120 ans de laïcité



Nous célébrerons le 9 décembre prochain les 120 ans de la Loi concernant la séparation des églises et de l’Etat.

A cette occasion le Comité interministériel de la laïcité dote chaque année, depuis 2021, Le Prix de la laïcité de la République française d’un budget destiné à récompenser un projet qui « distingue et encourage des actions de terrain et des projets portant sur la protection et la promotion effectives de la laïcité ». Cette année, une enveloppe exceptionnelle de 100 000 euros récompensera les projets et actions dédiés à la laïcité.



D’après un sondage demandé récemment par le Laboratoire de la République à Ipsos-Cesi École d’ingénieurs, les Français resteraient attachés à la laïcité, qu’ils soient de droite ou de gauche.



Ce qui ne semble pas faire les affaires du pape Léon XIV qui, à l’occasion d’une rencontre avec une quarantaine d’élus du Val-de-Marne,  a tenu, comme son prédécesseur François, des propos critiques vis-à-vis du modèle français de laïcité, considéré comme « ouvrant la voie à une forme d’intolérance« .

Visant « les pressions, les consignes des partis, les colonisations idéologiques » – expression souvent utilisée également par le pape François – auxquelles les hommes politiques sont soumis, il a appelé à « défendre avec conviction » la doctrine sociale de l’Église et à la mettre en œuvre dans la rédaction des lois, affirmant que « ses fondements sont foncièrement en accord avec la nature humaine, la loi naturelle que tous peuvent reconnaître, même les non-chrétiens, même les non-croyants ».

Invitant les maires et conseillers municipaux locaux à la vertu de charité « sociale et politique » face aux défis de « la violence dans certains quartiers, l’insécurité, la précarité, les réseaux de drogue, le chômage, la disparition de la convivialité », ne se serait-il pas un peu mêlé de ce qui ne le regarde pas ?



Présent à la réunion, Karim Benaïssa, recteur de la mosquée de Créteil et président du Rassemblement des associations musulmanes du Val-de-Marne (RAM94), s’est également uni aux élus pour saluer ce moment « historique ».

Pendant ce temps, certains relayeurs d’opinions se demandaient si une laïcité ouverte et pluraliste est compatible avec le fait islamique et si on peut s’appuyer sur une définition stable et indiscutable de la laïcité ?

Dans son dernier ouvrage, Laïcité et pluralité (CNRS Éditions, 2025), l’historienne Rita Hermon-Belot propose une chronique rigoureuse des problèmes qui se posent aux expressions religieuses et convictionnelles, mais aussi en retour, des problèmes posés par ces dernières à l’idée laïque.



On se demande également si la laïcité ne pourrait pas être facteur d’un nouvel avenir pour Israël et de paix au Moyen-Orient. Elle « permet la coexistence des libertés, et elle est donc capable d’apporter une culture de paix civile en autorisant une conception civique de l’appartenance nationale. » La paix « établie, on peut imaginer que soient levés les obstacles à la transformation d’une nation ethnique juive en nation civique. »



De grands malentendus subsistent sur les relations entre la liberté religieuse et le principe de laïcité, qui sont souvent appréhendés dans une logique d’opposition. La liberté de religion étant une composante de la laïcité, il semble que la meilleure méthode pour traiter sereinement la question des rapports entre liberté religieuse et laïcité en France soit de partir de la loi de 1905. 

Tout comme la signification d’une pratique religieuse ne relève pas du régalien, et encore moins des juges, une revendication religieuse ne peut, de toute évidence, devenir un droit.



En ce jour de rentrée scolaire, il est important de rappeler que la notion de laïcité se construit dans l’esprit des citoyens sur les bancs de l’école.

Delphine Girard est enseignante, professeur agrégée de lettres classiques et membre du Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République. À l’occasion de la publication de « Madame, vous n’avez pas le droit ! » (Ed. JC Lattes), elle revient sur la difficulté à transmettre et expliquer des valeurs laïques à une jeunesse dont une partie ne comprend pas que l’on critique les cultes.



La LDH tient à rappeler son attachement à la laïcité et en fera le thème de sa prochaine université d’automne fin novembre prochain.

Elle souligne qu’on a assisté à partir des années 2000 à un dévoiement de la laïcité et à la trahison de la Loi de 1905, à travers le « rapport Baroin » de mai 2003, notamment, ouvrant le champ au « backlash » d’ordre moral autoritaire, de la droite à l’extrême-droite. Aujourd’hui, des politiciens peuvent à la fois défendre les crèches de Noël dans les mairies, en infraction avec la loi de 1905, et interdire les tenues des femmes musulmanes malgré les décisions juridiques.

Pour en finir une fois pour toutes avec les crèches de Noël dans les mairies



Le juge considère que la crèche a notamment un caractère religieux, et que son installation est par conséquent illégale dans un bâtiment public tel qu’une mairie.

C’est une histoire de Noël récurrente. Chaque année, des maires installent des crèches de la nativité dans les locaux de leur mairie. Et chaque année, nous avons l’occasion de rappeler, comme le juge, que c’est en principe illégal. Mais pourquoi ?

L’article 28 de loi de 1905 prévoit qu’il est interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soità l’exception [des édifices cultuels], cimetières, monuments funéraires, et musées ou expositions ».

Crèche de la nativité au sein de la mairie de Beaucaire : le tribunal administratif de Nîmes fait droit à la requête de la LDH





La loi de 1905 sur la séparation des cultes et des pouvoirs publics pose le principe fondamental de la laïcité



Communiqué LDH

Des rumeurs affirment que la LDH (Ligue des droits de l’Homme) voudrait supprimer Noël, puisqu’elle attaque les décisions communales de placer une crèche dans l’enceinte d’une mairie, comme à Béziers. Le programme serait vaste et bien au-delà de ses capacités ; il serait surtout contraire à ce qu’elle est et défend.

Le but de la LDH est d’inviter les préfets des départements concernés à faire respecter par les élus locaux les lois de la République, dont la loi de 1905 imposant la neutralité des pouvoirs publics vis-à-vis des cultes. Le tribunal administratif de Montreuil vient ainsi d’interdire à un maire de placer un drapeau palestinien au fronton de sa mairie avec l’inscription sur une banderole « Seigneur ! Pardonnez-nous… », en application de cette loi. Mais, chaque année, face à l’inaction renouvelée de certains préfets et ce malgré l’illégalité des faits confirmée par les tribunaux, la LDH se doit de saisir la justice administrative.

La LDH ne veut rien interdire ; en l’espèce, ce serait contraire à la liberté de croyance qu’elle défend depuis ses origines. La LDH souhaite seulement que les crèches ne soient pas installées dans les bâtiments publics et en particulier dans les hôtels de ville (maison de toutes les citoyennes et tous les citoyens).

L’incompréhension qui semble de mise chez certains commentateurs ne peut être due qu’à une méconnaissance des principes mêmes de la laïcité telle que définie par la loi de 1905.

Rappelons donc que le principe de séparation de l’Etat et des cultes, énoncé à l’article 2(1) de cette loi, impose à l’Etat et aux collectivités publiques la neutralité vis-à-vis de toutes les religions. Et de cette séparation découle l’article 28 de la même loi, par lequel les signes ou emblèmes religieux n’ont pas leur place dans les bâtiments publics(2). Ces principes sont toujours d’actualité et s’appliquent à toutes les religions, y compris la religion catholique et celles et ceux qui s’en réclament.

Depuis quelques années, certains maires, qui semblent privilégier leur idéologie au détriment des principes républicains, décident d’installer des crèches de Noël dans leur mairie en toute connaissance de l’interdiction, puisque la plupart ont déjà été condamnés ces dernières années par les tribunaux administratifs, mais ils récidivent en mettant en avant les « origines chrétiennes de la France ». Or, et ce n’est sans doute pas un hasard, les mêmes n’hésitent pas à invoquer les principes républicains et la laïcité sous une forme détournée pour pénaliser nos concitoyen-ne-s musulman-e-s.

En 2016, la jurisprudence du Conseil d’Etat a précisé les circonstances dans lesquelles des crèches peuvent être ou non interdites. Il a indiqué qu’il fallait tenir compte du contexte (absence de prosélytisme), des conditions particulières de l’installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux et du lieu de l’installation.

Les actions de la LDH ne visent donc qu’à faire respecter les lois de la République et c’est d’ailleurs sur ce fondement que les juridictions administratives lui ont donné raison.

Alors non, la LDH ne veut pas interdire les crèches ; elle refuse simplement de laisser faire celles et ceux qui instrumentalisent ce symbole religieux de façon politique dans des bâtiments publics.

La laïcité doit être appliquée par tou-te-s les élu-e-s de la République en respectant toutes les religions de la même façon et non en en privilégiant certaines au détriment d’autres. La laïcité est un principe républicain fondamental qui permet à toutes et tous de vivre ensemble sans discrimination. En ce sens, elle est une loi d’apaisement. Il serait bon de s’en souvenir.

 Paris, le 12 décembre 2024

Macron rate son couronnement à Notre-Dame



Deux cent vingt ans après l’événement immortalisé par le peintre David, Macron qui n’est pas Bonaparte n’a pas eu le privilège de kidnapper un pape pour son sacre. Pourquoi Notre-Dame a pu résister à l’assaut d’un président qui voulait couronner sa présidence alors qu’elle est en train de chanceler ? (Gilles Fumey)

La réouverture cérémonieuse de Notre-Dame de Paris tombe à pic pour rappeler qu’en 2024, les monarques ne sont plus ce qu’ils étaient. Internet diffusera, certes, plus vite que l’immense toile de David les éléments de langage sur ce faux couronnement mais, situation cocasse, le principal acteur papal s’est fait la malle pour… Ajaccio, la ville natale de l’empereur


Sauver la laïcité


Congrès tenu à l’hôtel de ville de Paris les 8 & 9 décembre « Laïques de tous les pays : unissez-vous ! ». Quand la critique de la religion n’est pas permise, tous les droits humains en pâtissent. La laïcité est à ce jour la meilleure réponse à l’épineux problème que posent les religions dans une société où différentes convictions doivent pouvoir coexister. Mais savons-nous la valeur de ce principe sans cesse attaqué ?



Laïques sans frontières : pour une loi de 1905 universelle

9 DÉCEMBRE 1905, VOTE DE LA LOI SÉPARATION DES EGLISES ET DE L’ETAT

10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme

75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme



Une nouvelle fois, Béziers forcée par la justice à retirer la crèche dans l’Hôtel de Ville

Depuis plusieurs années, Robert Ménard tente d’installer un crèche dans l’enceinte de l’hôtel de ville. Ce que la justice lui ordonne de défaire. (ALAIN ROBERT/SIPA / SIPA)


Le maire de Béziers Robert Ménard, proche du Rassemblement national de Marine Le Pen, compte déplacer la crèche sur le parvis de l’Hôtel de Ville.

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Chrétiens d’Orient : pourquoi la France finance-t-elle des écoles confessionnelles à l’étranger ?

Emmanuel Macron lors d’une réunion sur les actions de la France en faveur des chrétiens au Moyen-Orient, à l’Elysée à Paris, le 1er février 2022. © Sarah Meysonnier, pool, AFP


Emmanuel Macron a annoncé cette semaine doubler l’aide financière accordée aux écoles chrétiennes d’Orient, qui passe à quatre millions d’euros en 2022. Une décision singulière pour la France, laïque depuis 1905, et qui s’explique, selon les experts, par la très probable candidature du président à sa réélection.

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La loi de 1905, toute la loi de 1905

Pour aller plus loin

LE RAPPORT DES FRANÇAIS À LA LAÏCITÉ

Loi sur le séparatisme

par Rémy Dufaut

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C’est le 9 décembre prochain, date anniversaire de promulgation de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat, que sera présenté le projet de loi sur les « séparatismes » dans le but de « préserver la laïcité et l’unité de la République » en contrant les groupes qui lui sont « hostiles ».

La date n’est de toute évidence pas anodine.

Ce qui l’est encore moins, c’est quand, dans son ambition de supprimer le système des imams détachés, le président annonce le 2 octobre : « Nous allons nous-mêmes former nos imams et psalmodieurs en France, et donc, nous devons détacher ce lien qui est celui qu’on nomme l’islam consulaire. »

Comment le gouvernement de la France compte-t-il s’y prendre pour former les « imams et psalmodieurs » ? Cela est-il du ressort du gouvernement de la République ? Qui financera cette formation ? Où sera-t-elle dispensée ? Cela ne va-t-il pas à l’encontre de l’article 2 de la loi qui stipule :

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

[…]

Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3. »

Jusqu’à preuve du contraire (et hormis certaines spécificités régionales), je ne pense pas que la formation des prêtres, pasteurs, rabbins, bonzes et autres chargés de missions pastorales soit effectuée et, à plus forte raison, financée par l’Etat français…

Dès 2018,  invoquant des « risques extérieurs, Emmanuel Macron envisageait déjà d’ « amender » la loi de 1905. Le 12 décembre 2018, nous avions été reçus par T. Mosimann, préfet de l’Aube, avec plusieurs associations de défense de la laïcité pour exprimer nos inquiétudes face aux projets d’E. Macron.

En février dernier, le président annonçait ses premières mesures contre le « séparatisme islamiste » depuis Mulhouse. Début septembre il remettait  le couvert  au Panthéon à l’occasion des 150 ans de la proclamation de la République, défendant la notion de « patriotisme républicain » et pointant, notamment, le « séparatisme ».

Selon les commentateurs, soit il tente de brouter l’herbe sous le pied de Marine Le Pen pour se positionner face à elle en 2022, soit il lui ouvre un boulevard phénoménal dans la même perspective.

Dans tous les cas, il n’a de cesse que de réformer cette loi si contraignante pour ses amis de tous bords, si désireux d’avoir les coudées franches dans leurs ferveurs calotines, fondamentalistes et réactionnaires…