L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE)

Par Rémy Dufaut



La Protection de l’Enfance est en crise depuis des années et ce ne sont pas les alertes lancées par de nombreux organismes ou associations, en contact direct avec ses bénéficiaires ou non, qui manquent.

Les 29 organisations réunies dans le collectif La Dynamique pour les droits des enfants » constataient fin 2024 que le gouvernement Bayrou avait carrément oublié de nommer un ministre de plein exercice ou un secrétaire d’Etat à l’enfance. Pour réparer cet oubli, le président de la République annonçait le 28 décembre son désir de voir créé en janvier 2025 un Haut-Commissariat à l’enfance, ce qui ne semblait toutefois pas aller dans le sens d’une consolidation efficace de la politique de l’enfance.

Les chiffres clés des établissements dépendant de l’ASE, basés sur des données un peu datées (fin 2021) mettaient déjà clairement en lumière les carences de l’Etat en matière de protection de l’enfance, notamment sur le plan de la scolarisation.

Depuis, la situation ne cesse de se dégrader et chaque jour apporte son lot de misère dont nous ne tolérerions pas le centième pour nos propres enfants.

France stratégie, estimait en septembre 2024 que le prolongement de l’accompagnement jusqu’à 21 ans (loi « Taquet ») devrait favoriser les chances d’ascension sociale de ces jeunes et formulait trois propositions :

  • faire de la réussite scolaire un objectif explicite du placement ;
  • améliorer la coopération entre l’Education nationale et les services de l’ASE ;
  • mettre en place un suivi statistique pérenne des jeunes placés, pour mieux apprécier les effets des politiques menées.

Il semblerait qu’on soit parti aujourd’hui, avec la loi du 26 janvier 2024, dans la direction opposée et que la seule perspective qui se présente à présent soit la « sortie sèche » de la protection de l’enfance pour les jeunes migrants atteignant l’âge de la majorité et se trouvant dans la majorité des cas frappés d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français).

En 2022, nous alertions déjà l’opinion, dans l’espoir d’atteindre les pouvoirs publics : entre le 30 juin et le 4 juillet, la Section de l’Aube de la LDH organisait une action de défense des jeunes migrants à Troyes. Si celle-ci a obtenu un certain écho, au point de prolonger la mobilisation le 15 octobre de la même année, avec les associations partenaires (MRAP, CIMADE), force est de constater que les bonnes intentions ne suffisent pas.

Ainsi, à 18 ans, ils devront être autonomes, à la fois financièrement et psychologiquement. Sous-entendu, ils se débrouillent. Ça, c’est un peu le rêve de l’État quand on évoque les jeunes issus de la protection de l’enfance. Quitte à en oublier sa responsabilité. Car, comme le rappelle la Défenseure des droits Claire Hédon, « l’âge moyen de départ des enfants du foyer familial est de 24 ans et non de 18 ans. Ça n’a donc pas de sens de demander aux jeunes de la protection de l’enfance d’être indépendants à cet âge-là ». Tous le savent, les 18 ans sont un moment crucial. C’est l’âge à lequel un basculement se fait. En 2022, la loi Taquet, relative à la protection des enfants, dispose justement que la fin du dispositif d’aide sociale doit garantir « un accompagnement pour les 18-21 ans par les départements et l’État. » Charlie Hebdo 16 février 2025

Hors, l’Etat se désengage toujours davantage en se déchargeant sur les départements qui se trouvent désormais incapables d’assumer leur responsabilité dans l’accueil des jeunes, quel que soit leur âge.

La presse locale évoque la « ruine » du Centre Départemental de l’Enfance de l’Aube (Libération- Champagne du 22 février 2025), un « management déplorable », « des éduc’ » qui « pètent les plombs » et des enfants qui « trinquent » (l’Est-Eclair du même jour). L’enfance est cependant « une priorité absolue » pour le président du Conseil départemental. Pour son personnel, cette « priorité » prend un tout autre visage, plus concret : « On a eu des périodes où les enfants dormaient dans les couloirs faute de place. » « Il n’y a pas assez de nourriture, on est obligés de restreindre les petits lors des repas. Alors, c’est déjà arrivé qu’on laisse notre part ».

Quant aux mineurs non accompagnés étrangers (MNA) « c’est encore pire », « on a l’impression qu’ils passent après les autres ». Logements vétustes et insalubres sont tout ce qu’on a à leur offrir.

Lorsqu’ils ont la chance d’être hébergés en appartements, il se voient d’un jour à l’autre, à 18 ans, expulsés sans ménagement, leurs affaires entassées dans la rue et se retrouvent condamnés à errer ou trouver des hébergements de fortune provisoires chez des amis voire aller trouver quelques heures de sommeil dans le hall de la gare.

On pourrait poursuivre sans fin l’inventaire à la Prévert de la façon dont on traite cette jeunesse, « notre priorité absolue », qui représente, quoiqu’on en dise, notre avenir.

Le 29 janvier dernier, nous nous faisions ici l’écho des dénonciations par la Défenseure des droits de graves atteintes à l’intérêt supérieur et aux droits des enfants.

Allons-nous en attendre encore longtemps les effets ?

Violences, non-assistance à personne en danger… En Moselle, le silence face aux dysfonctionnements d’un foyer de l’enfance



« Ce qui prime, c’est la rigueur budgétaire, pas la qualité d’accompagnement des enfants »

Plusieurs employés, licenciés depuis, ont depuis des mois tenté d’alerter leur direction et le département sur les dysfonctionnements d’un foyer de l’enfance mosellan. Plusieurs plaintes ont été déposées début 2024.

Mineurs étrangers placés à l’hôtel et déscolarisés : l’Aide sociale à l’enfance du Nord pointée du doigt



En France, l’Aide sociale à l’enfance du département du Nord est à nouveau pointée du doigt. À côté de Dunkerque, une soixantaine de mineurs étrangers ont été placés sans accompagnement dans un hôtel désaffecté. Sans école, sans formation, sans activités ludiques pour occuper leur journée, ces jeunes exilés sont livrés à eux-mêmes depuis plusieurs mois alors que cet hébergement devait n’être que provisoire. La Ligue des droits de l’Homme a saisi la Défenseure des droits pour leur venir en aide

Procès des violences sur mineurs placés : « L’Aide sociale à l’enfance est en crise », reconnaît la ministre déléguée chargée de la Famille



Le métier connaît un manque d’attractivité du métier alors que « 10 000 postes à pourvoir », selon Agnès Canayer.

« L’Aide sociale à l’enfance (ASE) est en crise, il y a des dysfonctionnements », reconnaît lundi 21 octobre sur France Bleu Berry, Agnès Canayer, la ministre déléguée chargée de la Famille et de la Petite enfance. Vendredi dernier, la procureure de Châteauroux a requis sept ans de prison, des peines de prison avec sursis et des amendes contre les 18 accusés dans le procès de maltraitance d’enfants mineurs placés, dans l’Indre, la Creuse et la Haute-Vienne. Ils sont accusés d’avoir accueilli des enfants sans l’agrément de l’ASE, de ne pas avoir déclaré leurs revenus, et pour certains, de violences.

Les professionnels de la protection de l’enfance en colère et dans la rue à Paris




Plus d’un millier de personnes sont descendues dans la rue ce 25 septembre à Paris pour dénoncer l’état de « délabrement » du secteur de la protection de l’enfance et exiger une « réaction forte » du nouveau gouvernement.



« Un bénéficiaire des Restos du Cœur sur dix est un bébé de moins de trois ans »


Depuis cinq ans, Radio Restos prend l’antenne un week-end par an au profit des Restos du Coeur. Cette année, c’est à partir de ce vendredi soir et jusqu’à dimanche que de grands animateurs et grandes animatrices de radio vont de relayer. Cette année, l’opération vise particulièrement la petite enfance, les bébés de 0 à 3 ans : « Il y en a 126 000 parmi les bénéficiaires des Restos, c’est assez considérable : 10% de nos personnes accueillies sont des bébés« , relève Yves Mérillon, porte-parole de l’association.



Violences, surdosages médicamenteux, travail forcé : comment l’Aide sociale à l’enfance a travaillé avec des familles d’accueil sans agrément


Alors qu’elles ne disposaient pas de l’agrément nécessaire, plusieurs familles renvoyées devant la justice ont hébergé des dizaines de mineurs qui racontent avoir vécu un calvaire. Les 630 000 euros d’argent récoltés n’ont jamais été déclarés au fisc.

C’est une affaire hors-norme qui sera jugée du 14 au 18 octobre 2024, devant le tribunal de Châteauroux. Dix-neuf personnes comparaissent pour, entre autres chefs d’accusations, graves maltraitances sur une vingtaine d’enfants qu’ils ont hébergés entre 2010 et 2017 dans l’Indre, la Haute-Vienne et la Creuse. En toute illégalité. Ces « familles d’accueil » n’ont en réalité jamais obtenu l’agrément officiel des autorités et se sont pourtant vu confier des dizaines d’enfants par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord. La cellule investigation de Radio France a enquêté sur ce scandale, qui pose plus largement la question du contrôle et des moyens accordés par la puissance publique à l’aide aux mineurs.

Dans le Nord, des enfants illégalement placés dans des hôtels miteux

Ils ont entre 8 et 15 ans



Fin avril, le syndicat Sud dénonçait le placement en urgence de cinq enfants dans un hôtel miteux de Tourcoing, au mépris de la loi. Malgré les dénégations du département, StreetPress a découvert au moins cinq autres cas où des enfants y sont placés.

Tourcoing (59) – Le 25 avril, à 17h30, Enzo (1), 13 ans, Laëtitia (1), 9 ans, et Mia (1), 8 ans sont séparés de leurs parents et placés sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Ils sont conduits par des éducateurs dans un lieu situé sur le parking de l’Intermarché : l’hôtel Lemon. Or, selon la loi Taquet, entrée en vigueur le 16 février dernier, il est interdit de placer des enfants de moins de 16 ans dans des hôtels (2). 

La violence chez les jeunes

Éducs de rue supprimés : un choix politique irresponsable




Le conseil départemental de la Vienne lors de son vote du budget 2024, le 29 mars dernier, a décidé de diminuer de 250 000€ la dotation annuelle allouée au service de prévention spécialisée qui dépend de l’ADSEA86. C’est 5 postes en moins. 3 quartiers sur 9 où les éducateurs de rue ici ne peuvent plus intervenir ; C’est au bas mot 400 jeunes et leur famille dont l’accompagnement s’arrête brutalement. A Poitiers, depuis le 29 avril, plus aucun éducateur de rue n’intervient sur le quartier de Bellejouanne et celui des 3 cités. Bientôt, c’est Le Lac à Châtellerault qui sera délaissé. Cette décision vient acter le tout répressif et la fin partielle du préventif dans une période où  les sujets liés à la jeunesse, à la protection de l’enfance, aux violences et aux incivilités semblent être au cœur des préoccupations du gouvernement.


Nous relations dans ces pages en juin 2023 le lâchage par la ville de Troyes des éducateurs de la prévention spécialisée, au prétexte que cela relève de la compétence du département, avec la réduction du financement au seul domaine de l’insertion par un seul éducateur au lieu de huit précédemment.


La presse locale se fait l’écho aujourd’hui, dans un excellent article, d’une « altération du discernement » chez les jeunes sur le plan social, selon un expert psychologue de la région.

Celui-ci met en cause le fait qu’il n’y ait « plus aucune censure dans la violence », « un détachement de l’auteur par rapport aux faits », « le problème des écrans et des réseaux sociaux », la volonté d’appartenir à un groupe », « le rôle de l’environnement familial » et « les conséquences du confinement. » Mais quid du travail de prévention dont on sait pertinemment qu’il portait ses fruits lorsqu’il était encore en odeur de sainteté ?

En s’inquiétant de l’apparition de nouvelles formes de violence dans les établissements accueillant et accompagant des mineurs (ASE notamment), la Haute Autorité de Santé en faisait encore y a peu un cheval de bataille.

En judiciarisant à outrance ce phénomène, on en oublie le rôle de l’éducation. Qui, mieux que les éducateurs de terrain, sera à même de prévenir et d’apaiser les tensions entre ces jeunes de plus en plus susceptibles d’avoir des comportements à risques ?

Ce n’est pas en punissant enfants et familles, ce n’est pas en supprimant les postes et les crédits du travail social, faute d’avoir compris le rôle essentiel des éducateurs de rue, qu’on résoudra le problème.

RD

Protection de l’enfance : l’État appelé à agir vite pour les travailleurs sociaux


Les quelque 200 signataires réclament une « évolution des conditions de travail » afin de « soulager les professionnels éprouvés par leur engagement physique et émotionnel ».

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Ex-mineurs étrangers devenus majeurs : le « contrat jeune majeur », c’est quoi ?


Créé pour aider les jeunes majeurs, français ou étrangers, de 18 ans à 21 ans, le « contrat jeune majeur » est une aide du département. Elle prolonge la prise en charge de ces jeunes « isolés et sans ressources » dont ils bénéficiaient mineurs. Mais depuis la loi Immigration, les jeunes étrangers sous OQTF ne peuvent plus en bénéficier.

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Un dispositif de la protection de l’enfance menacé de coupes budgétaires


Salué pour sa politique en matière de protection de l’enfance, le département de Loire-Atlantique avait décidé d’accompagner les jeunes les plus fragiles jusqu’à leurs 25 ans. Il vient de rétropédaler, provoquant la colère du secteur social.

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« La situation empire » : faute de moyens, 1 100 enfants placés sont « en danger » dans le Nord selon les syndicats


Interrogations sur la politisation de la protection de l’enfance

Aide sociale à l’enfance : les députés socialistes lancent une commission d’enquête parlementaire


Le but de cette commission d’enquête est de « faire la lumière sur les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance », expliquent les députés socialistes.

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Fin des contrats jeunes majeurs après 21 ans : les professionnels de la Protection de l’enfance mobilisés


Alors que le conseil départemental de Loire-Atlantique examine les grandes lignes de son budget ce jeudi 22 février, les professionnels de la Protection de l’enfance manifestent leurs inquiétudes. Ils dénoncent notamment l’arrêt des contrats jeunes majeurs après 21 ans.

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Adrien Taquet : « Un enfant n’a rien à faire tout seul dans un hôtel »


L’ancien secrétaire d’Etat chargé de l’enfance a commenté en direct, sur France Info, la publication de nouveaux décrets de la loi « Taquet ». Et il en a profité pour tacler les départements qui se plaignent d’une loi « irréaliste et inapplicable ». Il a aussi estimé qu’il faut maintenant aller plus loin. Mais comment faire… « si on n’a plus personne pour s’occuper des enfants ».

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Protection de l’enfance : un décret autorise l’accueil d’urgence des jeunes de 16 à 21 ans dans certaines structures d’hébergement


Le décret paru dimanche au Journal officiel prévoit également « une surveillance de nuit comme de jour au sein de la structure », avec un « professionnel formé ».

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Enfants placés : « Un système à bout de souffle, qui n’est plus en capacité de protéger les enfants »


Protection de l’enfance : à Clermont-Ferrand, une mobilisation après le suicide d’une ado placée dans une chambre d’hôtel


Toujours plus d’enfants en danger, signalements non-étudiés : la protection de l’enfance dans le Nord manque de moyens

Immigration : le Conseil d’Etat limite le dispositif des «refus d’entrée» aux frontières intérieures


Le Conseil d’Etat a limité vendredi 2 février ce dispositif, rappelant qu’ils devaient s’inscrire dans le cadre d’accords bilatéraux. Une victoire pour les associations de défense des étrangers.

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Sans-papiers: «Bouge ta pref», l’association qui secoue les préfectures


MINEURS CONFIÉS À L’ASE EN HÔTEL: LA LOI TOUJOURS PAS APPLIQUÉE, DEUX ANS APRÈS LE VOTE


ROBERT MÉNARD, SUSPICION DE MARIAGE BLANC ET OQTF : UNE OPPOSITION ILLICITE ?

MNA : la justice ordonne une reprise provisoire des accueils dans l’Ain


Le département de l’Ain l’avait fait savoir par un communiqué, le 29 novembre dernier : il avait décidé d’interrompre « temporairement », à compter du 1er décembre, la prise en charge des jeunes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA), en raison d’une « augmentation massive » de leurs arrivées ces derniers mois.

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Une enfant de 13 ans maintenue en rétention malgré une décision de justice


« Mardi, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a une nouvelle fois désavoué les pratiques françaises en matière de rétention des mineurs étrangers. Les magistrats européens on émis une mesure provisoire suspendant le réacheminement d’Alicia, une adolescente de 13 ans, actuellement détenue dans la zone d’attente de l’aéroport d’Orly depuis son arrivée le 4 décembre.

La CEDH a déclaré que l’éloignement d’Alicia ne pouvait avoir lieu dans l’immédiat, mais malgré cette directive, elle reste enfermée dans des conditions préoccupantes à Orly. En effet, cette décision aurait dû entraîner la libération immédiate de la jeune fille. Mais, les autorités françaises ne l’ont toujours pas exécutée, soulevant des préoccupations quant au respect des droits de l’enfant.

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