Photo Pierre Fénard.
Salauds de malades
On avait eu, et on a toujours (en cette fin d’année, l’acharnement des préfectures prend des proportions scandaleuses, et la plupart du temps absurdes : il faut atteindre les objectifs chiffrés…) les salauds d’étrangers. Puis on a eu les salauds de pauvres : vous savez, ces tricheurs, ces fraudeurs, qui ne pensent qu’à contourner les règles. Les salauds de chômeurs : ils osent demander des aides au détriment des travailleurs ? Interdisons la cantine à leurs enfants, et les logements sociaux à leurs familles. Les salauds de plaideurs : ton patron te doit de l’argent ? Tu commences par payer 35€ pour engager la procédure (le Sénat vient de voter un amendement pour abroger cette mesure).
La liste est longue.
Et on en rajoute tous les jours. Derniers salauds en date : les salauds de malades. Classés en deux catégories : les salauds de fonctionnaires, qui n’avaient pas de jour de carence pour les indemnités journalières, c’est insupportable, on leur en colle un ; et les salauds de salariés du privé, qui n’avaient que 3 jours de carence : c’est immoral, on leur en colle un quatrième (curieusement, on en parle beaucoup moins).
Sauf que dans l’immense majorité des cas, ces mesures sont, dans le meilleur des cas, inefficaces, dans le pire, nuisibles. Prenons l’exemple des jours de carence. Le syndicat des médecins généralistes MG France, qui n’a pas la réputation d’être particulièrement subversif, vient de publier un communiqué dénonçant « des mesures contre-productives ». « Il ne faut pas oublier que lorsqu’on a mis en place ce système de remboursement des arrêts maladie, un des objectifs était de permettre aux gens de reprendre leur activité le plus vite possible », indique ce syndicat. Voici ci-dessous l’intégralité du communiqué du syndicat, repris par Libération et Le Monde, et consultable sur son site.
La Ligue des droits de l’Homme s’élève bien entendu contre ces attaques incessantes et tous azimuths contre les droits sociaux acquis de haute lutte par les classes populaires et qui, jusqu’à un passé récent, faisaient la fierté de la France.
Fraudes à la Sécurité Sociale et arrêts de travail : MG France refuse un amalgame inacceptable
Depuis quelques jours se développe un discours mélangeant fraudes et prescriptions d’arrêts de travail.
MG France refuse cet amalgame très mal vécu par les professionnels de santé.
Dans les faits :
En France, le taux d’absence au travail est un des plus faibles de l’Union Européenne.
La réglementation française est rigoureuse, la surveillance des médecins et des patients par l’Assurance Maladie est permanente.
Dans près de 90% des cas, le contrôle de l’Assurance Maladie approuve la prescription du médecin.
Quand la durée de l’arrêt de travail est l’objet d’un désaccord :
- il s’agit le plus souvent d’un arrêt d’une durée supérieure à 3 mois.
- ce désaccord ne porte que sur la date de reprise du travail, et non sur sa justification.
- ce contrôle a posteriori, est subjectif, contestable, et souvent contesté par une expertise.
Tous les jours, des patients dont l’état de santé le justifie refusent un arrêt de travail pour des raisons financières ou par crainte de perdre leur emploi.
Lutter contre la fraude est une exigence partagée par les citoyens et par les professionnels de santé. Mais introduire un doute systématique sur les arrêts de travail risque de pénaliser en priorité les salariés les plus fragiles.
Les médecins généralistes ne revendiquent pas l’exclusivité de la prescription des arrêts de travail.
Mais qui d’autre voudrait s’en charger ?
Les intégrismes religieux se déchaînent
Après l’attentat criminel contre le siège de l’hebdomadaire Charlie-Hebdo, après les manifestations à Paris et à Rennes (encouragés dans cette ville par l’évêque de Vannes) contre la pièce de théâtre « Sur le concept du visage du Christ », les intégristes remontent au front. A Toulouse, de nouveau pour tenter d’empêcher que soit jouée la pièce de théâtre « Golgotha picnic », le mercredi 16 novembre, et à Grenoble, où le préfet vient d’autoriser une manifestation, qui doit avoir lieu samedi 19 novembre, contre l’interruption volontaire de grossesse. Avec cette particularité, à Grenoble, qu’il s’agit bel et bien de prières de rues, prévues devant un hôpital. Ce sont les mêmes qui s’offusquent des prières des musulmans qui ne trouvent pas de place dans les mosquées et sont contraints d’occuper l’espace public pour exercer paisiblement leur culte, et qui autorisent des militants d’extrême droite, intégristes catholiques, à troubler l’ordre public et contestant une loi votée par les élus de la république, le droit à l’IVG.
La réaction ne s’est pas faite attendre à Toulouse, où la mobilisation a permis à la pièce de théâtre d’être jouée : trois cents personnes se sont regroupées devant le théâtre dès 7h. A Grenoble, les militants « féministes, laïques, progressistes, syndicalistes, militants politique et associatifs » appellent aussi à un regroupement devant l’hôpital.
Ci-dessous, les communiqués des deux sections.
Communiqué de la section LDH Grenoble
Communiqué de presse
17/11/2011
Le préfet autorise les prières de rue !
Samedi 19 novembre, la préfecture a de nouveau autorisé les catholiques intégristes anti-IVG à faire des prières de rue devant l’hôpital public de Grenoble. Deux poids, deux mesures ?
Depuis plusieurs mois, les catholiques intégristes multiplient les actions violentes, soutenus par des mouvements d’extrême droite (destructions d’œuvres d’art à Avignon, intimidation contre une pièce de théâtre à Paris, etc.).
La plate forme IVG- contraception – information rappelle que l’Ivg est un droit acquis par les luttes féministes et demande à Monsieur le préfet d’interdire ce rassemblement qui manifestement est un trouble à l’ordre public et contrevient aux lois de la république, notamment celles définissant la laïcité.
Nous, militant-e-s féministes, laïques, progressistes, syndicalistes, militants politique et associatifs , appelons l’ensemble des grenoblois-e-s à venir massivement défendre le droit a l’Ivg et la laïcité dès 13H30 à l’arrêt tram de La Tronche Hôpital, sur le pont.
Nous n’accepterons jamais la remise en cause des lois portant sur le droit des femmes et les conquêtes sociales !
La Plateforme IVG, collectif Isérois de défense de l’avortement, de la contraception et des sexualités.
Communiqué de la section de Toulouse :
AVEC LE SOUTIEN DE LA LDH TOULOUSE
Collectif des organisations signataires de l’appel unitaire aux initiatives
des 16 et 19 novembre pour la liberté d’expression contre les intégrismes.
Ligue des Droits de l’Homme Toulouse et Colomiers-Ouest toulousain – AAEL – Aget UNEF – Attac Toulouse – Cercle Condorcet Midi Toulousain – CGT Pôle Emploi – CGT 31- Collectif Résistance à la Délation – Convergences et Alternative – COUAC – Culture en Mouvements – Europe Ecologie/Les Verts – CnR 31 – FSU 31 – Gauche Unitaire – Le Bijou – Ligue de l’Enseignement 31 – Le Bikini – Le Cri – NPA 31 – Parti de gauche – PCF – PS 31 – Solidaire 31 –– Maison de quartier de Bagatelle – Mix-Cité 31 – Music-Halle – Pyramid (Fédération régionale des structures de spectacles) –– Sud Cultures Solidaires –– Sud Etudiants – Partenia 31 – Théâtre du Grand Rond …
COMMUNIQUE DE PRESSE
UNE VICTOIRE DE LA LIBERTE DE CREATION ET D’EXPRESSION AU THEATRE GARONNE
Toulouse, le 17 novembre 2011
Pour la première de Golgota Picnic, mercredi soir 16 novembre, le libre accès au Théâtre Garonne et la liberté d’expression ont été garantis par une forte présence citoyenne qui a permis la tenue de la représentation menacée par la nébuleuse intégriste catholique, après de longues semaines de menaces et de pressions continues vis à vis de la direction du théâtre.
Ce sont 300 personnes et des représentants de nombreuses organisations et des milieux culturels toulousains qui se sont regroupés devant le théâtre dès la fin de l’après midi et ont manifesté leur refus d’une police de la pensée qui voudrait limiter la liberté de création.
En face, les masques sont tombés. Chants pétainistes, forte présence de militants du bloc identitaire signent le caractère très marqué idéologiquement à l’extrême droite du regroupement de la centaine de personnes qui ont tenté de troubler le spectacle.
Les Toulousaines et Toulousains qui ont tenu à distance les tenants de la censure, porteurs d’une idéologie dépassée et liberticide, resteront mobilisés samedi 19 novembre à 18h en se réunissant devant le théâtre pour former une chaine de solidarité avec les créateurs et le acteurs culturels entre le Théâtre Garonne et le Musée des Abattoirs.
Appel à mobilisation
Nous appelons les citoyennes et les citoyens, les organisations voulant défendre la liberté d’expression à se joindre à la chaîne de solidarité qui sera organisée samedi 19 novembre à partir de 18h, du Théâtre Garonne au Musée des Abattoirs, passant par l’avenue du Château d’eau.
Projets 2012 : Lebrac, 3 mois de prison
« Si on écrivait la Guerre des boutons aujourd’hui, (…) ils finiraient tous en prison ».
(Extrait de la postface de Laurent Bonnelli au livre de Bertrand Rothé).
Parmi les projets de la section pour l’année 2012, une soirée exceptionnelle. Nous allons, en partenariat avec le cinéma le Cythéa de Plouguenast, projeter le film d’Yves Robert, la Guerre des boutons, tiré du roman de Louis Pergaud. Et nous avons invité Bertrand Rothé, auteur du livre « Lebrac, 3 mois de prisons », à venir expliquer son travail.
Le livre de Bretrand Rothé reprend le roman de Pergaud, mais en le transposant dans les années 2000 : on se rend compte que ce qui nous avait tous fait rire dans le roman et dans le film prendrait aujourd’hui une toute autre tournure, et que l’histoire se terminerait devant le juge, avec la condamnation de Lebrac, un des héros du roman, à une peine de trois mois de prison.
Bertrand Rothé a repris la trame du roman de Pergaud, en la transposant à notre époque, et dans un quartier urbain sensible. Pour écrire son livre, qui est lui aussi un vrai roman, il s’est entourée de professionnels : éducateurs, juges, policiers, enseignants… Et il a appliqué l’arsenal législatif mis en place depuis quelques années pour détricoter une des fiertés du conseil national de la résistance : l’ordonnance de 1945, qui est le socle de la justice pour enfants en France.
Le thème du débat sera donc celui-là : quelle est la situation de la justice pour enfant aujourd’hui après les assauts répétés de la droite pour en supprimer le côté éducatif en lui substituant le volet répressif.
La postface de Bertrand Rothé à son livre
En 1968, M. Balot, mon instituteur, n’avait pas conscience de nous lire une histoire de voyous, de sauvageons[1], de racailles[2], de délinquants. Il avait l’impression de lire un hymne à l’enfance, à la liberté, à la vie. Il avait l’impression de nous faire découvrir l’amitié à travers le regard de Lebrac, de La Crique et des autres. Il avait l’impression de jouer son rôle d’éducateur, d’enseignant, d’instituteur, d’homme de bonne volonté. Il n’avait pas conscience que, quarante ans plus tard, aucun de ses collègues ne lirait plus à haute voix La Guerre des boutons.
En trente ans, nos héros sont devenus des délinquants.
D’aucuns pensent que la société est devenue plus libérale depuis cette époque, voire trop laxiste. La lecture de ce livre leur fera réviser leur jugement.
Rien n’a été inventé.
Merci à Pergaud. Merci aux juges, à l’avocate, au médecin, aux éducateurs et aussi au policier qui m’ont permis d’écrire ce livre. Merci surtout à M. Balot qui m’a appris à lire et à écrire.
Bertand Rothé, in « Lebrac, trois mois de prison », Conclusion, p.269, éd. Seuil, mai 2009.
[1] Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur de Lionel Jospin, utilisa ce terme.
[2] Nicolas Sarkozy préféra celui-là.
Trégor Goëlo : Sihem Souhid et Gérard Gatineau
La section Paimpol Trégor Goélo organise, lundi 21 novembre, un débat sur la police intitulé « Unis dans le même combat », avec deux intervenants de marque :
Sihem Souhid, auteur du livre « Omerta dans la police », dans lequel elle dénonce des pratiques scandaleuses ; ce qui lui a valu d’être suspendue pour 6 mois par le ministre de l’intérieur pour « manquement au devoir de réserve ».
Gérard Gatineau a été gardien de la paix de 1968 à 1998 a publié « 30 ans de bitume », ouvrage dans lequel il explique comment son engagement à gauche et son militantisme syndical à la CGT l’ont empêché d’avoir de l’avancement.
Ils débattront tous les deux, au bar restaurant Le Triskel, 15 ue Châteaubriant, à Paimpol (22), lundi 21 novembre à 20h. Le débat, animé par Philippe Coulaud, président de la section Trégor Goélo de la Ligue des droits de l’Homme, sera filmé par les caméras de l’émission de France 2, « Envoyé spécial », dans le cadre d’un reportage de Jean-Pierre Métivet, qui a pour sujet les femmes de caractère (il rencontrera également Irène Frachon, qui a dénoncé le scandale du Médiator).
Télécharger le flyer au format .pdf.
Une soirée à ne pas manquer !
Assemblée générale de la section : un bilan positif
L’assemblée générale de la section Loudéac centre Bretagne s’est tenue vendredi 11 novembre, à la salle polyvalente de Trévé, après l’inauguration de la stèle.
C’était la troisième assemblée générale de la section, qui a été créée en décembre 2009. Nous avons toujours une trentaine d’adhérents.
L’année 2011 a été marquée par deux temps forts : la journée « oubliés d’hier, oubliés d’aujourd’hui », le 16 avril à Trévé, avec la projection du film d’Armelle Mabon « Oubliés et trahis », et les témoignages des Trévéens qui avaient connu le camp des tirailleurs sénégalais. C’est à cette occasion que Joseph Collet, maire de Trévé, avait lancé l’idée d’ériger une stèle à la mémoire de ces hommes : c’est elle qui a été inaugurée le 11 novembre, à l’emplacement du camp. Ce travail s’est concrétisé également par la publication du livre « Nous n’avions jamais vu de Noirs », aux éditions Récits, dont la vente approche les 300 exemplaires.
Deuxième temps fort, à La Chèze, la projection du film « La Mort de Danton », d’Alice Diop, dans le cadre du « mois du film documentaire », en partenariat avec CAC Sud 22. La projection a été suivie d’un débat particulièrement riche, avec Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe de la LDH et coordinatrice du groupe de travail sur les discriminations.
Parallèlement à ces actions publiques, la section mène un travail plus discret, mais continue, qui consiste à accompagner des personnes dont les droits sont bafoués. Neuf dossiers (personnes seules ou familles) ont été suivis cette année, avec une immense satisfaction lorsque Esther, jeune femme congolaise mère d’un enfant français, a obtenu un titre de séjour au titre de « vie privée et familiale », grâce à l’intervention du service juridique de la Ligue, qui avait fait un courrier au préfet des Côtes d’Armor. L’accompagnement des personnes consiste en général à leur apporter une aide matérielle, financière, une aide dans leurs démarches auprès de la préfecture, des avocats, la constitution de dossiers, etc… Ce volet de notre action n’est possible que grâce à la mobilisation de l’ensemble des adhérents.
La section participe depuis le mois d’avril aux activités du Collectif briochin contre le racisme et pour la solidarité, qui s’occupe essentiellement des demandeurs d’asile. Nous avons participé à plusieurs manifestations organisées par le collectif, notamment l’occupation du centre social du Plateau à Saint-Brieuc, et l’occupation du service de la cohésion sociale à la préfecture. Nous avons participé également à l’hommage rendu à Sara, jeune Mongole sans papiers qui s’est suicidée cet été.
La section participe aussi activement à la vie de la Ligue des droits de l’Homme : Michelle Paul la représente à la délégation régionale, et nous participons régulièrement aux réunions de travail et de formation organisées par la délégation régionale et la fédération départemental. Deux délégués de la section ont participé au congrès national à Reims.
La gestion du site de la section représente une part importante de notre travail, il nous permet d’avoir une visibilité publique. Il commence à avoir une fréquentation très honorable, et à être connu dans le réseau national.
Dans un prochain article, nous présenterons les projets de la section pour l’année 2012.
Vidéo : Armelle Mabon explique sa démarche
Armelle Mabon, historienne, explique dans une vidéo la démarche qui l’a conduite à effectuer des recherches sur les prisonniers de guerre coloniaux de la seconde guerre mondiale, et le traitement dont ils ont été victimes à la libération. C’était le 16 avril à Trévé, en introduction à la projection du film qu’elle a écrit, « Oubliés et trahis, les prisonniers de guerre coloniaux et nord-africains ».
Stèle de Trévé : la vidéo
Inauguration de la stèle à Trévé : l’intégralité de la cérémonie
Voici l’intégralité des interventions lors de l’inauguration de la stèle érigée vendredi 11 novembre à Trévé, à la mémoire des tirailleurs sénégalais. Cette cérémonie a été présidée par Joseph Collet, maire de la commune, qui a introduit chacune des différentes interventions, et détaillé l’historique des événements qui ont conduit à l’érection de la stèle.
Joseph Collet, maire de Trévé.
La date du 11 novembre pour cette inauguration n’a pas été choisie au hasard. C’est le jour où les 300 tirailleurs sénégalais en provenance de Morlaix sont arrivés à Trévé en 1944. Je laisserais à Armelle MABON, Maitre de Conférences à l’Université de Bretagne Sud, le soin de préciser les raisons de leur venue à Trévé et de vous expliquer le texte que vous pourrez lire tout à l’heure sur la plaque. Sans elle, nous ne serions pas là. Elle est à l’origine de toutes les démarches, de toutes les recherches, de tous les entretiens que nos bénévoles locaux et de la Ligue des Droits de l’Homme ont pu entreprendre depuis un an.
Discours d’Armelle Mabon, historienne
Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, Amis ligueurs,
Avant toute chose, je tiens à vous remercier pour ce bel hommage rendu à ces tirailleurs dits « sénégalais » faits prisonniers par les Allemands alors qu’ils sont venus de leur lointain pays combattre pour la liberté de la France. Internés dans des Fronststalags en France pendant 4 ans, libérés durant l’été 1944, ils devaient rejoindre leur terre natale en novembre 1944. Les 300 tirailleurs ont été internés ici à Trévé après avoir refusé de monter à bord du Circassia à Morlaix parce que l’administration, malgré les promesses, ne leur versait pas l’intégralité des soldes auxquelles ils avaient droit. Ceux qui ont quitté la France à bord du Circassia et qui ont réclamé à nouveau leur solde avant de rejoindre leur village ont été victimes, à la caserne de Thiaroye, près de Dakar, d’une démonstration de force de l’Armée française faisant 35 tués, 35 blessés et plusieurs condamnations pour faits de mutinerie ont été prononcées. Trévé et Thiaroye sont liés par un déni d’égalité des droits et une injustice dictée par la volonté de la France coloniale de maintenir ces hommes en sujets de l’Empire avec des droits moindres alors qu’ils avaient subi les mêmes souffrances que les Français de Métropole.
Mon travail d’historienne a contribué à faire surgir une mémoire collective. Cet acte mémoriel relayé par la Ligue des Droits de l’Homme section de Loudéac puis retranscrit dans l’ouvrage « Nous n’avions jamais vu de Noirs » et gravé avec une force esthétique grâce au talent d’Annie Lagadec me conduit à reprendre ma posture d’historienne. Je voudrais retrouver la liste de ces 300 ex-prisonniers de guerre avec leur village d’origine et peut-être que les enfants de Trévé écriront à chaque village pour que là-bas ils sachent qu’en Bretagne, à Trévé, un bel hommage a été rendu à l’un des leurs. En combattant l’oubli, l’historienne que je suis s’associe à la commémoration et je vous suis redevable de vous être inscrit dans ce « devoir de mémoire » dans sa conception la plus noble. Un jour, les descendants de ces tirailleurs vous diront aussi Merci.
Joseph Collet, maire de Trévé
Lorsqu’Armelle MABON nous avait contactés en 2002 pour recueillir des témoignages auprès des témoins de l’époque, ce sujet n’avait réveillé aucun souvenir. En 2003, Violaine DEJOIE-ROBIN et Armelle MABON réalisent un documentaire « Oubliés et trahis, les prisonniers de guerre coloniaux et nord-africains ». En 2006, « Indigènes », le film de Rachid Bouchareb qui traite du même thème est honoré au Festival de Cannes. En 2010, c’est la sortie du livre d’Armelle MABON : « Prisonniers de guerre indigènes. Visages oubliés de la France occupée ». En fin d’année dernière, la Ligue des Droits de l’Homme veut travailler sur le thème des « Oubliés d’hier et Oubliés d’aujourd’hui ». Noël LAGADEC qui vient de lire le livre, propose de relancer la recherche de témoins en faisant publier un article dans le Courrier Indépendant sur le passage du livre qui concerne Trévé en l’illustrant avec une photo tirée du livre : André Bokar, un soldat africain posant devant un mur à Trévé. La lecture de cet article et encore plus, la photo éveillent des souvenirs et de témoin en témoin, ce sont près de 35 personnes qui vont livrer leurs souvenirs à Annie et Noël Lagadec, Jérôme LUCAS et à la caméra de Jacques PAUL. Si certains parlent bien du camp de Trévé, d’autres ont été en contact avec ceux qui ont été réquisitionnés par les allemands pour creuser les tranchées d’un futur réseau téléphonique souterrain reliant Saint Brieuc à Lorient.
Le 16 avril pour la sortie du livre « Nous n’avions jamais vu de noirs » qui rassemble tous les témoignages, la Ligue des Droits de L’Homme organise une réunion au cours de laquelle est projeté le film « Oubliés et trahis » et les témoins évoquent leurs souvenirs. Je propose alors d’ériger une stèle à l’emplacement des baraquements ayant servi à héberger les tirailleurs sénégalais en mémoire de cette période bien particulière de notre histoire locale.
Noël LAGADEC me parle également de la sortie d’un autre livre écrit sur le même sujet et qui décrit des évènements qui se sont déroulés à Morlaix, le port d’où devaient partir les 2000 tirailleurs sénégalais pour rejoindre le camp de Thiaroye près de Dakar. L’auteur de ce livre «Retour tragique des troupes coloniales : Morlaix – Dakar 1944 », c’est Anne COUSIN qui nous a fait le plaisir de venir jusqu’ici et nous l’en remercions. Avec celui d’Armelle MABON et le recueil de souvenirs de Trévé « Nous n’avions jamais vu de noirs », il n’y a pas d’autres livres qui traitent de ce sujet et qui parlent du séjour de ces soldats africains à Trévé.
Discours de Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme
« L’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics ». Cette phrase, qui date de 1789, figure dans le préambule de la déclaration des droits de l’Homme. Elle figure également dans le préambule de la déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948. Par cette cérémonie, la commune de Trévé et la Ligue des droits de l’Homme, jouent le rôle de passeurs de mémoire.
La Ligue des droits de l’Homme tient à rendre hommage à ces prisonniers coloniaux qui, après avoir servi la France pour défendre notre liberté, ont refusé l’injustice en défendant leurs droits et en réclamant l’égalité.
La Ligue des droits de l’Homme tient également à rendre hommage à la population de Trévé qui a su soutenir et aider les prisonniers du camp : les témoignages recueillis sont poignants. A Trévé, la fraternité n’était pas un vain mot.
Ce que Trévé a fait en 1944-1945, c’est une leçon pour les jeunes générations.
N’oublions pas l’article 1er de la déclaration des droits de l’Homme : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Pour la Ligue des droits de l’Homme, un étranger, aujourd’hui comme hier, n’est pas un homme qu’on utilise et qu’on rejette quand on n’en a plus besoin. Nous sommes tous l’étranger de quelqu’un.
Rien n’est acquis, et surtout pas les droits de l’Homme : protester quand ils sont bafoués, c’est faire vivre la démocratie. Résister, s’indigner, témoigner, parler, sont des outils pour les préserver.
Ayons toujours en mémoire ce poème du pasteur Martin Niemoller, écrit en camp de concentration :
« Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas catholique.
Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste.
Et puis ils sont venus me chercher :
et il ne restait plus personne pour protester ».
Je profite de la présence de Ronan Kerdraon, sénateur, pour rappeler que le Sénat a mis à son ordre du jour du 8 décembre prochain, une proposition de loi visant à donner le droit de vote aux étrangers hors communauté européenne pour les élections locales.
Merci à Annie Lagadec, membre de la section, qui a réalisé la plaque commémorative, pour son travail remarquable ;
Merci à Armelle Mabon, historienne, et membre de la Ligue des droits de l’Homme, qui, par son travail, a sorti de l’oubli l’histoire de ces hommes;
Merci à la population de Trévé, à sa municipalité et à son maire, pour ce travail de mémoire ;
Merci à ces Africains pour tout ce qu’ils ont fait pour nous.
N’oublions jamais.
Joseph Collet, maire de Trévé
La stèle qui a été dressée sur cet espace est une pierre d’ardoise qui nous vient de Maël-Carhaix. C’est Dominique MADORE, conseiller municipal qui nous a déniché cette pierre dans une carrière désaffectée propriété de Monsieur Yvon BARAZER, lui aussi présent ce matin. L’ardoise de Maël Carhaix, Mr BARAZER l’affirme en toute modestie, c’est la Rolls de l’ardoise ; elle n’a aucun défaut : pas de pyrite de fer, pas de chaux. La preuve : un grand groupe espagnol va en reprendre l’exploitation très prochainement. C’est Gilles CARRÉE de Loudéac qui a fait le transport et la mise en place.
Nous sollicitons Annie LAGADEC pour une plaque en bronze rappelant la présence sur notre sol des tirailleurs sénégalais. Elle a fait un moulage en terre de têtes d’africains et Armelle MABON nous a proposé un texte explicatif et une invitation à nous et aux générations futures à nous souvenir de ce qui s’est passé ici mais plus généralement de la place des soldats d’Afrique dans le conflit de 1939-1945 et du triste sort qui leur a été réservé à la fin de la guerre. Cette plaque en bronze a été coulée à la fonderie NIVET de Plérin
J’ai souhaité qu’une autre plaque soit fixée au dos de cette stèle relatant les constructions des baraquements, écuries, puits, routes… le séjour des réfugiés, l’occupation par les soldats allemands. Yann LAGADEC, auteur d’un livre sur la guerre 39-45 dans la région de Loudéac « Un canton dans la tourmente » m’a fourni la matière et aidé à rédiger le texte.
L’installation de la stèle, l’aménagement autour, la fixation des plaques commémoratives sont l’œuvre de Pascal DORE, notre employé communal, aidé d’Yvon et Frédéric. Nous le remercions pour son travail mais surtout pour ses propositions d’aménagement.
Pourquoi un tel intérêt depuis quelques années pour toutes ces questions liées à la place des africains dans les conflits, à leur combat pour être reconnus comme soldats français à part entière ? Livres et films se succèdent depuis 5-6 ans et montrent au grand jour les injustices dont ils ont été et sont encore victimes. Les épisodes dont nous ne sommes pas trop fiers finissent toujours par arriver en pleine lumière même si à Trévé, les témoins nous l’ont dit, les tirailleurs sénégalais ont toujours été bien considérés et se sont bien comportés. Ils constituaient une attraction : « des noirs, pensez donc » et les institutrices emmenaient les enfants des écoles en visite au camp. Quelques jeunes filles ont sans doute couru un peu plus vite que d’habitude pour échapper aux sollicitations de soldats un peu trop pressants. Mais, à part quelques petits incidents liés à la consommation un peu excessive de nos boissons locales, tout s’est bien passé. Trois semaines après le départ des tirailleurs sénégalais naissait à la maternité de Loudéac, Jean-Gilbert Béavogui fils de Martin Zézé, adjudant chef au Centre de transition des troupes indigènes, originaire de Guinée Française et d’Eugénie LE BIHAN domiciliée à Vannes. C’est le premier noir à avoir fréquenté l’école de Trévé. Vers 1955, il est parti avec ses parents adoptifs dans la région parisienne. Il est revenu à Trévé, il y a quelques années, rendre visite aux personnes qu’il avait connues. Plusieurs s’en souviennent encore. Il est décédé le 4 novembre 2009 à Lorient.
Nous vous remercions tous, historiens, écrivains, témoins, éditeurs, fournisseurs, financeurs pour nous avoir rafraichis la mémoire et aidés à ce que les générations futures s’en souviennent.
Nous regrettons l’absence de réponse à notre invitation de l’ambassade du Sénégal que nous avions sollicitée au moins pour un petit message de solidarité avec tous ceux qui se sont mobilisés pour que cette commémoration ait lieu. J’espère bien qu’Armelle MABON réussira à retrouver des descendants d’africains ayant séjourné à Trévé et qu’il sera possible avec leurs enfants ou petits enfants de créer des liens d’amitié avec les enfants de nos écoles.
Quelques administrés s’interrogent sur l’utilité d’une telle stèle et surtout de dépenser un peu plus de 4000 € pour honorer la mémoire de ces 300 tirailleurs sénégalais détenus pendant un peu plus de deux mois là où nous sommes. Je pense que tout ce qui vient d’être dit, doit les rassurer et leur démontrer que ces soldats venus d’ailleurs défendre notre pays méritent une reconnaissance de la France en général et de notre commune en particulier. Enfin, ce ne sont pas uniquement les contribuables de Trévé qui vont financer cette stèle puisque notre sénateur Ronan Kerdraon nous a aidés avec la réserve parlementaire pour la moitié de la somme et nous l’en remercions vivement.
Discours de Ronan Kerdraon, sénateur des Côtes d’Armor
Monsieur le Maire, Mesdames, messieurs les élus, Mesdames, Messieurs les représentants de la Ligue des Droits de l’Homme, Mesdames, Messieurs,
C’est un honneur pour moi que d’être présent aujourd’hui, en ce jour de commémoration de l’armistice de la guerre 14-18, pour l’inauguration de cette stèle en hommage aux tirailleurs sénégalais qui séjournèrent à Trévé durant la deuxième Guerre Mondiale.
En tant qu’ancien professeur d’histoire, je mesure l’importance que revêt le devoir de mémoire, cette impérieuse nécessité de nous souvenir de l’histoire de France et, particulièrement, de ses périodes les plus sombres.
Aussi, permettez-moi de commencer mon propos en formulant le vœu que notre mémoire collective nous permette d’éviter les travers et les errements dans lesquels nous avons pu tomber par le passé.
Les tentations sont pourtant nombreuses et de plus en plus pressantes, en cette période de crise et de mal-être social, de nous retrancher derrière des théories réductrices, populistes et de courte vue.
Des théories qui, en d’autres temps, ont conduit l’humanité sur des voies que j’espère, nous n’aurons plus à connaître.
Il est de notre responsabilité d’élus de tout faire pour repousser ces tentations, pour éviter que nos concitoyens ne succombent à la démagogie en faisant œuvre incessante d’explication et de pédagogie.
C’est la raison pour laquelle je souhaite vous féliciter, Monsieur le Maire ainsi que tous les élus municipaux, d’avoir donné jour à cette belle initiative.
La pose de cette stèle va permettre aux habitants de Trévé et des environs de se rappeler que la commune accueillit, durant quelques mois, des hommes issus d’un autre continent, d’une autre culture, d’autres horizons.
« Nous n’avions jamais vu de Noirs », écrit Jérôme Lucas, à propos de la réaction des Trévéens qui découvraient, il y a plus de 60 ans, ces tirailleurs africains dans leur petite commune du centre Bretagne.
Et pourtant, à en croire les témoignages collectés dans son ouvrage, les frontières sont rapidement tombées et la solidarité a pris le dessus quand il s’est agi de leur venir en aide en fournissant vêtements et nourriture.
Car ces hommes, si différents en apparence, étaient des compatriotes et venaient de se battre en premières lignes pour défendre la France.
Ils en payèrent le prix lourd : la plupart des rescapés durent regagner leur pays sans un sou, souvent blessés ou frappés par la maladie, non sans avoir été exploités par les allemands dans des camps de travail et malmenés par l’Etat français qui refusait de leur verser leur solde.
Face à cette injustice, leurs revendications visant à être mieux reconnus se sont trop souvent confrontées au mépris et au mutisme du gouvernement français.
Pire : l’histoire des tirailleurs sénégalais a longtemps été passée sous silence.
Marginalisés dans les manuels scolaires, écartés des grandes commémorations nationales, invisibles dans le répertoire des monuments de la capitale française, leur rôle et leur mérite dans la défense et la libération de la France sont très insuffisamment mis en valeur…
Rendez-vous compte : la décristallisation totale des pensions militaires des anciens tirailleurs n’a été opérée qu’en janvier 2011, 66 ans après la fin de la guerre !
Il faut dire que cela ne coûtait plus très cher à l’Etat, le nombre de personnes concernées ayant fondu comme neige au soleil…
Enfin, comble de l’hypocrisie, nous voulons désormais cadenasser nos frontières aux enfants de ceux qui, un jour, nous ont aidés à les défendre.
Aujourd’hui, à Trévé, nous contribuons donc à réparer ces injustices répétées en inaugurant cette stèle à l’honneur des tirailleurs sénégalais mais aussi, en hommage à la population locale qui a su accueillir en toute fraternité ces hommes si différents en apparence.
C’est une initiative hautement symbolique et d’autant plus importante qu’elle est menée main dans la main avec la Ligue des Droits de l’Homme qui se bat, au quotidien, pour la défense des droits des personnes opprimées.
Je vous avoue donc ma fierté de participer à cette inauguration et espère que cette stèle permettra de faire vivre longtemps la mémoire des tirailleurs sénégalais.
Inauguration de la stèle à Trévé : une cérémonie émouvante
L’inauguration de la stèle érigée à Trévé à la mémoire des tirailleurs sénégalais a donné lieu, vendredi 11 novembre, à une cérémonie très émouvante, qui a rassemblé plus d’une centaine de personnes. Joseph Collet, maire, avait invité Armelle Mabon, historienne, qui est à l’origine des recherches effectuées sur la commune, Annie Lagadec, qui a créé la plaque commémorative, et qui, avec Noël, son mari, et Jérôme Lucas, a collecté les témoignages de Trévéens qui ont été publiés dans un recueil intitulé « Nous n’avions jamais vu de Noirs ». Ronan Kerdraon, sénateur, était lui aussi invité : il a consacré une partie de sa « réserve parlementaire » au financement du monument. Et il s’en est dit « très fier » : en tant qu’ancien professeur d’histoire, il mesure l’importance du devoir de mémoire. Participaient également à la cérémonie, Anne Cousin, historienne, qui a elle aussi travaillé sur ce sujet, et Maryse Butel, de Lorient, membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme.
Joseph Collet a donné la parole à tous ces invités, en apportant son témoignage de maire, et en expliquant la valeur symbolique de ce monument et de cette cérémonie : il rappelle à la fois le sacrifice de ces soldats, et le comportement exemplaire de la population de Trévé pendant leur séjour dans la commune.
Vous pourrez voir dans les jours qui viennent la vidéo de cette cérémonie. Dans l’immédiat, vous pouvez lire, ci-dessous, les discours prononcés par Armelle Mabon, Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme, et Ronan Kerdraon, sénateur des Côtes d’Armor.
Discours prononcé par Armelle Mabon.
Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, Amis ligueurs,
Avant toute chose, je tiens à vous remercier pour ce bel hommage rendu à ces tirailleurs dits « sénégalais » faits prisonniers par les Allemands alors qu’ils sont venus de leur lointain pays combattre pour la liberté de la France. Internés dans des Fronststalags en France pendant 4 ans, libérés durant l’été 1944, ils devaient rejoindre leur terre natale en novembre 1944. Les 300 tirailleurs ont été internés ici à Trévé après avoir refusé de monter à bord du Circassia à Morlaix parce que l’administration, malgré les promesses, ne leur versait pas l’intégralité des soldes auxquelles ils avaient droit. Ceux qui ont quitté la France à bord du Circassia et qui ont réclamé à nouveau leur solde avant de rejoindre leur village ont été victimes, à la caserne de Thiaroye, près de Dakar, d’une démonstration de force de l’Armée française faisant 35 tués, 35 blessés et plusieurs condamnations pour faits de mutinerie ont été prononcées. Trévé et Thiaroye sont liés par un déni d’égalité des droits et une injustice dictée par la volonté de la France coloniale de maintenir ces hommes en sujets de l’Empire avec des droits moindres alors qu’ils avaient subi les mêmes souffrances que les Français de Métropole.
Mon travail d’historienne a contribué à faire surgir une mémoire collective. Cet acte mémoriel relayé par la Ligue des Droits de l’Homme section de Loudéac puis retranscrit dans l’ouvrage « Nous n’avions jamais vu de Noirs » et gravé avec une force esthétique grâce au talent d’Annie Lagadec me conduit à reprendre ma posture d’historienne. Je voudrais retrouver la liste de ces 300 ex-prisonniers de guerre avec leur village d’origine et peut-être que les enfants de Trévé écriront à chaque village pour que là-bas ils sachent qu’en Bretagne, à Trévé, un bel hommage a été rendu à l’un des leurs. En combattant l’oubli, l’historienne que je suis s’associe à la commémoration et je vous suis redevable de vous être inscrit dans ce « devoir de mémoire » dans sa conception la plus noble. Un jour, les descendants de ces tirailleurs vous diront aussi Merci.
Discours prononcé par Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme
« L’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics ». Cette phrase, qui date de 1789, figure dans le préambule de la déclaration des droits de l’Homme. Elle figure également dans le préambule de la déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948. Par cette cérémonie, la commune de Trévé et la Ligue des droits de l’Homme, jouent le rôle de passeurs de mémoire.
La Ligue des droits de l’Homme tient à rendre hommage à ces prisonniers coloniaux qui, après avoir servi la France pour défendre notre liberté, ont refusé l’injustice en défendant leurs droits et en réclamant l’égalité.
La Ligue des droits de l’Homme tient également à rendre hommage à la population de Trévé qui a su soutenir et aider les prisonniers du camp : les témoignages recueillis sont poignants. A Trévé, la fraternité n’était pas un vain mot.
Ce que Trévé a fait en 1944-1945, c’est une leçon pour les jeunes générations.
N’oublions pas l’article 1er de la déclaration des droits de l’Homme : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Pour la Ligue des droits de l’Homme, un étranger, aujourd’hui comme hier, n’est pas un homme qu’on utilise et qu’on rejette quand on n’en a plus besoin. Nous sommes tous l’étranger de quelqu’un.
Rien n’est acquis, et surtout pas les droits de l’Homme : protester quand ils sont bafoués, c’est faire vivre la démocratie. Résister, s’indigner, témoigner, parler, sont des outils pour les préserver.
Ayons toujours en mémoire ce poème du pasteur Martin Niemoller, écrit en camp de concentration :
« Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas catholique.
Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste.
Et puis ils sont venus me chercher :
et il ne restait plus personne pour protester ».
Je profite de la présence de Ronan Kerdraon, sénateur, pour rappeler que le Sénat a mis à son ordre du jour du 8 décembre prochain, une proposition de loi visant à donner le droit de vote aux étrangers hors communauté européenne pour les élections locales.
Merci à Annie Lagadec, membre de la section, qui a réalisé la plaque commémorative, pour son travail remarquable ;
Merci à Armelle Mabon, historienne, et membre de la Ligue des droits de l’Homme, qui, par son travail, a sorti de l’oubli l’histoire de ces hommes;
Merci à la population de Trévé, à sa municipalité et à son maire, pour ce travail de mémoire ;
Merci à ces Africains pour tout ce qu’ils ont fait pour nous.
N’oublions jamais.
Discours prononcé par Ronan Kerdraon, sénateur des Côtes d’Armor
Monsieur le Maire,
Mesdames, messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs les représentants de la Ligue des Droits de l’Homme,
Mesdames, Messieurs,
C’est un honneur pour moi que d’être présent aujourd’hui, en ce jour de commémoration de l’armistice de la guerre 14-18, pour l’inauguration de cette stèle en hommage aux tirailleurs sénégalais qui séjournèrent à Trévé durant la deuxième Guerre Mondiale.
En tant qu’ancien professeur d’histoire, je mesure l’importance que revêt le devoir de mémoire, cette impérieuse nécessité de nous souvenir de l’histoire de France et, particulièrement, de ses périodes les plus sombres.
Aussi, permettez-moi de commencer mon propos en formulant le vœu que notre mémoire collective nous permette d’éviter les travers et les errements dans lesquels nous avons pu tomber par le passé.
Les tentations sont pourtant nombreuses et de plus en plus pressantes, en cette période de crise et de mal-être social, de nous retrancher derrière des théories réductrices, populistes et de courte vue.
Des théories qui, en d’autres temps, ont conduit l’humanité sur des voies que j’espère, nous n’aurons plus à connaître.
Il est de notre responsabilité d’élus de tout faire pour repousser ces tentations, pour éviter que nos concitoyens ne succombent à la démagogie en faisant œuvre incessante d’explication et de pédagogie.
C’est la raison pour laquelle je souhaite vous féliciter, Monsieur le Maire ainsi que tous les élus municipaux, d’avoir donné jour à cette belle initiative.
La pose de cette stèle va permettre aux habitants de Trévé et des environs de se rappeler que la commune accueillit, durant quelques mois, des hommes issus d’un autre continent, d’une autre culture, d’autres horizons.
« Nous n’avions jamais vu de Noirs », écrit Jérôme Lucas, à propos de la réaction des Trévéens qui découvraient, il y a plus de 60 ans, ces tirailleurs africains dans leur petite commune du centre Bretagne.
Et pourtant, à en croire les témoignages collectés dans son ouvrage, les frontières sont rapidement tombées et la solidarité a pris le dessus quand il s’est agi de leur venir en aide en fournissant vêtements et nourriture.
Car ces hommes, si différents en apparence, étaient des compatriotes et venaient de se battre en premières lignes pour défendre la France.
Ils en payèrent le prix lourd : la plupart des rescapés durent regagner leur pays sans un sou, souvent blessés ou frappés par la maladie, non sans avoir été exploités par les allemands dans des camps de travail et malmenés par l’Etat français qui refusait de leur verser leur solde.
Face à cette injustice, leurs revendications visant à être mieux reconnus se sont trop souvent confrontées au mépris et au mutisme du gouvernement français.
Pire : l’histoire des tirailleurs sénégalais a longtemps été passée sous silence.
Marginalisés dans les manuels scolaires, écartés des grandes commémorations nationales, invisibles dans le répertoire des monuments de la capitale française, leur rôle et leur mérite dans la défense et la libération de la France sont très insuffisamment mis en valeur…
Rendez-vous compte : la décristallisation totale des pensions militaires des anciens tirailleurs n’a été opérée qu’en janvier 2011, 66 ans après la fin de la guerre !
Il faut dire que cela ne coûtait plus très cher à l’Etat, le nombre de personnes concernées ayant fondu comme neige au soleil…
Enfin, comble de l’hypocrisie, nous voulons désormais cadenasser nos frontières aux enfants de ceux qui, un jour, nous ont aidés à les défendre.
Aujourd’hui, à Trévé, nous contribuons donc à réparer ces injustices répétées en inaugurant cette stèle à l’honneur des tirailleurs sénégalais mais aussi, en hommage à la population locale qui a su accueillir en toute fraternité ces hommes si différents en apparence.
C’est une initiative hautement symbolique et d’autant plus importante qu’elle est menée main dans la main avec la Ligue des Droits de l’Homme qui se bat, au quotidien, pour la défense des droits des personnes opprimées.
Je vous avoue donc ma fierté de participer à cette inauguration et espère que cette stèle permettra de faire vivre longtemps la mémoire des tirailleurs sénégalais.
59% des Français favorables au vote des étrangers aux élections locales
L’institut de sondage Harris Interactive et « la lettre de la citoyenneté » viennent de réaliser une étude sur « le regard des Français sur le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales ». Ses résultats se passent de commentaire, puisque 59% des Français y sont favorables. La nouvelle majorité du Sénat a d’ailleurs mis la proposition de loi (qui avait été adoptée par l’assemblée nationale en 2002, mais bloquée ensuite par le Sénat) à son ordre du jour le 8 décembre prochain.
Voici deux des graphiques de l’étude, dont vous pouvez télécharger la version intégrale au format .pdf ici.
(Cliquer sur les images pour les agrandir).
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