Coronavirus et manifestation au CRA du Mesnil-Amelot (Paris-Vincennes): le choix de la répression au détriment de la protection

Communiqué de presse – 14 avril 2020

Coronavirus et manifestation au CRA du Mesnil-Amelot : le choix de la répression au détriment de la protection

Les étrangers enfermés au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot ont exprimé leur colère dans la nuit de samedi à dimanche 12 avril 2020. Ils sont révoltés d’être privés de liberté dans des conditions indignes et d’êtres mis en danger. L’administration est dans l’impossibilité de respecter les règles sanitaires de base en période de crise sanitaire du coronavirus. La Cimade demande la fermeture immédiate de tous les CRA.

Depuis le début du confinement, les intervenant·e·s de La Cimade accompagnent les personnes retenues à distance. Selon les témoignages recueillis ce mardi, les étrangers enfermés au CRA du Mesnil-Amelot ont exprimé leur colère samedi 11 avril dans la soirée en refusant de réintégrer les bâtiments. Ils ont sorti les matelas dans la cour et ont souhaité passer la nuit dehors pour manifester leur désaccord avec la poursuite de la politique d’enfermement et d’expulsion menée par le gouvernement.

Deux personnes présentaient des symptômes du covid-19 et ils étaient légitimement inquiets pour leur propre santé. Par ailleurs, ils sont pleinement conscients de l’impossibilité de mettre en œuvre les expulsions et donc du caractère illégal de leur enfermement.

Les récits des événements révèlent une action policière pour mettre fin à la manifestation avec un usage de la force qui paraît disproportionné. Les autorités du CRA ont identifié 8 hommes comme étant les « meneurs » de la manifestation, puis elles les ont isolé et transféré vers d’autres centres de rétention : 3 au CRA de Rouen et 5 au CRA de Lille.

52 personnes étaient enfermées samedi dernier au CRA du Mesnil-Amelot n°2, ce mardi 14 avril elles sont 47. Le CRA n°3 a été fermé par l’administration le 25 mars, elle a préféré regrouper toutes les personnes dans certains bâtiments du CRA n°2 alors qu’il existait la possibilité de prévenir les risques sanitaires de contamination en isolant a minima les personnes.

Cette manifestation de colère légitime au CRA du Mesnil-Amelot intervient alors que déjà trois cas ont été testés positifs au covid-19 au CRA de Paris-Vincennes.

Après nos diverses interpellations du gouvernement et du ministre de l’intérieur, la requête rejetée au Conseil d’État le 27 mars, les événements de ce week-end appellent La Cimade a demander une nouvelle fois la fermeture immédiate de tous les centres de rétention administrative. Nos raisons sont exactement les mêmes que celles exprimées par les étrangers enfermées : prévenir les risques sanitaires et ne pas enfermer illégalement des personnes que les préfectures ne peuvent pas expulser.

Contact presse

Rafael Flichman : +33 6 42 15 77 14 / rafael.flichman@lacimade.org

Contrôlé par les policiers municipaux après le couvre-feu à Béziers, un homme meurt au commissariat- LA LDH réagit

Les exactions policières s’aggravent avec le couvre feu: contrôlé par les policiers municipaux après le couvre-feu à Béziers, un homme meurt au commissariat. La LDH réagit et dénonce des modalités d’interpellation « disproportionnées ».

Publié sur le monde.fr  Le Monde avec AFP Publié le 09 avril 2020 

Le trentenaire aurait « refusé le contrôle » puis « résisté » à son interpellation. Selon la Ligue des droits de l’homme, la victime était une « personne sans domicile fixe ».

Un homme d’une trentaine d’années est mort au commissariat de police de Béziers (Hérault), mercredi 8 avril au soir, peu après son interpellation. Le parquet a ouvert une enquête pour « homicide involontaire » après la mort de cet homme de 33 ans qui aurait, selon les policiers municipaux, « refusé leur contrôle ».

« Il est inadmissible qu’en France une personne décède du fait de sa pauvreté et de sa grande vulnérabilité sociale et de la mise en place de mesures d’exception comme le couvre-feu », a réagi la Ligue des droits de l’homme (LDH) de l’Hérault dans un communiqué, en affirmant qu’il s’agissait d’une « personne sans domicile fixe ».

L’homme est mort après avoir été transporté au commissariat par trois policiers municipaux. Ces derniers avaient procédé à son contrôle vers 22 h 20 mercredi dans les rues de Béziers, où un couvre-feu est en vigueur à compter de 21 heures, a précisé le procureur, Raphaël Balland.

Assis sur l’homme contrôlé pendant le transport

Le décès du trentenaire a été constaté vers 23 h 30 par un médecin du service d’urgence mobile et de réanimation (SMUR), « après plus de trois quarts d’heure de tentative de réanimation dans les locaux du commissariat de police de Béziers », ajoute M. Balland dans un communiqué.

Selon les déclarations des policiers municipaux, la victime aurait « refusé le contrôle, aurait adopté à leur encontre un comportement très agressif, justifiant selon eux de procéder à son interpellation ». Toujours selon les policiers municipaux, l’homme aurait alors « résisté fortement et longuement à l’interpellation » et il aurait été difficile de le menotter et « de le faire entrer à l’arrière du véhicule en le maintenant sur le ventre ».

« Un policier municipal se serait alors assis sur les fesses de l’individu encore très excité dans le but de le maintenir jusqu’à sa conduite » au commissariat, selon le récit du procureur. « Il se serait calmé au cours du bref transport, les trois policiers affirmant l’avoir entendu ronfler, leur laissant penser qu’il s’était endormi », a-t-il relaté. Mais, à leur arrivée dans la cour du commissariat, « l’individu interpellé était inconscient » et les gestes de secours prodigués par des policiers puis par les secours l’ont été « en vain ».

Autopsie prévue vendredi

La LDH héraultaise, dont un des membres était présent dans un logement adjacent, « a constaté une présence très importante de véhicules de police, au nombre de quatre (au moins) » qui bloquaient deux rues au moment de l’interpellation. Elle dénonce des modalités d’interpellation « disproportionnées »« Il devient urgent que les personnes sans domicile fixe soient prises en charge de façon humaine et adaptée », estime-t-elle.

Né à Béziers, une des villes les plus pauvres de France, la victime était sans emploi et père de trois jeunes enfants à la garde de leur mère, dont il était séparé. Selon le parquet, il était domicilié chez sa sœur. Il avait été condamné à huit reprises depuis 2005 pour des violences et des vols.

Dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, la loi du 23 mars 2020 permet aux agents de la police municipale, aux côtés des forces nationales, d’assurer le respect des mesures de confinement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Un policier municipal de Béziers (Hérault), en janvier 2015.

La tragédie des migrants de Paris-nord dans le cadre de la pandémie et de « l’état d’urgence sanitaire »

Article de  mediapart/leblog publié sur la tragédie des migrants de Paris-nord dans le cadre de la pandémie et de « l’état d’urgence sanitaire » terme masquant l’état d’urgence qui suspend toutes les libertés et en particulier celles  des migrants (parents et enfants) et les confinent dans l’exclusion la plus totale en les rapprochant de la mort la plus certaine.
Romane Elineau est  bénévole à l’association Paris d’exil et militante de plusieurs collectifs d’aide aux réfugiés. Elle raconte la semaine de ces exilés abandonnés et réprimés par l’État.

Le «journal de confinement» des exilé·e·s du nord-est de Paris

par Romane Elineau  23 MARS 2020 – BLOG : LE BLOG DE ACCUEIL DE MERDE

Puisque la mode est au «journal de confinement» et que chacun s’amuse à décrire son quotidien bousculé par l’ennui ou par l’exil vers une résidence secondaire en bord de mer… Romane Elineau, membre de plusieurs collectifs qui viennent en aide aux refugié·e·s et autres exilé·e·s du nord-est de Paris, a décidé de tenir le sien… ou plutôt le leur.
Il me semble quand même important de témoigner du quotidien des moins privilégiés. Ceux contre qui l’Etat est réellement en guerre et n’accorde aucune trêve, pas même en ces temps de crise sanitaire. Dans le Nord de Paris, des centaines de personnes survivent dans des campements de fortune et sont donc particulièrement exposées au Covid19. Cette semaine nos dirigeants ont encore démontré tout le mépris qu’ils ont pour la vie de ces hommes, femmes et enfants.

CONFINEMENT – SEMAINE 1

[Contexte général : Depuis des années les campements de rue se succèdent dans Paris, résultat d’une politique de maltraitance où l’objectif est de pourrir la vie des gens pour les dissuader de vivre ici, ou de vivre tout court. Alors l’Etat supprime le droit à l’hébergement et au revenu de subsistance pour des milliers de demandeurs d’asile, créée des systèmes administratifs kafkaïens et arbitraires. Il envoie sa police pour confisquer les tentes et obliger des hommes et des femmes à se terrer sous les ponts au milieu des rats, là où on ne les voit pas. Après les évacuations médiatisées de février (porte de la Chapelle / Aubervilliers) de nombreux exilés ont été remis à la rue. D’autres sont arrivés. Un campement s’est reformé, dans un terrain vague bien caché, à l’abri des policiers présents 24h/24 dans le quartier. Ils sont entre 400 et 500 personnes à survivre dans ce lieu horrible. Pour reprendre leurs mots, s’ils sont aujourd’hui en danger, c’est à cause de cette politique inhumaine. ]

Lundi :

Distribution de repas à porte d’Aubervilliers par la Gamelle de Jaurès. Des centaines de personnes attendent. Parmi elles des dizaines de familles, de jeunes enfants. Avec l’annonce du confinement, peu d’associations ont distribué pendant le week-end. Certaines nous disent qu’elles n’ont pas mangé depuis 24h. Et puis, pour elles aussi, il y l’appréhension face à cette situation extraordinaire. Nous ne savons pas comment vont s’organiser les choses, si les distributions et les maraudes pourront être maintenues. La faim, la peur de manquer, l’épuisement… Les gens se heurtent, se battent pour attraper une barquette repas, un bout de pain.

Plus tard dans la nuit : Des dizaines de familles exilées à la rue. Utopia 56 essaye tous les soirs de les loger chez des hébergeurs solidaires. Dans le contexte actuel, ce n’est plus possible. Alors elles posent leur tente à porte d’Aubervilliers, sur leur lieu de rassemblement habituel. Bien sûr, la police intervient. Les CRS disent qu’elles ne peuvent pas rester là. Elles n’ont nulle part où aller, il est tard… Les policiers repartent, pour l’instant, et annoncent qu’une décision sera prise le lendemain quant au sort de ces familles.

Mardi :

A 8h du matin, les policiers sont de retour. Ils réveillent les familles et les chassent. Ils disent que pour être tranquille il ne faut pas rester dans Paris, il faut passer le périph… En somme être invisible et « hors secteur » pour que la Ville de Paris puisse tranquillement se déresponsabiliser et les laisser mourir dehors.
Les Restos du Cœur et Solidarité Migrants Wilson sont présents ce soir pour distribuer des repas. Malgré les effectifs restreints, le manque de matériel, le risque sanitaire, les assos s’organisent avec les moyens du bord pour ne pas laisser les gens crever de faim. Car, hormis envoyer sa police, l’Etat ne fait rien.

Les exilés sur le campement d’Aubervilliers sont inquiets. Depuis plusieurs jours les associations transmettent les informations relatives à l’épidémie : symptômes, N° vert, gestes barrière. Tout cela leur paraît dérisoire. « Ici il n’y a pas d’eau, pas de douches. Il n’y a même pas de toilettes ». « On dort à 3 ou même 4 par tente ». Ils veulent sonner l’alarme et crier leur colère (voir leur message ici). Ils nous envoient des images du campement, décrivent leur condition de vie et écrivent leur revendication : « une mise à l’abri pour toutes les personnes du campement. Toutes sans exception ». On leur dit qu’on fera de notre mieux pour diffuser leur message. En attendant, la police continue de sévir.

Mercredi :

Cet après-midi c’est la police montée (à cheval) qui arrive sur le campement d’Aubervilliers. Ils nassent les exilés et les empêchent de sortir pendant plusieurs heures. Les exilés se retrouvent confinés de force sur le campement, sans eau, sans nourriture, sans toilettes. Médecins du Monde est sur place à ce moment-là. Un bénévole tente de filmer la scène et se fait interpeller. Les policiers menacent l’équipe de médecins du monde de « représailles s’ils témoignent ».
Malgré les menaces, Médecins du monde s’indigne sur les réseaux sociaux et rédige une lettre au Préfet. Face au scandale qui commence à monter, le Préfet de région annonce que le campement sera évacué prochainement. Plusieurs familles accèdent à un hébergement dans la soirée.
Il y a un peu d’espoir ce mercredi soir. Peut-être que cette fois ci, tout le monde sera mis à l’abri. Peut-être que la préfecture et la police vont calmer leurs ardeurs répressives…

Jeudi :

Une dizaine de camions de police stationnent autour du parc et du rond-point de la porte d’Aubervilliers. Des familles ont tenté de dormir ici cette nuit, celà ne leur a pas plu. En pleine crise sanitaire la priorité pour la police est donc d’empêcher des gosses de dormir dans un endroit un peu moins glauque qu’une bretelle de périphérique.
Sur le campement tout le monde se demande quand aura lieu l’évacuation. On fait des attestations de déplacement. Un homme est désespéré car son audience à la CNDA est annulée. Cela faisait plus d’un an qu’il attendait… Un autre se demande : « Que va-t-il se passer si je me fais contrôler avec un récépissé expiré ? » La préfecture, fermée, a annoncé la prolongation de la validité des documents. Mais il n’a pas confiance en la police et a peur d’être arrêté. Certains n’osent même pas appeler le 15 ou le N° vert. A force d’être maltraités par toutes les institutions publiques, tout ce qui relève de l’Etat apparaît comme une menace… Un monsieur éthiopien est au bord des larmes, il s’est fait voler toutes ses affaires. Certains nous disent qu’il y aurait eu un mort sur le campement, un monsieur âgé. Les associations sont entrain de se renseigner auprès des autorités (pas de confirmation pour le moment).

Vendredi : 

Aujourd’hui, les exilés ont pu avoir des bouteilles d’eau. Victoire bien dérisoire.
Des policiers me demandent de « transmettre les instructions » aux personnes exilées : il ne faut pas qu’elles sortent du campement.
« Je ne veux pas vous voir dans les rues », dit un flic à un groupe d’Afghans qui passe au bord du canal. « Il faut rentrer ». Traduction : transmettez vous ce foutu virus entre vous, mourrez ensemble dans votre trou à rat, on s’en fout. Mais surtout ne contaminez pas les autres. Nous avons le droit de vivre, pas vous.

Week-end :

On attend toujours l’évacuation annoncée. Peut-être demain, peut-être la semaine prochaine ou celle d’après. Sûrement dans des gymnases, sûrement dans la promiscuité, sûrement sans dépistages.

Pour de nombreuses personnes hébergées, la situation n’est guère mieux. Des mères isolées sans papiers, qui n’ont aucune ou peu de ressources, qui ne peuvent pas cuisiner dans leur chambre de 10m2 et craignent de se faire contrôler par la police si elles sortent. Dans les foyers, d’autres sans papiers n’ont d’autres choix que de continuer à travailler, parfois sans protection. Exploités sur les chantiers, exploités par Uber et compagnie pour livrer aux Parisiens leur brunch du dimanche, ils s’exposent tous les jours pour « faire tourner notre économie ». Des mineurs isolés en hôtel qui ne peuvent plus se nourrir. L’ASE leur délivre, pour leurs repas quotidiens, des tickets restos utilisables uniquement au Kebab du coin, désormais fermé. Des mineurs isolés sans attestation de déplacement qui se font casser la gueule par la BAC du 18e arrondissement…

Et on apprend que l’Etat a expulsé au moins 10 personnes cette semaine. Vers le Maroc, l’Algérie, le Congo, le Mali, le Sénégal, la Roumanie, la Georgie et même les Pays Bas pour un dubliné… Corona ou pas, rien ne les arrête !

Ceci n’est QUE ce dont nous avons connaissance et ce n’est QUE la première semaine. Résumé non exhaustif pour ceux qui ne savent pas, pour ceux qui peuvent se mobiliser malgré le confinement. Pour faire face à cette pandémie, pour que tout le monde soit protégé, il va falloir faire barrière à leur politique criminelle, à leur racisme visiblement sans limite#SolidaritéCovid19
Résumé aussi pour ne pour ne pas oublier. Pour l’après. Lorsque sera venu le temps de leur faire payer !
#NiOubliNiPardon

Informations recensées via : les exilés du campement, Paris d’Exil, Solidarité Migrants Wilson, La Gamelle de Jaurès, Utopia 56, Médecins du Monde, La Cimade, Infos Migrants, Urgence Notre Police Assassine, mes yeux et mes oreilles.

#Covid19 #ConfinésDehors #Journaldeconfinement