La lettre 79

Au sommaire :

-les 70 ans de la déclaration universelle des droits de l’Homme et les 120 ans de la LDH

– L’exposition sur les articles de la DUDH illustrés par le peintre ELPUENTA, au parc de la pépinière à Nancy

– Faut – il limiter la vidéoprotection municipale ?

– l’article de F. MAIX :  » ce mal qui nous est commun »

– l’enfermement des enfants au centre de rétention administrative de Metz

– la nouvelle édition du concours  » les écrits pour la fraternité »

– les cycles de formation pour intervenir sur les questions de xénophobie, racisme , laïcité ..

– la pièce de théâtre  » Je suis un homme  » à Avignon le 22 / 9

Pour la télécharger

VIEILLIR, UNE CHANCE OU UNE FATALITE ?

Hans Hartung 1955

Le 26 Mai 2009, le Républicain Lorrain, journal local, titrait en gros caractères « La France n’aime pas ses vieux ». Ce fait avait été rapporté dans la Lettre de l’époque et avait suscité quelques réactions vives et intéressantes. L’article se voulait volontairement provocateur afin de susciter un débat pointant du doigt la place des personnes âgées dans une société où la performance, la réussite, l’apparence, restent toujours les critères les plus valorisants.

Cet article avait permis bien des débats, des échanges, des réactions diverses, particulièrement dans la maison de retraite où je rencontrais des résidents. Des questions comme : « mais c’est qui la France ? Les plus jeunes ? Les autres ? Faut-il que nous nous sentions coupables d’être vieux ? On ne nous aime pas parce qu’on dérange ». La France, c’est tout le monde.

Ça fait presque dix ans aujourd’hui…Le même titre provoquerait-il un sursaut de protestation ? Une réflexion ? Un débat lors d’une soirée entre amis ? Ou bien passerait-il inaperçu au milieu de toutes les informations dont les Médias nous inondent ?

Certes, la place des personnes âgées s’est modifiée au fil du temps, mais le constat est sans appel : la France vieillit, notre société compte de plus en plus de personnes âgées, et en réalité, la vieillesse fait peur.

Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, la France compte aujourd’hui 1,5 million de personnes de 85 ans et plus. A l’horizon 2050, elles seront 4,8 millions.  Ces chiffres ont été publiés le 27 février 2018, et à eux seuls ils donnent la mesure du défi que représente le vieillissement de la population pour notre société.

L’allongement de la durée de la vie est certes une victoire pour l’humanité. Les progrès de la science, de la médecine, de la technique, ont permis à l’Homme de mieux maîtriser sa vie dans le domaine du travail, des loisirs, de l’accès à la culture, dans ses relations avec le reste du monde grâce aux moyens de communi­cation, alors, pourquoi dans ce qui devrait être reconnu comme un bienfait, le grand âge fait-il si peur ?

Perte d’autonomie, difficultés financières, dépendance, poids que la situation peut représenter pour les proches, la solitude non choisie, l’isolement. Si notre société compte de plus en plus de personnes âgées, en réalité, elle n’aime guère la vieillesse !

Quelle est la place des personnes âgées dans notre pays aujourd’hui ? Quel est notre regard sur ceux qu’on appelle pudiquement les anciens ?

Il existe de nombreux termes pour désigner les personnes âgées : vieux, aînés, vétérans, le troisième âge, voire le quatrième, les seniors, les inactifs, les anciens et d’autres moins sympathiques ! Ces mots ne sont pas des simples synonymes, certains, à travers leur connotation, sans le savoir, expriment dans l’opinion publique une valeur souvent négative et parfois blessante pour la dignité des personnes concernées ;

Dans le dictionnaire de 1984, apparaissait un mot nouveau : l’âgisme !

Ce mot, défini comme une attitude et un comportement, regroupe toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris fondées sur l’âge. Pourtant, cette discrimination fondée sur l’âge n’est pas perçue dans l’opinion publique comme une discrimination aussi importante que les autres, comme le racisme par exemple, alors que ses conséquences peuvent être aussi dévastatrices sur le plan social.

« Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »  c’est dans l’article premier de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

Les Droits ne se divisent pas, ne disparaissent pas avec l’âge, ils demeurent !

La vieillesse n’est pas une maladie, c’est un âge de la vie. Vieillir c’est vivre.

Je voudrais citer ici un extrait de « La Vieillesse » de Simone de Beauvoir :

« Cessons de tricher, le sens de notre vie est en question dans l’avenir qui nous attend. Nous ne savons pas qui nous sommes si nous ignorons ce que nous serons. Ce vieil homme, cette vieille femme, reconnaissons-nous-en eux. Il le faut si nous voulons assumer dans sa totalité notre condition humaine. Du coup, nous n’accepterons plus avec indifférence le malheur du dernier âge, nous nous sentirons concernés : nous le sommes »

Françoise Maix

La Lettre 77

Pour télécharger la LETTRE 77

Au sommaire :

  • Les comptes rendus de la dernière assemblée générale
  • 7 ans de présidence – G Grethen
  • Projet de loi asile immigration – H Leclerc
  • La santé dans tous ses états – G Grethen
  • Liberté de la presse – Perquisitions judiciaires – Grace FAVREL
  • La plus belle déclaration d’amour : les 70 ans de la DUDH – Françoise MAIX
  • Le rapport Spinetta
  • Les écrits de la fraternité

Ne pas s’habituer

Thomas Kennington 1885

« Un premier SDF mort à cause du froid » titrait le journal local ce 3 décembre 2017, cela faisait juste quelques lignes dans les faits divers.

La formulation choisie, précisant volontairement « un premier » laissait bien entendre, que d’autres personnes allaient mourir de froid dans nos rues au cours de l’hiver…

A cause du froid… certes oui, sans doute au sens physiologique du terme « quand une personne meurt de froid, son métabolisme se ralentit, son cœur bat moins vite, sa respiration s’atténue, la personne n’a plus de défense, puis tout s’arrête » explique ce médecin du Samu.

Il est devenu fréquent, pour ne pas dire banal, de voir des personnes recroquevillées dans des abris de fortune, sur un matelas, ou sans matelas du tout, dehors, au coin des rues, au centre de nos villes, ou en périphérie, quand les températures sont négatives… Alors, seulement à cause du froid, ou aussi à cause de ce qu’on appelle pudiquement aujourd’hui la grande précarité, pour ne pas dire la misère, l’exclusion sociale ?

Est « habituel » ce qui est constant, ordinaire, courant, selon la définition du dictionnaire, un geste habituel devient vite une habi­tude, un regard aussi !

Serions-nous devenus des habitués de l’inacceptable ?

Il arrive parfois qu’une image bouscule les consciences, ce fut le cas en 2015, quand le monde entier a découvert la photo glaçante du petit Aylan, enfant syrien retrouvé mort sur une plage…

L’attitude de l’Europe a-t-elle changé face aux réfugiés ?

Il arrive parfois qu’un appel au secours comme ce cri de colère poussé par l’abbé Pierre en février 1954, dérange lui aussi les consciences… il faisait moins quinze cet hiver là ! Le lendemain, France Soir titrait : « per­sonne n’a couché dehors à Paris la nuit dernière »

Mais après l’indignation, les jours passent, d’autres événements prennent place dans l’actualité, pourtant, aujourd’hui comme hier, la mi­sère et l’exclusion sont et restent une atteinte to­tale aux Droits de l’Homme ;

Selon le témoignage du Collectif ‘Les Morts de la Rue’, « Nous apprenons chaque jour des décès de personnes dites SDF, âge moyen, 49 ans, espérance de vie nationale, 80 ans »

Contrairement à une idée reçue, c’est durant toute l’année que des personnes sans domicile fixe meurent dans la rue. Les associations humanitaires font tout pour venir en aide aux plus démunis, mais elles savent aussi que la vraie réponse a pour nom la Justice !

Lutter contre l’exclusion sociale, contre la pauvreté, c’est vouloir vivre sans la crainte du lendemain, c’est avoir un logement, vivre de son travail et non dépendre de l’assistance, cette lutte passe par une remise en cause totale de la manière dont fonctionne notre société.

On entend parfois dire autour de nous : « Aidons en priorité ceux qui sont ici, les autres, on verra après » comme si nous devions établir une grille de la misère… »

Réfugiés, Migrants, Sans-papiers, Sans-abri, d’ici où d’ailleurs, refusons cette concurrence entre les personnes en détresse, quel que soit son statut, son origine, un Homme reste un Homme, sans papiers, sans domicile, mais pas sans Droits.

L’année prochaine, le 10 décembre 2018, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme aura 70 ans, certes, ce texte reste l’idéal commun à atteindre pour tous les peuples, mais au présent, il demeure porteur de tous les combats à mener dans les enjeux contemporains qui sont les nôtres.

 

« Où commencent les Droits Universels après tout ? Ils commencent près de chez soi, en des lieux si proches et si petits qu’on ne peut les voir sur aucune carte du monde. Ils constituent pourtant l’universel personnel de chacun : le quartier où l’on vit, l’école ou l’université que l’on fréquente, l’usine, la ferme ou le bureau où l’on travaille. C’est là que chaque homme, chaque femme et chaque enfant aspire à l’équité dans la justice, à l’égalité des opportunités, et à la même dignité sans discrimination. Si dans ces lieux les Droits sont dénués de sens, ils n’en auront guère davantage ailleurs. Si chacun ne fait pas preuve du civisme nécessaire pour qu’ils soient respectés dans son entourage, il ne faut pas s’attendre à des progrès à l’échelle du monde »

Françoise Maix Pour la section de Metz

article paru dans le N° 76 de la Lettre Mosellane

La lettre n°76

Pour télécharger la lettre

au sommaire :

  • En finir avec les violences faites aux femmes
    • la convention d’Istanbul
    • la loi du 4 août 2014
    • le plan de mobilisation contre les violences faites aux femmes
  • Où en est-on de l’antiracisme à l’école?
  • Big data et libertés du numérique
    • nos pratiques du numérique, le droit à la vie privée, les libertés…
  • Ces états qui n’en sont plus vraiment – le pouvoir des multinationales
  • Les écrits de la fraternité
  • Ne pas s’habituer : « un premier SDF est mort de froid… »
  • Accueil des migrants, avec le réseau de solidarité des associations messines :
    • dénoncer les propos du secrétaire général de la Préfecture
    • lettre aux députés afin de se donner les moyens pour éviter un camp à Blida en 2018
  • Combat d’aujourd’hui et traces du passé colonial : le Rif marocain