Communiqué de presse de la section de Nantes et du pays nantais de la Ligue des droits de l’Homme. Le 16 mars 2013.
Dans l’agglomération nantaise, jusqu’à une date récente, la vidéosurveillance destinée à surveiller les espaces publics était seulement présente sur deux communes : Saint Herblain – depuis 2000 – et Orvault – depuis 2003. Elle a été récemment installée sur deux autres communes : Treillières et Sautron. Et aujourd’hui, sa mise en place est discutée par différentes listes candidates aux élections municipales dans d’autres communes : Bouguenais, Carquefou, Les Sorinières, Nantes, Rezé.
La Ligue des droits de l’Homme refuse ce qu’implique la banalisation de la vidéosurveillance rebaptisée de façon trompeuse « vidéoprotection » . D’autant que sa mise en place est rarement accompagnée d’un large débat sur le bien-fondé de son utilisation. Les arguments avancés pour défendre la vidéosurveillance de la population posent plus de problèmes qu’ils n’apportent de « solutions ».
De faux arguments
« La vidéosurveillance est le moyen d’identifier après coup des personnes délinquantes ». Or dans pareilles situations, les délits sont déjà commis, les caméras ne les ont pas empêchés.
« La vidéosurveillance n’est pas à craindre quand on n’a rien à se reprocher ». Mais, la vidéosurveillance fait de tous les citoyens des suspects potentiels. Il s’agit, d’une inversion du droit, lequel considère chaque personne comme innocente jusqu’à ce qu’elle franchisse les limites de la loi, après quoi – et pour cela – elle pourra être sanctionnée.
De plus, la vidéosurveillance coûte cher et elle est inefficace pour faire respecter la « sécurité » : la délinquance s’adapte et se déplace. Par conséquent, la logique de la vidéosurveillance implique de mettre de plus en plus de caméras. Mais peut-on imaginer une société totalement vidéosurveillée ? Quelles en seraient les conséquences pour les libertés ?
Un risque pour la liberté et la démocratie
Être surveillé amène les personnes, même bien intentionnées, à « normaliser » leurs comportements, à s’autocensurer. Et c’est là une première atteinte sournoise à la liberté d’aller et venir et au libre arbitre. L’enregistrement et la diffusion d’images d’une personne sans son consentement, même avec le cadre de la réglementation, reste une atteinte à la vie privée et menace les libertés individuelles. Comment s’assurer de l’utilisation qui pourrait en être faite à l’avenir ? Bien sûr, nous sommes en démocratie, mais sur la place Tian’anmen, en Chine, les caméras ont permis d’identifier les opposants au régime lors de manifestations. L’opposition citoyenne et les mouvements sociaux font partie de l’activité démocratique. Une majorité municipale peut toujours évoluer. Raison pour laquelle, il faut s’opposer par principe à la vidéosurveillance.
Une suspicion à l’encontre du lien social
La vidéosurveillance détruit le lien social. On ne peut répondre au « sentiment d’insécurité » des citoyens par un artifice technique. Là où on attend au contraire des solutions basées sur le contact humain : renforcer la présence d’enseignants, d’aide-éducateurs, de travailleurs sociaux, d’animateurs, de médiateurs, de concierges, de correspondants de quartiers, de policiers de proximité et développer des espaces de rencontres et d’échanges pour rendre les gens acteurs de leurs espaces de vie collective.
La vidéosurveillance déresponsabilise les citoyens qui auront tendance, en cas d’incident, à ne pas réagir, à détourner le regard et enfin à se décharger sur l’agent imaginé derrière la caméra. La vidéosurveillance menace la solidarité et renforce l’individualisme.
Les moyens techniques ne peuvent garantir une protection absolue contre tous les risques de la vie. Cette illusion conduit à accepter d’inacceptables restrictions aux libertés et aux atteintes à la vie privée sur lesquelles il sera ensuite impossible de revenir, le tout en affaiblissant au passage des valeurs sociales et démocratiques de notre société. Au final, la vidéosurveillance est une sorte de renoncement. Pour la LDH, mieux vaut s’attaquer aux causes des problèmes plutôt que d’en sanctionner les seuls effets.
La Ligue des droits de l’Homme se tient à disposition de toutes les personnes ainsi que des pouvoirs publics pour débattre des graves questions posées par la vidéosurveillance. Et elle appelle tous les habitants à se saisir de ces questions.
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