Le pape François, pas si cool que ça…

Par Rémy Dufaut




Difficile de passer outre l’événement : Surprises un lundi matin de Pâques, les chaînes d’info se sont mises en mode « breaking-news » pour couvrir, toute la journée, la mort du pape François, 88 ans. Le résultat : un mélange d’informations plus ou moins intéressantes, de petites sorties de route journalistiques et surtout, « beaucoup d’émotion ». 

On retiendra de lui qu’il était proche des pauvres et des opprimés. La fortune immobilière du Vatican est estimée à 3 milliards d’euros auxquels s’ajouteraient 600 milions d’euros en liquidités gérées par la banque du Vatican. D’après le dernier rapport de l’Institut pour les œuvres de la religion (ORI), le Vatican détenait 31,7 millions d’euros d’or en 2022, conservés dans les coffres de la Réserve fédérale américaine. Toutefois, son déficit annuel est estimé entre 50 et 70 millions, en lien avec le financement des retraites. Le pape François ne percevait aucun salaire ni rente et son patrimoine serait estimé à 100 euros.

Il a ouvert la voie à une transformation de la doctrine de l’Église catholique sur plusieurs points centraux, comme l’admission à la communion des divorcés remariés, l’acceptation de prêtres mariés, voire l’admission des femmes dans les ordres mais aucune décision ferme n’a été prise, ce qui a valu au pape François à la fois les attaques des conservateurs et l’accusation d’un manque de clarté.(Source)

Le synode sur l’Amazonie convoqué par le pape François en 2019 avait proposé l’ouverture de la prêtrise aux hommes mariés et l’ordination de femmes diacres. Toutefois, face aux résistances (exprimées notamment dans un ouvrage rédigé par le cardinal guinéen Robert Sarah avec tout un imbroglio autour de la signature conjointe de l’ouvrage par Benoît XVI), le pape François a renoncé à reprendre ces propositions dans son encyclique sur l’Amazonie, Querida Amazonia

Il a, comme tous ses prédécesseurs, apporté son soutien aux migrants et la première visite de son pontificat a été en 2013 sur l’île de Lampedusa, pour attirer l’attention sur la nécessité de secourir et d’accueillir les migrants qui tentent la traversée de la Méditerranée. Cette visite a donné au pape l’occasion de dénoncer la « mondialisation de l’indifférence » (Visite à Lampedusa, homélie du pape François, 8 juillet 2013).

C’est donc d’une manière très logique qu’il a apporté un soutien appuyé au pacte de Marrakech sur les migrations promu par l’ONU en 2018.

Il a fait preuve d’un engagement écologique inédit au coeur de l’église à travers un certain nombre de textes fondateurs (encyclique Laudato Si’, Querida Amazonia («Chère Amazonie»), Laudate Deum, appel à l’action face à la «crise climatique», «adressé à toutes les personnes de bonne volonté»).

Toutefois, il n’apparaît pas aussi « cool » qu’on veut bien le dire puisque auteur de déclarations dignes d’un antiféministe sévère et autoritaire. Pour lui, « Dieu aurait créé la femme pour aider l’homme ». En ce qui concerne la sexualité, le pape François proscrit la contraception, sauf naturelle, et il interdit l’avortement, sans exception, pour la raison que Dieu intervient par action directe au moment de la conception d’un humain. »Ce pape n’a jamais été une bonne nouvelle pour les femmes et pour la critique des hiérarchies. Vivement un prochain pape qui ait le courage de descendre du trône patriarcal ! » concluait Denise Couture, professeure associée à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal dans un article en juillet 2022.

A propos de l’avortement, il qualifiait les médecins qui le pratiquent de « tueurs à gages ».

Outre l’avortement, au nom de la dignité humaine, il dénoncait avec force les opérations de changement de sexe, ainsi que la supposée « théorie du genre », qu’il qualifiait de « colonisation idéologique très dangereuse »« Toute intervention de changement de sexe risque, en règle générale, de menacer la dignité unique qu’une personne a reçue dès le moment de la conception ».

S’il approuvait l‘ouverture de la bénédiction aux couples homosexuels, hors liturgie bien entendu, il insistait fortement sur la différence entre la bénédiction et le mariage. L’Eglise pouvait changer sa pratique mais pas sa doctrine.

Enfin, en ce qui concerne les violences sexuelles dans l’Eglise, il semble qu’il n’ait jamais pris la mesure de la gravité du sujet. Le pontife a marqué ses distances à l’égard du rapport de la Ciase, publié début octobre 2021 et qui avait provoqué un énorme choc en France. «Lorsque vous réalisez une étude sur une période aussi longue, vous risquez de confondre la façon de voir le problème il y a soixante-dix ans avec la façon de voir maintenant», déclarait le pape à ce sujet. Malgré la demande des autorités catholiques françaises, le pape n’a jamais reçu les membres de la Ciase qui a publié un rapport de 2500 pages, résultat de plus de deux ans de travaux établissant des faits d’agressions sexuelles ou de viols dans l’Eglise catholique en France depuis les années 1950, évaluant le nombre de victimes à plus de 300 000.

On apprenait aujourd’hui sur les ondes que le cardinal-archevêque de Lyon Philippe Barbarin, condamné très symboliquement à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les actes pédophiles du père Preynat, finalement « démissionné » par le pape, sera l’un des 5 cardinaux français siégeant au conclave chargé de désigner le nouveau chef de l’Eglise. A la Justice de l’Homme, le pape François préférait celle de Dieu…

En Guinée, le parquet demande la requalification des faits du massacre du stade en crimes contre l’humanité


Plus tôt ce mois-ci, lors du procès historique de l’ancien président guinéen et de 10 autres individus, dont des ex-ministres, accusés de responsabilité dans un massacre et des viols perpétrés dans un stade, le parquet guinéen a demandé la requalification des chefs d’accusation en crimes contre l’humanité. Le procès est actuellement suspendu jusqu’au 18 mars 2024, le temps de permettre à la défense de répondre.

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MALGRÉ L’ACCORD DE PAIX, LES CRIMES DE GUERRE ONT CONTINUÉ EN ÉTHIOPIE



Notre nouvelle enquête révèle que les Forces de défense érythréennes (FDE) ont commis des crimes de guerre et de potentiels crimes contre l’humanité dans la région du Tigré, immédiatement avant et après la signature d’un accord de cessation des hostilités entre le gouvernement fédéral éthiopien et le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) en novembre 2022.  

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Soutenir la quête de justice pour les crimes graves internationaux


Guerre en Ukraine, en direct : le Britannique Paul Urey meurt dans une prison du Donetsk ; Londres juge l’information « alarmante »


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