d’enquêtes de police.

II concernait au 1er janvier 2009 (chiffres Cnil):

  • 5 552 313 personnes mises en cause
  • 28 329 276 victimes, pour 37 911 000 infractions

Depuis les chiffres ont encore augmenté !

A QUI SERT CE FICHIER ?

  • Répertorier les personnes mises en cause et les victimes des infractions constatées.
  • Faciliter, pour les enquêtes de police, le rassemblement des preuves des infractions et la recherche de leurs auteurs.
  • Être utilisé pour (loi du 15 novembre 2001) :
    • les décisions d’habilitation des personnes en ce qui concerne l’exercice de missions de sécurité ;
    • les autorisations d’accès a des zones protégées en raison de l’activité qui s‘y exerce;
    • les demandes d’acquisition de nationalité française, délivrance des titres de séjour des étrangers, nomination et promotion dans les ordres nationaux (la loi du 18 mars 2003).

QUI EST RESPONSABLE DU FICHIER ?

La Direction générale de la police nationale (la DGPN) sous le contrôle du Procureur de La République.

LES DONNEES FIGURANT DANS LE STIC

  • Pour les personnes mises en cause : identité détaillée.
  • Pour les victimes 2 identité détaillée et/ou signalement des personnes disparues et corps non identifiés), photographie (personnes disparues et corps non identifiés).
  • Pour les faits objet de l’enquête, les lieux, dates de l’infraction et modes opératoires, ainsi que les informations relatives aux objets, y compris celles qui sont indirectement nominatives.

Les informations sont saisies et codifiées par les policiers ou gendarmes en charge d‘une enquête et comprennent:

Tous indices ou les éléments graves et concordants attestant de la participation à la commission d’un crime, d`un délit ou de certaines des contraventions de 5ème classe concernant le(s) mis en cause et le(s) victimes de l’une de ces infractions.

QUI CONTROLE LE STIC ?

1. Le fichier est sous le contrôle du Procureur de la République. C’est à lui qu’on s’adresse pour le faire rectifier.

II transmet à la Direction de la police générale de la police nationale :

  • les relaxes ou acquittements devenus définitifs pour suppression;
  • les non-lieu ou classements sans suite pour mise à jour et complément;
  • les mesures d’amnistie pour effacement.

Cette transmission ne se fait pas de manière régulière en raison de la pénurie de moyens de la Justice.

Durée de conservation : 5 à 40 ans pour les majeurs mis en cause, 5 à 20ans pour les mineurs, 15 ans maximum pour les victimes.

2. Le droit d’opposition (art. 26 loi 06/01/78) ne s’applique pas. Toute victime peut cependant demander la suppression des données la concernant après condamnation définitive de l’auteur des faits.

3. La DGPN (Art. 10) fait un compte rendu annuel à la Cnil sur la vérification, la mise à jour et l’effacement des données du Stic.

QUI PEUT CONSULTER LE STIC ?

  • Les personnels individuellement désignés et spécialement habilités des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale ainsi que les agents des douanes habilités à effectuer des missions de police judiciaire. Au total, des milliers de policiers et gendarmes.
  • Les magistrats du parquet ainsi que les magistrats instructeurs pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis.
  • Sous certaines conditions, les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet.

En décembre 2008, près de 100 000 personnes étaient habilitées à accéder au STIC dans le cadre de missions de police judiciaire, de police administrative ou de fonctions de gestion du fichier.

On comptait en 2009 20 millions de consultations du STIC par an.

ON VOUS FICHE, NE VOUS EN FICHEZ PAS !

COMMISSION NATIONALE DE L’INFORMATIQUE ET DES LIBERTES ET DES LIBERTES

8 rue Vivienne CS 30223

75083 Paris CEDEX 02

Tél:0153 73 22 22 Fax : 01 53 73 22 00

Vous devez adresser à la Cnil un courrier recommandé, indiquant adresse et téléphone, photocopie d’un titre d‘identité en précisant le fichier pour lequel vous demandez que des vérifications soient entreprises.

Vous n‘avez pas à motiver votre demande.

La Cnil ne gère pas les fichiers concernés et n’a donc pas connaissance des personnes qui y figurent.

Le Président désigne un membre de la Commission, magistrat ou ancien magistrat, pour faire les investigations nécessaires, auprès du ministère de l’intérieur.

Si la communication des données ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique, la Cnil vous les communique avec l’accord du responsable du traitement.

À défaut, elle vous informe par courrier qu’elle a effectué les vérifications nécessaires.

Cette procédure est longue car la Cnil a énormément de demandes.

LE STIC EST UN FICHIER DANGEREUX EN TERMES DE PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES ET DE LIBERTES INDIVIDUELLES

  • Parce que ces données ne sont pas facilement accessibles aux intéressé-es.
  • Parce que la mise à jour des données n’est pas contrôlée régulièrement.
  • Parce que les données sont conservées sur une très longue durée (de 5 ans à 40 ans).
  • Parce que de nombreuses personnes peuvent y avoir accès et utiliser les informations alors qu’elles ne sont pas validées.
  • Par les conséquences sociales possibles car il peut hypothéquer la vie professionnelle. Il conditionne souvent un recrutement ou un renouvellement de fonctions. 1 million d’emplois sont concernés.

Informez-vous !

Demandez communication de votre fiche STIC !

 

La démocratie maintenant : appel pour un front républicain

Après avoir publié une lettre ouverte à N. Sarkozy, Pascal Maillard prolonge aujourd’hui sa démarche par un appel qu’il justifie ainsi : « Cet article qui prend la forme d’un appel pour un Front républicain contre Sarkozy et l’extrême droite constitue le prolongement de « Nous n’oublierons pas ! », Lettre ouverte au Président Sarkozy. Il sera suivi d’un troisième volet, à paraître le 1er mai. Ces contributions offertes à Mediapart sont sans lien avec quelque parti politique que ce soit. Il s’agit à chaque fois d’un engagement libre et citoyen. Je dédie ces textes à tous les étudiants étrangers qui ont eu et ont encore à souffrir de la politique d’expulsion voulue par le président Sarkozy et mise en œuvre par son gouvernement ».

Voici cet appel, consultable également ici.

Pétain a multiplié les timbres à son éfigie, tout comme les pièces de monaie

Quelle que soit l’issue du scrutin du 6 mai, la volonté de Nicolas Sarkozy de mener campagne sur le terrain de l’extrême droite et d’en assumer les thèses aura des conséquences majeures sur l’avenir de la démocratie en France et en Europe. Une recomposition profonde du paysage politique est en cours. Elle répond à la volonté du Président qui a dès longtemps fait le choix de suivre la stratégie de son idéologue, Patrick Buisson, et de la nouvelle « famille politique » de l’UMP, les « patriotes » de la Droite populaire (43 élus). Ce choix, nul n’en doute plus aujourd’hui, sera assumé jusqu’à son terme. Les conséquences en seront incalculables s’il n’est pas mis un point d’arrêt à la plus grave dérive idéologique qu’a connue la France depuis 70 ans. La radicalisation à droite du président Sarkozy, encore en exercice, est extrême et sans limites. Elle transgresse toutes les valeurs de la république et appelle en urgence un sursaut démocratique, de tous les républicains, de droite, du centre, comme de gauche. Un Front républicain contre Sarkozy et l’extrême droite, contre l’idéologie d’extrême droite que porte et qu’incarne désormais le président-candidat, est devenu aujourd’hui une impérieuse nécessité.

Tout citoyen, tout observateur, historien ou non, est en mesure de constater que le discours de Nicolas Sarkozy réactive sciemment les principaux schèmes idéologiques des régimes politiques les plus sombres, en particulier le régime de Vichy.

La devise instituée par Pétain, « Travail, Famille, Patrie », et le continu même entre ces trois concepts, ont été placés au cœur des discours des 23 et 24 avril, et repris dans celui du 25 avril. Ces trois discours, extrêmement proches dans leur forme et leur contenu, sont exemplaires de la logique du renversement qui est au cœur de la manipulation qu’entend exercer Nicolas Sarkozy sur l’opinion publique et les français les moins vigilants. Cette manipulation et cette dérive antirépublicaine doivent être vigoureusement dénoncées.

Le danger d’un pouvoir d’extrême-droite en France est aujourd’hui une réalité. L’enjeu n’est rien moins que la survie de nos valeurs démocratiques. Il suffit pour le comprendre d’analyser la rhétorique du président-candidat. Elle est, formellement et explicitement, une rhétorique d’extrême droite, adossée à une idéologie d’extrême droite. L’euphémisme de « droite extrême » n’est plus de mise. Et ce serait une grave erreur d’analyse que de soutenir la thèse selon laquelle Nicolas Sarkozy et l’UMP courent conjoncturellement après les voix du Front National avec seulement une visée électoraliste. La pensée d’extrême droite est structurelle chez Nicolas Sarkozy. Elle fait système. La politique sécuritaire qu’il conduit depuis 10 ans et la xénophobie d’Etat qu’il a mises en œuvre pendant son quinquennat en sont les illustrations les plus fortes. Démonstration en a été faite. Les discours de ces trois derniers jours montrent que le Roi est nu.

Aujourd’hui, en ce début de campagne électorale du second tour, la grossièreté et la radicalité des procédés de la rhétorique sarkoziste n’ont d’égal que sa tentative pour rendre les Français amnésiques. Tout comme sa rage d’être réélu n’a d’égal que sa volonté de conserver une précieuse immunité. Il est donc stratégique que tous les discours de Sarkozy répondent à cette nécessité de faire oublier son bilan, rappelé ici, dans une lettre ouverte. Pour cela Nicolas Sarkozy met en œuvre ce qu’on pourrait appeler un palimpseste des oublis : faire oublier les résultats du premier tour pour faire oublier son bilan politique et derrière celui-ci, toutes les affaires judiciaires qui poursuivront l’ex-président. Alors que la campagne électorale pourrait être centrée sur les affaires, la corruption d’Etat et les conflits d’intérêts qui n’ont cessé de se multiplier – ça viendra peut-être ! -, il s’agit clairement de la propulser, telle une planète désorbitée, dans le trou noir de l’extrême-droite, vers lequel Sarkozy conduit les restes de la droite républicaine, et derrière elle toute une partie de l’opinion publique, en particulier les Français qui ont le plus souffert de la politique conduite ces dernières années.

Le discours du 23 avril commence donc par camper l’image d’un homme seul, devant affronter une multitude d’ennemis : « La campagne du premier tour, nous l’avons faite à 1 contre 9 », proclame-t-il, comme si tous les autres candidats s’étaient ligués contre lui et comme s’il était anti-démocratique de devoir affronter seul son bilan et assumer sa position de sortant. « Contre un système médiatique absolument déchainé », poursuit celui qui omet de dire toute la servilité des grands médias qu’il a annexés depuis 5 ans à son pouvoir ou ses caprices. « Contre les pronostiqueurs, contre les observateurs », ajoute-t-il, stigmatisant ainsi les instituts de sondage et les analystes politiques qui, dans les faits, l’ont bien plus servi que desservi. « Contre la caricature, contre le mensonge », dit encore celui qui ne cesse de pratiquer la caricature et de mentir impunément. Et comme si cela ne suffisait pas, la chute est une hyperbole, toute honte bue : « Aucun président n’avait subi un tel matraquage. Et de fait ils n’ont reculé devant rien, ils n’ont hésité devant aucun mauvais coup, devant aucune manipulation ». Qui donc est le grand Manipulateur ?

Cette ouverture n’a pu tromper que ceux qui auront succombé à la fascination pour le chef ou au leurre des procédés : le mensonge, le retournement des situations, la victimisation et l’érection d’une statue de héros ayant affronté, presque vainqueur, l’adversité du monde politico-médiatique. Derrière cette stratégie rhétorique, dont les procédés sont des archétypes des discours d’extrême droite, se dissimule bien sûr une attaque directe contre la démocratie et son fonctionnement.

Les médias, et d’abord ceux du Service public, sont dans la ligne de mire. Le président de France culture a été attaqué ce jour pour sa supposée partialité. Hier c’était France 2 et

La mention "République Française" a été supprimée. Elle l'a été à nouveau pendant le septennat de Giscard d'Estaing, puis il y a quelques années

France Inter. De fait, les services publics auront été les boucs émissaires de la politique de Sarkozy pendant tout son quinquennat. Dans le discours du 23 avril les médias sont incriminés pour être « de gauche et d’extrême gauche ». C’est sans commentaires. L’on rappellera simplement que la dénonciation « du système médiatique, du système politique » (termes de Sarkozy lui-même le 24 mars sur France TV Info), constitue le fonds de commerce du Front national.

Mais il y a infiniment plus grave dans les discours des 23 et 24 avril. Y sont à l’œuvre une logique d’identification et un associationnisme qui sont directement importés des rhétoriques habituelles de l’extrême droite. Tout d’abord l’identification du chef au Peuple. Sarkozy ne cesse en effet d’identifier son propre sujet, sa propre voix à celle du peuple de France, que la gauche voudrait ignorer et diviser :  « J’ai vu que M. Hollande parlait au peuple de gauche, dit-il. C’est une différence entre nous. Je parle au peuple de France. J’ai vu hier soir qu’il reprochait leur vote à ceux qui ont émis ce vote pour le Front National ».  Outre que c’est inexact, reprocher à François Hollande d’être le diviseur en ne parlant qu’au peuple de gauche procède d’un nouveau renversement : qui a divisé les français toutes ces dernières années? Diviser pour adopter ensuite la figure du rassembleur, telle est la manipulation de celui qui ne cesse de mettre en danger l’unité nationale.

La seconde identification est d’une toute autre portée. Après une série de « nous » en anaphore qui réalisent l’unité des électeurs du Front national et du sujet du discours, Nicolas Sarkozy produit une association-identification, proprement hallucinante, entre la spéculation financière, la bureaucratie et les corps intermédiaires : « nous ne supportons plus les spéculateurs, nous ne supportons plus les bureaucrates, nous ne supportons plus les corps intermédiaires qui veulent tout le temps décider à notre place ». Dans le plus grand amalgame qui défie la raison, l’idéologue expérimentateur construit un monstre de la pensée : la définition d’un ennemi commun, ligué contre le peuple souffrant, et prenant la forme d’un pouvoir oppresseur, pour ne pas dire d’une dictature. Où l’on retrouve les attaques habituelles contre les syndicats. Il est peut être utile de rappeler que l’anti-syndicalisme historique et idéologique est l’une des caractéristiques de l’Italie fasciste et du régime de Vichy.

La suite du discours parachève la stratégie de confusion au moyen du motif de la Frontière, au cœur d’un grand éloge de la Nation et de la Patrie : « Nation et frontière sont des questions inséparables », affirme le président. Parlant des dangers de la mondialisation financière Nicolas Sarkozy produit alors une association entre la finance et l’immigration : « L’Europe qui ne maîtrise pas ses flux migratoires, c’est fini, l’Europe qui ouvre ses marchés sans contre-partie, c’est fini… ». C’est là certainement le schème le plus grave de la pensée du président, dont on doit rappeler qu’il est encore en exercice. Car associer le monde de la finance à l’étranger, au-delà de la figure de langage qui a pu produire peut-être involontairement cette association, relève d’une pensée qui a marqué les années plus sombres du 20ème siècle.

Enfin, le procédé le plus propre des discours de Nicolas Sarkozy consiste à incriminer systématiquement ce dont il est responsable, ou même ce qui est imputable à son propre bilan et à ses échecs. L’imposture est sans limite et vise à priver ses adversaires politiques des arguments qu’ils sont en droit d’utiliser contre lui :

  • il a aggravé la crise financière : il l’attaque.
  • il est responsable du chômage : il stigmatise l’assistanat et oppose travailleurs et chômeurs.
  • il a développé l’insécurité et il se nourrit d’elle.
  • il exploite les sondages et les rejette.
  • il utilise les médias et les incrimine.
  • il a provoqué et entretenu la montée de l’extrême-droite : il se met à l’écoute des électeurs du Front national et en propage les idées.

En définitive, le manipulateur est un grand autophage : il se nourrit des monstres qu’il a créés. On pourrait rire de ce théâtre de la manipulation s’il n’avait une véritable efficacité sur l’opinion et un pouvoir délétère de division, que symbolise encore cette atteinte inadmissible portée contre la fête du 1er Mai, et dont Laurent Mauduit a justement rappelé la signification historique. Diviser les travailleurs en deux catégories, opposer les travailleurs aux chômeurs, les salariés « sous statut » aux employés du privé, célébrer le « vrai travail » en détournant la journée internationale de tous les travailleurs, c’est inepte, éthiquement inadmissible. Une grave faute morale pour un chef d’Etat en exercice. On est en droit de se demander si derrière le « vrai travail » il n’y a pas l’ombre du « vrai Français ». Oui, « l’ombre de Pétain » est bien inscrite dans les derniers discours de Nicolas Sarkozy. Mais nous ne devons pas oublier qu’il y eut d’autres discours lors de ce quinquennat, tout aussi funestes, Dakar et Grenoble. Nous ne devons pas oublier, ni le sombre été 2010, ni la chasse aux Roms, ni l’odieuse circulaire Guéant contre les étudiants étrangers. Autant de discours et de lois qui ont conduit Nicolas Sarkozy à renier bien des valeurs que des siècles d’humanisme et plusieurs révolutions ont permis de conquérir et de faire vivre. Un homme seul, fût-ce contre tous, ne les fera pas disparaître. Que cet homme ait pu à ce point les avilir le discrédite complément dans sa prétention à occuper la plus haute des fonctions. Nicolas Sarkozy ne peut plus être président.

A l’occasion de cette campagne de second tour, le président-candidat aura donc choisi de jouer son élection sur le tapis de l’extrême droite. Comme trop souvent, il a sacrifié l’intérêt général à son intérêt personnel : être réélu, quoi qu’il en coûte à la République et à ses valeurs. Mais par là-même il aura commis la transgression de trop, la transgression ultime. Non le pacte avec un Front national promis, grâce à ses soins, à un très bel avenir politique. Mais l’inscription dans son discours des schèmes idéologiques de l’extrême droite. Ce n’est pas seulement une rhétorique de l’imposture, d’une violence inouïe, qui est donnée à entendre à tous nos concitoyens, c’est aussi une insulte à la raison, alors même que ce discours se réclame de la raison et du « bon sens ». Et c’est encore et surtout une insulte à la mémoire et à l’histoire de notre pays. Car cette rhétorique de la vérité, identifiée à la parole d’un chef, protecteur et sauveur, n’est pas que le vernis déposé sur une piètre tentative pour faire oublier un  passif très lourd. Elle renoue explicitement avec des forces obscures qui continuent de travailler en profondeur la société française. Elle confronte chacun de nous à l’inadmissible. Et c’est pourquoi tous les républicains authentiques sont aujourd’hui mis devant une lourde responsabilité : accepter l’inadmissible ou le dénoncer. Or, on ne transige pas avec l’inadmissible : certains silences ont valeur de reniement, d’autres sont lamentablement opportunistes, mais tous vaudront approbation devant l’histoire. Un appel et un Front républicain contre la pensée d’extrême droite s’imposent, avant qu’il ne soit trop tard. Si nous capitulons maintenant devant cette idéologie délétère, si l’homme qui la promeut et l’incarne aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, devaient être au pouvoir le 6 mai, le pire serait possible. Et le pire est toujours sûr, avec Nicolas Sarkozy.

Il est temps que les Français se réveillent du leurre mortifère du sarkozisme, de ses pièges, de ses manipulations grotesques et ineptes, de son illusionnisme et de son outrance. Il est temps de mettre un terme à cette escalade vers l’inadmissible. Et il est plus que temps que toutes les forces républicaines et sociales, citoyennes et militantes, se rassemblent, le 1er Mai, mais aussi avant et après, et autant qu’il le faudra, pour dire « NON » à la banalisation des thèses de l’extrême droite que des apprentis sorciers cherchent à faire prospérer, ici en France comme dans de nombreux pays européens, ici plus fortement peut-être que dans d’autres pays. Il est impératif enfin – faut-il le redire ? – que nos concitoyens se saisissent de leur bulletin de vote comme d’une arme pour retrouver le chemin de la démocratie dont certains dirigeants politiques de droite, anti-républicains, opportunistes ou corrompus, inconscients, irresponsables ou consentants, sont en train de déliter méthodiquement tous les fondements. Le temps est venu de dire tous ensemble : « La démocratie maintenant ! »

Pascal Maillard

Appel de la Ligue des droits de l’Homme : 1er Mai 2012, manifestons pour la démocratie et le progrès social

(Communiqué LDH)

La mobilisation sociale du 1er Mai de cette année revêt une place singulière en raison du contexte de l’élection présidentielle et des tentatives d’instrumentalisation dont il est l’objet.

Parce qu’elle défend l’idée que les droits sociaux sont indivisibles des droits et des libertés politiques, parce qu’elle pense que la solidarité est une valeur universelle, ici et là-bas, parce qu’elle a la conviction que le dialogue social doit irriguer une démocratie effective et vivante, la Ligue des droits de l’Homme appelle toujours ceux qui vivent et travaillent en France à participer aux défilés syndicaux unitaires.

Cette année plus que jamais, il est important, face aux crises et aux politiques d’austérité, de faire entendre les priorités sociales et les préoccupations des salariés, des demandeurs d’emploi, des jeunes et des retraités ; d’exprimer la défense des droits fondamentaux et des libertés partout dans le monde ; de faire reculer la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme.

De fait, la crise ne peut être le prétexte pour remettre en cause des systèmes sociaux construits sur la solidarité, les libertés publiques, le principe de l’égalité des droits qui fondent notre vivre ensemble.

Tout au long du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la Ligue des droits de l’Homme s’est mobilisée contre un gouvernement qui a asphyxié la démocratie, nié les droits, discriminé en fonction d’une origine supposée ou réelle, augmenté les inégalités, attaqué le service public, et enfin, développé un tel sentiment de peur de tous contre tous qu’il a voulu faire des services de la justice et de la police les gardiens de son propre pouvoir.

Persuadée qu’infliger une défaite au candidat sortant ne suffira pas à répondre aux angoisses et aux espoirs que traduit le premier tour des élections présidentielles, la LDH appelle à manifester aux côtés des organisations syndicales qui défileront dans l’unité, et à faire du 1er Mai 2012 un moment d’affirmation de la démocratie et du progrès social.

Une association laïque accusée de « discrimination »

Photo Union des DDEN 35.

L’affaire a été « dénoncée » par le quotidien régional Ouest-France le 20 avril dernier, et reprise par France-soir le 22.

Quelques mois plus tôt, un an exactement précise Ouest-France (eh oui, c’était en avril 2011 !), Marie-France Beaugendre, institutrice à l’école Saint-Joseph, à Chantepie (35), demande à visiter le « Conservatoire de l’école publique », au centre Alain-Savary de Rennes. Sa demande est refusée.

Le hic, c’est que ce conservatoire a été créé, et est géré par l’Union des Délégués départementaux de l’Education nationale d’Ile et Vilaine. Ces délégués, nommés par les Inspecteurs d’académie, veillent au bon fonctionnement des écoles maternelles, élémentaires et primaires, notamment en participant en tant que membres de droit aux conseils d’écoles. Ils peuvent aussi intervenir auprès des maires pour appuyer une demande ou dénoncer des manquements. Ils sont généralement très attachés à l’école publique, et militent pour la laïcité.

Ceci a permis à la polémique d’enfler rapidement : rendez-vous compte ! des laïcs veulent priver des enfants d’une visite pédagogique au seul prétexte qu’ils viennent d’une école privée ! Nous voilà revenus à la guerre des écoles, au sectarisme. Et l’enseignante de déclarer à Ouest-France : « Est-il concevable qu’en 2012 (ndlr, petit rappel : c’était en 2011) on puisse encore vivre un tel sectarisme et une telle discrimination ? »

Evidemment, vu comme ça… Et c’est bien comme ça qu’Ouest-France et France-soir ont vu la chose.

Maintenant, essayons d’aller un peu plus loin.

Le conservatoire de l’école publique – qui n’est pas un musée – a été créé par l’Union des DDEN 35, qui « a mis en place un projet autour de 2 classes anciennes réalisées dans ses locaux au Centre Alain Savary à Rennes. Ce projet destiné à promouvoir les idées de laïcité et l’école publique laïque reçoit les enfants des écoles publiques d’Ille et Vilaine. Ils sont accueillis en structure classe depuis une quinzaine d’années sans aucun problème et c’est à eux qu’est destiné le projet. Cette année près d’une vingtaine de classes ont été refusées du fait de l’impossibilité pour les bénévoles de répondre à la demande », indique un de ses membres, qui précise : « Depuis plus d’un an la structure est l’objet d’une attaque régulière d’une enseignante de l’enseignement catholique qui a reçu toutes les explications nécessaires sur le caractère associatif et bénévole de la structure et à qui cela s’adressait. Elle vient de trouver un relais auprès du journal Ouest France qui y a vu une occasion de dénigrer une association laïque et le travail qu’elle réalise. »

L’Union des DDEN 35 n’est pas une association fantôme, elle a pignon sur rue, et son site informe le public de ses activités. Sur son site, elle explique et justifie sa position :

« Les écoles privées peuvent, si elles le désirent, organiser leur propre conservatoire. Pourquoi notre association est –elle accusée de « ségrégation » dans cette manchette de Ouest-France ?

DDEN35 est une association de bénévoles qui ne parvient pas à répondre à toutes les demandes des écoles publiques voulant visiter notre conservatoire. Nous ne sommes pas payés pour faire ce travail.

Cette accusation de ségrégation en première page du journal Ouest-France, 700 000 exemplaires le plus fort tirage de notre pays, est disproportionnée et totalement injuste pour les adhérents de DDEN35 qui s’investissent bénévolement dans ce conservatoire de l’école publique. Nos valeurs de laïcité et de défense de l’école publique sont aux antipodes du sectarisme et de la ségrégation dont nous sommes accusés.

Mettre en cause notre association à ce point, ne peut s’expliquer que par la volonté de discréditer les défenseurs du service public et leurs valeurs. La proximité de l’élection présidentielle, dans trois jours, n’est probablement pas anodine. »

L’association, devant le tollé qu’a provoqué d’article d’Ouest-France, a préféré fermer provisoirement le conservatoire, ainsi qu’elle l’explique sur son site :

« Suite aux nombreuses réactions liées à la polémique suscitée par l’article Ouest-France en date du 19 Avril 2012 et devant des demandes de visite parfois très provocatrices, les quelques personnes bénévoles chargées de l’activité du conservatoire sont dans l’incapacité de faire face à cette situation inédite.

En conséquence, le conservatoire de l’école publique est provisoirement fermé.

Nous nous en excusons auprès du public et en particulier auprès des classes que nous devions recevoir prochainement. »

Par ailleurs, L’article paru dans le journal Ouest-France a conduit Rodolphe Bourlett, membre de la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme, et Gérard Hamon et son épouse Martine Hebbrecht, vice-présidente de l’Union des DDEN 35, à réagir : ils ont écrit deux courriers, adressés au journal Ouest-France. Nous les publions ci-dessous avec leur accord.

Courrier de Rodolphe Bourlett :

Liberté. Premier principe du tryptique républicain, elle est le fruit de combats ayant égrenés l’Histoire de notre Nation, des Lumières à la Résistance, en passant par les soldats de l’AnII et les barricades de 1848. Aujourd’hui, nul ne songerait sérieusement à la remettre en cause.

La notion de liberté peut se décliner au pluriel. Nous parlerons alors de libertés. Et voilà qui nous amène au débat lancé par votre journal, dans son édition du jeudi 19 avril. Liberté de presse, liberté de circulation, liberté de conscience, liberté syndicale et associative -œuvres de la IIIème République – et même liberté de l’enseignement. C’est bien de la convergence sur ces notions et leur rencontre que vous avez fait le choix de vous faire l’écho, partisan.

En effet, de quoi est-il question ? D’un côté, un système d’éducation revendiquant sa liberté – son droit le plus naturel, dans un cadre fixé par la loi puisque largement rétribué par les fonds publics – et de l’autre une association loi 1901, en l’espèce la DDEN 35. Son but est d’œuvrer pour l’école publique, l’école de la République. Une visite sur le site Internet de l’association permet de comprendre cela aisément.

Au nom de quelle sacro-sainte idée, une association ne pourrait-elle limiter son accès à une personne ou un groupe ne répondant pas à ses critères fixés dans ses statuts ? Eriger un tel principe remettrait en cause la liberté d’association et la notion même d’association. Sauf à dicter aux dicter aux associations leurs lignes directrices, ceci en violation flagrante de la liberté d’association.

Votre article est outrageusement orienté. C’est votre droit, je respecte la liberté de la presse. Même lorsqu’elle fait état de malhonnêteté intellectuelle. Dans un premier temps, l’enseignante parle de « discrimination ». Il ne peut y avoir discrimination lorsqu’une association refuse une activité en s’appuyant sur l’objet même de sa constitution. Association n’est pas Administration. Et dans un second temps, le « magistrat rennais interrogé » y va de son jugement n’hésitant pas à parler de « sectarisme ». Un petit voyage dans une Histoire de France pas nécessairement si éloignée de nous tempérerait sans difficulté cette erreur de langage, insultant lorsque l’on se prononce sur une association défendant l’héritage de 1789 et sa transmission aux jeunes générations.

Enfin, à la veille de l’élection présidentielle, voilà que ressort, comme par miracle, une histoire remontant à avril 2011. Faut-il y voir une manipulation politique ?

A l’heure où la laïcité et l’école publique – piliers de la République – sont remises en cause, cette attaque portent les habits de la bassesse couvrant des desseins partisans.

Militant républicain, héritier des Ferdinand Buisson et Jean Zay, je ne peux me résigner à voir les valeurs fondant notre modèle social, et les hommes et femmes qui les portent, ainsi traînés dans la boue.

L’image que j’ai de Rennes, c’est celle de la ville où le procès du capitaine Dreyfus fut révisé. Pas celle où des personnes manifestent contre les œuvres de l’esprit.

Courrier de Gérard Hamon et Martine Hebbrecht

La laïcité est action

Ainsi la promotion de la laïcité serait répréhensible ? D’après ce que j’en sais, les Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale d’Ille et Vilaine ont créé un conservatoire de l’école publique et laïque afin de valoriser auprès des enfants de ces écoles les valeurs qui la sous-tendent. Qui sont ces enfants ? Tous les enfants que l’école de notre République laïque accueille indifféremment des options linguistiques, philosophiques ou religieuses de leurs parents. En effet c’est bien là un des projets de cette école laïque : apprendre à faire vivre ensemble des futurs citoyens quelles que soient leurs opinions pour autant qu’elles soient respectueuses de la loi. Puisqu’il faut mettre les points sur les « i », mettons les ! La laïcité c’est la volonté de s’organiser en respectant les autres en y associant une règle de moindre contrainte. Prenons un exemple : quand il est question d’avortement, le rôle de notre état laïque est de permettre à toutes les femmes concernées d’en faire le choix ou non en leur donnant la possibilité d’y réfléchir sans contrainte et, si elles le décident, de pouvoir exercer le choix de l’avortement dans les meilleures conditions morales et de santé. En quelque sorte c’est la mise en action d’un droit d’exercice libre et non faussé. Quand monsieur Radzinger rappelle à ceux qui adhèrent à son association que ses règlements ne les autorisent pas à avorter, la République laïque n’a rien à y redire car ce rappel n’est pas contraignant pour ceux qui n’adhèrent pas à ses vues, pas plus d’ailleurs qu’il ne l’est pour ses adhérents. Cependant, quand il incite les adhérents de son association à faire des lois contraignantes pour toute la société, la République laïque ne peut accepter un tel projet. Monsieur Radzinger devrait être poursuivi pour incitation à la dictature morale et physique.

Revenons maintenant à ce qui à provoqué l’ire de quelques uns. Il est certain qu’un tel projet émancipateur et d’organisation d’un vivre ensemble toujours plus fort ne soit pas du goût de ceux qui ont pour projet de partager les futurs citoyens dans des isolats linguistiques, philosophiques ou religieux. Le fait de bénéficier d’une attention bienveillante, quoique surprenante, de notre République laïque, ne leur suffit pas. Tout l’espace occupé par l’École laïque au fonctionnement indifférent aux opinions partisanes les dérange, ils en voudraient plus. Il semble d’ailleurs que nombre parmi eux se soient mépris sur le sens du mot « indifférence » tel qu’il en est usé dans le cadre laïc. Il ne s’agit pas d’une indifférence au devenir de la société, il ne s’agit pas d’une indifférence aux valeurs qu’elle promeut et qui jusqu’à preuve du contraire sont officiellement celles de notre état laïque. La laïcité n’est pas un paillasson sur lequel toutes les opinions partisanes peuvent s’essuyer les pieds, ni un punching-ball dans lequel se défouler. La laïcité n’est pas une clause de style, mais un projet d’action.

Ainsi donc le conservatoire de l’École publique reçoit par ses bénévoles des enfants sans un regard sur l’opinion de leurs parents. Il accueille, quand il en a la capacité, tout citoyen ou groupe de citoyens dans l’indifférence de leurs opinions personnelles pour leur exposer et leur faire revivre de manière critique l’histoire passée et actuelle de l’École publique laïque. Par quels arguments non partisans y aurait-il à y redire ?

Je sais que depuis plus d’un an les responsables du conservatoire sont l’objet de provocations de personnes qui n’admettent pas les principes de laïcité. Ce fait, certes très minoritaire, qui reçoit curieusement l’écoute bienveillante d’un journal dont personne n’ignore les options partisanes à quelques jours d’une échéance électorale importante, ne mérite pas qu’on s’y attarde.

 

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