Soigner n’est pas ficher – L’éthique des médecins n’est pas à vendre – Communiqué du Syndicat de la Médecine Générale

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Soigner n’est pas ficher – L’éthique des médecins n’est pas à vendre

En préparation du post-confinement, l’Assurance maladie demande aux médecins généralistes de collecter des données personnelles sur leurs patient·e·s atteint·e·s du coronavirus, mais également sur leurs proches et les personnes avec lesquelles ils et elles sont en contact1. Contrairement à ce qui est avancé, ce n’est pas de la santé publique et si les médecins suivent, ils.elles trahiront leur éthique professionnelle.

Les médecins devront transmettre ces données (coordonnées complètes, résultats des tests) sur des plateformes numériques dénommées « contact Covid ». Le projet de « loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire » qui doit être adopté cette semaine2 prévoit que ces données pourront « être partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées ». 

Les contours juridiques restent flous, un décret et des ordonnances sont annoncés dans le projet de loi. Les premiers éléments connus dessinent un système portant atteinte aux libertés et au secret médical. Et les questions restent nombreuses et inquiétantes :

– Qui aura accès à ces informations très sensibles ? La Caisse nationale d’Assurance maladie mentionne des plateformes départementales formées de personnels médicaux et administratifs des Caisses primaires d’Assurance maladie pouvant être appuyées par des « structures extérieures volontaires ».

– Quelle utilisation sera faite de ces informations ? Le but est d’identifier toutes les personnes potentiellement en contact d’une personne malade et de les confiner chez elles, donc de les priver de liberté. Le gouvernement semble toutefois, vu le tollé suscité, avoir renoncé à faire appliquer cet isolement par la contrainte.

– Comment seront conservées ces données sensibles ? Le projet prévoit une conservation des données a priori de un an, ce qui est déjà extrêmement long pour une maladie évoluant sur quelques semaines. De plus, ces données pourraient venir alimenter le Health Data Hub dont la mise en œuvre pose des problèmes de sécurisation des données3.

Nulle part, il n’est fait mention de la question du secret médical qui est donc allègrement bafoué. 

Comment considérer qu’une politique de santé publique puisse être efficace sans respecter l’éthique ? Sans le secret médical et la confiance qui en découle entre la personne soignée et le/la soignant·e ? Comment imaginer que les personnes concernées feront confiance aux professionnel·le·s de santé si elles savent que les informations qu’elles donnent seront divulguées, sans savoir à qui ?

Mépriser et infantiliser, contraindre et sanctionner n’améliorent par les conditions sanitaires. Au contraire, l’efficacité de la réduction des risques a été prouvée grâce à des pratiques d’information, de dépistage, de mise à disposition de matériel et d’autonomisation des personnes (cf. par exemple l’histoire des luttes contre le VIH ou le VHC).

Soigner n’est pas ficher, soigner n’est pas contraindre ! « contact Covid » serait un précédent très dangereux de contrôle sanitaire des populations exercé par l’intermédiaire des soignant·e·s. Les médecins ne sont pas des enquêteur·trice·s, des contrôleur·euse·s. 

L’éthique des soignant·e·s n’est pas à vendre ! Pourtant l’Assurance maladie promet, pour s’assurer de la participation des médecins, une rémunération supplémentaire en échange de ces données : majoration de 30 € de la (télé)consultation auxquels s’ajouteront 2 €, voire 4 € pour tout cas contact supplémentaire renseigné ! 

Nous, Syndicat de la médecine générale, appelons, les professionnel·le·s mais aussi les patient·e·s, et tous les citoyen·ne·s, 

– à refuser cette pratique de fichage indigne qui porte atteinte à l’éthique professionnelle et qui, en dégradant la confiance qui existe entre les soigné·e·s et les soignant·e·s, risque d’aggraver la situation sanitaire au lieu de l’améliorer.

– à promouvoir, dans le cadre de cette épidémie de Covid, une véritable politique de santé publique respectueuse de l’éthique professionnelle et s’appuyant sur la capacité des citoyen·ne·s à prendre en charge leur santé. Cela signifie la mise en place d’actions de prévention efficaces car adaptées aux territoires et fondées sur la coopération entre toutes les personnes et structures concernées, mais aussi et surtout sur les compétences et les savoirs des usager·ère·s, des professionnel·le·s et des nombreuses structures associatives et/ou militantes de terrain.

Contacts : 

Mathilde Boursier : 06.74.21.60.57

Camille Gendry : 06.76.71.39.08

Catherine Schmitt : 06.03.56.32.24

1. https://stats.info.ameli.fr/m//MDEwMDk1OTU2MzMyOTswMVAxMjY1NzM5NzU1O3N0ZXBoYW5lLmFuZHJpZXVAaWNsb3VkLmNvbTswOzIwMjAtMDQtMzBUMTc6NTI6MjQrMDI6MDA_a63HLvTUB9HPjL52nMmBTIHr98

2. https://fr.scribd.com/document/459488341/Projet-de-loi-prorogeant-l-etat-d-urgence-sanitaire-et-completant-ses-dispositions#from_embed

3. https://www.april.org/tribune-pour-des-donnees-de-sante-au-service-des-patients

Syndicat de la Médecine Général

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Le Conseil d’État valide sans sourciller le fichage des mineur∙e∙s non accompagné∙e∙s

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Communiqué de presse de la  CIMADE – 7 février 2020

Le Conseil d’État, dans une décision du 5 février, rejette le recours porté par nos organisations contre le décret du 30 janvier 2019 sur le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), refuse de reconnaître les atteintes portées aux droits des mineur·es non accompagné·es et fait ainsi primer la lutte contre l’immigration irrégulière sur les droits de l’enfant.

Un risque accru d’expulsions illégales de mineurs

En ne prenant pas en compte les principes essentiels de présomption de minorité et de droit au recours effectif, le Conseil d’État laisse toute latitude aux préfectures pour expulser des personnes qui devraient être présumées mineures tant que le juge des enfants ne s’est pas prononcé sur leur situation. Il considère que la protection des enfants étrangers contre les mesures d’éloignement prévue par la loi « ne fait pas obstacle à ce qu’une mesure d’éloignement soit prise par l’autorité administrative à l’égard d’une personne dont elle estime, au terme de l’examen de sa situation, qu’elle est majeure, alors même qu’elle allèguerait être mineure ».

Il entérine ainsi la possibilité pour l’administration d’expulser un∙e jeune qui demande protection en raison de sa minorité et de son isolement dès lors qu’un département l’a considéré⋅e comme majeur⋅e, le plus souvent à l’issue d’une procédure d’évaluation sommaire fondée sur des critères subjectifs. Et peu importe au Conseil d’État que le ou la jeune n’ait pas pu exercer de recours devant le juge des enfants. On sait pourtant que – dans certains départements – la moitié des mineur∙es qui saisissent ce juge voient finalement leur minorité reconnue.

Tout au plus, le Conseil d’État consent-il à évoquer la possibilité pour le juge administratif saisi d’un recours contre la mesure d’éloignement de surseoir à statuer quand il a connaissance d’une saisine préalable du juge des enfants mais seulement « si une telle mesure est utile à la bonne administration de la justice ». De même, il peut aussi décider de poser une question préjudicielle à l’autorité judiciaire mais uniquement « en cas de difficulté sérieuse ». Ces précisions ne constituent en rien des garanties contre le risque d’expulsion d’enfants en danger par l’administration.

Contrôler avant de protéger

Nos organisations constatent que – dans de nombreux territoires – l’application du décret a pour effet de laisser à la rue des enfants en demande de protection pendant toute la procédure en préfecture. Le Conseil d’État prend acte de cette réalité et rappelle à juste titre qu’« il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil provisoire d’urgence pour toute personne se déclarant [MNA], sans pouvoir subordonner le bénéfice de cet accueil [à la mise en œuvre de la procédure prévue par le décret] ».

Il vide toutefois de tout son sens le principe de l’inconditionnalité de l’accueil provisoire en précisant qu’une telle obligation s’applique « sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l’évidence pas remplie ».

Des pseudo-garanties qui ne suffiront pas.

Le Conseil d’État précise que « la majorité de l’intéressé ne saurait être déduite de son seul refus de communiquer les informations » aux agents de la préfecture. Il rappelle également qu’il ne suffit pas qu’un∙e jeune apparaisse comme majeur∙e dans l’une des bases de données consultées en préfecture pour qu’il ou elle soit évalué∙e comme majeur∙e. Aussi utiles qu’elles soient, ces précisions ne suffiront malheureusement pas à préserver les mineur∙es d’un refus de protection arbitraire de la part de certains départements. Pour preuve, alors que le Conseil constitutionnel avait déjà pris soin de préciser ce point, nombreux sont les protocoles signés entre les conseils départementaux et les préfectures qui mentionnent « l’impossibilité [pour le jeune] de refuser de communiquer [ses données personnelles] à l’agent de préfecture habilité». La notice d’information actuellement distribuée aux jeunes reprend cet énoncé contraire aux textes.

Alors qu’environ 70 départements mettent déjà en œuvre ce dispositif et qu’un mécanisme d’incitation financière a été annoncé par le premier ministre, nos organisations sont extrêmement inquiètes du sort réservé à ces enfants en situation de grande vulnérabilité.

Nous constatons qu’ils sont de moins en moins nombreux à se rendre dans nos permanences. Globalement, leur état de santé se dégrade et les suspicions de cas d’exploitation augmentent. Autant de signes qui confirment nos craintes que ces enfants et adolescent·es, dissuadé·es de demander une protection par un tel dispositif, restent exposé·es à tous les dangers. Nos organisations persistent à demander le retrait de ce décret et appellent tous les départements, chefs de file de la protection de l’enfance, à renoncer à participer à ce dispositif. »

Le gouvernement a créé une cellule militaire pour surveiller les opposants à l’agro-industrie (Appel)

La LDH ne peut que soutenir cet appel signé par des associations écologistes et environnementales, des paysans soucieux d’une agriculture biologique, des médecins s’opposant à la criminalisation des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle suite à la création de la cellule de renseignement Demeter mise en place par le gouvernement.

Publié sur Reporterre

15 janvier 2020 / Une alliance d’écologistes, de paysans, d’associations environnementales, de médecins, etc.

Le gouvernement veut « faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle », dénoncent de multiples défenseurs de l’agriculture paysanne et biologique, réunis dans cette tribune. Ils s’inquiètent fortement de la création de la cellule de renseignement Demeter, lancée fin octobre, soi-disant destinée à lutter contre l’« agribashing ».

Il y aura un avant et un après Demeter. Le 13 décembre, le ministre de l’Intérieur de la République française Christophe Castaner s’est rendu dans le Finistère en compagnie de la présidente de la FNSEA Christiane Lambert. Dans le cadre d’une convention signée entre son ministère et ce syndicat agricole. Cette première anomalie démocratique — depuis quand la police républicaine est-elle aux ordres d’une structure privée ? — n’est pas la dernière, de loin.

En effet, ce voyage avait pour but principal de lancer une cellule de la gendarmerie nationale appelée Demeter, la déesse grecque des moissons. Et marque reconnue, depuis des lustres, de l’agriculture sans pesticides. Quel en est le but affiché ? La lutte contre « l’agribashing ». Ce terme est une invention des communicants de la FNSEA, qui prétend sans en apporter la moindre preuve qu’on assisterait en France à une entreprise concertée de dénigrement du monde agricole. Elle permet à ce syndicat de maintenir ce qu’elle fait depuis des dizaines d’années : une pression lobbyiste pour obtenir en retour des avantages économiques.

Le ministre, confronté avec son gouvernement à une situation politique difficile, a donc décidé de jouer ce rôle dangereux, affirmant par exemple : « Depuis quelques années, un phénomène grandit, inacceptable. De plus en plus, nos agriculteurs sont visés par des intimidations, des dégradations, des insultes. »

Empêtré dans cette imprudente déclaration, le ministre démontre dans le même texte qu’il est incapable de prouver par le moindre fait la réalité de ce phénomène. Les chiffres qu’il cite pour 2019 parlent d’eux-mêmes : sur la base de 440.000 exploitations agricoles, les plaintes portent sur 314 tracteurs volés, 24 vols avec violence, 657 voitures dérobées.

Encore faut-il préciser que les vols avec violences ont diminué en un an de 31,4 %. La plupart des centres urbains se damneraient pour de telles statistiques. Il est visiblement plus simple de mobiliser la police que de régler la situation dramatique de la paysannerie française.

Il y a encore plus grave. Volontairement, n’en doutons pas, M. Castaner mélange dans un stupéfiant gloubi-boulga la délinquance vile — cambriolages, vols de matériel, incendies, dégradations —, les occupations de terres agricoles par des gens du voyage, les actions antifourrure ou antichasse. C’est mettre sur le même plan criminel le vol, le droit des populations nomades, celui de la critique sociale et politique.

Il y a encore plus grave. M.Castaner entend s’attaquer dans le cadre de Demeter, ainsi qu’il l’écrit, aux « actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques ». Cette fois, on aura compris : il s’agit de faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle, dont la FNSEA est le principal soutien.

La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société

Qui mène « des actions symboliques » contre ce système ? Le mouvement des Coquelicots, qui réclame la fin des pesticides, soutenu par un million de citoyens. Les maires qui prennent des arrêtés contre ces poisons chimiques. Des dizaines de milliers de paysans qui ont déjà choisi l’agriculture biologique. Beaucoup d’autres, qui défendent le modèle de l’agriculture paysanne contre les projets délirants d’usines à vaches, à cochons ou à poulets. Et au total des centaines de milliers de citoyens engagés contre l’importation massive de soja transgénique et donc l’élevage industriel, contre la mort des oiseaux et des insectes, pour des rivières débarrassées de la pollution et des rivages sans algues vertes, enfin pour une alimentation de haute qualité.

Il ne fait aucun doute, à nos yeux, qu’une ligne a été franchie. La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société. Et quand le ministre parle « d’améliorer [la] coopération avec le monde agricole et de recueillir des renseignements », chacun comprend ce que cela veut dire. Cela signifie l’intimidation accrue de tous les adversaires décidés de la FNSEA, qui passe nécessairement par la surveillance électronique et informatique, d’éventuelles écoutes téléphoniques, voire des filatures, des infiltrations, ou pire encore, la délation.

Nous prévenons solennellement le gouvernement que nous refusons cette criminalisation et que nous demandons le démantèlement de la cellule Demeter. Notre contestation de l’agriculture industrielle, non-violente, se fait et se fera au grand jour, dans la conviction d’exprimer la volonté majoritaire de la société française. Nous voulons beaucoup de paysans, beaucoup plus de paysans, heureux et fiers de leur métier, enfin payés au prix convenable pour leur participation au bien commun. C’est en effet un autre monde que celui de la FNSEA.

  • Liste des signataires :

- Valérie Murat, porte-parole de l’association Alerte Aux Toxiques !
- Pierre-Michel Périnaud, président d’Alerte des médecins sur les pesticides
- Sylvie Nony, secrétaire d’Alerte Pesticides Haute Gironde
- Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre
- Jean-francois Lyphout, président de l’Aspro-Pnpp
- Pierrick De Ronne, président de Biocoop
- Gwenola Kervingant, présidente de Bretagne Vivante
- Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de Canopée
- Michel Besnard, du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest
- Marie-Lys Bibeyran, du Collectif Info Médoc Pesticides
- Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
- Violette Auberger, représentante des Ami.es de la Confédération paysanne
- Joël Spiroux de Vendômois, président du Criigen
- Alain Bonnec, président d’Eau et rivières de Bretagne
- Jean-Luc Toullec, président de la Fédération Bretagne Nature Environnement
- Guillaume Riou, président de la FNAB
- Eric Feraille, président de FNE Aura
- François Veillerette, directeur de Générations futures
- Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France
- Arnaud Apoteker, délégué général de Justice Pesticides
- Daniel Cueff, maire de Langouët (35)
- Patrick Lespagnol, président du Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique
- Eliane Anglaret, présidente de la fédération Nature & Progrès
- Fabrice Nicolino, président de Nous voulons des coquelicots
- Jean-Yves Bohic, président de Ragster
- Carole Le Bechec, présidente du Réseau Cohérence
- Jean-François Baudin, président du Réseau Amap Auvergne-Rhône-Alpes
- Florent Mercier, co-président du Réseau Semences Paysannes
- Jacky Bonnemains, directeur de Robin des bois
- Thierry Thévenin, porte-parole du syndicat Simples
- Gilles Lanio, président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF)
- Benjamin Sourice, co-président de Combat Monsanto
- François Halligon, président de la coordination LPO Pays de la Loire
- Perrine Dulac, co-fondatrice du réseau Paysans de nature