L’année dernière paraissait un Livre blanc du travail social. Alors que la Protection de l’Enfance s’est effondrée et que la pénurie de professionnelles explose, les diagnostics de cette étude laissaient enfin entrevoir un début de volonté de reconstruction. Qu’en est-il aujourd’hui ? Spoiler : les 400 000 enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance sont toujours maltraités.
Travail social
L’aide sociale à l’enfance précarisée par une idéologie sécuritaire et méritocratique
Témoignage
Au travers de la fermeture de mon service d’insertion professionnelle en protection de l’enfance, je propose d’analyser les conséquences de la mise en oeuvre d’une politique de rapprochement du champ du handicap et du social sans moyen suffisant et d’une idéologie méritocratique et sécuritaire sur les jeunes vulnérables.
Voilà un peu plus de 10 ans que je travaille dans la protection de l’enfance, avec une spécificité sur l’accompagnement scolaire de ces jeunes âgés de 0 à 21 ans.
Pendant 10 ans j’ai constaté que la cause de ces enfants, adolescents et jeunes adultes, intéressait si peu les pouvoirs publics que les défauts systémiques des structures ne pouvaient être au mieux palliés que par les efforts des personnels épuisés. Le burn out ou la maltraitance institutionnelle semblent être les deux faces d’une peu glorieuse médaille.
Quand les départements abandonnement l’aide à l’enfance
Vous le savez déjà, en France, quand un fonctionnaire dysfonctionne, on lui propose un poste à responsabilités, si possible à l’Aide Sociale à l’Enfance. S’en suit une politique sociale toujours plus décadente avec cette consigne récurrente : faites mieux avec moins. C’est ainsi qu’à l’heure où se déploie une très juste campagne contre les violences sexuelles faites aux enfants, on apprend dans mon Département que seulement un poste sur cinq sera remplacé. Évidemment, vous pensez bien, il s’agit des gens de terrain, pas des chefs ou sous-chefs ou conseiller-copain-de-la-présidente. C’est un peu comme si on disait aux enfants « parlez, on vous écoute », en se bouchant les oreilles.
De ma petite lucarne d’assistante sociale, je continue pourtant à me prendre pour un colibri. Je me dis : « Ce n’est pas grave, dans mon quotidien, chaque graine de prévention semée germera peut-être. » Et la colère monte souvent. Descend parfois. Alors, puisqu’on me donne l’occasion de parler des enfants et de mon métier, je saute dessus et me dis que la meilleure chose à faire est peut-être de vous décrire certaines de ces rencontres pour ajouter quelques teintes mitigées au tableau de l’enfance en France aujourd’hui.