Loi Duplomb : plusieurs associations déposent une contribution commune devant le Conseil constitutionnel



Communiqué commun dont la LDH est signataire

Alors que la mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb atteint une ampleur inédite — la pétition a déjà recueilli près de deux millions de signatures en un temps record —, les associations Générations Futures, Notre Affaire à Tous, POLLINIS, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), Terre de Liens, CIWF France, le CCFD-Terre Solidaire, Greenpeace France, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Fondation 30 Millions d’Amis, Réseau CIVAM et Biodiversité décident de multiplier les efforts en déposant une contribution auprès du Conseil constitutionnel pour soutenir les saisines des parlementaires et faire censurer plus de la moitié de la loi.

La pétition alerte sur le fait que la « loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». En effet, cette loi contient de nombreuses dispositions dangereuses : atteintes aux principes fondamentaux de protection de l’environnement, contournement des procédures démocratiques, affaiblissement du rôle des collectivités territoriales, verrouillage des voies de recours, ou encore normes impossibles à appliquer en élevage plein air.

Face à ces atteintes multiples aux droits fondamentaux, à la santé publique et à la protection de l’environnement, les associations appellent le Conseil constitutionnel à faire respecter la Constitution et à censurer les dispositions inconstitutionnelles de la loi Duplomb. Par leur contribution commune, elles réaffirment l’importance d’un cadre juridique rigoureux et démocratique, indispensable pour garantir un avenir sain et durable pour toutes et tous.

Les associations reviennent donc article par article sur les mesures les plus problématiques du texte, ainsi que sur les vices de procédure qui accompagnent son adoption.

Concernant l’inconstitutionnalité de la procédure d’adoption :

La loi Duplomb a été adoptée au mépris des principes de clarté et de sincérité du débat parlementaire, par un détournement de la motion de rejet préalable ayant empêché tout examen d’amendement dès la première lecture. Cette manœuvre, sans fondement constitutionnel, viole le droit d’amendement garanti par l’article 44 de la Constitution et justifie une censure par le Conseil constitutionnel.

Article 1 :

L’article premier de la loi est inconstitutionnel car il supprime l’encadrement obligatoire et indépendant du conseil sur l’utilisation des pesticides. En rendant ce conseil facultatif et possible par des vendeurs de ces produits, la loi favorise les conflits d’intérêts, affaiblit la formation des agriculteurs et augmente les risques pour la santé humaine et l’environnement. Elle viole ainsi plusieurs articles de la Charte de l’environnement – qui a valeur constitutionnelle -, notamment son article 8 relatif à l’éducation et la formation à l’environnement et l’objectif constitutionnel de protection de la santé.

Article 2 :

L’article 2 de la loi est inconstitutionnel car il permet des dérogations illimitées à l’interdiction des néonicotinoïdes, malgré leur forte toxicité pour la biodiversité et la santé humaine. Contrairement à une précédente décision du Conseil constitutionnel, cette dérogation n’est ni limitée dans le temps, ni restreinte à certaines cultures ou substances. Elle repose sur une définition biaisée des alternatives, axée uniquement sur les coûts pour l’agriculteur, au détriment de la santé publique et de l’environnement, violant ainsi les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. En outre, elle ne prévoit aucune participation du public, en contradiction avec l’article 7 de cette Charte.

Article 3 :

L’article 3 autorise le gouvernement à relever par décret les seuils des ICPE d’élevage en affirmant que cela ne constitue pas une atteinte au principe de non-régression. L’article 3 prévoit également une dérogation pour les projets d’élevage bovin, porcin ou avicole soumis à autorisation environnementale en permettant de remplacer les réunions publiques obligatoires par de simples permanences, réduisant ainsi la transparence et la participation du public.

Cet article est ainsi inconstitutionnel en ce qu’il constitue une :

– atteinte à la participation du public (article 7 de la Charte) : remplacer les réunions publiques par des permanences limite le débat et rend les réponses du porteur de projet facultatives ;
– violation du principe d’égalité (article 6 DDHC) : la dérogation ne concerne que certains élevages sans justification objective ;
– méconnaissance des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement : la loi relève les seuils sans prévoir de mesures de compensation en cas d’atteinte grave à l’environnement ;
– atteinte au principe de non-régression, corollaire des principes à valeur constitutionnelle garantis par la Charte de l’environnement.

Article 5 :

L’article 5, en présumant d’office que les ouvrages agricoles de stockage, aussi appelés méga-bassines, et prélèvement d’eau dans les zones en déficit hydrique sont d’intérêt général majeur (IGM) et justifiés par une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), porte une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif et aux principes de précaution et de gestion durable de l’eau. Cette présomption empêche une appréciation au cas par cas nécessaire pour équilibrer protection de l’environnement et besoins agricoles, alors que la jurisprudence européenne impose une analyse fine et stricte avant toute dérogation. De plus, ces infrastructures, souvent de grande taille, favorisent un modèle agricole consommateur d’eau et nuisible à la biodiversité, sans garantir d’alternatives durables ni limiter les impacts, ce qui justifie leur inconstitutionnalité.

Article 6 :

L’article 6 impose aux inspecteurs de l’environnement de transmettre leurs procès-verbaux d’infraction au procureur de la République « par la voie hiérarchique », et non plus directement. Cette exigence permet à une autorité administrative de contrôler, modifier ou bloquer la transmission d’actes relevant de la police judiciaire. Elle porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à l’objectif constitutionnel de recherche des auteurs d’infractions.

Pour les associations « la loi Duplomb fragilise gravement la protection de l’environnement et la santé publique au profit d’une minorité d’acteurs, dont l’agrochimie, en bafouant les principes démocratiques et constitutionnels, le tout sans répondre aux attentes d’une majorité des agriculteurs et des citoyens. Face à cette loi dangereuse qui multiplie les atteintes aux droits fondamentaux et vise sans complexe à l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage au mépris des humains et des animaux, nous avons déposé une contribution commune devant le Conseil constitutionnel pour faire censurer plus de la moitié du texte. Notre action vise ainsi à rétablir la vérité juridique et scientifique, et à défendre l’intérêt général. »

Paris, le 24 juillet 2025

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La mobilisation contre la loi Duplomb doit se poursuivre

1 439 678 signatures à 18 h 30






Manifestations anti-bassines : milice, incendies, black blocs… « La mise en scène de la violence occulte le débat sur le modèle agricole et l’écologie »



Sébastien Leurquin, journaliste indépendant et coauteur de « L’affrontement qui vient : de l’éco-résistance à l’éco-terrorisme ? » (éd. du Rocher, 2023), lève le voile sur les dessous des manifestations anti-bassines prévues en Nouvelle Aquitaine ces vendredi 19 et samedi 20 juillet 2024.



Fouilles, lacrymos et incendie : une manifestation mouvementée contre les mégabassines


Des fouilles et contrôles à répétition aux champs de paille incendiés par les grenades, l’État a essayé d’empêcher les antibassines de manifester. Des milliers d’opposants ont quand même réussi à se réunir dans la Vienne.



« Les gendarmes qui mettent le feu, c’est tellement symbolique » : la manifestation des anti-bassines interrompue, une nouvelle mobilisation samedi


La mobilisation de milliers de militants anti-bassines, vendredi à Migné-Auxances (Vienne), près de Poitiers, a été interrompue par un incendie déclenché par les grenades lacrymogènes des forces de l’ordre. Un nouveau rassemblement est prévu ce samedi 20 juillet, dans le port de La Rochelle.

A Sainte-Soline, il y a quinze mois, les militants anti-bassines avaient été contraints de battre en retrait après avoir essuyé une salve inédite de grenades – environ 5 000 avaient été tirées en seulement 1h20, blessant plusieurs dizaines de personnes. Vendredi 19 juin, alors qu’ils étaient des milliers à avoir convergé à Migné-Auxances, près de Poitiers, pour « arracher un moratoire » sur la construction de ces énormes retenues d’eau, seule une poignée a suffi à les faire reculer. La faute à l’impressionnant incendie que les premiers tirs de gaz lacrymogène des forces de l’ordre ont déclenché dans un champ que le cortège était en train de traverser.



Pourquoi la coordination anti-bassine choisit d’aller manifester ce samedi au port de la Pallice (La Rochelle)


Alors que des milliers de personnes sont déjà réunies au village de l’eau, les 120 organisations de la coordination anti-bassines appellent samedi à converger massivement vers le port de La Rochelle. Elles expliquent ici le choix de viser le lien entre l’agrandissement de ce port et la construction des méga-bassines, ainsi que le rôle de celles-ci dans l’asservissement des paysan·nes, la dégradation continue des terres et de l’eau, la mainmise spéculative sur les exportations agricoles. 



Le zèle (obsessionnel) de Darmanin contre les antibassines


À la mobilisation des antibassines, Gérald Darmanin poursuit la criminalisation des écologistes comme si les récentes élections n’avaient pas eu lieu. Depuis son ministère tout-puissant, il multiplie les mensonges.

Il est urgent que l’humain cesse de se sentir partout chez lui 

Mieux habiter le monde réclame de nous interroger quant à l’espace où nous nous déployons. Et donc d’assumer ce qui semble désormais un tabou : l’humain ne peut être chez lui partout. À l’heure de l’effondrement de la biodiversité, la philosophe Virginie Maris appelle, en écho à son ouvrage La Part sauvage du monde (Seuil, 2018), à lutter pour laisser une respiration vitale à ce monde dont l’existence dépendra davantage de notre absence que de notre présence.

L’expansion accélérée de l’habitat humain se fait au détriment d’espaces existant sans nous.

L’inflluence des activités humaines est perceptible à un niveau global : le changement climatique affecte la biosphère dans son ensemble, y compris là où personne ne vit.

Nous vivons une époque charnière. Sans effort conscient, concerté et coordonné d’autolimitation, nous allons probablement voir disparaître de façon irréversible l’héritage de l’évolution. Ce qui doit interroger notre façon d’occuper la Terre. Cela doit notamment nous inciter à penser des formes de retrait : il est urgent que l’humain cesse de se sentir partout chez lui. Pour lutter contre l’habitation totale et hégémonique du modèle occidental et de ses formes postcoloniales contemporaines, il faut mettre en œuvre des politiques ambitieuses de protection des milieux naturels.

https://www.socialter.fr/article/virginie-maris-il-est-urgent-que-l-humain-cesse-de-se-sentir-partout-chez-lui

 C’est la consommation par personne dans les pays riches bien plus que la taille de la population mondiale qui est aujourd’hui insoutenable. L’enjeu est de penser la persistance d’une part sauvage dans un monde aussi densément peuplé que le nôtre.