2 MAI 2022 – TRIBUNE DE MALIK SALEMKOUR “UNE FRANCE À RESSOUDER” PUBLIÉE SUR MEDIAPART

02.05.2022

Tribune de Malik Salemkour, président de la LDH

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Les résultats de l’élection présidentielle de 2022 laissent un goût amer de lourdes insatisfactions et inquiétudes sur l’état de notre société, de notre démocratie et de nos institutions. Des leçons sont à tirer de l’issue d’une confuse campagne tronquée et d’un scrutin final marqué par des votes de rejet.

Une extrême droite dangereusement banalisée

Pour la troisième fois sur les cinq élections présidentielles tenues depuis 2002, l’extrême droite a été placée au second tour. Certes Marine Le Pen n’a pas été élue. Mais, avec 13,3 millions de voix soit 2,6 millions de plus qu’en 2017, et 41,5 % des suffrages exprimés contre 33,9 % cinq ans auparavant, ces scores inédits en forte hausse sont une nouvelle alerte démocratique très sérieuse. L’évènement d’une extrême droite aux portes du pouvoir en France, qui inquiète tous les commentateurs internationaux, n’a pas suscité de réactions unitaires massives dans les rues malgré des tentatives, ni de mobilisation claire dans les urnes. Cette situation apparaît banale, voire normale, même pour une part de ses naturels opposants. Elle prospère sur l’image adoucie faussement sociale de la candidate d’extrême droite jouant à contre-pied de la liberté, de l’égalité, de l’autoritarisme, dans une posture d’illusionniste et en maquillage d’un projet fasciste et xénophobe radicalement contraire aux valeurs de notre République. Depuis des années, ses idées se diffusent et s’imposent dans le débat public, sans être contrecarrées. Au contraire, ses boucs émissaires et thèmes de prédilection sont légitimés par des forces politiques à la remorque et par le vote démagogique de multiples lois opportunistes. Des électrices et des électeurs n’hésitent plus à utiliser ces bulletins sulfureux porteurs de risques qu’ils minimisent ou mettent sciemment de côté pour exprimer leurs colères, leur sentiment d’injustice et d’abandon social ou territorial, comme leur impatience à voir traiter leurs conditions de vie difficiles. Le vote de rejet d’Emmanuel Macron par un électorat des campagnes, de l’outre-mer, d’ouvriers et employés, de personnes précaires ou démunies signe la sanction d’un dirigeant jugé méprisant et de politiques ultralibérales ne répondant toujours pas à leurs préoccupations.

Une abstention expressive

L’abstention de 12,8 millions de personnes au premier tour (26,3 %) témoignait moins d’un désintérêt de la chose publique, qui au contraire reste fort, que d’une défiance sur l’offre politique proposée, tant à droite du fait d’une ligne politique hésitante, qu’à gauche dans une désunion préjudiciable. Le scrutin arrivait à l’issue d’une campagne tronquée par la crise sanitaire et d’un Président sortant dans l’esquive, se déclarant tardivement, bloquant tout débat sur son projet, puis placé en chef de guerre par l’invasion en Ukraine. Ce refus de vote s’est accru au deuxième tour (13,6 millions soit 28 %,) à un niveau jamais vu à ce type d’élection depuis 1969, où la gauche avait aussi été écartée. Cette abstention, avec de surcroît 3 millions de bulletins blancs ou nuls, exprime le rejet des deux candidatures finales, renvoyées dos-à-dos et considérées comme de même nature, confirmant la banalisation préoccupante de l’extrême droite.

Un Président réélu aux lourdes responsabilités

Emmanuel Macron est réélu sans gloire à 58,5 % des suffrages exprimés, en forte baisse par rapport à 2017 (66,1 %), à nouveau sans adhésion majoritaire à son projet, avec près de la moitié des suffrages obtenus motivés par un rejet républicain de l’extrême droite. Sa responsabilité est lourde dans ces résultats, en échec flagrant de sa promesse de l’époque de la faire reculer et de gouverner autrement, à l’écoute et dans le respect des Françaises et des Français. Hélas, les alertes et attentes sociales ou environnementales sont restées sans réponses structurelles à la mesure des enjeux, ouvrant de nombreux conflits sociaux sévèrement réprimés face à des réformes injustes imposées ou des services publics exsangues. L’absence de suites au « grand débat national » organisé après la crise des « gilets jaunes » ou la dénaturation du travail de qualité de la Convention citoyenne pour le climat ont discrédité la parole présidentielle et, avec elle, celle de l’Etat. Il se doit aussi de corriger rapidement les séquelles d’un premier quinquennat marqué par la violence et l’autoritarisme avec une succession de lois liberticides, d’états d’urgence sécuritaire puis sanitaire qui ont profondément déstabilisé l’Etat de droit, affaibli la place du Parlement, des élus locaux, de la justice et des contre-pouvoirs, du dialogue social et civil, qui auront tous été régulièrement méprisés.

Face aux divisions, une démocratie à refonder

L’exercice du pouvoir ne peut se poursuivre sans risque, dans le présidentialisme exacerbé vécu jusqu’ici. Au-delà de la pratique, un débat est à ouvrir pour réviser nos institutions dans le sens d’une revalorisation de la délibération publique, d’une plus grande participation citoyenne et du rapprochement des instances de décision au plus près des sujets à traiter. Au terme de cette élection, la France est divisée et déboussolée mais son appel à l’idéal républicain est entier. A la veille de législatives incertaines qui devront aboutir à une majorité parlementaire pour gouverner et répondre à ce large désarroi populaire, le combat contre les idées d’extrême droite, particulièrement du Rassemblement national et du parti Reconquête ! d’Eric Zemmour, est à reprendre de manière fédératrice face aux dangers fondamentaux qu’ils portent en dévoilant leur visage de haine et leur programme asocial et d’inégalités. Ce chantier auquel la LDH participera activement est à mener sur le terrain du débat politique, des faits et rappels historiques, de l’éducation populaire, en redonnant leur sens aux valeurs de la République qu’ils détournent comme devant la justice pour faire condamner chaque propos ou acte illégal, incitant à la haine, au racisme, à la discrimination ou à la violence. C’est une condition nécessaire mais insuffisante si ne sont pas mis en débat en même temps les enjeux sociaux et environnementaux pour construire des réponses durables aux préoccupations quotidiennes de toutes et tous, avec la réaffirmation de la force de l’égalité des droits et des libertés individuelles et collectives. Elles aideront à guider les choix à faire pour les prochaines législatives de juin prochain. Dans tous les cas, le dialogue social avec les syndicats devra retrouver sa vigueur pour des négociations sérieuses qui tiennent compte des revendications du monde du travail. Le dialogue civil avec les associations sera à revaloriser à tous les niveaux, en écoute de leurs propositions déjà prêtes issues de leur expertise et expérience au service de l’intérêt général. Après le coup de semonce de la présidentielle, les responsables politiques doivent changer et porter une démocratie refondée qui s’appuie sur toutes ses citoyennes et citoyens, à réunir dans la construction d’un avenir apaisé de justice et d’égalité.

Malik Salemkour, président de la LDH

64 ORGANISATIONS CONTRE LA LOI « DRONE 2 »

La LDH66 soutient l’appel.

Publié le 19 octobre 2021 sur laquadrature.net

Lettre ouverte contre la loi « Drone 2 »

Le gouvernement est de retour pour autoriser les systèmes de surveillance qui, d’abord prévus dans la loi Sécurité globale, avaient été censurés par le Conseil constitutionnel en mai 2021. Cette nouvelle loi « relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure », a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 septembre dernier. Le Sénat l’examinera le 18 octobre. Il doit la rejeter : contrairement à ce que prétend le gouvernement, ces systèmes de surveillance nuiront tant à notre liberté qu’à notre sécurité, dès lors qu’ils organisent l’escalade technologique des violences policières.

Les articles 8 et 9 autoriseront la surveillance par drone, hélicoptère et voiture. Depuis plus d’un an, la police déploie illégalement des drones pour nous surveiller, malgré deux interdictions du Conseil d’État, une sanction de la CNIL et une censure du Conseil constitutionnel. Les drones sont inutiles aux actions de médiation, d’apaisement et de dialogue avec la population. Ce sont des outils démultipliant les capacités de surveillance et de contrôle, qui facilitent avant tout les interventions violentes de la police, notamment en manifestation afin de dissuader les militant·es d’exercer leurs libertés de réunion et d’expression politique.

L’article 7 autorisera la vidéosurveillance des cellules de garde-à-vue. Le gouvernement prétend agir pour « diminuer les risques de suicide, d’automutilation, d’agression », comme s’il se souciait soudainement du bien-être des personnes qu’il réprime. Plutôt que de protéger les personnes arrêtées, il s’agira de renforcer les pressions et violences psychologiques causées contre elles par l’enfermement et une surveillance de chaque instant sans aucune garantie ni limitation sérieuse.

L’article 16 autorisera la police à recourir à la violence physique pour obtenir les empreintes digitales et la photographie des personnes suspectées d’avoir commis une infraction punissable d’au moins trois ans de prison. Cette violence pourra s’exercer contre des enfants de 13 ans, pour peu que la police les suspecte d’avoir commis une infraction punissable de cinq ans de prison. Les empreintes et photos ainsi obtenues pourront être recoupées avec les fichiers de police existants, notamment par reconnaissance faciale.

Cette loi organise un monde où les développements technologiques renforcent et justifient les violences que la police peut exercer contre la population. Cette escalade de la violence ne repose sur aucun besoin objectif qui serait soutenu par des études ou des chiffres concrets. Elle ne semble viser qu’au développement d’un État policier qui, une fois en place, ne s’encombrera pas des limites que le droit aurait tenté de lui poser (les quatre interdictions rendue l’an dernier n’ont pas empêché la police de déployer des drones, encore aujourd’hui1).

Pour ces raisons, l’ensemble de ces mesures doivent être rejetées.

Ces dispositifs de surveillance ne sont pas les seuls dans cette loi susceptible de poser bien d’autres problèmes, pour aller plus loin :

Liste des signataires

DES CONTRIBUTIONS VONT ÊTRE DÉPOSÉES AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Communiqué de la Coordination nationale #StopLoiSecuriteGlobale, dont la LDH est membre

Lors de la conférence de presse qui s’est déroulée ce jeudi 15 avril, place Edouard Herriot à Paris, près de l’Assemblée nationale où la proposition de loi Sécurité globale a, sans surprise, été entérinée par les députés, la coordination #StopLoiSecuritéGlobale a annoncé que plusieurs de ses organisations membres allaient déposer des contributions au Conseil constitutionnel. Alors que les parlementaires ont été sourds à nos alertes, il est donc notre devoir de saisir les Sages.

Aussi, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, la Quadrature du net, Droit au logement et la Ligue des droits de l’Homme vont déposer une contribution auprès du Conseil constitutionnel, tout comme, chacun de leur côté, Amnesty international et les syndicats de journalistes SNJ, SNJ CGT et SGJ FO.

La coordination #StopLoiSecuritéGlobale soutient l’initiative des coordinations régionales qui vont effectuer, de leur côté, une saisine citoyenne du Conseil constitutionnel, afin de lui demander le respect de nos droits fondamentaux. Il est possible de rejoindre cette saisine citoyenne en adressant un mail à SAISINECITOYENNELSG@LEBIB.ORG D’ores et déjà, de nombreuses villes se sont jointes à cette saisine citoyenne (nous détaillerons le nombre lors d’une prochaine communication).

La coordination #StopLoiSecuritéGlobale s ’alarme du durcissement du texte sorti du Sénat, tout particulièrement de la criminalisation « en cas d’introduction dans un local professionnel, commercial, agricole ou industriel ». Ce nouvel article introduit par un sénateur LR vise, ni plus, ni moins, à réprimer pénalement l’occupation de leur lieu de travail par les salariés, de leur fac par les étudiants, de leur lycée par les lycéens, de leur école par les parents d’élèves et les enseignants… Et aussi à porter atteinte à l’exercice de la profession de journaliste. Il s’agit clairement d’une nouvelle atteinte à la liberté de manifester, à la liberté d’informer et d’être informé et au droit de grève.

Mobilisé-e depuis novembre contre la proposition de loi Sécurité globale, la coordination #StopLoiSecuriteGlobale qui regroupe syndicats, sociétés, collectifs, associations de journalistes et de réalisateur-rices, confédérations syndicales, associations, organisa ions de défense de droits humains, comités de victimes de violences policières, de collectifs de quartiers populaires, d’exilé-es, de sans-papiers, de blessés, de Gilets jaunes considère que ce texte est non seulement liberticide et qu’il porte également atteinte à la séparation des pouvoirs. En ce sens, la proposition de loi Sécurité globale doit être censurée par le Conseil constitutionnel.

Paris, le 15 avril 2021