« PLUS JAMAIS ÇA ! PRÉPARONS LE JOUR D’APRÈS » (appel)

Ces organisations lancent un appel « à toutes les forces progressistes et humanistes […] pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral ».

« PLUS JAMAIS ÇA ! PRÉPARONS LE JOUR D’APRÈS »

Un appel de 18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales. 

En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales. Elle est une étincelle sur un baril de poudre qui était prêt à exploser. Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des « décisions de rupture » et à placer « des services (…) en dehors des lois du marché ». Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l’alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques, pour répondre aux besoins immédiats et se donner l’opportunité historique d’une remise à plat du système, en France et dans le monde.

Dès à présent, toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des populations celle des personnels de la santé et des soignant·e·s parmi lesquels une grande majorité de femmes, doivent être mises en œuvre, et ceci doit largement prévaloir sur les considérations économiques. Il s’agit de pallier en urgence à la baisse continue, depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les établissements de santé, dont les hôpitaux publics et les Ehpad. De disposer du matériel, des lits et des personnels qui manquent : réouverture de lits, revalorisation des salaires et embauche massive, mise à disposition de tenues de protection efficaces et de tests, achat du matériel nécessaire, réquisition des établissements médicaux privés et des entreprises qui peuvent produire les biens essentiels à la santé, annulation des dettes des hôpitaux pour restaurer leurs marges de manœuvre budgétaires… Pour freiner la pandémie, le monde du travail doit être mobilisé uniquement pour la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population, les autres doivent être sans délai stoppées. La protection de la santé et de la sécurité des personnels doivent être assurées et le droit de retrait des salarié·e·s respecté.

Des mesures au nom de la justice sociale nécessaires

La réponse financière de l’État doit être d’abord orientée vers tou·te·s les salarié·e·s qui en ont besoin, quel que soit le secteur d’activité, et discutée avec les syndicats et représentant·e·s du personnel, au lieu de gonfler les salaires des dirigeant·e·s ou de servir des intérêts particuliers. Pour éviter une très grave crise sociale qui toucherait de plein fouet chômeurs·euses et travailleurs·euses, il faut interdire tous les licenciements dans la période. Les politiques néolibérales ont affaibli considérablement les droits sociaux et le gouvernement ne doit pas profiter de cette crise pour aller encore plus loin, ainsi que le fait craindre le texte de loi d’urgence sanitaire.

Selon que l’on est plus ou moins pauvre, déjà malade ou non, plus ou moins âgé, les conditions de confinement, les risques de contagion, la possibilité d’être bien soigné ne sont pas les mêmes. Des mesures supplémentaires au nom de la justice sociale sont donc nécessaires : réquisition des logements vacants pour les sans-abris et les très mal logés, y compris les demandeurs·euses d’asile en attente de réponse, rétablissement intégral des aides au logement, moratoire sur les factures impayées d’énergie, d’eau, de téléphone et d’internet pour les plus démunis. Des moyens d’urgence doivent être débloqués pour protéger les femmes et enfants victimes de violences familiales.

Les moyens dégagés par le gouvernement pour aider les entreprises doivent être dirigés en priorité vers les entreprises réellement en difficulté et notamment les indépendants, autoentrepreneurs, TPE et PME, dont les trésoreries sont les plus faibles. Et pour éviter que les salarié·e·s soient la variable d’ajustement, le versement des dividendes et le rachat d’actions dans les entreprises, qui ont atteint des niveaux record récemment, doivent être immédiatement suspendus et encadrés à moyen terme.

Des mesures fortes peuvent permettre, avant qu’il ne soit trop tard, de désarmer les marchés financiers : contrôle des capitaux et interdiction des opérations les plus spéculatives, taxe sur les transactions financières… De même sont nécessaires un contrôle social des banques, un encadrement beaucoup plus strict de leurs pratiques ou encore une séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires.

Des aides de la BCE conditionnées à la reconversion sociale et écologique

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle injection de 750 milliards d’euros sur les marchés financiers. Ce qui risque d’être à nouveau inefficace. La BCE et les banques publiques doivent prêter directement et dès à présent aux États et collectivités locales pour financer leurs déficits, en appliquant les taux d’intérêt actuels proches de zéro, ce qui limitera la spéculation sur les dettes publiques. Celles-ci vont fortement augmenter à la suite de la « crise du coronavirus ». Elles ne doivent pas être à l’origine de spéculations sur les marchés financiers et de futures politiques d’austérité budgétaire, comme ce fut le cas après 2008.

Une réelle remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.

Par ces interventions massives dans l’économie, l’occasion nous est donnée de réorienter très profondément les systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques. Les aides de la Banque centrale et celles aux entreprises doivent être conditionnées à leur reconversion sociale et écologique : maintien de l’emploi, réduction des écarts de salaire, mise en place d’un plan contraignant de respect des accords de Paris… Car l’enjeu n’est pas la relance d’une économie profondément insoutenable. Il s’agit de soutenir les investissements et la création massive d’emplois dans la transition écologique et énergétique, de désinvestir des activités les plus polluantes et climaticides, d’opérer un vaste partage des richesses et de mener des politiques bien plus ambitieuses de formation et de reconversion professionnelles pour éviter que les travailleurs·euses et les populations précaires n’en fassent les frais. De même, des soutiens financiers massifs devront être réorientés vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes…

La « crise du coronavirus » révèle notre vulnérabilité face à des chaînes de production mondialisée et un commerce international en flux tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de première nécessité : masques, médicaments indispensables, etc. Des crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de production et d’enclencher une transition écologique et sociale des activités.

La relocalisation n’est pas synonyme de repli sur soi et d’un nationalisme égoïste. Nous avons besoin d’une régulation internationale refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d’instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des États les plus puissants. De ce point de vue, la « crise du coronavirus » dévoile à quel point la solidarité internationale et la coopération sont en panne : les pays européens ont été incapables de conduire une stratégie commune face à la pandémie. Au sein de l’Union européenne doit être mis en place à cet effet un budget européen bien plus conséquent que celui annoncé, pour aider les régions les plus touchées sur son territoire comme ailleurs dans le monde, dans les pays dont les systèmes de santé sont les plus vulnérables, notamment en Afrique.

Tout en respectant le plus strictement possible les mesures de confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer des solidarités locales avec les plus touché·e·s, empêcher la tentation de ce gouvernement d’imposer des mesures de régression sociale et pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et écologique à la crise.

Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre « jour d’après ». Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.

La liste des signataires :

Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France
Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac France
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France
Eric Beynel, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires
Clémence Dubois, responsable France de 350.org
Pauline Boyer, porte-parole d’Action Non-Violente COP21
Léa Vavasseur, porte-parole d’Alternatiba
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au Logement
Lisa Badet, vice-présidente de la FIDL, Le syndicat lycéen
Jeanette Habel, co-présidente de la Fondation Copernic
Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature
Mélanie Luce, présidente de l’UNEF
Héloïse Moreau, présidente de l’UNL

Le confinement renforce les violences conjugales (SOPHIE BOUTBOUL – Médiapart)

Pendant cette crise pandémique les femmes sont aux avant-postes à tous les niveaux: santé, commerce, Ehpad,…Et la garde des enfants dans le cadre de la famille devient un lieu clos où la violence patriarcale peut se libérer contre enfants et femmes… En voici quelques exemples…

Publié sur Mediapart le 25 mars 2020 par Sophie Boutboul
Le 20 mars, à Bouglon (Lot-et-Garonne), une femme de 81 ans a été tuée par son mari. « Premier féminicide du confinement. La crise sanitaire augmente le danger pour les femmes et les enfants victimes de violences », a réagi sur Twitter Caroline De Haas du collectif Nous Toutes qui demande un plan d’urgence pour protéger les femmes violentées pendant le confinement« Il faut des mesures dédiées sur l’exemple de l’Espagne – comme un service de messagerie instantanée avec géolocalisation envoyée aux forces de l’ordre en cas d’alerte. »

Cette inquiétude est fondée : des études démontrent que les situations sanitaires exceptionnelles, notamment causées par des désastres naturels, sont la source d’une recrudescence des violences intrafamiliales. En Australie, une chercheuse a conclu dans sa thèse, après des entretiens avec 30 femmes victimes et 47 professionnel·le·s, que les violences conjugales avaient augmenté à la suite du « samedi noir » de 2009 – des feux de végétations meurtriers.

Aux États-Unis, en 2011, une équipe de chercheurs en psychiatrie de l’université du Mississippi a démontré dans une étude qu’après l’ouragan Katrina, la prévalence des violences psychologiques avait augmenté de 35 % et de 98 % pour les violences physiques.

Concernant le Covid-19, la revue scientifique The Lancet a publié un article attestant que les inégalités de genre augmentaient avec l’épidémie. En Chine, un policier a rapporté au site d’information chinois Sixth Tone que les dossiers de violences conjugales avaient triplé au commissariat de Jianli, dans la province du Hubei : 162 traités en février 2020 contre 47 en février 2019.

Aux États-Unis, la ligne d’écoute pour les violences conjugales a recensé plusieurs menaces liées au virus : « Une appelante a mentionné que son agresseur utilisait le virus pour la couper de ses enfants. Une soignante a rapporté que son conjoint la frappait, prétendant qu’elle voulait l’infecter du virus. »

En France, le 3919, numéro d’écoute national, inaccessible aux premiers jours du confinement, l’est de nouveau depuis samedi (de 9 h à 19 heures, du lundi au samedi), après l’installation de la centrale d’appel sur les portables des écoutantes. Samedi, 200 appels ont été reçus.

Lundi, à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), un homme de 40 ans a menacé et frappé à plusieurs reprises sa compagne. Lors de son audience de comparution immédiate, il a expliqué qu’il ne « supportait pas le confinement ». Il a écopé de 20 mois de prison, dont huit pour révocation d’un sursis, selon la presse locale.

Face à cette situation inédite, Françoise Brié, la présidente de la Fédération nationale solidarité femmes, en charge du 3919, espère de nouvelles mesures : « Une de nos propositions au gouvernement est que, comme en Autriche, la police puisse émettre des interdictions d’approcher le domicile pour 15 jours. Et ensuite, la justice entérine ou non la mesure. »

Car sous confinement, non seulement les violences risquent d’augmenter, mais leur prise en charge risque d’être plus difficile, ainsi que la réaction des autorités, notamment judiciaires.

Une policière d’une brigade locale de protection des familles de Seine-Saint-Denis est soucieuse : « En l’état, on a vraiment un sentiment d’impuissance. Les consignes de la justice sont de ne plus convoquer les mis en cause dans des dossiers non urgents. Nous sommes sceptiques, car dans les violences conjugales, on est potentiellement toujours dans l’urgence. Si les personnes vivent encore sous le même toit, c’est urgent, mais on nous dit de ne pas tous les convoquer. On continue à téléphoner aux femmes pour les rassurer. »

Ernestine Ronai, présidente de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, abonde dans le même sens : « Il faut considérer comme urgent tous les mis en cause pour violences conjugales à recevoir. C’est une question de santé publique : si un conjoint casse le bras de sa femme, elle n’aura pas de lit à l’hôpital. »

La plateforme arretonslesviolences.gouv.frLa plateforme arretonslesviolences.gouv.fr

Sous couvert d’anonymat, un policier précise : « Le 17 fonctionne, la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr aussi. Là où le bât va blesser, c’est sur les enquêtes préliminaires et c’est pas de notre fait, mais de la justice. »

Questionné sur les critères de convocation des mis en cause et sur les enquêtes préliminaires, le ministère de la justice répond : « L’idée générale est le traitement des urgences et des contentieux essentiels. Les violences conjugales en font partie. »

À la gendarmerie, le Service d’information et de relations publiques des armées (Sirpag) rappelle que les gendarmes sont joignables sur leur brigade numérique 24 heures sur 24 par tchat. Le Sirpag explique : « Les priorités ont été données aux contrôles des directives de confinement, à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens. Les gendarmes restent pleinement engagés si besoin auprès des personnes victimes de violences. »

Mais sur le terrain, lors de la première semaine de confinement, la priorité de certains policiers ne semble pas avoir été de protéger les femmes et les enfants.

En Moselle, Liza, une étudiante de 22 ans, a entendu des bruits de coups et des « Au secours » provenant de chez sa voisine, mère de deux enfants. « J’ai appelé le 17 et je suis allée voir. Le monsieur m’a ouvert, du sang sur les bras, et m’a menacée. Quand les policiers sont arrivés, ma voisine leur a dit qu’elle s’était fait agresser dans la rue. Et ils ont répondu : “Nous supposons que vous ne voulez pas porter plainte ?” Ils sont restés cinq minutes, alors qu’il y a deux enfants en bas âge. Ils m’ont dit : “On peut rien faire, elle ne veut pas déposer plainte.” »

Démunie, Liza a tweeté son désarroi. La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, lui a demandé plus d’informations via Twitter. « Elle m’a dit qu’elle s’en occupait. » Deux jours plus tard, la brigade des mineurs de sa ville a contacté Liza pour une déposition. Puis la police a interpellé l’homme violent. « Il aurait très bien pu la tuer pendant le confinement. Cette affaire a été prise au sérieux parce que visibilisée. Cela démontre une défaillance de notre système politique. » 

Caroline De Haas précise : « Quand il y a des enfants et une femme en danger, les forces de l’ordre doivent prévenir le procureur, c’est le B.A-BA. »

Marlène Schiappa précise à Mediapart qu’un plan de lutte contre les violences conjugales a été lancé la veille du confinement : « Je suis vigilante à ce que les femmes ne se sentent pas seules et à ce que des réponses pénales concrètes puissent être apportées, je fais donc tout ce qui est en mon pouvoir. Nous faisons un point deux fois par semaine avec les associations qui viennent en aide aux femmes victimes. Concernant ce cas-là, nous l’avons signalé au ministère de l’intérieur. Il a transmis aux services de police. Le conjoint a été présenté au tribunal à l’issue de sa garde à vue. La victime a été entendue au commissariat et prise en charge ainsi que ses enfants pour une mise à l’abri. Cela se produit fréquemment mais nous n’en faisons pas état car le canal à privilégier reste la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr. »

La garde des Sceaux Nicole Belloubet assure sur son compte Twitter que « les juges sont là pour prononcer l’éviction du conjoint violent, pour prononcer une interdiction d’entrer en contact ».

Malgré cela, l’avocate Isabelle Steyer craint des difficultés. Trois femmes violentées étaient venues à son bureau avant le confinement pour préparer des demandes d’ordonnance de protection, mais sans échanges depuis, difficile d’aller plus loin : « J’ai proposé à une de mes clientes de me téléphoner de son balcon et une autre m’a écrit un mail pour me dire qu’elle était confinée et qu’elle ne pouvait plus m’appeler. La troisième, je n’ai pas eu de nouvelles. »

Par ailleurs, « il faut se rendre deux fois au tribunal pour une première demande de date d’audience pour les ordonnances, puis pour la plaidoirie. On pourrait simplifier la première partie par visioconférence ». Le ministère de la justice répond que ce sera « au cas par cas selon les tribunaux ».

Afin de soutenir les femmes, des associations ayant fermé leur accueil maintiennent un soutien téléphonique. En Martinique, l’Union des femmes (UFM) tient une permanence de 8 heures à 18 heures. « Les femmes n’ont pas à se sentir liées par ce confinement, cela reste possible de partir, de se protéger », martèle Rita Bonheur, directrice de l’UFM.

À Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), à l’institut Women Safe, infirmières, juristes, psychologues, intervenantes sociales assurent un accompagnement téléphonique pour les femmes et les enfants. Mais le manque d’hébergements d’urgence est source d’appréhension : « On est très inquiets sur la mise à l’abri immédiate, le 115 ne répond pas toujours, pointe Frédérique Martz, directrice de l’institut. On a reçu l’appel d’une femme hospitalisée à la suite de son accouchement, ayant fui son mari juste avant le confinement. Pour l’instant, on n’a pas de solution de logement. »

Evelyne Vynisale, directrice de l’association Pause aux Filaos, dans le Lot, gère des hébergements d’urgence pour les victimes de violences. Trois femmes et cinq enfants sont logés dans les appartements dédiés. « On reste mobilisés, vu qu’il nous reste un logement vide pour une maman avec enfants. Mais le 115 ne nous appelle pas, donc je me questionne beaucoup. La peur du virus sera peut-être supérieure à la nécessité de devoir partir. »

Nos observations sur l’état d ‘urgence sanitaire – par le Syndicat de la Magistrature

Bonjour,

Vous pourrez lire en pièce jointe (en bas du texte)  notre synthèse de la loi n°2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie covid-19  et une première analyse du nouveau régime d’exception de l’état d’urgence sanitaire.

S’il est compréhensible, et même attendu, que dans une situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles soient édictées, il convient toutefois, dans le même temps, et d’ores et déjà, d’appeler à une extrême vigilance face à la création d’un régime d’exception qui par nature bouscule les règles fondamentales d’un Etat de droit.

L’effet de contamination dans le droit commun de règles dérogatoires censées n’être que temporaires, a tellement été à l’oeuvre dans d’autres domaines, qu’il est indispensable aujourd’hui de vérifier si les gardes-fou sont solides, mais également de s’assurer que les exclus et les discriminés en temps ordinaires ne soient pas également les exclus du confinement, lequel s’avère déjà discriminatoire pour nombre de catégories de personnes : étrangers, sans domiciles fixes, mal logés, détenus, malades mentaux, travailleurs précaires…

La définition choisie de cet état d’urgence sanitaire est floue, la notion de « catastrophe sanitaire » étant notamment imprécise, surtout lorsqu’il est permis de s’interroger sur les conséquences de l’état de dégradation du service public de la santé, antérieur et assumé par le Gouvernement, sur cette catastrophe.

Ce régime d’exception souffre également de l’absence d’un contrôle scientifique, et surtout parlementaire, suffisant tant pour son déclenchement que lors de sa mise en oeuvre, et il est ainsi à craindre que cet état d’urgence sanitaire devienne pérenne.

Le piège serait de mésestimer, à raison parce que cette pandémie est désastreuse et historique, les conséquences juridiques d’un tel dispositif, lequel confère des pouvoirs exorbitants au Premier ministre et au ministre chargé de la santé et ouvre la possibilité de prendre des mesures individuelles sans les garanties reconnues en matière pénale.

Nous avons également été très surpris par les nouvelles infractions – dont nous doutons d’ailleurs de la régularité – prévues en cas de non respect des règles de confinement et, surtout, de la peine d’emprisonnement encourue (permettant des poursuites en comparution immédiate) alors que l’une des urgences est au contraire de ne pas fragiliser davantage les prisons, déjà sous extrême tension.

Bonne lecture, même en ces temps compliqués.

Bien cordialement

 

Le bureau du Syndicat de la magistrature  

 

–> Note état d’urgence sanitaire