Guadeloupe, l’île sans eau : une histoire complexe



L’effondrement du système d’eau potable et d’assainissement de l’île s’explique en partie par sa géographie. Mais les luttes d’influence politique et l’opacité des relations entre l’État et la Générale des Eaux ont aggravé la situation. Alors que la situation en Guadeloupe reste très tendue, après l’occupation du conseil régional, nouveau volet de notre enquête exclusive consacrée à un scandale de la République.

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Des réfugiés Rohingyas secourus par la Marine indonésienne



L’embarcation des Rohingyas, surchargée et en panne de moteur, avait été découverte le 25 décembre par des pêcheurs. AFP


L’Indonésie avait annoncé mercredi qu’elle acceptait d’accueillir un bateau de réfugiés Rohingyas pour des raisons humanitaires, après l’avoir d’abord refusé la veille.

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Italie : le gouvernement autorise la délivrance de près de 70 000 permis de travail


En Italie, les travailleurs saisonniers sont essentiellement employés dans l’agriculture, comme ici dans les champs de tomates de Fogia. Crédit : picture-alliance/ROPI/Fasano


La semaine dernière, le Premier ministre Mario Draghi a signé un décret qui approuve l’octroi de 69 700 permis de travail aux migrants algériens, bangladais et ivoiriens notamment. Un pas en avant pour l’intégration des exilés dans le pays, mais encore trop « timide » au regard des besoins réels des entreprises.

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« Je dois soutenir ma famille » : la crise économique en Afghanistan affecte aussi les réfugiés afghans en France

Des Afghans récupèrent des colis d’aide alimentaire distribués par une ONG turque, le 15 décembre 2021, à Kaboul. Crédit : Reuters


Quatre mois après le retour des Taliban au pouvoir en Afghanistan, le pays s’enfonce dans une grave crise économique. De très nombreux Afghans ont perdu leur emploi et plus de 20 millions de personnes sont aujourd’hui confrontées à la faim, selon le Programme alimentaire mondial. En France, les réfugiés afghans redoublent d’efforts pour venir en aide à leurs familles restées dans le pays.

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Liban : à qui profite cette crise sans précédent ?


Des partisans d’un groupe chiite allié au Hezbollah aident un camarade blessé lors d’affrontements armés qui ont éclaté au cours d’une manifestation dans la banlieue sud de Beyrouth à Dahiyeh, au Liban, le jeudi 14 octobre 2021. (AP Photo/Hassan Ammar)


Sept personnes ont été tuées alors que se déroulait une manifestation ce 14 octobre contre le juge en charge de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. Le Liban est plongé dans  une crise économique, sociale et politique terrible. Comment cette situation peut-elle évoluer ? Entretien avec le politiste spécialiste du Liban, Joseph Daher.

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Exténué, l’hôpital cherche un second souffle social pour 2022

(Illustration François Destoc)


Lessivé par les vagues de covid-19 et les plans blancs à répétition, l’hôpital apparaît démoralisé à quatre mois de l’élection présidentielle, mais syndicats et collectifs de soignants espèrent, malgré tout, pouvoir « peser sur le débat politique ».

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A Kaboul, des Afghanes tentent de manifester contre le régime taliban


Bravant l’interdit, des Afghanes manifestent pour défendre leurs droits, dans les rues de Kaboul, le 28 décembres 2021. (Capture d’écran/AFP)


VIDÉO. Les manifestantes ont dénoncé « la machine criminelle » instaurée par les talibans en Afghanistan et réclament le respect de leurs droits. Elles ont été rapidement interrompues.

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Russie : la Cour suprême liquide l’ONG Mémorial, pilier de la société civile



La Cour suprême russe a ordonné mardi la dissolution de l’ONG Mémorial, pilier de la défense des libertés dans la Russie contemporaine et gardien de la mémoire du Goulag. La réaction d’Elena Volochine, correspondante FRANCE 24 à Moscou.

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En plein Covid et sans emploi, ma dépression s’installe


SONGYUTH UNKONG / EYEEM VIA GETTY IMAGES
Je glisse alors vers un état inconnu et étrange où tout devient terne. Je perds pied avec la réalité. Je me réfugie dans le noir car les journées se ralentissent et je dors pour les raccourcir. Je dors aussi pour ne pas être tourmenté, et pour fermer les yeux sur mon quotidien morne.

La crise sanitaire a plongé Vianney dans la dépression. Il tente de sortir la tête de l’eau, alors qu’une nouvelle vague déferle sur le pays.

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En Russie, l’historien du goulag Iouri Dmitriev condamné à quinze ans de prison


L’historien russe Iouri Dmitriev à la sortie d’une audition par la cour, en Russie, en juillet 2020. ANTON VAGANOV / REUTERS


Le procès portait sur des violences sexuelles à l’encontre de sa fille adoptive. Cette nouvelle décision vient alourdir une peine antérieure de treize ans de détention. Ses partisans dénoncent une mesure de représailles.

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Aux urgences, vous allez devoir passer à la caisse, voici dans quels cas

À partir du 1er janvier 2022, les personnes ne disposant pas de mutuelle devront payer à leur sortie des urgences (photo d’illustration prise à l’hôpital militaire Laveran Marseille en septembre 2020).


Au lieu de la facture envoyée après un passage à l’hôpital, un nouveau dispositif entre en vigueur ce 1er janvier. Avec des conséquences directes pour les Français sans mutuelle et le personnel soignant.

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Miviludes, le compte n’y est pas !

« Sous le sapin, la mutinerie »


Un conte de Noël féministe de Chloé Delaume.L’écrivaine, qui a remporté le prix Médicis 2020 avec « le Cœur synthétique », a écrit pour « l’Obs » un conte de Noël. L’histoire d’une révolution au pays des rennes.

Par Chloé Delaume publié le 22 décembre 2021 à 14h04

Temps de lecture 17 min

Tandis que le pôle Nord fond de moins en moins lentement, au 1, rue des Nuages, se réveille doucement l’histoire qui va se raconter. L’histoire qui est tapie sous un dôme de cristal, quand on le secoue, il neige. Une colline habitée. Le chemin est une spirale, sur ses bords des maisons de briquettes colorées, qu’on pourrait croire en sucre ; puis d’adorables hangars en bois, rayés de planches rouges, blanches et vertes, à la toiture sertie d’un scintillant nœud d’or. Une forêt de sapins aux guirlandes de givre, où mille flammes sur la cire dansent inlassablement ; le bout de leurs branches ploie, les rubis sont des sphères. Au sommet, un chalet pointu, surmonté d’une girouette aux yeux d’émeraudes et aux plumes piquetées de diamants. Ainsi, oui, tous s’éveillent dans le domaine du père Noël.

Le soleil n’arrive pas à poindre, la nuit est gluante, sous le dôme. Un peu sale, couleur de soda, alors il faut secouer la boule, dedans ça mousse ça mousse à en manger la neige. Le soleil crève les bulles et l’histoire dit bonjour.La suite après la publicité

Un calendrier de l’Avent, la toute première des cases, un pouce s’enfonce, des ongles détachent la fenêtre en carton. Aujourd’hui c’est le 1er décembre, partout s’amorce le compte à rebours. Il était une fois en coulisses l’ultime préparation de la nuit de Noël, dite NN dans la feuille de route de chaque être vivant résidant sur ces terres. Les lutins et les fées des glaces, les elfes non genrés, même les rennes et les écureuils.

Le père Noël, lui, dirige en buvant de l’alcool de houx, laissant à son épouse le soin de gérer les commandes, pendant que leurs enfants, Constance, Prudence et le jeune Raoul se chargent du courrier. Saisies des données, listes, cases codes, constitution de fichiers. « S’il te plaît ô papa Noël » sur un air de Tino Rossi repris par un rappeur au grain autotuné, les syllabes en gelée, jusqu’à ce que Constance coupe le son pour passer Rebeka Warrior. Ça se passe comme ça depuis des jours, dans les bureaux du père Noël.


La mère Noël, cet être socialement invisible

Constance et Prudence ont 16 ans, Raoul 14 hivers, et cela pour toujours car sous le dôme il neige pour faire croire que les jours ne sont jamais les mêmes, puisque les flocons brouillent, effacent l’ardoise magique. Si Constance soupçonne ses parents de lui avoir choisi ce prénom pour l’empêcher d’être bipolaire, Prudence et Raoul ne se posent pas ce genre de question. Ils cochent, remplissent, jeux, jouets, objets, livres, vêtements, parfums, colifichets, car il n’y a pas que les enfants qui postent leur lettre au père Noël. Les adultes aussi s’y sont mis, n’ayant plus les moyens de s’acheter leurs cadeaux. Et d’année en année, les souhaits ont déferlé, Si vous existez père Noël, suivi de vœux existentiels. Ça ne marchait pas avec Dieu ni les changements de gouvernement, alors ils essaient autre chose, ça ne leur coûte qu’un timbre, souvent une seule enveloppe regroupe toute une famille.

Une fois que les fiches sont remplies, Constance, Prudence, Raoul et le bouton « entrée » de leur ordinateur les envoient au personnage principal de l’histoire qui vient de commencer.

La mère Noël a 50 ans, qu’elle soit ailleurs ou sous le dôme, socialement elle est invisible, c’est pour ça qu’elle a mis du temps à s’imposer narrativement, y compris dans ce conte dont elle est pourtant l’héroïne. Ses cheveux massés en chignon, haut et bouclé, d’un blond blanchi ; ses très légères tâches de rousseur, ses iris en saphirs, cils de soie, bouche en cœur : elle est jolie et rien ne se lit sur son visage, personne ne peut s’attendre à ce qu’elle va faire maintenant. Sauf les cent et une fées des glaces qui travaillent avec elle au service des commandes, ainsi que les korrigans qui sont en transition. C’est pour ça qu’elles et iels lèvent haut, très haut le poing lorsque la mère Noël, qui exige de s’appeler désormais juste « Lucie », entame un chant d’espoir sur un air communiste :

Debout ! Exploitées par les pères ! /Debout ! Pour un nouveau matin ! /Nous sommes l’écho de la colère/Du changement, la main/Exauçons les souhaits de la base/Les vœux de ces femmes à genoux/Le monde va changer ses usages/Les queers seront avec nous ! /C’est la tournée finale/Les cadeaux sous l’sapin/L’ordre patriarcal/Renverseront demain.

Les rennes, derrière les vitres, s’étonnent qu’un chant tout rouge, tirant sur le violet, teinte ainsi l’atmosphère de l’aile droite du bâtiment. Ne saisissant pas bien de quoi il est question, ils trottent vers le parcours d’entraînement en supputant que Lucie va enfin changer la bande-son que leur impose le patron, que dans l’urgence elle monte une chorale, que cette année ils échapperont à l’album de Mariah Carey au profit de chansons inédites et a priori engagées.

Célia GaultierCélia Gaultier


Le souhait d’une bonne révolution

Les écureuils, à l’ouïe plus fine, saisissent immédiatement l’enjeu de cet instant. Ils sont polyvalents, aident donc à tous les postes. Dépouillement du courrier, saisie des contenus, orientation des demandes, fabrication, stockage, chargement dans la hotte, entretien du traîneau, traçage du plan de vol, liste et ordre des visites, mise à jour de la playlist, du GPS et des emplacements d’éoliennes. Le père Noël ne lit aucune de leur notes de service, il préfère boire de l’alcool de houx en suivant les stories Instagram de Mariah Carey. Il y a encore très peu d’années, Lucie prenait le temps de briefer son mari, de le tenir au courant de l’évolution des demandes, de ce qu’il y avait dans les paquets. Des souhaits qu’elle exauçait avec les fées des glaces, de la nécessité de sous-traiter avec Cupidon, les cigognes et diverses divinités secondaires. Mais depuis une poignée de calendriers de l’Avent, Lucie a décidé de cesser de s’épuiser. Ce qui fait que le père Noël ignore ce dont rêvent sur Terre les enfants et les femmes et les non mâles alpha. Or les non mâles alpha, en fait, ça fait du monde.

D’autant que nombre d’entre eux se remettent en question, désertant le système, refusant l’impunité. Au point qu’il ne reste plus que les masculinistes, les Ouin-Ouin et les types qui demandent de dire « camion » pour ne pas faire le souhait d’une bonne révolution.

À ce stade de l’histoire, il n’est pas impossible que des sourcils se froncent, que derrière certains fronts le circuit neuronal exige de marquer une pause, d’interroger maintenant ce qui rend qualifiable quelqu’un de masculiniste, de ce qui s’entend par Ouin-Ouin, et à quand remonte la dernière fois où on a entendu dire « camion ». Aussi se dessinent en marge de ce conte de Noël quelques définitions.

Est dénommé « masculiniste » un mâle humain intiment persuadé que le monde lui appartient, comme les corps qui s’y trouvent, parce qu’il est né avec une bite, des pulsions qui se doivent souveraines, et deux poches de sperme qui pendouillent.

Est désigné par Ouin-Ouin un homme qui se victimise face au rééquilibrage en cours, accusant les féministes, alors appelées « féminazies », d’exagérer les faits, de généraliser la violence masculine alors qu’en fait y en a des bien, d’étouffer toute créativité humoristique puisqu’on ne peut plus rien dire la preuve essayez de leur faire le coup de dis camion, de mettre en péril folklores et traditions en fustigeant les prédateurs et refusant les pattes des relous ; et de fomenter secrètement une Nuit des Grandes Cisailles, où, galvanisées par les slogans de leurs sœurs colleuses, leur nom serait légion et leur serpe affûtée.

Le Ouin-Ouin est inquiet et kleenex à la main il confie sa souffrance aux grands modérateurs, aux jurés de ces bois, permettant de faire taire nombre de comptes féministes sur les réseaux sociaux, et de bloquer des projets très divers dans le réel.

À ce stade de l’histoire, il n’est pas impossible que la narratrice ici en profite un chouia pour ajouter un truc : si jadis pour draguer le garçon à guitare qui jouait sur la plage « Jeux interdits » , il est bon de noter que « Moi, je suis féministe » is the new « T’as de beaux yeux tu sais ». Au marqueur, dans la marge, en lettres épaisses et capitales, c’est écrit « Fayots, on vous voit ». Car jamais un allié n’ira s’approprier le mouvement qu’il soutient, il dira « Je suis pour », il dira « Je comprends », certainement pas « Je suis », conscient de l’importance de rester à sa place.


Des yeux aussi bleus que dans un film de Jean Eustache

Mais revenons plutôt à Lucie, ce qu’elle projette pour la Grande Nuit, retournons aussi sec sous la sphère de cristal, dans l’aile droite du chalet, au service des commandes, bureaux du père Noël qui actuellement se gratte le crâne, se demandant quel cadeau cette année serait capable de surprendre et de combler une femme qui a déjà tout comme Mariah Carey, sans trouver ni piste ni solution, mais en faisant choir des pellicules. Lucie saisit une chaise, et regarde son mari dans le fond des yeux qu’il a aussi bleus que dans un film de Jean Eustache.

Sa barbe bientôt se change d’ailleurs en une large grappe de coton hydrophile, c’est l’effet de la voix de Lucie, Lucie qui par sa bouche enchante le père Noël, préparant d’abord ses tympans à coup de vibes acrobatiques, se dressant soudainement, faisant valser sa chaise pour entamer devant lui une scintillante chorégraphie, entourée d’ours polaires en peluche, des fées des glaces, des korrigans, des elfes et des lutins, tous revêtus de justaucorps et de tutus rouges, verts, argent. Une oreille avertie reconnaîtra l’air d’« All I Want for Chrismas is You », sur lequel se posent des paroles totalement modifiées, où Lucie expose en substance que cette nuit de Noël doit être celle du basculement, celle où le patriarcat s’effondra en cendres, comme un vampire à l’aube avec un pieu dans le cœur.

Convaincu par la prestation, le père Noël se ressert sans reprendre ses esprits, pendant que les danseurs quittent en chenille la pièce.

Ils croisent en raz-de-marée Constance, Prudence et Raoul, qui ont lâché leur poste de travail, intrigués par le raffut. Lucie les accueille, tous s’assoient ; fauteuils, canapés, une famille. L’espace d’un instant, ils se fixent : une famille pour l’éternité. Le père sort une seule fois par an, avec ses rennes, le temps d’une nuit, le dôme brièvement se dissout puis aussitôt se referme, lisse et rond et épais. Constance le sait, Raoul aussi. Leur mère, n’en parlons pas. Une famille pour l’éternité, prisonniers images d’Épinal. Prudence a vu les bleus sur la peau de ses proches. Le réel, c’est quand on se cogne : ce conte est leur réel. Prudence a vu une fée recoudre l’arcade de Constance, plâtrer de bras de Raoul, comme elle a vu sa mère s’évanouir sous le choc, et tous les ans son père ramené de force par les rennes. Il n’en veut pas aux rennes, son père, il sait qu’ils sont écrits comme ça. L’alcool de houx ça l’aide beaucoup, le père Noël. Et depuis internet, au fond, il n’est pas si malheureux.

De toute façon il pense, tout comme sa fille Prudence, que comme les rennes, ils n’ont pas le choix. Leur histoire est écrite d’avance, un rôle leur a été attribué, un rôle, un nom, d’ailleurs il n’a jamais eu de prénom, le père Noël. Son ancêtre Saint-Nicolas, c’est encore un coup du catholicisme qui récupère les fêtes païennes en faisant du Jésus washing. Le père Noël : le père de la Nativité. Même le jour de la Nativité, le jour d’un accouchement, est symbolisé par un homme, pense très souvent Constance, que ça affecte énormément.


L’avènement de l’homme déconstruit

Constance est comme sa mère, extrêmement réceptive au courrier des humains, à ce que leurs souhaits de Noël reflètent. Ce qu’ils désirent, Constance l’entend. Ce qui n’est pas le cas de sa mère, mais elle lui fait des comptes rendus. Dès qu’un vœu est prononcé sur Terre, le cerveau de Constance le perçoit, le comprend, l’enregistre. Lucie, elle synthétise, en tire des graphismes, des analyses de tendances, qu’elle présente à ses troupes, désormais effectivement légion. C’est comme ça depuis quelques années, à cause des vœux des femmes. Des vœux, et de leurs questions, des questions comme « Comment fait-on pour que les hommes cessent de violer ? » Depuis quelques années, oui, Lucie et les fées des glaces, dont le rôle est de satisfaire la demande, ne savent vraiment plus comment s’y prendre, offrir un petit chimiste spécial bromure, une panoplie pour se mettre à la place d’autrui, une banderole brodée « Le monde ne t’appartient pas plus que les corps qui s’y trouvent », un tel condensé de pédagogie ne peut pas tenir dans un paquet.

Assis calmement dans la pièce, le père Noël tire sur sa pipe, que Constance a remplie de CBD. Provoquer la chute du patriarcat, il hésite quand même un petit peu, s’interroge sur ce que ça implique. La fin de la masculinité toxique, il n’a rien contre a priori, mais aimerait vérifier ce que Lucie et Constance entendent par « l’avènement de l’homme déconstruit ». « Homme déconstruit », ça lui fait peur, il se sent comme un tas de Lego, un Monsieur Patate en plastique que des mains aux ongles vernis s’empressent de démembrer. Lucie fait preuve de beaucoup de patience, explique démarche introspective, réflexes, habitudes, conditionnement ; Constance répète : stéréotypes ; Raoul le rassure comme il peut, « non papa il n’est pas trop tard, au contraire, c’est pile le moment ».

D’agir au-delà du dôme, ça galvanise Raoul, qui se sait assigné personnage secondaire. Le père Noël regarde Prudence, dont le visage peu à peu s’anime : intervenir si concrètement sur le destin de l’humanité, ça lui chamboule les traits, son nez parait plus court et nettement plus pointu. Prudence prend une plume d’oie qu’elle trempe directement dans les veines de sa mère, qui s’est légèrement incisé le bras pour l’occasion. Sur le parchemin, elle écrit à mesure que tous se concertent : il s’agit à présent de rédiger des formules, de cibler les sortilèges capables d’annihiler les paroles et actions relevant du sexisme.

Comment faire pour que les hommes puissent changer au réveil ? Comprendront-ils que ce changement constitue le plus beau des cadeaux ?


Célia GaultierCélia Gaultier


Nom de code : la Violette

Lucie en perd bientôt le sommeil, durant les jours qui suivent ses yeux sont creusés de cernes : elle a fait le choix de la douceur, de la bienveillance, dans sa méthode. Constance voulait des sorts violents, de la vengeance, des chocs en retour. Qui crachera une insulte vomira trois chatons, avec la certitude des griffures à l’œsophage ; toute agression sexuelle aura pour conséquence une immédiate nécrose des parties génitales ; le manterrupting engendrera des cloques sur le râpeux de la langue, des cloques remplies d’acide explosant aussitôt, ravageant les muqueuses, un charnier au palais ; le mépris et les marques de supériorité déclencheront sur le champ une dantesque diarrhée que rien ne pourra contenir surtout pas en public : humilier et punir, Lucie ne voulait pas.

Le patriarcat devait choir suite à un abandon, il fallait que les hommes renoncent à l’autorité, à cette autorité culturellement acquise dès le jour de leur naissance. Il fallait que les hommes se dépouillent de leurs privilèges, de tous leurs privilèges, qu’ils partagent le pouvoir et le redistribuent. Oui, Lucie pensait ça. Constance, elle, pas du tout.

Elle ne voyait pas pourquoi le dominant abdiquerait, quand bien même serait-il devenu soudain lucide face à la fin du monde, conscient que son système ne sait rien faire qu’exploiter, la terre, les femmes, les enfants ; le monde, les corps : il a échoué. Dans le cerveau de Constance, un parallèle se trace entre patriarcat et aristocratie, 1789, Révolution française, quel sang bleu à l’époque chantait « Ah ça ira ». Raoul glisse à sa sœur : les jeunes sont différents. En se définissant fluides, en désertant les berges de l’hétérosexualité, ils affaiblissent les rangs de la phallocratie, sans compter que nombre d’entre eux se refusent à être genrés, ou à rester coincés dans leur genre initial. En rejetant le modèle, ils le mettent en péril, le rendent même obsolète ; l’avenir est plein d’espoir s’enthousiasme Raoul, à qui Constance répond : « Souviens-toi de #metoogay, les prédateurs ne sont pas seulement des hétéros. » Raoul trouve ça dommage qu’elle feigne de ne pas comprendre, qu’elle manque à ce point de patience, ça le déprime un peu. Mais bon, il fait avec. Lui aussi s’implique fort dans la prochaine tournée, dans cette nuit de Noël qui doit tout bouleverser, événement historique, fenêtre à ne pas manquer. Sous le dôme chacun sait, sauf peut-être les rennes qui ne comprennent pas tout, qu’une révolution est en cours sur la Terre, une révolution de mœurs qu’ils font le choix de soutenir.

Nom de code : la Violette. C’est comme ça qu’ils l’appellent, cette quatrième vague féministe qui déferle et promet grâce à eux de gonfler tsunami. Le violet est la couleur du féminisme depuis les suffragettes, Lucie y tient beaucoup, au point de le substituer au rouge, au blanc, au vert, à l’or et à l’argent dès le papier cadeau. Lutins et écureuils remplissent déjà la hotte, les paquets, le bolduc, parme, lilas, prune et zinzolin. Dedans il n’y a que des surprises. Défaire le nœud c’est lancer le sort, un sort adapté à chacun mais qui sera bénéfique à toustes. Lucie dit toustes pour ne plus dire tous, parce que le propre du patriarcat c’est de s’imposer en système supérieur tout en braquant l’universel, et ça, elle ne peut plus le supporter.


Les mâles alpha tournent de l’œil

C’est le 24 décembre, la nuit, enfin. Partout, les cadeaux s’ouvrent. En France, il est minuit et selon les statistiques 206 viols par jour soit 9 personnes par heure. Au pays du fromage et du féminicide, un enfant sur dix est victime de violences sexuelles au sein de sa famille. 96 % des agresseurs sont des hommes et tous présentement déchirent le papier violet.

« Dis papi c’est quoi ton bouquin ?

– L’inceste de Christine Angot. »

Il n’y a pas de fumée, de nuage de paillettes, le sort qui jaillit est invisible et envahit doucement les crânes, enveloppant les ego pour mieux les décentrer. Soudain les mâles alpha transpirent et tournent de l’œil, leurs agressions remontent, s’imposant en jeu de rôle : chacun revit moult scènes du point de vue de l’abusée, douleur, colère et honte leur grignotent le cervelet ; certains découvrent l’effet de la sidération, tous ont envie de mourir. Pour eux, ce n’était rien, leurs mots, leurs gestes, rien. Même entrer leur queue de force, ça leur semblait normal. Ils sont très étonnés, si déstabilisés qu’ils en perdent la parole et s’effondrent en eux-mêmes. L’empathie est la reconnaissance et la compréhension des sentiments et des émotions d’un autre individu : ces hommes en sont dénués pour un tas de raisons relevant du culturel. Quand le monde vous appartient comme les corps qui s’y trouvent, se mettre à la place d’autrui ne peut venir à l’esprit, autrui n’existe pas en tant qu’être sensible. C’est une sorte de concept qui prépare le repas et soulage les pulsions.

Pour Lucie, c’est là qu’est le problème. Ils agissent comme des psychopathes par manque de développement psychique, mais grâce à la magie de Noël ils ne distribueront plus de marrons.

Ce qu’il se passe ensuite, ça ne dépend pas du dôme. Reconnaître et comprendre sentiments émotions, se mettre à la place d’autrui est-ce que ça change la donne, ça reste la question. Constance se laisse l’année avant de rectifier le tir. Sa sœur n’a pas d’avis ; son frère est optimiste ; sa mère observera les courbes statistiques avec beaucoup de craintes, et sûrement des regrets. Le père Noël, quant à lui, regarde Mariah Carey vendre son menu spécial fêtes dans une pub McDonald’s en sirotant un verre, petit, d’alcool de houx. Ses baies rouges sont alcaloïdes, mais il supporte bien le cyanure. Lucie pense que le houx c’est pareil que les humains, et qu’à force, elle aussi, elle sera immunisée. En attendant son cœur bat au rythme de la Violette : c’est désormais à nous de ne pas la décevoir.

Merci à l’Obs de nous pardonner le partage de ce conte édifiant, réservé à ses abonnés.

La face cachée des livraisons express « garanties avant Noël »


Les achats de dernières minutes sur Internet ont une forte empreinte environnementale à cause de la livraison express.  BOJAN VLAHOVIC VIA GETTY IMAGES


Avec la promesse des livraisons en moins de 24h, les colis voyagent beaucoup et très vite en cette période de fêtes. On vous dévoile l’impact de ces achats de dernières minutes sur la planète.

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Pologne : RSF appelle le Président à bloquer la promulgation de loi liberticide dit “anti-TVN”


Des milliers de manifestants ont défilé à Varsovie, dimanche 19 décembre, pour demander au Président Andrzej Duda de mettre son veto à la loi anti-TVN, aussi appelée Lex TVN (crédit : AFP).


L’approbation par le parlement polonais de la loi sur la radiodiffusion relative à la détention de parts étrangères dans les médias oblige le principal groupe télévisé du pays, TVN, à changer de propriétaire. Reporters sans frontières (RSF) exhorte le président de la République Andrzej Duda à bloquer ce texte pour empêcher le gouvernement de prendre le contrôle de ce grand média indépendant.

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Tunisie : Les tribunaux intensifient leurs poursuites portant atteinte à la liberté d’expression


Le portail barricadé du Parlement tunisien, dans le quartier du Bardo à Tunis, photographié le 26 juillet 2021, au lendemain de la décision du président Saïed de suspendre cette assemblée dans le cadre de sa saisie de pouvoirs exceptionnels, le 25 juillet 2021. © 2021 Ahmed Zarrouki


(Tunis) – Les autorités tunisiennes poursuivent des citoyens devant des tribunaux militaires et civils et les emprisonnent pour avoir critiqué publiquement le président Kais Saïed et d’autres responsables, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi les personnes poursuivies figurent des membres du parlement, des personnes connues pour leurs commentaires sur les réseaux sociaux et un animateur de télévision.

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Grèce : face aux restrictions, les migrants cherchent d’autres routes


Face à la politique migratoire restrictive mise en place par le gouvernement grec, les migrants se replient sur des routes alternatives. (Image d’illustration). Crédit : AP


Face à la politique migratoire restrictive mise en place par le gouvernement conservateur grec, les migrants et les passeurs cherchent d’autres routes pour entrer en Europe. Un phénomène qui s’observe particulièrement à travers les accidents.

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Archives de la guerre d’Algérie : une ouverture partielle dont il faudra surveiller de près la mise en œuvre

La politique d’enfermement tue

Guerre d’Algérie : la France ouvre ses archives des affaires judiciaires et policières


Des soldats algériens gardent la Radiodiffusion Télévision française (RTF), le 3 mai 1962, à Alger. © AFP


Le texte officialisant l’ouverture des archives françaises relatives à la guerre d’Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966 a été publié jeudi au Journal officiel. Ce geste avait été annoncé par Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, début décembre.

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