Besançon : l’apprenti boulanger menacé d’expulsion va être régularisé, son patron stoppe sa grève de la faim

Laye Fodé Traore, jeune immigrant de Guinée en apprentissage dans une boulangerie de Besançon, va pouvoir rester en France. • © France 3 Franche-Comté


Jeune immigrant de Guinée, Laye Fodé Traore va pouvoir rester à Besançon et continuer à travailler dans la boulangerie de la rue Rivotte. La nouvelle nous a été confirmée ce jeudi 14 janvier 2021.

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Les brèves de Jean

L’actu à travers la loupe de Jean Camus


Cynique jusqu’au dernier moment, D. Trump

D. Trump nie toute responsabilité dans les violences au Capitole. Il a fallu plusieurs heures pour que, pressé par son entourage, il demande aux manifestants de « rentrer chez eux » non sans leur avoir déclaré qu’il les aimait.

Trump disparaissant, est- ce que le « trumpisme » disparaîtra ? Pas sûr.

Des enquêtes en cours mettent au jour des implications à tous les niveaux de responsables ; la police fédérale (FBI) avait la veille alerté sur des violences possibles, les hésitations des commandements de la police du Capitole, des complaisances, voire la complicité de policiers (l’un posant avec un manifestant, un autre arborant la casquette rouge des trumpistes).

Plus de 170 enquêtes criminelles ont déjà été ouvertes et près de 70 personnes ont été inculpées,  des policiers suspendus ou licenciés. Et D. Trump ?

Des élus démocrates s’interrogent aussi sur la complicité  de leurs collègues républicains.

Le « trumpisme » a gangréné une partie de la population. La démocratie survivra-t-elle à cette décomposition ? ( cf. l’exécution de Lisa Montgomery, voir l’article sur ce site)


La Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA), le revirement annoncé vivement critiqué

Se rappeler un  article de la CNDA en fin d’été qui annonçait la révision de ses critères pour accorder le droit d’asile ( jurisprudence « Kaboul » ) aux Afghans quand leur dossier avait été rejeté par L’OFPRA.

Elle avait en 2019 annulé près de 75% des rejets.

La nouvelle méthode  développe un « mode d’emploi » s’appuyant sur des indicatifs qualitatifs et quantitatifs pour évaluer la violence.  « Cette méthode surprend, le choix d’un pourcentage ne permet pas toujours une analyse objective d’un danger » 

Ce revirement annoncé  ( à la fois sur le fond et sur la forme) a provoqué en interne une certaine crispation. Un collectif (67 rapporteurs) écrit à la présidente de la CNDA concernant des décisions: « un tournant majeur  dans la façon dont la justice est rendue… en ce qu’elles [les décisions]  apparaissent avant tout motivées par des considérations qui ne ressortent pas du domaine de l’asile. »

Une source interne estime qu’il s’agit  de décisions « purement politiques ».

Ces décisions font l’objet d’un pourvoi en cassation devant le conseil d’État.

Inclure les réfugiés dans les programmes de vaccination : la clé pour mettre fin à la pandémie

Des flacons vides du vaccin Pfizer/BioNTech contre la Covid-19 photographiés à Bad Windsheim, Allemagne. 27 décembre 2020.
© REUTERS/Hannibal Hanschke

Mike Woodman, de la section du HCR pour la santé publique, explique comment l’organisation travaille pour s’assurer que des millions de personnes déracinées à travers le monde sont protégées contre le virus.

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La police fiche des handis

Les Etats-Unis ont exécuté Lisa Montgomery après un sursis de dernière minute

Lisa Montgomery est la première femme exécutée par les autorités fédérales depuis 1953. © Reuters

– 1ère exécution de l’année 2021 aux Etats-Unis
– 1ère exécution fédérale d’une femme depuis près de 70 ans
– 11ème exécution au niveau fédéral en 6 mois, contre 3 durant les 55 années précédentes


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Création d’une nouvelle unité de CRS pour intervenir rapidement en cas de troubles graves

La première unité de cette « Force d’appui rapide » sera opérationnelle d’ici l’été 2021. © Radio France – Guillemette Franquet

Une « Force d’appui rapide » composée de CRS va être créée d’ici l’été 2021. Elle aura pour but de faire face aux troubles les plus graves et sera mobilisable dans toute la France, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

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Toutefois cette mesure ne semble pas faire l’unanimité dans les rangs même de la police…

«Super CRS» : les syndicats de police pas enchantés par les nouvelles Forces d’appui rapide

Un fonctionnaire de CRS sécurise le périmètre d’un incendie de véhicule à Paris en marge d’une manifestation des Gilets jaunes le 12 septembre 2020 (image d’illustration).

Le ministère de l’Intérieur a-t-il voulu aller plus vite que la musique en court-circuitant les partenaires sociaux lorsque l’idée d’une super CRS a déboulé dans les médias sans aucune concertation préalable ? Les syndicats désapprouvent la démarche.

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Marchons partout pour les libertés et contre l’arbitraire ce samedi 16 janvier

Un migrant bangladais devient le premier « déplacé environnemental » de France

Surnommé « Sheel » ce Bangladais est le premier en France à avoir obtenu un titre de séjour pour étranger malade sur des critères environnementaux. Crédit : capture France 3 Midi-Pyrénées

La Cour d’appel du tribunal administratif de Bordeaux a octroyé le mois dernier le statut d’étranger malade à un Bangladais souffrant d’une maladie respiratoire en prenant en compte la pollution atmosphérique de son pays d’origine. Une première dans l’Hexagone.

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Une OQTF* comme cadeau d’anniversaire ou la poursuite de la maltraitance des mineurs non accompagnés

Les brèves de Jean

L’actu à travers la loupe de Jean Camus



La honte et le déshonneur

ET DEMAIN……. LA DEMOCRATIE,

Après des années de laisser-faire, Facebook annonce le blocage des comptes Instagram et Facebook du président sortant, D. Trump.

Les réseaux ont pris part à l’élection de D. Trump. Pendant 4 ans ils ont diffusé ses messages de haine, ses messages racistes, ses menaces, ses mensonges,  il a fallu un appel à l’insurrection pour que M. Zuckerberg se décide à bloquer les comptes de D.T.

Malgré l’avalanche de messages illégaux, obscènes ou dangereux, les réseaux sociaux ont toujours adopté la même position : en tant que président en exercice, ses publications  doivent être maintenues, elles ont valeur historique (sic).  On mesure maintenant l’ ampleur des dégâts et l’immense responsabilité de ces réseaux ; la page Facebook de D.T  affiche 30 millions d’abonnés, et 90 millions sur Twitter.

Ces  réseaux sociaux, de qui détiennent-ils la légitimité, le pouvoir de dire le bien, le mal, d’agir en lieu et place de l’État de droit ?

En  démocratie, des entités privées peuvent -elles impunément se substituer à la puissance publique ?

La démocratie aux USA a mis un genou à terre, les démocraties dans le monde sont ébranlées, fragilisées.

Comment  restaurer les valeurs, les droits de l’homme, de la justice, quand le pays offre le spectacle d’un État failli.  Les dirigeants des pays autoritaires vont pouvoir se repaître de ces images, cela va les conforter dans la gouvernance répressive de leur pays.

Mais c’est aussi un avertissement pour toutes les démocraties, en particulier celles des pays européens. La réaction de M. Le Pen en dit long à ce sujet, l ’exemple des dirigeants de pays qui flirtent avec le populisme et le dévoiement de l’État de droit.

Peut-on s’accommoder dans l’UE de la dérive de certains pays ? L’avertissement vaut aussi pour des partis politiques européens traditionnels qui continuent d’accepter dans leur groupe celui du premier ministre hongrois V. Orban, suspendu mais pas exclu.

Marche des libertés


Samedi 16 janvier
10 h 30
Préfecture de l’Aube

Le samedi 16 janvier une marche des Libertés est organisée : syndicats, mouvements politiques, associations, citoyens sont invités à y participer.

Un communiqué commun sera lu à plusieurs voix. Rendez-vous masqués devant la préfecture de Troyes à 10 h 30.

EN CHINE, EMPRISONNÉE ET TORTURÉE POUR AVOIR RÉVÉLÉ LA VÉRITÉ SUR LA COVID-19

Zhang Zhan

Le gouvernement chinois tente de cacher les informations relatives à l’épidémie de Covid-19, faisant taire allègrement les personnes qui dénoncent la gestion du virus. Zhang Zhan, journaliste citoyenne, en a été la malheureuse victime.

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Règlement terroriste : le Parlement européen doit s’opposer à la censure sécuritaire

Grande-Synthe : Des migrants interdits d’entrer dans un supermarché par la police

Seules les personnes migrantes ont été contrôlées et empêchées d’entrer dans le supermarché assurent les associations qui dénoncent des « contrôles au faciès ». • © DR – HRO

Trois associations d’aide aux migrants assurent avoir été témoins de « discriminations au faciès », exercées par des policiers à l’encontre de personnes migrantes à Grande-Synthe. Les faits se sont déroulés devant le supermarché Auchan, le vendredi 8 janvier en fin de journée. 

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Euthanasie : les malades demandent à avoir le choix

Véronique D’Hondt, spécialiste des cancers, rappelle, dans que l’exercice de la médecine, qu’elle soit curative ou palliative, elle requiert, pour l’essentiel, humilité, tolérance, et disponibilité.

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La Manche, théâtre de plus de 9 500 passages ou tentatives de passage de migrants en 2020

Un petit bateau navigue sur la Manche. Au loin, on distingue les falaises blanches de la côte britannique. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

Plus de 9 500 passages ou tentatives de passage de la Manche par des migrants ont été recensés en 2020, a annoncé vendredi la préfecture maritime, soit quatre fois plus qu’en 2019. Ce phénomène s’expliquerait par « de très bonnes conditions météorologiques, l’augmentation du taux de réussite », ou encore par « l’amélioration des méthodes des passeurs », selon un expert.

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Le Conseil d’Etat ne suspend pas l’extension du fichage des militants

Décrets PASP : première bataille perdue contre le fichage massif des militants politiques

On multiplie les techniques punitives intrusives, dont le fichage

Nous reproduisons exceptionnellement dans son intégralité cet article de JOSEPH CONFAVREUX paru dans Médiapart le 7 janvier (et réservé exclusivement aux abonnés) en raison de son actualité particulièrement inquiétante et pressante.


La politiste Vanessa Codaccioni, qui publie un ouvrage sur la « société de vigilance », revient sur la décision du Conseil d’État d’autoriser le fichage des opinions politiques et syndicales.

Le Conseil d’État vient de donner un avis favorable à trois décrets élargissant les possibilités de fichage, en autorisant policiers et gendarmes à faire mention des « opinions politiques », des « convictions philosophiques et religieuses », et de « l’appartenance syndicale » de leurs cibles, alors que les précédents textes se limitaient à recenser des « activités ».

Identifiants, photos et commentaires postés sur les réseaux sociaux pourront aussi être listés, de même que les troubles psychologiques et psychiatriques « révélant une dangerosité particulière ». Outre les personnes physiques, les « personnes morales », telles que les associations, sont également visées.

La plus haute juridiction administrative a ainsi rejeté le référé déposé par plusieurs centrales syndicales dont la CGT, FO ou la FSU, tout comme le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France en considérant que les trois décrets ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’opinion, de conscience et de religion ou à la liberté syndicale.

Les trois fichiers concernés sont le PASP (prévention des atteintes à la sécurité publique) de la police ; le Gipasp (gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique) des gendarmes et l’EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique).

Pour Mediapart, la politiste Vanessa Codaccioni revient sur cette décision inquiétante. Après avoir travaillé sur la justice d’exception et l’attitude de l’État face aux crimes terroristes et politiques, puis sur la légitime défense, la chercheuse a publié deux livres qui résonnent particulièrement avec le moment présent : Répression. L’État face aux contestations politiques (Textuel, 2019) et, jeudi 7 janvier, La Société de vigilance, également chez Textuel dans lequel elle étudie le « réagencement abouti et perfectionné des relations entre les trois types de surveillance possiblement exercés au sein d’une société : la surveillance étatique, le contrôle et la surveillance populaires du pouvoir, et la surveillance mutuelle ». Entretien.


Comment regardez-vous la décision du Conseil d’État de valider le fichage des opinions politiques et syndicales par les forces de l’ordre ?

Cette décision ne m’étonne pas du tout, parce que le Conseil d’État a beau, originellement, être un contre-pouvoir, censé protéger les citoyens et les citoyennes, ainsi que les libertés fondamentales, il n’a jamais véritablement joué ce rôle.


Le Conseil d’État, qui a été souvent saisi ces derniers mois, paraît en effet être surtout une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif. Cela a-t-il toujours été le cas ?

On ne peut pas dire que le Conseil d’État n’ait jamais été un contre-pouvoir, particulièrement pendant les périodes de guerre et de crise. Pendant la guerre d’Algérie par exemple, il a validé l’ensemble des dispositifs et des législations d’exception, comme l’état d’urgence d’avril 1955, les « pouvoirs spéciaux » l’année suivante, admettant même la création de « camps d’hébergement ». Pour ce qui concerne les décisions liées à l’état d’urgence depuis 2015, ses membres ont également fait le choix de les entériner. Il s’agit donc d’une institution qui préserve l’ordre politique et répressif, qui n’est pas un rempart contre l’exception et les atteintes aux garanties fondamentales.

Je ne repère qu’une seule grande décision allant à l’encontre de cette tendance historique : l’arrêt « Canal » de 1962, où le Conseil d’État a refusé la mise en place d’un tribunal d’exception voulu par Charles de Gaulle pour juger les membres de l’OAS. Cela a valu à cette institution la colère du Général, qu’on peut lire dans ses Mémoires. Depuis, en dépit de quelques décisions allant dans le sens des libertés publiques, il a avalisé la grande majorité des volontés parfois liberticides de l’exécutif.


Vous disiez que vous n’étiez pas étonnée par cette décision du Conseil d’État…

Non seulement en raison de ce que je viens de dire sur le Conseil d’État, mais surtout parce que cette volonté de fichage des opinions syndicales et politiques s’inscrit dans deux mouvements répressifs à l’œuvre ces dernières années.

Le premier est le renforcement de l’arsenal dirigé contre la contestation politique, avec le développement d’une répression invisible contre les militants et les militantes, à base de surveillance physique, d’écoutes, de captation d’images, de sonorisation des lieux publics et privés, de géolocalisation ou encore d’exploitation du matériel informatique. Nous l’avons vu par exemple à Bure : des moyens inhérents à la surveillance antiterroriste ont été utilisés contre des opposants politiques. Cette invibilisation de la répression passe ainsi par la multiplication de techniques punitives intrusives, dont le fichage fait partie : la « fiche S » nous le rappelle puisque de nombreux militants syndicats et politiques sont fichés S alors qu’ils n’attentent pas à la sûreté de l’État.

Le second mouvement est le renforcement de l’omniscience de l’État, qui veut tout savoir, connaître, et récolter le maximum d’informations sur les citoyennes et les citoyens qui ne doivent avoir aucun « secret » pour le pouvoir et les institutions de répression, être absolument « transparents ».

C’est à la jonction de ces deux processus qu’il faut comprendre la décision récente du Conseil d’État de valider ces décrets sur le fichage des opinions politiques et syndicales prises par le ministère de l’Intérieur.


Cependant, dans votre dernier livre, vous insistez sur le fait qu’il ne faut pas comprendre la surveillance étatique à travers la seule image du panoptique, développée par le philosophe Jeremy Bentham, et réutilisée par Michel Foucault, pour étudier la mise en place de sociétés disciplinaires et disciplinées ?

Le panoptique est une tour centrale disposée au milieu d’une prison d’où les gardiens peuvent tout voir. Les surveillés ne peuvent pas savoir s’ils sont en train d’être surveillés ou non, et se comportent en fonction. L’État se comporte comme le gardien de prison imaginé par Bentham : ses agents sont chargés de multiplier les programmes et les dispositifs pour en savoir le plus possible sur la population, comme les révélations de Snowden l’ont encore montré, et la population, de son côté, est possiblement insécurisée par cette surveillance massive et intrusive.

Mais, en sus de cette logique panoptique, on assiste au développement d’un synoptique populaire, c’est-à-dire d’un système où une majorité de la population regarde et surveille quelques individus. Tout le monde ne regarde pas tout le monde, et tout le monde n’est pas regardé de la même manière non plus. En réalité, on assiste à la conjonction d’un panoptique et d’un synoptique sécuritaires, l’un émanant de l’État, l’autre de la population, qui se conjuguent pour renforcer la surveillance de certaines cibles : populations étrangères, précarisées, racisées, mais aussi militants politiques ou syndicaux. Plus généralement, ce sont les personnes ou les groupes considérés comme « déviants » par le pouvoir qui sont l’objet de cette double surveillance.


Le recueil et le fichage de ces données politiques et syndicales sensibles étaient déjà, de façon dérogatoire, autorisés dans le code de la sécurité intérieure. Il sera désormais possible dans le cadre d’atteinte à la sécurité publique et à la sûreté de l’État. Est-ce une rupture si importante ?

Je pense qu’il s’agit principalement d’une légalisation d’habitudes policières en réalité anciennes, qui se pratiquaient déjà, de même qu’en 2015 la loi Renseignement est venue légaliser a posteriori des pratiques intrusives déjà utilisées sur le terrain et jusqu’alors illégales, comme la collecte massive de données sur Internet. En ce sens, ce n’est pas un grand bouleversement. Mais le fait de l’afficher, de le visibiliser, est significatif politiquement. Le pouvoir indique : « On vous surveille, on vous fiche, on sait qui vous êtes et les opinions politiques que vous défendez. » On légalise l’invisible d’un côté, on visibilise une forme de répression de l’autre. En fait, on est dans un moment de notre histoire où les gouvernements cherchent à restreindre le champ de ce qui serait légitime politiquement. Ils essaient d’imposer ce qui est dicible, faisable, pensable en matière politique ou de militantisme. Et dès que l’on sort de ce champ rétréci, on est considéré comme un délinquant, un criminel ou un fou. Là, des opinions vont être a minima fichées et potentiellement réprimées. Mais que vont devenir les informations récoltées sur ces fichiers ? Pourront-elles servir de base à des actes d’accusation, ou être utilisées lors de manifestations pour aider à la police à arrêter certaines personnes ? On peut être quasiment certains que ces informations ne resteront pas oubliées dans un fichier, de même que les « notes blanches » ont été mobilisées dans le cadre de l’état d’urgence contre des militantes et militants.

Pour autant, quand des personnes sont arrêtées, on ne sait jamais si ces arrestations se basent sur des informations contenues dans tel ou tel fichier. C’est par exemple le cas en décembre dernier lorsque plusieurs militants dits de « l’ultragauche » ont été arrêtés pour « association de malfaiteurs terroriste ». Cette situation a pour objectif de maintenir les militants et les opposants dans une incertitude et une appréhension : suis-je fiché ? Pourquoi ? Qu’est-ce que je risque ? Qu’est-ce qu’ils ont sur moi et à quoi cela va-t-il servir ? On les place ainsi dans l’anticipation de leur répression.


En 2008, le fichier Edvige (exploitation documentaire et valorisation de l’information générale), qui prévoyait notamment de recenser des personnes exerçant ou ayant exercé un mandat politique, syndical ou économique, avait suscité un tel tollé qu’il avait été retiré. Comment expliquer que, un peu plus de dix ans plus tard, il y ait moins de résistance en dépit des indignations qu’on peut entendre ?

Gérald Darmanin a pris ces décrets sur les fichiers policiers dans un moment où tout le monde avait les yeux rivés sur la loi « Sécurité globale ». Il a ainsi profité d’un moment de contestation d’une loi répressive et sécuritaire pour faire passer des décrets eux-mêmes répressifs ! Mais comme il ne s’agit pas d’une loi, mais de décrets, il était plus difficile de s’y opposer et d’avoir le temps d’y réagir.

Ces décrets, comme la loi Sécurité globale, s’inscrivent dans une même logique, qui a sans doute déjà des effets, en particulier de renforcement de la gouvernementalité par la peur et de renforcement de la surveillance. Comme je l’indiquais tout à l’heure, ils disent aux militantes et militants : « On vous a à l’œil. »

Or, tandis que l’État est censé pouvoir tout voir, les citoyennes et citoyens ne sont censés regarder que certaines cibles – les mêmes que celles visées par les dispositifs policiers ou de renseignement – et ne doivent surtout pas surveiller les agents de l’État et leurs pratiques, comme les mesures sur l’interdiction de filmer les policiers l’ont encore montré.

Les autorités veulent donc affaiblir la vigilance démocratique et populaire, celle exercée par la population pour contrôler les agissements de celles et ceux qui gouvernent ou font fonctionner l’appareil répressif d’État.


Cette volonté de ficher les opposants politiques ne va-t-elle pas à l’encontre de la stratégie de dépolitisation menée par le pouvoir contemporain à l’encontre de ses adversaires, de plus en plus alignés sur la législation contre les criminels ou les terroristes, comme vous l’analysiez dans votre précédent livre Répression. L’État face aux contestations politiques (Textuel, 2019) ?

Il est vrai qu’on cherche à dépolitiser des luttes en considérant de plus en plus les opposants comme des délinquants ou des terroristes. L’assimilation militantisme = terrorisme et militantisme = violence criminelle est l’une des stratégies répressives les plus puissantes aujourd’hui contre les contestations politiques et vise à les discréditer, les stigmatiser, à les réprimer ensuite.

Mais il faut toutefois justifier la répression, ici le fichage. Comme on s’en prend, avec ces techniques intrusives de récolte de données, à des individus ou des associations qui n’ont commis aucune infraction, il faut donc les attaquer sur leurs pensées, leurs opinions politiques, les causes qu’ils défendent. Justifier et légitimer ces fichiers oblige ainsi à évoquer le caractère politique des engagements de celles et ceux que l’on cible, alors même que la stratégie du pouvoir est de dépolitiser ces mêmes engagements.


Ces termes de « société de vigilance », qui donnent le titre à votre dernier livre, ont été prononcés par le président de la République, qui a appelé à « bâtir » une telle société, lors d’une cérémonie rendant hommage aux agents de la préfecture de Paris tués par l’un d’entre eux. Or ces fichiers de police sont censés être utilisés pour le recrutement de fonctionnaires sur des postes sensibles : cela n’en définit-il pas un usage légitime ?

Bien évidemment, c’est une présentation légitime de l’usage de tels fichiers. Mais on peut déjà en envisager les dérives, et prévoir de tout autres usages que ceux évoqués au départ. Il y a peu de doute que cela visera des cibles de plus en plus plus étendues et que cela servira à des fins punitives.


Quels sont les principaux dispositifs de cette « société de vigilance » que vous étudiez dans votre dernier livre ?

Le premier grand dispositif est l’autosurveillance : la manière dont on va inciter quotidiennement les individus à se surveiller les uns les autres. Cela existe depuis longtemps, par temps de guerre ou de crise, ou dans les régimes autoritaires ou dictatoriaux. Mais cela se normalise et se retrouve aujourd’hui dans de nombreux pays du monde, et en temps de paix. Cette pratique disciplinaire insidieuse s’est renforcée depuis le 11 septembre 2001, à partir de l’idée que les services de renseignement et de police ne pouvaient pas tout voir et qu’ils avaient besoin des yeux et des oreilles des membres de la société. Cela se déploie dans toutes les sphères de la vie : rue, école, centre commercial, quartier, transport en commun, travail…

Le second grand dispositif est la dénonciation. Là encore, ce n’est pas nouveau historiquement, mais avec désormais la spécificité de se dérouler en temps de paix et dans des régimes dits « démocratiques », et d’être présenté comme une pratique banale, inhérente à l’exercice de la citoyenneté. Beaucoup d’États encouragent la dénonciation, en proposant de l’argent, en en faisant une vertu civique et patriotique ou en ne punissant pas les dénonciations malveillantes. Pourtant, des chercheurs ont montré que la plupart des informations ainsi recueillies sont inutilisables. Untel a été vu en train de photographier un bâtiment, un autre parlait nerveusement dans son téléphone portable, etc.

Cela montre que le but est moins de récolter des informations que d’asseoir le contrôle de l’État sur la population : en la maintenant dans un état d’insécurité permanente, en l’incitant à aider la police et donc à renforcer ses liens avec elle, en appelant continuellement à la vigilance, en insistant sur les risques permanents. Sur ce point, les exercices « alerte-attentats » aux États-Unis, mais aussi en France, où on a pu utiliser des « faux djihadistes », des armes factices ou demander à des enfants de faire les morts, sont très éclairants. Ils montrent comment, dès l’enfance, on nous prépare à un horizon fait de menaces et de catastrophes qui justifie la présence répressive et vigilante de l’État.


La surveillance latérale et mutuelle, et la participation citoyenne aux activités de répression, contestent-elles le monopole de l’État en matière d’exercice de la force ?

Assiste-t-on à une délégation du monopole de la force légitime ? En réalité pas du tout. À part dans des pays comme le Brésil ou la République tchèque, dans lesquels on incite les citoyens à s’armer et où on veut étendre le champ d’application de la légitime défense, la plupart des pays encadrent les comportements vigilants et distinguent les bons – appeler la police – des mauvais – se faire justice soi-même.


Les pouvoirs publics encadrent ainsi la vigilance populaire en conservant le monopole de la contrainte. Dans les années 1970, période lors de laquelle le gouvernement utilise les chiffres du crime pour « insécuriser » la population, agite sans cesse l’augmentation de la délinquance et prône déjà la vigilance sécuritaire, une partie de la population s’arme et est tentée par l’autodéfense armée. De nombreux cambrioleurs sont abattus, quelques milices se mettent sur pied. C’est l’une des raisons pour lesquelles on a désarmé la société française dans les années 1980 et 1990. Tout l’enjeu pour les gouvernants est ainsi de gouverner par la peur, de susciter la peur, sans que les gens en viennent pour autant à se faire justice eux-mêmes, voire se mettent à contester le pouvoir établi, y compris par les armes.


Que désignent ces termes singuliers de « répression participative » que vous employez ?

C’est une répression qui inclut une partie de la population dans une traque punitive contre les ennemis de l’État et s’appuie sur la participation citoyenne aux activités de sécurité ou de défense nationale. Mais, en vérité, cette idée que les citoyennes et les citoyens « participent » aux activités répressives est un leurre sécuritaire, qui, comme la participation démocratique, est souvent cosmétique. Cependant, elle peut avoir de véritables effets, avec les dénonciations malveillantes ou calomnieuses et les violences, parfois physiques et armées.


Vous avez montré comment des dispositifs d’exception antiterroristes ou liés à l’état d’urgence rentrent progressivement dans le droit commun ou la politique ordinaire. Faut-il craindre la même chose pour l’état d’urgence sanitaire alors que la situation justifie des restrictions importantes en termes de libertés individuelles ?

C’est une grande question que je me pose mais à laquelle il me semble prématuré de répondre. Il faut être en alerte, parce qu’il y a des atteintes réelles et importantes aux libertés publiques, mais comment savoir si ces atteintes sont disproportionnées et s’il peut y avoir d’importantes dérives ?


Il me semble nécessaire de faire attention à ne pas effectuer un parallèle trop hâtif entre l’état d’urgence sécuritaire et l’état d’urgence sanitaire. Il est d’ailleurs intéressant de constater que des personnes comme Jair Bolsonaro ou Donald Trump se sont opposées aux mesures de sécurité sanitaires, ce qui dit quand même quelque chose de la différence entre les deux types d’état d’exception.

L’urgence sanitaire est, ô combien, liberticide, et sans doute plus encore que les mesures prises pendant « l’état d’urgence antiterroriste ». Mais il me semble trop tôt pour en saisir tous les effets, notamment parce qu’il faudrait pouvoir observer et analyser les deux grandes dérives liées aux situations d’exception : la banalisation dans le temps des dispositifs créés dans ces circonstances, hors d’une menace imminente ; et le détournement de leur fonction première, ce qu’on ne peut pas véritablement dire, aujourd’hui, au sujet de l’urgence sanitaire.

UNE LOI EUROPÉENNE POUR METTRE FIN À L’IMPUNITÉ DES MULTINATIONALES



L’année 2021 pourrait voir naître une loi européenne sur le devoir de vigilance. Elle permettrait la protection de l’environnement et des droits humains au niveau européen. Mais les obstacles restent nombreux.

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