par Rémy Dufaut

Le 17 janvier dernier nous célébrions les 50 ans de la promulgation de la Loi dite « Veil », permettant l’Interruption Volontaire de Grossesse en France, à la suite d’un long et âpre combat mené par les associations féministes et de toutes les femmes dont Simone Veil s’est faite la porte-parole.
Le 8 mars 2024, la France introduisait dans sa Constitution française la garantie de liberté de recourir à l’IVG.
L’article 34 de la Constitution prévoit que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »
Les associations de défense des droits des femmes, et la LDH en particulier, auraient souhaité que soit plutôt inscrit dans la Constitution « le droit » à l’IVG en condamnant ce glissement sémantique vers « la liberté« . La droite a fait barrage à cette proposition à laquelle souscrivaient pourtant une majorité des Françaises et des Français. L’étude détaillée des résultats des votes démontre clairement l’importance politique du sujet.
Dans une étude de juillet 2022, l’institut de sondage Ifop précisait que 83 % des Français et Françaises jugeaient positivement l’autorisation de l’IVG par la loi française. Un chiffre en hausse « largement supérieur à celui mesuré il y a une trentaine d’années », notait alors l’Ifop.
En février 2025 le même Ifop interrogeait les Françaises et les Français sur leur perception de l’Interruption Volontaire de Grossesse. De ce sondage réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 15 janvier 2025, ce qui pose d’entrée un gros problème de méthode et de fiabilité, il ressort qu’ « Une majorité de sondés (54%) considèrent en effet que les 243 000 avortements annuels représentent une situation normale car avorter est un acte auquel les femmes peuvent être exposées au cours de leur vie », soit une augmentation de 5 points depuis octobre 2020.
Néanmoins, l’IVG ne saurait être perçue comme un acte anodin par les Français, qui reconnaissent largement ses répercussions psychologiques. En effet, près de 9 Français sur dix (88%, -4 points) considèrent qu’un avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes. Quatre sondés sur dix (40%) sont même « tout à fait d’accord » avec cette affirmation, cette proportion atteignant 47% chez les femmes contre 31% chez les hommes. »
En même temps, on les interrogeait sur un renforcement de l’accompagnement des femmes enceintes auquel les Français se montraient plutôt favorables :
« 65% des Français (-8 points) estiment que la société devrait davantage aider les femmes à éviter d’avoir recours à l’IVG. Un clivage générationnel se dessine sur cette question : seuls 58 % des moins de 35 ans sont favorables à aider davantage les femmes à éviter d’avoir recours à l’IVG, contre 74 % des 65 ans et plus.
Concernant le livret officiel remis aux femmes enceintes envisageant une IVG, huit Français sur dix (80 %, -4 points) se déclarent favorables à sa modification pour inclure des informations détaillées sur les aides destinées aux femmes enceintes et aux jeunes mères.
Enfin, le soutien à une étude publique sur les causes, les conditions et les conséquences l’IVG demeure important puisque 81% des personnes interrogées se prononcent en sa faveur, malgré une baisse de 7 points depuis octobre 2020. »
Il est utile de préciser que ce sondage était commandé par « Alliance Vita » association fondée par Christine Boutin, ancienne ministre et ancienne candidate à l’élection présidentielle, figure de la droite conservatrice et catholique, réputée, entre autres, pour ses positions résolument anti-IVG, qui avait déclaré quitter la scène politique en 2017 mais ne s’est pourtant pas privée de le commenter.

Marie Mathieu, docteure en sociologie, co-autrice avec Laurine Thizy, du livre Sociologie de l’avortement , paru en mai 2023, souligne que « Le discours public anti avortement demeure rare », « Mais il y a des oppositions subtiles avec des personnes qui sont pour l’avortement mais pas favorables à l’extension des délais, ou qui vont critiquer les femmes ayant recours à l’IVG plusieurs fois… »
Certains groupes et associations se montrent très actifs pour lutter contre l’avortement. La galaxie du mouvement anti-IVG, qui se présente sous le terme contesté de « pro-vie », est compliquée à établir car on a peu d’informations à son sujet.
L’enquête de Ouest-France, publiée le 24/01/2024 à laquelle nous nous référons, fait état de « militants anti-avortement peu nombreux mais très organisés ».
Il existe pourtant plusieurs groupes parfaitement identifiés qui organisent chaque année en janvier des « marches pour la vie », des « actions marquantes », taguent parfois des locaux du planning familial.
Les mouvements anti-IVG « ont toujours existé et sont toujours présents », rappelle pour commencer Sarah Durocher, co-présidente du planning familial. Plusieurs associations anti-IVG existent depuis des années comme la Fondation Lejeune, créée en 1995 par Jérôme Lejeune, décédé en 1994 que l’on présente très avantageusement comme « pionnier de la génétique moderne, co-découvreur de la trisomie 21 et inlassable avocat de la personne handicapée » mais également, de façon plus réaliste, comme « saint patron des réacs et des usurpateurs « , candidat depuis 2007 à la canonisation, ses thuriféraires demeurant encore dans l’espérance de sa consécration, Alliance Vita, née en 1993 à l’initiative de Christine Boutin, déjà citée, ou encore En marche pour la vie, qui regroupe et coalise elle-même plusieurs associations depuis une vingtaine d’années. Il est difficile de les dissocier des organisations et groupuscules d’extrême-droite auxquels ils font appel pour mener leurs actions et notamment pour organiser leurs services d’ordre, peu avares de violence et de provocations.
En 2016, après la Manif pour tous, une nouvelle association était venue s’ajouter à ces mouvements anti-avortement : Les Survivants. « Ils ont utilisé une nouvelle rhétorique qui consiste à dire qu’avec l’IVG, on crée chez les enfants qui naissent un syndrome du survivant par rapport aux enfants qui ne sont pas nés. Cette rhétorique est inspirée de celle des attentats avec des gens qui se sentent coupables d’avoir survécu à un massacre quand d’autres sont morts », explique Laurine Thizy, docteure en sociologie, autrice d’une thèse sur la stigmatisation de l’avortement en France.
Le site du groupe anti-IVG Les Survivants a été fermé en février 2024 en marge d’une procédure judiciaire de dissolution initiée par la ville de Paris. Ce mouvement de jeunes contre l’avortement avait mené, en mai 2023, une campagne « pirate » anti-avortement sur des Vélib’ à Paris collant des stickers sur quelque 10 000 vélos.
Nombre de femmes et d’hommes demeurent convaincus que les femmes doivent pouvoir disposer de leur corps.
Pourtant, le 5 janvier 2024, l’ancienne éphémère ministre de la Santé par intérim, Agnès Firmin Le Bodo, visitait l’institut Jérôme Lejeune, lié à la fondation Jérôme Lejeune, fer de lance, entre autres, du combat contre le droit à l’avortement. Elle allait jusqu’à les féliciter pour leur action.
Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le président Macron annonce sa volonté que son gouvernement mène une politique nataliste.
La nomination de Catherine Vautrin, manifestante contre le mariage homosexuel avec la manif pour tous, opposante en 2017 au vote du délit d’entrave numérique à l’IVG, au ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités n’était pas pour rassurer il y a un an le collectif Avortement en Europe, les femmes décident.
Le mouvement « pro vie » n’est hélas pas près de rendre les armes si l’on en croit le zoom de France Inter du jeudi 16 janvier dernier, qui montre combien le sujet demeure sensible, et l’article du Figaro du même jour, qui voudrait que le cortège anti-avortement ait rassemblé 15 000 participants (4300 selon la préfecture de police).
Avant son extinction, que l’on espère définitive, la chaîne C8 n’a pas hésité à diffuser par provocation le film anti-avortement «Unplanned», sujet de vives controverses et d’une pluie de signalements à l’Arcom.


Manifestation samedi 8 mars
14h30 place Jean-Jaurès à TROYES













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