La plus haute juridiction américaine considère que les suspensions de portée nationale émises par des juges fédéraux « outrepassent probablement les pouvoirs conférés par le Congrès aux tribunaux fédéraux ».
Le Conseil déclare contraires à la Constitution les dispositions permettant le placement en rétention administrative de demandeurs ou demandeuses d’asile – alors même qu’aucune procédure d’expulsion n’est engagée à leur encontre – soit en raison d’une prétendue menace pour l’ordre public, soit au motif d’un soi-disant « risque de fuite ».
Cette censure marque une victoire importante pour les libertés fondamentales et notamment pour la protection de la liberté individuelle, garantie par l’article 66 de la Constitution. Elle vient confirmer ce que nous dénonçons depuis l’adoption de cette mesure : il n’est pas acceptable, dans un État de droit, de priver de liberté une personne en quête d’une protection sur le fondement aussi vague et arbitraire qu’une « menace pour l’ordre public ».
Le Conseil constitutionnel rappelle ainsi que les atteintes à la liberté individuelle doivent être strictement nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Or, les dispositions censurées ne répondaient manifestement pas à ces exigences.
Rappelons que cette disposition avait été introduite par un amendement du gouvernement lui-même, lors de l’examen du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » devant le Sénat. Sa censure constitue donc un camouflet pour le gouvernement, qui porte la responsabilité d’avoir voulu faire inscrire dans le droit commun une mesure manifestement attentatoire aux droits fondamentaux.
C’est également un désaveu clair du recours incessant à la notion de « menace pour l’ordre public » pour motiver des mesures coercitives à l’égard des personnes étrangères.
Les associations requérantes resteront pleinement mobilisées pour faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité ou leur statut administratif, et pour s’opposer à toutes les formes de criminalisation de l’asile.
27 mai 2025
Les associations requérantes signataires :
Groupe d’information et de soutien des immigré·es (GISTI)
Syndicat des avocats de France (SAF)
Association de défense des droits des étrangers (ADDE)
Fédération des Associations de Solidarité avec Tou·te·s les Immigré·e·s (FASTI)
Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les personnes Étrangères (Anafé)
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
La Cimade
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La naissance de l’Etat de Droit sous les Parlements d’Ancien Régime,
« Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers » Montesquieu (in De l’esprit des lois)
Jeudi dernier, nous faisions référence à la décision du conseil d’Etat du 7 novembre 2024 de juger légales les missions de suivi des « actions de nature idéologiques » confiées à la cellule de gendarmerie Déméter. Nous constations un nouveau recul manifeste de nos libertés fondamentales et demandions le démantèlement de la cellule Déméter en soutenant la démarche initiée par L214 auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme.
En dénonçant cette nouvelle atteinte à l’Etat de Droit en France, nous vous promettions de revenir sur les menaces croissantes qui pèsent sur lui.
Le coup de semonce le plus récent susceptible de nous alerter est assez significatif. Dans les colonnes d’un hebdomadaire acquis à l’extrême-droite, interrogé sur le meurtre de la jeune étudiante Philippine dont le principal suspect est un marocain, déjà condamné pour viol et sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) le nouveau ministre de l’Intérieur dénoncait fin septembre 2024 « un point de déséquilibre où les règles finissent par protéger les individus dangereux davantage que les victimes de la société » et affirmait à ce titre que « l’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré ». Ces propos polémiques ne surprenaient pas au Sénat, d’autant que Bruno Retaillau lui-même avait déposé une proposition de loi constitutionnelle dont l’un des articles permettrait à la France de déroger aux règles européennes, notamment en matière migratoire. Fort heureusement, conformément à l’état de droit, le Conseil Constitutionnel ne reçoit pas de consigne du pouvoir politique dans la motivation de ces décisions.
Rappelons que la France est devenue Etat de Droit par la loi constitutionnelle no 2003-276 du 28 mars 2003 (JO du 29 mars 2003 p. 5568), relative à « l’organisation décentralisée de la République ».
On commence à se demander si l’Etat de Droit est le garant de la Démocratie ou bien un frein à celle-ci. Car s’il protège les libertés, sa judiciarisation croissante interroge la souveraineté populaire et la capacité d’action des élus. Si certaines réformes de la Constitution peuvent être envisagées pour se conformer aux règlements européens et permettre un rétablissement de la souveraineté parlementaire nationale, personne parmi les spécialistes du droit constitutionnel ne cherche à remettre en cause l’Etat de Droit.
Cette fragilisation inquiétante de l’Etat de Droit est pointée du doigt par la LDH (Ligue des Droits de l’homme) en particulier. On observe la multiplication de publications de tribunes dans certains journaux à grand tirage ainsi que l’organisation de « colloques, souvent pseudo-scientifiques, visant à opposer la démocratie à l’Etat de Droit ou à dénoncer la tyrannie des droits de l’Homme« . Leurs auteurs ou organisateurs agissent régulièrement sous le couvert de pseudo et gravitent dans les milieux les plus réactionnaires. On observe une dérive autoritaire de la Vème République, certains représentants de l’Etat assumant de ne pas respecter les lois de la République. Le chef de l’Etat ne prend nullement en compte les choix du peuple français dans ses votes, nommant des Premiers ministres issus de partis largement minoritaires à la suite des élections. Tout est fait aujourd’hui en France pour opposer la démocratie à l’Etat de Droit.
On pourra citer en exemple le dispositif de vidéosurveillance algorithmique adopté comme une mesure expérimentale pendant les Jeux olympiques et qui devait s’achever en 2025 mais pour laquelle le gouvernement a fait voter la prolongation du dispositif jusqu’en 2027, malgré un bilan très mitigé. Inquiets, des députés ont saisi le Conseil constitutionnel le 24 mars.
La circulaire Retailleau s’inscrit pleinement dans une approche de comportements racistes et xénophobes qui sont le quotidien pour tant de personnes aujourd’hui, du fait de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion. Les actes violents se multiplient, faisant vivre dans la peur, la souffrance, l’injustice d’un quotidien de discriminations. Le quotidien, ce sont aussi les discours de haine désinhibés, les propos mensongers de responsables politiques et de médias contrôlés par des acteurs économiques disposant de moyens considérables, qui stigmatisent des populations et des quartiers et manipulent les chiffres, repoussant les personnes sans-papiers dans la clandestinité et la surexploitation dans l’emploi, imposant un durcissement des conditions de la régularisation de leur droit au séjour, et ouvrant des possibilités supplémentaires d’expulsions. Le même ministre ainsi que des médias d’extrême-droite s’en prennent aux associations et syndicats qui soutiennent les personnes étrangères, mettant en péril leur rôle crucial pour la démocratie, l’Etat de droit et l’inclusion sociale. Le Premier ministre lui-même reprend les formulations stigmatisantes de l’extrême-droite, faisant des personnes d’origine étrangère les boucs émissaires de tous les maux de la société.
Le droit à l’alimentation n’est plus garanti pour toutes et tous justifiant l’intitution d’une loi-cadre sur le droit à l’alimentation qui pourrait être le levier nécessaire pour engager la transformation de notre système alimentaire mais le courage politique n’est pas à la hauteur des enjeux.
Six jeunes formés et insérés ou en formation ont reçu récemment une OQTF qui brise leurs espoirs et leur trajectoire d’intégration. L’un d’entre eux a été fortement soutenu par la Cantine du 111, restaurant associatif de Châlons ; deux autres sont accompagnés depuis longtemps par le RESF ; les trois derniers nous ont contactés via leurs employeurs pour des recours. Ce sont tous des jeunes aux trajectoires irréprochables, investis dans leur formation et leurs entreprises.
Heureusement, l’Etat de Droit si gravement menacé, comme on a pu le voir, ne pourra pas être atteint au point que connaissent hélas de nombreux pays dans le monde. En France, la Justice continue de faire son travail sans faillir, plus facilement qu’aux USA, niamment, ce qui va nous permettre de terminer la journée sur deux notes d’espoir.
Pourquoi la proposition de loi qui veut interdire le mariage aux personnes en situation irrégulière pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel
S’il était voté par les deux chambres, le texte, qui a reçu le soutien des ministres de la Justice Gérald Darmanin et de l’Intérieur Bruno Retailleau, pourrait néanmoins ne jamais être appliqué. « Cette proposition de loi méconnaît les principes constitutionnels et a toutes les chances d’être censurée par le Conseil constitutionnel, compte tenu de sa jurisprudence à ce stade », avance le juriste Nicolas Hervieu.
Désavoué à 3 reprises lors de consultations des Français, le président de la République décide de nommer comme président du Conseil constitutionnel (CC) une personne de son entourage le plus proche, un de ses plus anciens et fidèles soutiens. Malgré ces échecs, la méthode ne change pas, un mépris total assumé des souhaits sollicités des Français. « Une faute politique grave. » disent certains. Une de plus ?
Richard Ferrand hormis son attachement personnel à Emmanuel Macron ne présente pas de dispositions particulières pour ce poste prestigieux. Mais fidèle parmi les plus fidèles en macronie.
2 ans d’études de droit, ancien journaliste, dirigeant d’une agence de graphisme, il ne s’est guère illustré en tant que législateur. Député de 2012 à 2018, président de l’Assemblée nationale de 2018 à 2022, il est battu aux dernières élections. Mis en examen en 2019 par trois juges pour prise illégale d’intérêts, même si l’affaire a été classée sans suite. Son compagnonnage de 10 ans avec le chef de l’Etat lui vaut une large hostilité sur les bancs de l’Assemble nationale. Sa nomination pourrait être empêchée si les votes des 2 assemblées totalisaient plus des trois cinquièmes des votes exprimés.
L’Elysée met en avant sa qualité d’ancien président de l’Assemblée nationale, « pas un club debridge », rétorquent certains, pas une « maison de retraite » pour anciens présidents de l’Assemblée. « il n’y a pas de filiation naturelle entre l’Assemblée et le Conseil constitutionnel, le second n’est pas la chambre d’appel du premier ».« Le pire serait que le chef de l’Etat par le choix qu’il ferait d’un président trop proche de lui, donne l’impression de vouloir reprendre indirectement la main sur les institutions dont les élections lui ont fait perdre le contrôle », (un ancien secrétaire général du CC.).
Vif émoi chez les professionnels du droit « Seuls des juristes aguerris devraient être nommés conseillers constitutionnels » un professeur de droit. « Peut- être exiger que les futurs conseillers aient au moins dix ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique ». En France il n’existe aucune exigence de compétence juridique ni à fortiori d’intégrité morale.
Respectera-t-il le « droit d’ingratitude » envers celui qui l’a nommé ? L’image d’impartialité, tant objective que subjective doit être intacte et ses membres insoupçonnables et irréprochables. Mais il a contre lui la théorie des apparences : « la justice ne doit pas être seulement dite, elle doit également donner le sentiment au public qu’elle a été bien rendue » (un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme). Laquelle a à plusieurs reprises « dénoncé » le système judiciaire français pour son manque d’indépendance.
Cette nomination pourrait être l’occasion de réformer la désignation des membres du Conseil constitutionnel afin d’éviter les problèmes de politisation et d’impartialité.
« Trump ne se rend pas compte de notre force » : le nouveau président américain a-t-il les moyens de ses ambitions en matière d’immigration ?
Alors que Donald Trump affirme sa volonté d’expulser massivement les immigrés clandestins, nombreux sont ceux qui estiment qu’il ne pourra pas tenir sa promesse.
Donald Trump a promis d’expulser du sol américain « des millions » d’immigrés sans papiers. Pour l’instant, depuis son investiture, les Etats-Unis ont arrêté 538 migrants clandestins et en ont expulsé des « centaines » lors d’une opération de masse menée quelques jours après le début de la présidence Trump II, a annoncé la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt.
L’État de droit est-il ni “intangible ni sacré”, comme l’affirme Bruno Retailleau ?
Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a affirmé que l’État de droit n’est ni “intangible ni sacré”, provoquant l’ire d’un bon nombre de citoyens qui craignent une remise en cause de certains principes fondamentaux. Au-delà du positionnement politique, la sacralisation ou non de l’État de droit fait régulièrement débat auprès des juristes.
Laurent Fabius : “Dans une démocratie avancée comme la nôtre, on peut bien sûr modifier l’état du droit, mais il faut toujours respecter l’État de droit”
Au delà des refus d’Emmanuel Macron, un autre coup de force, bien plus grave, se déroule là où personne ne regarde. L’actuel gouvernement démissionnaire-démissionné gouverne sur le fondement d’une note de ses propres services, qui estime le gouvernement incensurable tout en lui attribuant d’importants pouvoirs de décision. Cela pourrait redéfinir le régime.
Pour François Hollande : “Ce n’était pas au Président de la République de censurer lui-même Lucie Castets”
Nathalie Tehio : « La lecture de la Constitution par Emmanuel Macron est de plus en plus autocratique »
Entretien
Le 29 Août 2024 11 min
Nathalie Tehio Présidente de la Ligue des droits de l’homme
Au nom de la « stabilité institutionnelle », le président de la République Emmanuel Macron a refusé de nommer la candidate du NFP (et chroniqueuse à Alternatives Economiques), Lucie Castets, Première ministre. Quelle est votre analyse ?
Nathalie Tehio : Emmanuel Macron se comporte comme s’il n’y avait pas eu d’élections. Il ne respecte pas le vote qui a eu lieu, le fait que les Français aient demandé une alternance. Il veut concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. C’est affolant de se dire qu’il est, par la Constitution, le garant des institutions et du respect de la Constitution. Il devrait prendre cette stature. Ce n’est pas à lui de décider s’il va ou non y avoir une motion de censure contre un gouvernement, c’est au Parlement. Cela témoigne d’une grande confusion entre ce qui relève de son pouvoir – nommer un ou une Première ministre – et ce qui relève du jeu parlementaire – censurer (ou non) le gouvernement.
La tradition républicaine, non-écrite, veut qu’on nomme Premier/Première ministre la personne désignée par la coalition ou le parti arrivé en tête, ici, Lucie Castets. C’est de fait ce qu’il y avait de plus simple pour éviter l’attente et la confusion des pouvoirs. Or plus le temps passe, plus il faut donner des réponses pour gérer le pays, mais aussi pour s’occuper des urgences. Le budget bien sûr, mais aussi la Nouvelle-Calédonie. C’est d’autant plus inquiétant que c’est Emmanuel Macron lui-même qui a choisi de dissoudre l’Assemblée nationale, avec beaucoup d’irresponsabilité, à un moment où l’extrême droite risquait d’arriver au pouvoir. Après la victoire inattendue de la coalition des partis de gauche, le président de la République a invoqué les Jeux Olympiques pour continuer comme si de rien n’était…
Nathalie Tehio a été élue en mai dernier présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH). L’organisation, fondée en 1898 au moment de l’affaire Dreyfus, a fait de la défense des droits et libertés son combat.
Alors qu’Emmanuel Macron n’a toujours pas nommé de Premier/Première ministre, la présidente de l’association revient sur la séquence politique que nous traversons et ses conséquences pour l’Etat de droit et le traitement de dossiers urgents, comme celui de la Nouvelle-Calédonie, un territoire qu’elle connaît bien pour y avoir grandi.
Au nom de la « stabilité institutionnelle », le président de la République Emmanuel Macron a refusé de nommer la candidate du NFP (et chroniqueuse à Alternatives Economiques), Lucie Castets, Première ministre. Quelle est votre analyse ?
Nathalie Tehio : Emmanuel Macron se comporte comme s’il n’y avait pas eu d’élections. Il ne respecte pas le vote qui a eu lieu, le fait que les Français aient demandé une alternance. Il veut concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. C’est affolant de se dire qu’il est, par la Constitution, le garant des institutions et du respect de la Constitution. Il devrait prendre cette stature.
Ce n’est pas à lui de décider s’il va ou non y avoir une motion de censure contre un gouvernement, c’est au Parlement. Cela témoigne d’une grande confusion entre ce qui relève de son pouvoir – nommer un ou une Première ministre – et ce qui relève du jeu parlementaire – censurer (ou non) le gouvernement.
La tradition républicaine, non-écrite, veut qu’on nomme Premier/Première ministre la personne désignée par la coalition ou le parti arrivé en tête, ici, Lucie Castets. C’est de fait ce qu’il y avait de plus simple pour éviter l’attente et la confusion des pouvoirs. Or plus le temps passe, plus il faut donner des réponses pour gérer le pays, mais aussi pour s’occuper des urgences. Le budget bien sûr, mais aussi la Nouvelle-Calédonie.
C’est d’autant plus inquiétant que c’est Emmanuel Macron lui-même qui a choisi de dissoudre l’Assemblée nationale, avec beaucoup d’irresponsabilité, à un moment où l’extrême droite risquait d’arriver au pouvoir. Après la victoire inattendue de la coalition des partis de gauche, le président de la République a invoqué les Jeux Olympiques pour continuer comme si de rien n’était.
Et peut-il le faire ?
N. T. : Des décrets d’application ont été adoptés, ceux de la loi immigration notamment, juste avant l’acceptation par le Président de la démission du gouvernement Attal [le 16 juillet, NDLR]. C’est légal, mais ce gouvernement n’avait plus de légitimité. Et maintenant, au nom de l’urgence budgétaire, ce même gouvernement démissionnaire s’attèle à la préparation du budget. Or à l’issue des élections de juillet, le gouvernement a été désavoué. Même avec la droite, le camp présidentiel n’a pas de majorité relative. Il n’est donc plus légitime à continuer comme si de rien n’était.
Il y a par ailleurs des ministres démissionnaires qui siègent au Parlement puisqu’ils ont été élus députés en juillet. Ces députés ont voté pour des postes à l’Assemblée nationale. La séparation des pouvoirs n’est pas respectée. Cela entretient la confusion et habitue les Français à ce qu’il n’y ait plus de séparation des pouvoirs. C’est très grave. L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à laquelle se réfèrent les statuts de la LDH, l’énonce clairement : « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
La démocratie, c’est la séparation des pouvoirs et la garantie des droits. Nous sommes aujourd’hui dans un système qui n’est plus conforme à l’idée qu’on se fait d’une démocratie. Le contrat social est rompu.
Comment qualifier le moment que nous vivons ? Parleriez-vous de coup d’Etat institutionnel ?
N. T. : Je n’irais pas jusqu’à parler de coup d’Etat car je pense que nous allons finir par avoir un ou une Premiere ministre. Je dirais que la lecture qui est faite de la Constitution de 1958, déjà écrite pour permettre un pouvoir exécutif fort, est de plus en plus autocratique. En ne respectant ni l’élection ni la séparation des pouvoirs, le président de la République ne respecte pas la démocratie. Quant à la garantie des droits, il continue à mener une politique qui ne prend pas en compte les droits et les libertés. Il y a sans cesse des arrêtés d’interdiction de manifester et des atteintes aux libertés.
On a le sentiment que nombre de responsables politiques ont oublié que l’extrême droite est bien plus dangereuse que n’importe quel autre parti, notamment LFI. Qu’est-ce que cela dit de l’état de notre démocratie ?
N. T. : Nous aimerions rencontrer ces responsables politiques. A la LDH, qui a pour objet la défense des droits et libertés, notre combat contre l’extrême droite consiste à dire : ce ne sont pas des partis comme les autres. Pourquoi ? Parce qu’ils portent un projet politique dans lequel ils affirment que les droits ne sont pas pour toutes et tous. Or nous portons, nous, l’idée de l’universalité des droits.
Et lorsque les partis d’extrême droite disent « des droits qui ne sont pas pour tous », ils désignent ceux qu’ils veulent écarter en disant « les étrangers ». En réalité, ils ne visent pas les étrangers communautaires, mais aussi des Français qu’ils appellent « les Français de papier ». Ils ciblent les personnes racisées. Cela signifie que c’est un projet raciste, et xénophobe car ils parlent des étrangers.
C’est aussi un projet antisémite : même si les partis d’extrême droite le cachent aujourd’hui et se veulent philosémites, la réalité est que le Front national (FN) a été créé par des personnes SS. Il suffira de gratter un tout petit peu pour que l’antisémitisme ressorte. Récemment, la LDH a porté plainte dans différentes affaires concernant des groupuscules nazis paradant au son de « Ausländer raus » (« Les étrangers dehors ! » en allemand), une candidate aux législatives a porté une casquette nazie… tout cela est loin d’être anodin.
Pour mener à bien leur projet, les partis d’extrême droite veulent détruire l’Etat de droit. Ils veulent faire sortir la France de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH). Selon les moments, ils souhaitent supprimer le Conseil constitutionnel, donc la possibilité de vérifier la conformité des lois non seulement à la Constitution mais aussi au bloc de constitutionnalité (la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Préambule de 1946, etc.).
Mais il leur arrive aussi de vouloir conserver le Conseil constitutionnel tout en le dévitalisant : il ne pourrait plus contrôler que la conformité des lois à la Constitution de 1958 et non plus au bloc de constitutionnalité. Or les droits et libertés fondamentales ne se trouvent pas dans le texte de 1958, mais dans le bloc de constitutionnalité. Cela nous priverait de nos moyens d’action pour faire des recours devant la justice.
Je vous donne un exemple : la liberté de manifester n’est pas inscrite en tant que telle dans la Constitution mais découle, selon le Conseil constitutionnel, de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La liberté de manifester correspond à la liberté d’expression collective des idées et des opinions. Elle est aussi garantie par l’article 11 de la CESDH, qui porte sur la liberté de réunion pacifique.
A l’inverse, rejeter LFI n’a aucun sens. La France insoumise fait totalement partie de l’arc républicain, elle ne porte pas un projet raciste ni contre l’Etat de droit. Cela ne signifie pas que certains de ses responsables politiques n’ait jamais tenu de propos antisémite, ce que nous condamnons bien entendu.
En revanche, Gérald Darmanin ne respecte pas l’Etat de droit lorsqu’il s’affranchit de la CESDH en expulsant puis en refusant le retour d’un ressortissant ouzbek au mépris d’une décision de la Cour de Strasbourg. De la même façon, le préfet des Alpes-Maritimes qui, dix semaines d’affilée, prend des arrêtés d’interdiction de manifester à propos de rassemblements en soutien à Gaza, ne respecte pas l’Etat de droit. Tout cela inscrit pour la population une accoutumance au non-respect de l’Etat de droit qui est très grave.
De la même façon que le maintien de l’état d’urgence pendant deux ans a créé une accoutumance à la non-séparation des pouvoirs. Cela normalise le fait qu’on s’en remette à la volonté d’un seul homme.
Que pensez-vous de la procédure de destitution proposée par LFI contre Emmanuel Macron ?
N. T. : C’est le jeu des institutions, ce n’est pas une question de droits et libertés. Ce n’est donc pas du ressort de la LDH.
Quel regard portez-vous sur le champ médiatique ? Les médias dans leur ensemble prennent-ils la mesure de ce qui est en train de se passer ?
N. T. : Comme dans la société, il y a, dans les médias, un effet d’accoutumance : la notion de séparation des pouvoirs notamment est un peu oubliée, n’est plus considérée comme si importante. On s’habitue également au fait que l’agenda et la politique menée soient dictés par le président de la République. Les médias se font la caisse de résonance de ce que décide le Président, mais ne questionnent pas suffisamment ce qu’il décide au regard des principes et des valeurs, notamment de la séparation des pouvoirs.
Au-delà des médias en général, nous avons bien entendu une inquiétude sur le fait qu’il y a de plus en plus de médias d’extrême droite, qui se font le relais de cette pensée.
Vous avez évoqué parmi les urgences la Nouvelle-Calédonie que vous connaissez très bien pour y avoir grandi. Les rapporteurs spéciaux de l’ONU ont dressé fin août un bilan accablant de la politique d’Emmanuel Macron sur ce territoire, et accusé la France de « porter atteinte à l’intégrité de l’ensemble du processus de décolonisation ». Que préconisez-vous ?
N. T. : Pour la Nouvelle-Calédonie, l’urgence est qu’il y ait un nouveau gouvernement en France. Aujourd’hui, les choses redémarrent peu à peu. Mais 12 morts sont à déplorer et des allégations de disparations forcées et de milices armées qui patrouilleraient ont été rapportées. Il faut qu’il y ait des enquêtes pour établir si c’est vrai ou pas.
Et puis bien sûr, il faut enterrer la réforme du dégel du corps électoral et repartir dans un dialogue avec les différentes composantes du FNLKS [qui regroupe les partis indépendantistes, NDLR].
Il faut que l’Etat reprenne son rôle d’arbitre plutôt que de chercher à imposer une solution comme il l’a fait ces dernières années, et soit le moteur pour continuer le processus de décolonisation, conformément à ce que dit l’accord de Nouméa.
Il faut aussi d’urgence un soutien économique, sinon la Nouvelle-Calédonie fera faillite [Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté mercredi 28 août une résolution demandant un soutien à l’Etat de 4,2 milliards d’euros, NDLR]. Le nombre d’entreprises qui ont brûlé ou dû mettre leurs employés au chômage technique est énorme.
Et pour qu’il y ait une solution politique pacifique, il faut que le dossier soit de nouveau traité par le ou la Première ministre, et non par le ministre de l’Intérieur, comme ce fut le cas avec Gérald Darmanin. Les mots ont un sens : aller en Calédonie avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, comme l’a fait Emmanuel Macron, cela signifie qu’on ne veut pas continuer le processus de décolonisation. Il est donc vital de nommer un ou une Première ministre qui renoue les fils du dialogue dans le sens de l’accord de Nouméa.
Vous appartenez à une organisation de la société civile. Que faut-il faire pour stopper cette dérive autoritaire ? Appelez-vous à manifester le 7 septembre ?
N. T. : Nous n’avons pas encore tranché cette question. La dérive autocratique du pouvoir en place nous inquiète depuis longtemps, et nous la dénonçons. L’extrême droite ne l’a pas emporté, mais elle est plus forte que jamais. Emmanuel Macron a beau dire qu’il veut la stabilité institutionnelle, il propose de ne pas changer de politique. Or il n’a pas de majorité non plus, même relative. Qu’est-il donc en train d’espérer ? Que l’extrême droite ne bouge pas et le laisse faire ? Cela signifie mener une politique allant dans le sens de ce parti, donc d’un projet raciste, xénophobe, antisémite et discriminatoire. Si telle est sa feuille de route, c’est très grave.
Rendre automatiquement inéligibles tous les fichés S se heurte à de nombreux obstacles juridiques, et serait contraire à la Constitution.
Virginie Duby-Muller, députée Les Républicains de Haute-Savoie, souhaite rendre inéligibles les personnes fichés S. Cette proposition de loi vient en réaction à l’élection du député LFI Raphaël Arnault, fiché S. Mais une telle loi poserait de nombreux problèmes juridiques.
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Motion de censure immédiate si un gouvernement vient à être formé « avec ne serait-ce qu’un seul secrétaire d’État de LFI », avertit Aurore Bergé
Le Nouveau front populaire promet d’annoncer rapidement le nom d’un Premier ministre à proposer à Emmanuel Macron. Mais les négociations sont difficiles entre les quatre forces qui le composent. La députée Renaissance appelle à la « stabilité ».
« Nous censurerons un gouvernement constitué par cette alliance de la gauche », assure François-Xavier Bellamy
Pour le vice-président du parti Les Républicains, il y a urgence à nommer un nouvel exécutif mais il considère qu’ « aucune formation politique ne peut prétendre revendiquer la victoire » aux législatives. Or « pour gouverner, il faut une majorité », soulève-t-il.
Censurer le NFP avec le RN : ces macronistes prêts à faire ce qu’ils reprochaient à LFI
GÉRARD LARCHER ESTIME QUE LA DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE N’ÉTAIT PAS CONFORME À LA CONSTITUTION
Si ce que dit le Président du Sénat est vrai, alors le Président de la République a effectivement méconnu la Constitution puisqu’il ne lui a pas demandé son avis.
Resté silencieux depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, le Président du Sénat, Gérard Larcher, a partagé son sentiment concernant l’initiative d’Emmanuel Macron. Gérard Larcher estimant avoir été “informé, et non consulté” au sujet de la dissolution, il considère que le Président de la République n’a pas respecté la lettre de la Constitution lors de sa décision. S’il dit vrai, la Constitution a été méconnue.
Lettre ouverte à Emmanuel Macron : « cessez de brutaliser la démocratie ! »
« Je n’arrête pas de les surveiller ces fripons, pendant qu’ils opèrent, sans en avoir l’air, et puis je leur fais dégorger de force tout ce qu’ils m’ont volé en leur enfonçant dans la bouche l’entonnoir de l’urne. » (Aristophane, Le peuple ne se laisse pas duper par les démagogues, in Les Cavaliers)
« Violer un droit [particulier], de nos jours, c’est corrompre profondément les mœurs nationales et mettre en péril la société tout entière. » (Tocqueville, Sur la société politique, p. 394)
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Aux Etats- Unis, la Cour suprême offre une victoire à Donald Trump
En définissant très largement l’immunité présidentielle, laissant le champ libre à D. Trump, les juges modifient l’équilibre des pouvoirs.
L’enquête fédérale sur le « coup d’Etat », ayant conduit à l’assaut du 6 janvier contre le Capitole, sabrée, peut augurer des répliques favorables pour lui dans d’autres affaires.
Le président de la Cour déclare:« la nature du pouvoir présidentiel exige qu’un ancien président puisse disposer d’une forme d’immunité devant des poursuites pénales… » Il doit aussi bénéficier d’une forme de «présomption d’immunité ».
« Dans chaque usage du pouvoir officiel, le président est à présent un roi au-dessus de la loi » d’après Sonia Sotomayor, une juge à la Cour. « Deux des six juges conservateurs auraient pu ou dû se retirer de l’examen de ce dossier, leur partialité étant mise en cause ».
Un revers majeur : « la Cour a altéré l’équilibre des pouvoirs en matière d’Etat de droit …. Le nouveau modèle de responsabilité présidentielle porte atteinte aux contraintes de la loi comme dissuasion de futurs présidents qui pourraient abuser de leur pouvoir à notre détriment » pour la juge Brown. Selon elle« les graines du pouvoir absolu ont été plantées ».
En France, deux impensés de la 5ème République
L’excès de pouvoirs dans les mains d’une seule personne.
La non-responsabilité des dirigeants politiques qui ne rendent des comptes à personne, de rien.
Et l’avenir ?
Interrogés :
Un constitutionnaliste : « la situation pouvait se développer dans le cadre constitutionnel. »
Un historien « la situation n’est pas inédite, dans le passé, il y a nombre d’exemples de situations identiques »
La démocratie est en grand danger.
JC 5 juillet 2024
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La Nouvelle-Calédonie a vécu une troisième nuit consécutive d’émeutes liée à l’adoption du dégel du corps électoral.
« Monsieur Darmanin est complètement discrédité auprès des indépendantistes, ça c’est sûr et certain« , a affirmé jeudi 16 mai dans le « 8h30 franceinfo » Benoît Trépied, anthropologue au CNRS et spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, alors que l’archipel est en proie à des émeutes.
Nouvelle-Calédonie : quelles sont les conséquences de l’état d’urgence sur le plan juridique ?
Le président de la République a décrété mercredi l’état d’urgence en réaction aux émeutes en Nouvelle-Calédonie. Qu’est-ce que cela signifie concrètement d’un point de vue juridique ? Les explications de Me Patrick Lingibé.
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Que ce soit aux Etats-Unis, en Espagne, en Allemagne, ou encore en Argentine, les médias sont revenus sur la « cérémonie solennelle et émouvante » du Congrès à Versailles.
Alors que le projet de loi constitutionnelle inscrivant l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution française est devant le Congrès, retour sur les débats qui ont agité les assemblées.
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Le sénateur LR Philippe Bas a introduit un amendement qui modifie la formulation du projet de loi constitutionnelle voté en janvier par les députés. Or, si le texte est modifié à la chambre haute, il repartira pour une nouvelle lecture à l’Assemblée.
DERNIERE MINUTE: le projet de loi adopté par le Sénat
Les sénateurs ont approuvé le texte déjà adopté par l’Assemblée nationale fin janvier. Cette validation par la Chambre haute ouvre la voie à la réunion des parlementaires en Congrès à Versailles début mars en vue d’une révision constitutionnelle.
Début mars, la France pourrait être le premier pays à « garantir la liberté d’avorter » dans sa Constitution. A moins que les élus LR les plus réactionnaires ne fassent tout capoter…
« On peut s’interroger sur le recours au droit de grève quand on a une mission de service public », a déclaré sur Sud Radio Marie Lebec, ministre déléguée des Relations avec le Parlement.