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Répression du pouvoir au Nigéria: au moins 18 morts et des centaines de blessés par la police qui tire à balles réelles

Au Nigéria un vaste mouvement de contestation traverse le pays depuis plusieurs semaines. La jeunesse (60% de la population) réclame la justice et la fin de la corruption et des violences policières. Un régime autoritaire a été mis en place depuis longtemps dans le cadre d’une politique néolibérale. La LDH dénonce la répression sanguinaire du pouvoir.

Publié sur lemonde.fr le 22 octobre 2020

Nigeria : une juste révolte contre l’impunité

Editorial. Des manifestations agitent le pays depuis deux semaines. Déclenché par des violences policières, ce mouvement est une devenu une contestation plus globale d’un pouvoir abusif et discrédité.

Editorial du « Monde ». 

Première puissance économique du continent africain, pays connu pour son dynamisme et sa créativité, mais aussi pour sa corruption et ses inégalités abyssales, le Nigeria est en proie à une révolte inédite de sa jeunesse. Depuis deux semaines, des manifestations secouent le pays non seulement à Lagos, mégalopole de vingt millions d’habitants et capitale économique du pays, mais dans plusieurs autres villes, dont Abuja, sa capitale fédérale. Déclenchée par une vidéo montrant des policiers abattant un homme de sang-froid, la révolte contre les violences policières s’est muée en une contestation globale du régime revendiquant la démission du président, Muhammadu Buhari. Le soulèvement de la jeunesse urbaine se nourrit aussi de l’exaspération après un confinement anti-Covid-19 levé cet été, mais qui a asphyxié l’économie.

Au moins dix-huit personnes sont mortes dans ces affrontements avec la police avant même le « mardi sanglant », ce 20 octobre, au cours duquel un millier de manifestants rassemblés à un péage de Lagos ont été dispersés par des tirs à balles réelles. La police et l’armée sont mises en cause, mais aussi des voyous stipendiés pour jeter le discrédit sur le mouvement. Depuis lors, des jeunes continuent de braver le couvre-feu instauré pour tenter de stopper leur révolte. La promesse du président de dissoudre la brigade spéciale de la police nigériane, accusée de tortures et d’exécutions sommaires par Amnesty international, convainc d’autant moins les manifestants qu’elle a déjà été formulée, en vain, par le passé.

Vieux militaires brutaux

La jeunesse du Nigeria – 60 % de ses 200 millions d’habitants ont moins de 24 ans – ne supporte plus d’être exclue par un système politique incapable de réduire l’extrême pauvreté et dont la violence est couverte par une totale impunité. Le président Buhari, 77 ans, ancien général putschiste finalement élu en 2015, focalise le mécontentement : taiseux, claquemuré à Abuja, impuissant à vaincre l’insurrection islamiste de Boko Haram au nord-est, tout comme le grand banditisme, qui met en coupe réglée la région pétrolière du delta du Niger, il personnifie un pouvoir de vieux militaires du Nord, brutaux et incapables d’écouter la population. Son armée se caractérise par sa propension à commettre des exactions sur des civils réduits au silence – y compris numérique – loin des grandes villes. En dépit de la manne pétrolière, le revenu moyen nigérien ne dépasse pas 5 dollars (4,20 €) par jour, et l’espérance de vie plafonne à 52 ans.

L’impunité qui protège les responsables des violences au Nigeria est inacceptable. L’Union européenne et l’ONU réclament, à juste titre, qu’ils soient « traduits en justice » et que les abus policiers cessent. Locomotive de l’Afrique de l’Ouest, ce pays qui fait rêver tant d’Africains devrait se montrer exemplaire. Cela passe en tout premier lieu par la nécessité d’écouter les revendications d’une jeunesse qui réclame la justice, la fin de l’arbitraire des forces armées et la redistribution des richesses. Un programme ambitieux, qui, soixante ans après les indépendances, pourrait être celui de bien des pays du continent.

Le Monde

« La nouvelle génération de Palestiniens doit explorer de nouveaux horizons pour la lutte »

Publié sur france.attac.org le 15/10/2020

Entretien avec Majd Kayyal, chercheur et écrivain palestinien de Haïfa.

Propos recueillis par Imen Habib, coordinatrice de lAgence Média Palestine, source d’informations alternatives et de défense des droits du peuple palestinien.

Le plan d’annexion de secteurs de la Cisjordanie a été suspendu à la mi-août après l’accord entre Israël et les Émirats arabes unis. Quel est l’objectif de Nétanyahou ?

Nétanyahou s’inscrit dans la vision coloniale sioniste : maintenir le contrôle total sur le peuple et la terre de la Palestine historique. L’objectif premier est de priver le peuple palestinien de l’autodétermination, comme exprimé dans la loi « État-nation du peuple juif ». Cet objectif exige une fragmentation systématique de notre société, de notre géographie, de notre économie et, par conséquent, l’écrasement de l’organisation politique palestinienne. Cela se produit sur le terrain avec un isolement total de Gaza, l’imposition d’un contrôle israélien absolu sur Jérusalem et l’annexion de facto de la zone C de la Cisjordanie, sans parler de la ségrégation historique des citoyens palestiniens d’Israël et de l’expulsion des réfugié·e·s.

Netanyahou profite du moment historique des contre-révolutions qui affaiblissent la région arabe. Israël célèbre son alliance avec les puissances qui empêchent la démocratisation, mènent des attaques brutales contre les droits humains et politiques. Depuis le début du printemps arabe, nous assistons à une coordination sans précédent entre Israël et les régimes oppressifs comme les Émirats arabes unis, le régime saoudien et l’Égypte de Sisi. Cette coordination signifie l’établissement de l’axe de l’oppression, sous le drapeau de la prospérité capitaliste néo-libérale, et un intérêt commun d’écraser l’aspiration du peuple arabe à la liberté et à la dignité, aux droits sociaux et politiques.

Trump a montré au cours des quatre dernières années combien il est un ardent défenseur du projet colonial israélien. L’histoire politique montre que le parti démocrate n’est pas non plus un allié du peuple palestinien. L’émergence de nouvelles figures à la gauche du parti, peut-elle changer la situation ?

À mes yeux, aucune transformation effective n’est attendue du parti démocrate. Sous leur administration, les crimes de guerre d’Israël ont reçu un soutien total. Chaque processus politique mené par leur administration était basé sur les principes coloniaux de partition, niant aux réfugiés un droit substantiel au retour et prenant le paradigme raciste de l’« État juif » pour une évidence.

Cependant, de nouveaux discours et mouvements émergent aux États-Unis ; Black Lives Matter, qui a adopté le BDS, est l’un d’entre eux. Ces mouvements sont capables d’inspirer et de coordonner un changement radical. Les Palestiniens aux États-Unis font partie de ce changement, et ils placent notre cause au cœur des luttes américaines, en la faisant revivre comme un argument central pour comprendre les politiques impériales… La lutte palestinienne pour la liberté s’épanouira sur le sol de ces mouvements, et non sur le terrain de jeu de la colline du Capitole.

Le peuple palestinien semble n’avoir jamais été aussi isolé sur la scène internationale. Quelle stratégie peut-il suivre pour sortir de cet isolement ?

Malheureusement, après la défaite de la deuxième Intifada, l’Autorité palestinienne a fini par être le produit de l’occupation israélienne. Pendant des décennies, Israël a façonné notre organisation politique en assassinant tout dirigeant engagé dans la lutte, ou du moins en le mettant en prison – Marwan Barghouthi en est un exemple – ne laissant que « les élus » à bord. La nouvelle génération de Palestiniens doit reconnaître ce fait et explorer de nouveaux horizons pour la lutte. Nous devons réaliser comment nos institutions ont été conçues par la puissance coloniale, dans son intérêt.

L’exclusivité de paradigme de la souveraineté dans le cadre du partage doit également disparaître ; la focalisation sur la revendication d’un État sur le territoire de 1967 s’est avérée être un moyen d’éliminer deux éléments fondamentaux de la cause palestinienne : le droit au retour des réfugiés et l’opposition à la suprématie raciste de l’« État juif ».

Crimes environnementaux en Amazonie

Brésil: l’orpaillage illégal, venu du Suriname, menace des villages indigènes du Pará

Publié sur blogs.mediapart.fr 13 OCT. 2020PAR PINDORAMABAHIAFLANEUR

Dans les reculées terres indigènes Tumucumaque, dans l’est du Pará, l’orpaillage illégal est déjà une menace. Une large zone d’exploitation a été découverte il y a quelques semaines et sème la panique parmi les communautés habituées à suivre à distance l’avancée des crimes environnementaux, ailleurs au Brésil. Traduction, manuelle, d’un reportage de The Intercept Brasil (TIB).

Un territoire isolé à l’extrême nord du Brésil, où se trouve une base militaire et n’est accessible que par avion affrété. Même là-bas, sur les terres indigènes de Tumucumaque, au Pará, l’extraction de l’or est déjà une menace. La zone minière illégale, qui exploite l’or, a été découverte il y a quelques semaines au Suriname et sème la panique dans une communauté habituée à suivre à distance la progression des crimes environnementaux dans d’autres régions du pays.

« Nous pensions que [l’orpaillage illégal] n’arriverait pas jusqu’ici et nous constatons que cela arrive et que cela affecte des proches tant ici au Brésil qu’au Suriname. Ils pratiquent l’orpaillage, et nous pensons que c’est illégal, parce que la rivière est sale et que les gens sont armés, ils se cachent et maintenant ils ont apporté des quads et des tronçonneuses », m’a dit Mitore Cristiana Tiriyó Kaxuyana. Elle vit dans la mission Tiriyó, le plus grand village sur la terre indigène, avec 3 millions d’hectares occupés par environ 1.700 personnes des ethnies Tiriyó, Katxuyana et Txikyana.

En dépit d’être dans le pays voisin, l’exploitation minière est très proche de la frontière et dans une zone centrale des communautés. Sur les trente-quatre villages, installés sur les marges des rivières Paru de Oeste et Marapi, vingt-trois sont dans un rayon allant jusqu’à quarante kilomètres des zones illégales d’extraction minière. Pour aggraver les choses, les garimpeiros envahissent fréquemment le territoire brésilien pour chasser, selon les peuples autochtones.

Le récit figure dans une lettre du Conseil des chefs et dirigeants autochtones Tiriyó, Kaxuyana et Txikuyana (CCLTKT), datée du 1er octobre 2020. Dans le document, des images aériennes enregistrées par des peuples autochtones du Suriname le 30 septembre 2020 étaient jointes. Les photos montrent le camp de mineurs à côté d’une piste d’atterrissage. Il est également possible de voir le lit de la rivière en cours d’exploration, teinté d’une couleur sombre.

Les villages les plus proches, à seulement huit kilomètres de la mine, sont ceux de Turunkane et de Mesepituru, où vivent une dizaine de familles. Selon le chef ( » cacique « ) du village de Mesepituru, Zaqueu Tiriyó, les avions survolent fréquemment la région. « De votre village, vous pouvez même voir l’éclairage la nuit. Ils ont vu des structures de tentes, des moteurs, des débroussailleuses, de l’eau, dans le camp installé près de la piste d’atterrissage », a noté le CCLTKT dans la lettre.

Le mardi 6 octobre 2020, l’Organisation autochtone du Suriname, l’OIS, a accompagné une délégation du gouvernement surinamais sur le site. Selon l’OIS, deux hommes ont été arrêtés et emmenés dans la capitale Paramaribo pour faire leurs dépositions. La délégation est restée un peu plus d’une heure sur le site et n’a trouvé aucune preuve d’activité minière aurifère. L’armée brésilienne, en revanche, dit qu’elle s’est rendue sur le site et n’a trouvé aucun envahisseur, tandis que la Funai [dont le dernier président a été nommé par Bolsonaro] n’a pas répondu à notre équipe de reportage.

Mais pour Rodrigo Cambará, un fonctionnaire de l’Institut Chico Mendes pour la conservation de la biodiversité, l’ICMBio, avec une expérience dans la lutte contre l’exploitation minière en Amazonie, il ne fait aucun doute que quelqu’un extrait du minerai sur le site. « Cette couleur de l’eau du fleuve est typique de l’exploitation minière alluviale, où l’or est mélangé dans la zone, dans le sable au bord du fleuve », garantit Cambará, qui a déjà coordonné l’une des unités de conservation les plus problématiques du pays, la forêt nationale de Jamanxim, dans l’Etat du Pará.

Pour lui, les machines doivent être cachées quelque part plus haut sur la rivière, et les arrestations ne signifient pas que le problème est résolu. « Ces gars-là ne font pas un point sans un nœud. Nous arrivons souvent à ces endroits et n’avons que deux ou trois personnes, les autres ont fui. Ces deux ou trois sont là pour nous faire penser que l’opération a réussi et nous lâchent ».

Pour Mitore Kaxuyana, la plus grande crainte est la contamination de l’eau des villages par le mercure. « Cette rivière arrive sur notre territoire et peut contaminer la rivière Paru do Oeste, infectant nos proches qui sont plus au sud », m’a-t-il dit. La rivière qui apparaît sur les photos est la Mamia, qui naît sur la montagne du même nom, selon Aventino Nakai Kaxuyana Tiriyó, président de l’Association des peuples autochtones de Tiriyó, Kaxuyana et Txikuyana. « C’est la montagne qu’ils explorent et elle se trouve juste à la frontière des deux pays. Certainement, après avoir exploité tout l’or de l’autre côté, ils voudront exploiter ce côté-ci », poursuit-il.

La base militaire doit protéger la frontière
À moins de 2 km en ligne droite de la  » mission  » Tiriyó, où réside Mitore Kaxuyana, se trouvent une base de l’armée de l’air brésilienne (avec une piste d’atterrissage) et le Pelotão Especial de Fronteira (1° PEF) composé de 50 hommes. Le 1er PEF est à 30 km au nord-est de l’exploitation minière. Dans la lettre adressée aux autorités brésiliennes, les chefs demandent « l’envoi d’urgence de personnel militaire dans cette zone frontalière, avec la création d’un camp militaire pour le soutien et la protection des familles indigènes du village de Mesepituru ».

Le Commandement militaire du Nord (CMN) a indiqué que « l’armée avec des troupes du PEF a récemment patrouillé sur le site et qu’à l’époque la présence d’étrangers illicites et d’orpailleurs n’a pas été identifiée », notant que « la zone est entièrement située sur le territoire du Suriname, ce qui rend plus difficile l’obtention de données plus précises ». Toujours selon le CMN, il y aura une augmentation du nombre de militaires et « des liens seront établis avec les agences fédérales du pays voisin pour renforcer la sécurité dans la région ». L’ambassade du Suriname au Brésil n’a pas répondu à notre questionnement.

Pour Angela Kaxuyana, de la Coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne (COAIB), l’armée met trop de temps à agir. « Ce qui nous rend le plus perplexe, c’est qu’il s’agit d’un territoire situé dans une zone frontalière, où il y a la présence d’un peloton de militaires, ce qui devrait au moins être un facteur intimidant pour les illicites dans la région. Mais ça n’en a pas l’air », se plaint-il.

La présence des forces armées à Tumucumaque est ancienne : elle remonte aux années 1960, lorsque les premiers contacts ont été établis avec les peuples de la région. La dictature voulait « civiliser » les indigènes – ce qui serait fait par les prêtres franciscains, toujours présents dans la mission – et les préparer à « s’intégrer dans la société brésilienne ». L’intégration se ferait via la  route BR-163, qui traverserait le nord du Pará jusqu’au Suriname. Les travaux ont cependant été stoppés à la hauteur de Santarém, sur les rives du fleuve Amazone.

En 2019, le projet de construction de la route a été relancé par le gouvernement de Jair Bolsonaro, afin de contenir une série de « menaces », comme une invasion improbable des Chinois par le Suriname. Aucune de ces menaces prévues, cependant, n’était celle de l’exploitation minière – la plus réelle de toutes, comme cela a maintenant été prouvé.

La paranoïa des invasions par le nord s’exprimait par la voix du général Maynard Marques de Santa Rosa, alors secrétaire spécial aux affaires stratégiques de la présidence de la République. Lors d’une réunion tenue en avril 2019 au siège de la Fédération de l’agriculture et de l’élevage du Pará, à Belém, Maynard Marques de Santa Rosa a accusé la Chine de promouvoir une politique d’immigration de masse vers le pays voisin, comme forme d’occupation de la frontière avec le Brésil. Une autre justification de la construction de la route serait la prétendue campagne mondialiste des ONG internationales pour l’occupation de l’Amazonie.

L’extension de la route fait partie d’un projet plus large, le « Barão de Rio Branco », qui comprend aussi la construction d’une centrale hydroélectrique à Oriximiná et d’un pont sur le fleuve Amazonas dans la ville d’Óbidos. Le chantier de tous ces travaux serait le nord du Pará, une superficie de 28 millions d’hectares de forêt pratiquement intacte, de la taille du Royaume-Uni, qui a 80% de son territoire protégé par des unités de conservation, des terres indigènes et des quilombolas. Le tracé prévu pour l’extension de la route BR-163 couperait quatre unités de conservation, six zones de quilombolas et deux terres indigènes – parmi lesquelles Tumutumaque. La route traverserait également la Réserve Nationale de Cuivre et associés, de 46.450 km2, riche en minéraux.

Jair Bolsonaro, qui s’est déjà qualifié d’ « orpailleur dans l’âme », a encouragé les activités illégales en Amazonie. En novembre de l’année dernière, il a reçu un groupe de prospecteurs devant le palais de Planalto et a promis qu’il interdirait l’incendie des machines saisies lors de l’inspection de l’Ibama. En février de cette année, le président a envoyé au Congrès un projet de loi autorisant l’exploitation minière sur les terres autochtones. Deux mois plus tard, trois fonctionnaires de l’Ibama – dont le coordinateur général de l’Inspection de l’environnement, Renê Luiz de Oliveira – ont été disculpés après une opération de l’agence contre les mineurs prospecteurs sur les terres indigènes du sud du Pará.

Nouvelle ruée vers l’or
L’orpaillage est une activité répandue au Suriname. Les estimations indiquent environ quatre mille champs miniers dans le pays, qui est légèrement plus grand que l’Etat du Ceará. Historiquement, cependant, les garimpos sont situés dans la région orientale, près de la frontière avec la Guyane française. Il y a deux raisons à cela. La première est qu’il y a la Greenstone Belt (ceinture de Pierre Verte), une formation géologique particulièrement favorable à la formation de l’or. Deuxièmement, cette partie du pays est plus facile d’accès, car elle possède des routes.

La partie sud, qui a une frontière avec le Brésil, n’est accessible que par avion via la piste d’atterrissage qui apparaît sur l’image aérienne capturée par les peuples autochtones – et qui a été ouverte par le gouvernement du Suriname dans les années 1960. L’exploitation minière qui y est ouverte est illégale, car elle se trouve à l’intérieur de la réserve naturelle de Sipaliwini, et était désactivée pendant environ quarante ans. C’est pourquoi, selon l’Organisation autochtone du Suriname (OIS), les peuples autochtones du pays voisin sont aussi surpris que les Brésiliens.

Derrière la réactivation de l’exploitation aurifère se cache la hausse du prix de l’or, qui rend à nouveau rentables les hauts lieux logistiques. « C’est une région beaucoup plus chère à explorer, car l’accès est très difficile, mais le prix élevé de l’or conduit à une reprise de zones qui n’étaient auparavant pas considérées comme intéressantes », explique Gustavo Geiser, un expert de la police fédérale à Santarém, qui lutte contre les délits environnementaux dans le nord du Pará.

La hausse du prix de l’or est le reflet de la pandémie. L’instabilité des marchés financiers conduit les investisseurs à rechercher des actifs plus sûrs – l’or en fait partie. À mesure que la demande augmentait, le prix augmentait. En douze mois, le prix a augmenté de plus de 25% et, en juillet, a battu un record : 10.000 R$ (1.900 US$) les 31 grammes. Selon une étude de l’Institut Escolhas, au cours des quatre premiers mois de 2020, la valeur des exportations brésiliennes d’or a augmenté de 14,9% par rapport à la même période en 2019 – sans parler de l’exploitation illégale, que personne ne peut estimer. Au cours de la même période, la déforestation résultant de l’extraction de l’or a augmenté de 13,4 % sur les terres autochtones de l’Amazonie brésilienne, par rapport à la même période l’année dernière. L’enquête est de l’ONG Greenpeace, basée sur les données de l’Institut national de recherche spatiale (INPE).

Alors que le crime environnemental se déroule de l’autre côté de la frontière, Gustavo Geiser dit que la police fédérale ne peut rien faire. Pour lui, c’est au gouvernement du Suriname de détruire l’exploitation minière, ce qui doit être fait le plus tôt possible. « Le coût initial de la recherche du filon d’or et de l’ouverture de l’exploitation aurifère est élevé, mais une fois établi, la tendance est de faciliter la tâche des criminels, de voir plus de monde, la logistique est structurée et de là il est de plus en plus difficile de s’en sortir ».

Le bilan est le même que celui de Décio Yokota, coordinateur exécutif adjoint d’Iepé, une ONG qui travaille avec les autochtones de Tumucumaque depuis plus de vingt ans. Il explique que l’extraction de l’or comporte généralement deux phases. La première est la recherche, lorsque les prospecteurs vérifient la quantité d’or qui peut se trouver à cet endroit. Si la mine est prometteuse, de plus en plus de gens viennent. « L’espoir est qu’ils partiront tout de suite, car ils ont découvert que cela n’en valait pas la peine. Mais, si cela commence à rapporter de l’argent, nous verrons rapidement cette affaire tourner », prévient-il.

La perspective est un cauchemar dans une région où la frontière est purement imaginaire. Les peuples autochtones, par exemple, voyagent continuellement entre les deux pays pour rendre visite à leurs proches, car les mêmes ethnies vivent des deux côtés de la frontière.

« La frontière ne fait aucune différence, en particulier pour les peuples autochtones isolés », explique Geiser, se référant aux peuples autochtones qui avaient peu ou pas de contact avec l’homme blanc. Selon les données de la Funai, il existe treize  enregistrements de ces peuples dans le nord du Pará, mais un seul d’entre eux a été confirmé et a son territoire délimité.

Pour Leonardo Lenin, de l’Observatoire des droits de l’homme des peuples autochtones isolés et de contact récent (OPI), ces groupes sont particulièrement vulnérables, soit en raison de leur sensibilité aux maladies, comme le covid-19, soit en raison de leur dépendance totale à la nature. Il craint que ces peuples ne soient dévastés par des projets comme le « Barão de Rio Branco ». Et Leonardo d’ajouter : « il y a un nouveau processus d’occupation de l’Amazonie et des personnes isolées sont sur les tracés en prévision. Comme c’est une région où les enregistrements de groupes isolés ne sont pas confirmés, la crainte est grande qu’ils soient ignorés par ces projets de développement ».

Fernanda Wenzel

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