Des contrôles de police très inégaux selon la couleur de la peau

Contrôles au faciès : les jeunes Noirs ou Arabes ont 19 fois plus de chances d’être contrôlés par la police, selon le Défenseur des droits. Ce constat renforce l’idée qu’un racisme systémique peut se développer dans la police française. Les nombreux contrôles, arrestations et la répression qui ont suivi la mort de Nahel sont assez démonstratifs de ce point de vue.

Publié sur inegalites.fr le 11/03/2021

Les personnes noires ou arabes, les jeunes et les hommes sont beaucoup plus souvent contrôlés par la police selon le Défenseur des droits. Une discrimination qui nourrit les tensions.

22 % des hommes qui se disent perçus comme [1] arabes déclarent avoir été contrôlés par la police plus de cinq fois au cours des cinq dernières années, selon une étude du Défenseur des droits menée en 2016 [2], soit dix fois plus que les hommes blancs. De leur côté, les hommes noirs sont 13 % à indiquer avoir été contrôlés plus de cinq fois également.

Cette situation peut être liée à d’autres facteurs que la couleur de peau. Ainsi, les jeunes de 18 à 24 ans ont été 3,8 fois plus contrôlés (plus de cinq fois en cinq ans) que la moyenne de la population, et les habitants des cités, trois fois plus. Or, les populations issues de l’immigration sont en moyenne plus jeunes et vivent plus souvent dans l’habitat social. Reste que, si l’on raisonne en isolant ces facteurs, au bout du compte les jeunes hommes [3] arabes ou noirs ont une probabilité 19 fois plus élevée d’être contrôlés fréquemment que le reste de la population, selon le Défenseur des droits.Unité : %Part des hommes indiquant avoir été​contrôlés plus de cinq fois au cours des​cinq dernières annéesselon la couleur de peauArabeNoirBlancEnsemble0102030

Pour l’institution, ces pratiques suggèrent un ciblage des contrôles de police. Pourtant, à l’évidence, le sur-contrôle des personnes noires ou maghrébines ne règle pas les questions de sécurité qui se posent, en particulier dans les quartiers où les difficultés sociales sont les plus grandes. Outre qu’ils minent le quotidien de tous les jeunes des quartiers populaires, les contrôles non justifiés ont surtout pour effet d’attiser le sentiment d’être désigné coupable par avance et d’augmenter les tensions. « La fréquence importante des contrôles auprès d’une catégorie de la population alimente chez celles et ceux qui en font l’objet un sentiment de discrimination et de défiance envers les institutions policières et judiciaires », note le Défenseur des droits. Près de 60 % des personnes qui rapportent des contrôles fréquents considèrent avoir été discriminées. Le président de la République lui-même reconnaît le phénomène : « aujourd’hui, quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé […]. On est identifié comme un facteur de problème et c’est insoutenable », a-t-il indiqué en décembre 2020 au média en ligne Brut.

Le décalage est grand entre la connaissance du phénomène et l’absence de politique visant à réduire ce type de discrimination. Une nouvelle plateforme permettant de signaler des différences de traitement – ce n’est pas la première – a été lancée (https://www.antidiscriminations.fr/). Reste à savoir quelles seront les suites données aux signalements. Derrière les contrôles de police, c’est l’ensemble des politiques de sécurité, qui privilégie la répression à la prévention, qui devrait être réformé.


[1] Pour chaque catégorie, c’est la personne interrogée qui estime la couleur de la peau selon laquelle elle pense être perçue. Nous simplifions par la suite.

[2Enquête sur l’accès aux droits. Volume 1. Relations police/population : le cas des contrôles 

Logement social : Gérald Darmanin veut jeter les familles des émeutiers à la rue

Publié dans humanite.fr le 3/09/2023

Dans une lettre adressée aux préfets, le ministre de l’Intérieur demande une « fermeté systématique » à l’égard des personnes condamnées après les révoltes suivant la mort de Nahel. Des familles entières pourraient être expulsées de leur logement social.

Pour séduire l’extrême droite, Gérald Darmanin, autoproclamé défenseur des « classes populaires », préfère faire la guerre aux pauvres. Dans un courrier adressé aux préfets, le ministre de l’Intérieur préconise une « fermeté systématique » à l’égard des personnes condamnées à la suite des révoltes du début de l’été dans les quartiers populaires.

« Nous vous demandons de mobiliser tous les outils prévus par la loi pour expulser les délinquants des logements sociaux qu’ils occupent », écrit-il dans ce courrier cosigné par la secrétaire d’État chargée de la ville, Sabrina Agresti-Roubache.

Un bailleur « peut saisir », selon eux, « le juge civil pour que ce dernier prononce la résiliation du bail de l’habitation et l’expulsion de tout occupant pour rétablir la tranquillité des lieux ». Ce pour des actes de « délinquance grave à proximité de son lieu d’habitation », un motif que ne comprend pas la loi en vigueur.

Punition collective dirigée contre les pauvres

De telles mesures, si elles devaient se généraliser après un premier cas dans le Val-d’Oise à la fin août, relèveraient d’une véritable double peine. Elles seraient de surcroît dirigées contre des catégories populaires. Par ailleurs, en privant le titulaire d’un bail social de son logement, et en y expulsant « tout occupant », ce sont dans bien des familles entières qui se retrouveraient à la rue. L’équivalent de l’instauration d’une punition collective dirigée contre les pauvres.

Soulignons par ailleurs que ces procédures semblent moins expéditives chez les délinquants en col blanc. Les époux Balkany, par exemple, n’ont toujours pas été expulsés de leur moulin malgré leurs multiples condamnations.

EN APPUYANT SUR UN BOUTON : crise sanitaire et contrôle social…

Nous reprenons l’article publié sur le site de nos ami.e.s et camarades de la LDH de la section de Nice.

Lors de l’émission « C Politique » diffusée sur la 5 samedi 7 mai, il a été diffusé un reportage sur la gestion de la pandémie par la Chine avec les méthodes techno-policières que l’on connait. Ci dessous, un extrait de 7 minutes :(cliquez sur le triangle en bas à gauche)

Dans ce bref extrait, on voit les policiers chinois utiliser toute une gamme d’objets technologiques et de procédures qui existent aussi en France, même s’ils ne sont pas généralisés, systématisés et poussés à leur paroxysme comme en Chine : vidéosurveillance généralisée, reconnaissance faciale, géolocalisation, Pass, drones pour surveiller et  invectiver la population ; nous n’avons pas encore ces effrayants cloportes-robots développés sur le modèle de ceux de Boston Dynamics et munis de hauts parleurs.

Pas de ça chez nous ?

La première réaction est de penser que tout cela ne peut se produire en France, parce que nous sommes une démocratie, même autoritaire et avec de très forts penchants policiers, même très friande d’états d’urgence prolongés et « régimes transitoires ». Mis à part quelques représentants du tout sécuritaire tels qu’Estrosi et autres Rebsamen, on imagine volontiers la réponse de la majorité des élus : pas de ça chez nous !

Le « Crisis data hub »

 Toutefois, on ne peut s’empêcher de penser à quelques-unes des propositions contenues dans le rapport produit en juin 2021 par nos braves et paisibles sénateurs de la « Délégation sénatoriale à la prospective »  [   ICI   ] dont nous avons extrait quelques propositions :

« Quarantaine obligatoire pour les seules personnes positives, strictement contrôlée grâce à des outils numériques (géolocalisation en temps réel avec alerte des autorités » « Dans les cas les plus extrêmes […] toute violation de quarantaine pourrait conduire à une information en temps réel des forces de l’ordre, à une désactivation du titre de transport, ou encore à une amende prélevée automatiquement sur son compte bancaire »

Mais la proposition phare est celle de la création d’un « Crisis data hub » plateforme de collecte, de concentration de données personnelles (comme par exemple les données médicales) croisées avec celles produites par des tiers (opérateurs télécoms (géolocalisation), entreprises dites « technologiques » , transports, banques, etc. Le tout à mettre en œuvre uniquement en « cas de crise sanitaire ou autre ».

En appuyant sur le bouton

Les sénateurs se placent dans l’hypothèse d’une « situation de crise sanitaire ou autre » pour s’autoriser à « croiser, entre autres, des données médicales avec des données de géolocalisation » ; c’est exactement ce que fait actuellement le gouvernement chinois.

Le très vague et inquiétant « ou autre » devrait alerter tous les défenseurs et défenseuses de l’Etat de droit ; c’est la porte ouverte à tous les abus et à toutes les tyrannies. Que se passera-t-il si un jour est déclenchée dans notre pays une grève générale illimitée et qu’elle dure plusieurs semaines ? Qui est en mesure de garantir que ce dispositif ne sera pas détourné pour surveiller ou entraver les mouvements des syndicalistes, des journalistes ou de simples militants ?

L’expérience montre que lorsqu’un dispositif techno est disponible, son utilisation finit toujours par être dévoyée et utilisée à d’autres fins que celles prévues à l’origine, dans un premier temps illégalement, puis ensuite avalisé par la loi, Cf par exemple : la reconnaissance faciale sur les fichiers du TAJ, les valises IMSI Catcher, l’utilisation policière des drones.  

Les sénateurs  font preuve d’une certaine candeur s’ils pensent qu’ils vont pouvoir venir à bout d’une pandémie « ou autre » « en appuyant sur le bouton » ;  leurs propositions sont très inquiétantes, car « en appuyant sur un bouton » il serait alors possible de porter un coup fatal à l’Etat de droit.