Depuis le samedi 27 septembre, la vie du royaume est rythmée par les manifestations quotidiennes du mouvement GenZ 212. Lancée par des jeunes autonomes refusant toute affiliation politique ou syndicale, la contestation innove et mobilise. Mais elle doit aussi faire face aux limites de son manque de structuration, tandis que les élites au pouvoir semblent attendre le discours du roi prévu pour le 10 octobre.
L’enseignement supérieur se met en grève et rejoint le mouvement de contestation des jeunes de la GenZ 212
Le Syndicat national de l’enseignement supérieur au Maroc démarre une grève de 48 heures et rejoint le grand mouvement de protestation porté par les jeunes de la GenZ 212. Le corps professoral dénonce notamment le passage en force d’une réforme qui mettrait fin à la gratuité de l’université.
Le génération Z manifeste depuis un mois pour dénoncer la corruption des élites et les inégalités. Trois manifestants ont trouvé la mort dans des affrontements avec les forces de l’ordre.
Alors que la situation politique et sociale est particulièrement tendue, le ministère de l’Intérieur fait de nouveau le choix du tout répressif en publiant un schéma sur les violences urbaines qui menace la liberté de manifester et la liberté de la presse.
Dans le cadre de manifestations déclarées ou de violences urbaines, ce schéma prévoit la possibilité pour la police d’empêcher la présence de journalistes ou encore l’activation de brigades policières non formées à la gestion des foules protestataires, comme le RAID qui est normalement chargé d’arrêter un périple meurtrier ou des terroristes et a donc une réponse particulièrement violente.
Les journalistes fournissent pourtant un travail démocratique essentiel qui permet de garantir une information indépendante et participe à rendre compte des pratiques des forces de l’ordre. Leur mission est notamment garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui protège la liberté d’expression et de communication. La Cour européenne des droits de l’Homme a précisé que la collecte d’informations est une étape préparatoire essentielle au travail des journalistes, de sorte qu’elle doit faire l’objet d’une protection. Il en est de même des observateurs des pratiques policières.
Dans un moment de crise politique particulièrement forte, alors qu’un mouvement important de contestation sociale s’engage, et face à l’urgence que cette expression collective puisse pleinement s’exercer et se diffuser, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), après avoir demandé l’annulation au fond de ces dispositions, porte désormais l’affaire, aux côtés de syndicats de journalistes, en référé liberté devant le Conseil d’Etat pour qu’il se prononce en urgence en suspendant ce schéma national des violences urbaines.
Si, devant cette action commune, le ministre de l’Intérieur a déjà annoncé reculer en retirant les dispositions litigieuses portant sur les journalistes, cela ne doit pas faire oublier que d’autres dispositions de ce schéma sont en cause. La justice se prononcera ce jeudi 11 septembre 2025 à 9h30.
Paris, le 11 septembre 2025
Partager la publication "La LDH attaque le schéma sur les violences urbaines devant le Conseil d’Etat"
Qui est à l’origine du mouvement « Bloquons tout » le 10 septembre ?
Né dans l’anonymat d’une chaîne Telegram en mai, l’appel à bloquer la France le 10 septembre s’est diffusé massivement en ligne après l’annonce du plan d’austérité de François Bayrou. Porté par une nébuleuse de groupes aux revendications multiples, le mouvement « Bloquons tout » fédère désormais une mosaïque d’acteurs allant de l’extrême-droite à l’ultragauche, sans structure ni leadership identifié.
Les services de renseignement notent une composition hétérogène et déstructurée : « Une frange plutôt d’extrême-droite, d’autres plus d’extrême-gauche, des anciens Gilets jaunes, et des personnes sans aucune idéologie. »
A cette mobilisation se sont jointes un certain nombre de sections syndicales mais la confusion demeure, au point d’alimenter les discours les plus fantaisistes, voire complotistes, visant, pour certains, à décrédibiliser le mouvement.
Vrai ou faux. Mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre: l’Élysée a-t-il organisé la mobilisation en secret ?
Plusieurs soutiens de la première heure de l’appel à tout bloquer ce mercredi 10 septembre soupçonnent Emmanuel Macron d’avoir lancé le mouvement en secret.
Il n’en demeure pas moins que la réalité nous interpelle et que les motivations de certains des participant(e)s méritent d’être entendues.
« Je suis rincé par le travail, le mal-logement et les inégalités » : cinq Français nous expliquent pourquoi ils vont bloquer la France le 10 septembre
Ils s’appellent Natacha, Jeff, Jacques, Robin, Lucie et ont un objectif : répondre à l’appel à la mobilisation mercredi. Franceinfo a recueilli leurs témoignages.
Mais Retaillau, ministre de l’Intérieur sortant, avait-il besoin de mettre 80 000 policiers et gendarmes sur le terrain face aux 100 000 manifestants estimés ? Il voudrait pousser à l’affrontement qu’il ne s’y prendrait pas mieux, d’autant qu’il dit lui-même ne pas craindre « des mouvements d’ampleur »…
Les journalistes semblent particulièrement visés au point que le SNJ a annoncé ce jeudi avoir mandaté un cabinet d’avocats pour déposer un recours en urgence devant le Conseil d’État. « Nous devons vraiment peser de tout notre poids sur ce qui nous paraît vital, c’est un recul pour notre société démocratique », conclut Soraya Morvan-Smith, , secrétaire générale adjointe du SNJ-CGT, citée par L’Humanité.
Modification du cadre de protection des journalistes en manifestation en France : ni la méthode, ni le contenu ne conviennent
Alors que les appels à manifester en France se multiplient dans un contexte politique instable, le ministère de l’Intérieur et la police nationale se sont accordés, dans le silence de l’été, sur un document qui nie toutes les avancées en matière de protection des journalistes qui couvrent les manifestations. Un recul inquiétant des garanties de leur sécurité dans des contextes parfois violents et une atteinte caractérisée au droit à l’information des citoyens. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces nouvelles prérogatives données aux forces de l’ordre et appelle le ministère de l’Intérieur, la police nationale et la Préfecture de police de Paris à réunir d’urgence les parties prenantes pour expliquer la portée de cette doctrine et le cadre garantissant l’exercice du journalisme en situation de “violences urbaines”.
Dès le 3 septembre, la LDH publiait ce communiqué:
Les mesures annoncées en juillet 2025 en lien avec le projet de loi de finances 2026 emportent des conséquences lourdes pour l’accès à des droits fondamentaux avec de nouveaux reculs dans l’action des services publics, pour l’accès aux soins, des régressions du droit du travail, des droits niés pour les personnes étrangères.
Cette perspective a naturellement conduit à des réactions de rejet par des segments entiers de la population, et l’annonce de mobilisations dès ce mois de septembre 2025. Des appels sur les réseaux sociaux comme par la plupart des syndicats vont se traduire par des mobilisations le 10 et le 18 septembre 2025. Ces appels mettent en avant le refus de politiques d’austérité qui vont aggraver les inégalités et les précarités qui marquent les temps présents.
Le Premier ministre a fait le choix de déposer une motion de confiance pour le 8 septembre 2025 qui devrait se traduire par un vote ouvrant une nouvelle étape de la crise politique, toujours en l’absence de majorité au Parlement.
Cette conjonction de crise sociale et de crise institutionnelle provoquée par les décisions du gouvernement est porteuse de risques majeurs pour les droits et libertés.
La LDH (Ligue des droits de l’Homme) s’inquiète particulièrement de la réaction des pouvoirs publics contre l’expression d’une contestation sociale qui pourtant s’inscrit pleinement dans les voies constitutionnellement garanties de l’expression collective et sociale des opinions et notamment pour les manifestations, les réunions, l’exercice du droit de grève. La LDH en appelle solennellement aux autorités pour ne pas enclencher une telle fuite en avant.
Elle le fait à la lumière de la brutalisation du maintien de l’ordre, des interdictions et entraves aux manifestations, de la répression judiciaire des manifestantes et manifestants, des dissolutions d’associations et de collectifs qui se sont développés depuis une quinzaine d’années contre les expressions légitimes et salvatrices de protestation, composantes nécessaires à une bonne santé de la démocratie. Elle en appelle à l’ensemble des responsables dans les institutions et les lieux de pouvoir politique pour un respect absolu et scrupuleux de l’Etat de droit, des libertés et des droits fondamentaux.
Partager la publication "Alors qu’un mouvement social s’engage dans un moment de crise politique, l’Etat de droit, les libertés et les droits fondamentaux doivent être respectés"
Prisons : presque deux fois plus de détenus que de places dans les maisons d’arrêt de Vivonne et Niort
Le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record au 1er juillet 2025, avec 84 951 personnes derrière les barreaux. Dans le Poitou, cette tendance se fait aussi sentir avec une surpopulation carcérale qui atteint les 180% aux maisons d’arrêt de Vivonne et Niort.
Pour comprendre ce phénomène, il nous semble utile de remonter dans le temps pour, sinon le comprendre, au moins tenter de l’expliquer.
La prison apparaît en Europe à la fin du XVIIIème siècle comme une alternative aux châtiments corporels qui avaient alors cours pour détenir, assister et corriger les actes que la société réprouvait et voulait punir.
C’est entre 1750 et 1850 qu’elle devient « un espace alors proprement pénal » et suscite d’emblée un besoin de réforme. Les conditions de vie carcérale sont déjà dénoncées par des philantropes qui souhaiteraient en faire le lieu de la transformation morale des individus condamnés, en les soumettant à une stricte discipline.
Au XIXème siècle, le modèle cellulaire fait consensus en Europe. La question de l’isolement fait déjà débat mais les divers projets d’aménagement se heurtent aux problèmes de surpopulation qu’on commence à observer, ainsi qu’aux contraintes financières et à la vétusté des bâtiments.
Au début dun XXème siècle, on commence à classifier les criminels en distinguant parmi les détenus les délinquants « occasionnels », supposés avoir une chance de s’amender et pouvant bénéficier d’une libération conditionnelle ou d’un sursis.
La Convention européenne des Droits de l’homme en 1950, fixe des cadres normatifs, qui contraignent progressivement les États européens à reconnaître des droits fondamentaux aux détenus.
C’est dans les années 1950 que commencent à se poser de façon cruciale les problèmes de surpopulation carcérale, préoccupation qui conduit à faire baisser la population des prisons dans l’Europe du Nord, certains pays s’étant engagés dans des choix alternatifs à la prison, tandis que l’Europe de l’Ouest et du Sud est confrontée à des révoltes carcérales dans les années 1970, liées à la hausse de la population carcérale.
En 2012, le candidat Hollande avait fustigé «la fuite en avant vers le tout carcéral» pratiquée sous l’ère Sarkozy. Chef de l’Etat, il n’est pas parvenu à inverser la donne. A l’heure où il quitte l’Elysée, les prisons françaises n’ont jamais été aussi surpeuplées avec 69 430 détenus. La promesse de prisons «conformes à nos principes de dignité» est également loin d’être atteinte. Le 3 mai, la justice a de nouveau sommé l’administration pénitentiaire d’éradiquer les animaux et insectes nuisibles qui prospèrent à Fresnes… (Libération, 9 mai 2017)
En 2020, on observe une baisse sensible du taux d’incarcération en raison de la baisse du flux de mises sous écrou à compter du 1er confinement de mars. Le crise sanitaire a permis de « vider » les prisons, le creux de la vague de juillet-août, donnant encore un taux d’occupation des prisons de 110%. On observe même une « courte surcapacité » (entre juin et novembre 2020).
En mars 2021, les prisons françaises comptent 67 971 détenus pour 60 398 places opérationnelles. Les alternatives à la détention, telles que la « détention à domicile » sous bracelet (plus de 13000) se multiplient et permettent notamment une baisse très significative des conditions de détention précaires comme l’usage de matelas à même le sol : 849 en mars 2021 contre 1640 en juillet 2020 soit une quasi division par deux.
On observe également une augmentation du nombre de mineurs détenus, attribuée à un afflux de mineurs non accompagnés (MNA), clairement attribué aux « carences de l’Etat dans l’animation de la politique de protection de l’enfance, mal articulée avec les politiques départementales dédiées « .
La LOI n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention est suivie d’un Décret n° 2021-1194 du 15 septembre 2021 relatif au recours prévu à l’article 803-8 du code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.
Au 1er septembre 2022, le taux d’occupation des prisons est remonté à 118% avec 71 669 prisonniers pour 60 715 places. « La surpopulation se concentre dans les maisons d’arrêts, qui accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à des courtes peines de prison. Dans ces établissements, qui abritent plus des deux tiers de la population carcérale, le taux d’occupation moyen est de 139,7%, contraignant deux à trois personnes – parfois plus – à partager une même cellule et plus de 1 830 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés au sol. «
Pour l’OIP, « L’inflation carcérale que connaît la France depuis plusieurs décennies est avant tout le fruit de politiques pénales qui ont misé sur l’incarcération et une répression croissante des déviances sociales. »
En octobre 2023, « La surpopulation dans les prisons atteint des sommets et, seul contre tous, le gouvernement rejette explicitement la seule option qui permettrait de les désengorger dans l’urgence : un dispositif contraignant de régulation de la population carcérale. 34 associations, syndicats et institutions lui demandent de s’y résoudre. »
Un an après, un nouveau communiqué des associations alerte: « Les nouveaux chiffres de la population carcérale au 1er octobre, publiés hier par le ministère de la Justice, marquent d’énièmes tristes records. Trente-deux organisations du milieu prison-justice dénoncent des annonces politiques insensées qui ne feront qu’aggraver cette situation dramatique. Quant aux orientations budgétaires actuellement discutées au Parlement, elles signent un gaspillage de l’argent public et l’impensé du sens de l’incarcération et de la sortie de prison. »
En février 2025, « Trente et une organisations expriment leur profonde indignation quant à l’annonce par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, d’une instruction ministérielle ordonnant l’arrêt de toutes les activités en prison autres que le « soutien scolaire », « la langue française » et ce qui touche au travail ou au sport. Un acte de pure démagogie, aux conséquences désastreuses pour les personnes détenues comme pour la société. L’emballement a déjà gagné de nombreux établissements pénitentiaires, où l’ensemble des activités visé par le garde des sceaux est temporairement suspendu. »
Arié Alimi, vice-président de la LDH interroge dans une tribune: « Peut-on sortir du populisme pénal ? L’exploitation du désir de vengeance et de la volonté de punir mine la démocratie. Face à cela, il faut protéger la justice et le droit. »
En avril, alors qu’une proposition de loi, portée par le parti Horizons, pour revenir sur les aménagements de peine a été votée, l’OIP dénonce l’hystérie sécuritaire » du Parlement et un »populisme pénal » qui contribuent à « créer les conditions d’une vulnérabilité et donc de nouveaux passages à l’acte « . Dans le cadre de sa niche parlementaire, le groupe a fait adopter en première lecture ce texte qui consacre le rétablissement des peines de prison ferme de moins d’un mois.
Ce »populisme pénal » est également dénoncé par les professionnels de l’Education et de l’Enseignement, dénonçant le loi Attal qui vise à « restaurer l’autorité » de la justice des mineurs, alors que « Entre 2016 et 2024 le nombre de mineurs en infraction a reculé de 17 à 12% sur la même période. Quant au travail de la justice, le taux de réponse pénale est aujourd’hui de 93% et le nombre de mineurs incarcérés (900), est au plus haut en 2024. »
Les détenus de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, en région parisienne, demandent en urgence des mesures pour améliorer leurs conditions de détention et dénoncent un « climat de violence » au sein de leur établissement pénitentiaire, dans leur requête inédite, envoyée mardi 29 juillet, car les recours de détenus pour conditions de détention indignes, bien que possibles, relèvent de l’exception.
Cerise sur le gâteau, le ministre de la Justice souhaite faire « contribuer » les détenus au coût de leur détention. Alors que la proposition de loi se profile, les familles perçoivent ce fardeau financier supplémentaire comme une « double peine ».
On a la nette impression que notre duo de ministres préférés a engagé une course à la surenchère sécuritaire et pénale. Le Premier ministre François Bayrou n’étant pas en mesure de siffler la fin de la récré, nous ne risquons pas de nous ennuyer d’ici à mai 2027. « Car toutes ces gesticulations, tous ces coups de mentons et ces poings tapés sur la table, toutes ces peurs et ces haines attisées n’ont qu’un but, se positionner pour la présidentielle. » (Libération)
Partager la publication "La surpopulation carcérale"
« J’ai trois priorités : rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre. Je crois à l’ordre. L’ordre comme condition de la liberté. Quand il n’y a pas d’ordre, c’est la liberté d’abord qui est menacée. Je crois à l’ordre comme la condition de l’égalité« , a répété Bruno Retailleau dans la cour de l’hôtel de Beauvau lors de la passation de pouvoirs entre Gérald Darmanin et lui-même le23/09/2024.
Nous évoquions récemment dans ces colonnes ce leitmotiv de Bruno Retaillau:« Rétablir l’ordre » .
Selon l’enquête réalisée pour Le HuffPosten octobre 2024, une majorité des Français ne croyait pas que le ministre LR de l’Intérieur réussira à mener à bien son objectif prioritaire.
Les lois « scélérates »
Cet excès d’autoritarisme n’est pas nouveau d’autant qu’il relève toujours des mêmes obsessions conservatrices qui conduisent à réduire les libertés au prétexte de les protéger.
Cette tendance actuelle à édicter des lois qui érodent les libertés fondamentales au nom de la lutte contre le terrorisme nous rappelle ce qu’on a appelé les « lois scélérates » à la fin du XIXème siècle.
Et l’on en vient à s’inquiéter de cette propension à se rapprocher de plus en plus des tendance fascisantes de l’extrême-droite telles que décrites par Umberto Eco dans sa grille d’analyse des signes avant-coureurs du basculement d’un régime politique vers le fascisme (Umberto Eco, Reconnaître le fascisme, Grasset, 2017, 3 €), citée ici.
La trahison, lui aussi
Après son coup d’éclat récent contre la macronie en affirmant dans le magazine d’extrême-droite « Valeurs Actuelles » que « le macronisme s’achèvera avec Emmanuel Macron, tout simplement » parce qu’il « n’est ni un mouvement politique, ni une idéologie : il repose essentiellement sur un homme » et sa rupture consommée avec une bonne partie du gouvernement, qu’il prétend cependant ne pas vouloir quitter, Bruno Retaillau ne cache plus son ambition depuis toujours de présider aux destinées du pays.
Tous les présidents de la République française et en particulier ceux de la Vème, n’ont pas tous été des parangons de vertu… Mais celui-ci serait à coup sûr le pire, avant même d’avoir pris ses fonctions.
Il suffit de passer en revue l’inventaire du Canard enchaîné sur ce qu’il inspire depuis 2 ans aux journalistes, pour s’interroger sur ses véritables motivations à servir le pays et sur son intégrité.
Des « casseroles »
Quoiqu’en disent ses partisans, qui prétendent qu’« A priori, il n’a pas de casseroles », il traîne pourtant derrière lui aussi, son petit lot de quincaillerie.
« A l’été 1997, TF1 lance sa saison estivale au Puy du Fou, et le parc à thème, tenant du titre, ne peut pas perdre. Alors quand arrive l’épreuve de culture générale, le trio de candidats vendéens, parmi lesquels se trouvait l’actuel ministre de l’Intérieur, semble avoir été aidé. » Libération 26/07/2025
« Une erreur de jeunesse », pourra-t-on dire… Mais il est un peu fort de café de se faire prendre aussi bêtement à tricher honteusement pour quelqu’un qui fustige aujourd’hui « la France des salauds »…
Et qu’en est-il de la mise en cause par Médiapart de Bruno Retaillau pour détournement de fonds au Sénat (une épidémie généralisée devenue une pandémie, certes, mais qui semble toucher particulièrement la France), ce qui l’a conduit, à son arrivée à la tête du groupe en 2014, à mettre un terme à ces pratiques qui auraient profité à au moins 140 sénateurs depuis 1989. Par ce système des « ristournes », les sénateurs UMP ont perçu des sommes issues de crédits publics pourtant à l’origine destinés à la rémunération de leurs collaborateurs et non au financement de leur activité politique. Et encore moins, bien sûr, à leur usage personnel. François Fillion, auquel Bruno Retaillau n’a jamais renié sa fidélité , faisait déjà également parler de lui.
Cap vers Le Pen
Dans son portrait du nouveau gouvernement Barnier en octobre 2024, le magazine Blast dressait celui du ministre de l’Intérieur en intitulant le chapitre le concernant : Intérieur : Cap vers Le Pen.
Constatant que « Bruno Retailleau a fait toute sa carrière dans le côté obscur de la politique », y est évoquée sa relation durant 25 ans avec Philippe de Villiers, qu’il trahira d’ailleurs en lui ravissant le siège de président de conseil régional. Ses trois chevaux de bataille seront « Police, immigration et musulmans, le cocktail gagnant de l’extrême-droite ». Et de conclure : » Vous l’aurez compris Retailleau, c’est tout simplement le Rassemblement National au ministère de l’Intérieur ».
Darmanin, Retaillau, même combat
En avril dernier, il lâchait son fiel sur X (ex-Twitter) après que la LDH se soit opposée à l’utilisation irraisonnée de drones, pour surveiller la population de Rennes notamment.
« La Ligue des droits de l’Homme fait le jeu des narcotrafiquants et des voyous qui vivent de ce commerce de la mort. En s’opposant au déploiement de drones qui permettent de réagir plus vite et de les interpeller, cette organisation, sous couvert de bons sentiments, s’oppose à l’un des droits les plus fondamentaux sans lequel les autres ne sont jamais garantis : le droit à la sécurité. Les narcotrafiquants, avec leurs moyens considérables, ont accès aux technologies les plus modernes. Les forces de l’ordre ne doivent pas avoir une guerre de retard. La kyrielle de victimes du narco-trafic devrait davantage indigner la Ligue des droits de l’homme que la protection de la vie privée des criminels ».
Il faut se souvenir qu’en janvier de la même année, la LDH marquait son opposition à sa politique migratoire, notamment à travers sa circulaire qui mettait en place :
une restriction massive des admissions exceptionnelles au séjour, notamment au titre de la vie privée et familiale ;
des exigences sur la maîtrise de la langue française renforcées
l’ exigence absurde de sept années de présence au lieu de trois précédemment ;
la multiplication des refus de séjour avec obligation de quitter le territoire valables trois ans au lieu d’un an et opposables à toute demande ultérieure ;
une atteinte au droit à la scolarisation, aux études supérieures ou aux formations en alternance pour les jeunes
la régularisation par le travail limitée aux métiers en tension
« La France des honnêtes gens » son slogan pour la campagne d’adhésion de juin 2025 à son parti LR a de quoi surprendre lorsqu’on sait qui en sont ou furent les membres les plus éminents :
François Fillon est définitivement condamné en appel à quatre ans de prison avec sursis, 375 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, dans l’affaire de l’emploi fictif de sa femme. Il se pourvoit en cassation. Bruno Retaillau, coordinateur de la campagne du candidat LR à la présidentielle en 2017, s’est toujours montré pour lui comme un soutien indéfectible. A la suite de la convocation devant la Justice de François Fillon, deux jours avant la clôture des parrainages, il parlait de « tentative d’assassinat politique » sans prendre en considération aucune les chefs d’accusation qui pesaient contre son champion…
Sarkozy vient d’être condamné à de la prison ferme et est encore poursuivi dans nombre d’autres affaires. Sarkozy est le premier chef d’État depuis Pétain à se voir retirer la Légion d’Honneur.
Laurent Wauquiez a détourné des milliers d’euros d’argent public pour s’offrir des banquets luxueux avec ses amis ou des restos de luxe avec des journalistes d’extrême-droite.
Bien qu’à l’aide d’artifices en tous genres, il ne soit plus incarcéré, le couple Balkany a été condamné pour blanchiment de fraude fiscale.
Jean-François Copé, maire de la commune de Meaux mais habitant dans le 16ème arrondissement de Paris a fait payer à ses administrés un véhicule et deux chauffeurs pour se déplacer de l’un à l’autre, le tout pour 126.315 € par an en moyenne entre 2016 et 2021.
Brice Hortefeux, surnommé « le nazi » par ses collègues, condamné pour injure raciale, a été mis en examen en 2020 pour association de malfaiteurs et le Parquet National Financier a requis contre lui en 2025 trois ans de prison et 150 000 euros d’amende dans l’affaire libyenne.
Alain Juppé a été condamné pour abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux, et prise illégale d’intérêt.
Serge Dassault, marchand d’armes a été condamné pour corruption, notamment pour avoir acheté des voix en numéraires.
Eric Woerth a été poursuivi pour recel.
Rachida Dati est visée par une affaire pour corruption et trafic d’influence.
Gérald Darmanin, ancien LR, a été accusé d’avoir profité de sa position dominante d’élu pour obtenir des faveurs sexuelles. L’affaire a été clôturée par un non-lieu. Il a toujours clamé que les rapports étaient « consentis. »
Sans parler des piliers historiques de ce parti :
Charles Pasqua, un habitué des tribunaux, cité à la fin de sa vie dans près d’une dizaine d’affaires, avait été condamné définitivement en 2010 dans deux dossiers.
Jacques Chirac, reconnu coupable en décembre 2011 de détournement de fonds et d’abus de confiance par le tribunal correctionnel de Paris, a été condamné à deux ans de prison avec sursis, contre l’avis du parquet, qui avait requis la relaxe, pour lui et neuf coprévenus.
Etat de droit, « état du droit », « état des droits »…
Les 48 députés de la « Droite Républicaine » se sont joints au mouvement: dans une tribune publiée dans Le Figaro le jeudi 3 octobre 2024, les 170 députés et sénateurs LR affirment leur soutien au ministre de l’Intérieur, dont les propos sur l’État de droit dans le JDD, dimanche 29 septembre, avaient créé la polémique. Pour eux, « La France a trop attendu pour mettre à jour sa politique de sécurité et d’immigration, laissant la violence et le désordre migratoire s’installer. »
Plus tard, l’intéressé trouvera encore mieux pour justifier son acharnement contre l’immigration après avoir été recadré par le Premier ministre, Michel Barnier: « Officiellement, Retailleau assure ne pas avoir vécu comme un recadrage les mises au point répétées du Premier ministre sur l’Etat de droit, même s’il affirme désormais vouloir simplement critiquer « l’état des droits ». »
Tout se monnaye, sans scrupules, y compris les bons conseils
Toutefois, si sa charité chrétienne a pu payer dans les combines internes chez les LR, pour écarter son rival Vauquiez avec 74,3 % des voix, personne ne prédit que le score de 5.4% de suffrages aux législatives de 2024 pour son parti ne lui ouvre grand les portes du pouvoir. Il a par ailleurs plus d’ennemis que d’« amis » en embuscade et tout particulièrement Emmanuel Macron, qui n’a pas du tout bien pris l’annonce de sa propre fin, lui qui serait, paraît-il, « hypermnésique » et aussi très rancunier…
« Bruno Retailleau a l’ambition de gouverner la France, il doit donc d’abord gouverner ses amis », estimait l’inénarrable Pascal Praud, dans l’émission L’Heure des Pros, le jeudi 3 juillet dernier sur CNEWS.
Gageons qu’il risque fort de n’être pas au bout de ses peines. Rien ne dit d’ailleurs que sa fidélité inébranlable à ses amis soit réellement réciproque…
A la veille de la journée mondiale des réfugié·es et dans un contexte international marqué notamment par les ordres du président Donald Trump de procéder à de véritables rafles de personnes migrantes sur tout le territoire états-unien, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a adressé le 12 juin dernier un ordre national aux préfets pour mettre en œuvre une « opération nationale de contrôle des flux » dans les gares, les trains et les bus, entre le mercredi 18 juin 8h et le jeudi 19 juin 20h, afin de lutter contre « l’immigration irrégulière et clandestine ».
Fête de la musique 2025 : Bruno Retailleau appelle au « maintien d’une extrême vigilance »
Le ministre demande également la mise « en œuvre des dispositifs visibles de nature à dissuader les attaques terroristes, les troubles à l’ordre public et les infractions d’opportunité », à l’instar des patrouilles civiles anticriminalité.
« La Ligue des droits de l’Homme fait le jeu des narcotrafiquants et des voyous qui vivent de ce commerce de la mort. » C’est à ce genre de propos qu’on reconnaît le courage politique de Retailleau. La LDH s’est opposée au survol de quartiers de Rennes par des drones après les fusillades (17/04) au motif que les libertés individuelles pouvaient en être atteintes. « Complicité de meurtres », a répondu le ministre indisposé par l’État de droit.(Politis 23/04/2025)
Pour lutter contre le narcotrafic à Rennes, des drones vont pouvoir survoler quatre quartiers
La Ligue des Droits de l‘Homme (LDH) a demandé en urgence au juge des référés du tribunal administratif de Rennes de suspendre les quatre arrêtés du préfet d’Ille-et-Vilaine qui autorisent le survol d’une large partie de la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine) par des drones du 4 au 30 avril 2025, notamment dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic. La justice a rejeté la requête de la LDH.
La polémique se poursuit après des accusations de fichage d’étrangers en situation régulière
Pauvre droite: condamnée à choisir entre la peste et le choléra… Retaillau vs Wauquiez
ENQUÊTE FRANCE INTER. À trois semaines de l’élection interne chez LR, nous avons recensé le vote de chacun des 105 présidents de fédérations pour savoir qui de Bruno Retailleau ou de Laurent Wauquiez est le plus soutenu. Le ministre de l’Intérieur se détache, mais sans plier le match.
Documentaire, enquêtes et témoignages sur les émeutes de 2023
StreetPress présente un documentaire inédit, ainsi qu’une série d’articles, qui reviennent sur les révoltes qui ont éclaté à la suite de la mort de Nahel, tué par un tir policier à Nanterre en juin 2023.
Le 27 juin 2023, le décès tragique de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre (92), a provoqué une onde de choc qui a traversé toute la France. En quelques heures, des révoltes ont éclaté dans des centaines de villes, dont certaines n’avaient jamais été touchées auparavant. Le drame a cristallisé des années de tensions non résolues entre police et jeunes.
Partager la publication "« Nahel, un an après : la révolte étouffée »"
Des centaines, voire des milliers, d’enfants en Haïti, poussés par la faim et la pauvreté, ont rejoint des groupes criminels, où ils sont contraints de participer à des activités illégales et sont confrontés à des abus, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Les consignes de «fermeté» et le dispositif policier autour des Jeux font craindre «une augmentation presque mécanique des incarcérations», alors que la surpopulation carcérale est alarmante, alerte Johann Bihr, de l’Observatoire international des prisons.
Jeux Olympiques : fichage de masse et discrimination politique
Partager la publication "JO de Paris 2024 : «On instrumentalise la justice au service du maintien de l’ordre, au risque d’une augmentation des incarcérations»"
Notre tradition et l’organisation de notre police la rendent particulièrement vulnérable à des pratiques illibérales, prévient le politiste Sebastian Roché, coauteur de « la Police contre la rue ».
Toutes les nations ont des forces de l’ordre, le plus souvent armées, disposant de pouvoirs de limitation des droits des citoyens. Leur caractère plus ou moins démocratique dépend à la fois du type d’ordres qu’elles reçoivent de leurs gouvernements respectifs et des lois qui encadrent l’action de leurs agents. Et sur ces deux aspects, notre police est particulièrement exposée au risque d’une orientation illibérale. Là où nombre de pays ont choisi de multiplier les niveaux de commandement – aux Etats-Unis, on compte 18 000 agences de police, en Allemagne 16 Länder et autant de ministres de l’Intérieur, au Royaume-Uni, 43 forces –, la France, elle, a choisi une architecture ultracentralisée.
Pour étouffer ses casseroles, le Mr sécurité du RN s’imagine ministre de l’Intérieur
Gabegie financière, management brutal, harcèlement, violation des lois, mépris des droits de l’homme et poursuites pour crime contre l’humanité : en 7 ans à la tête de Frontex, l’agence européenne qui contrôle nos frontières, Fabrice Leggeri a montré l’étendue de ses (in)compétences. Le galop d’essai pourrait virer à la cavalcade : l’eurodéputé Rassemblement national postule désormais à l’Intérieur au sein d’un gouvernement d’extrême-droite.
Partager la publication "« Le RN voit dans les policiers des militants pour sa cause et non les agents d’une administration impartiale »"
Les syndicats CGT, FSU, Solidaires et plusieurs organisations de jeunesse, dont l’Unef, avaient dénoncé vendredi «une répression sans commune mesure» contre ces lycéens, dans «un contexte de plus en plus autoritaire».
Déploiement de la CRS 8, du Raid, usage de drones ou encore de blindés… Les moyens policiers engagés dans la capitale bretonne entre mai 2023 et avril 2024 ont été inédits, rapporte l’Observatoire rennais des libertés publiques (Orlib). Le travail de ce dernier a lui-même a été perturbé.
Partager la publication "LA MILITARISATION DU MAINTIEN DE L’ORDRE PASSE UN CAP À RENNES"
La situation dans l’archipel du Pacifique, tendue depuis des mois, a explosé depuis lundi 13 mai, faisant cinq morts et des dizaines de blessés. L’état d’urgence décrété par le gouvernement est désormais entré en vigueur. Alors que réapparaît le spectre d’une quasi-guerre civile, six questions pour comprendre les raisons complexes de ce nouvel embrasement.
La Nouvelle-Calédonie a vécu une troisième nuit consécutive d’émeutes liée à l’adoption du dégel du corps électoral.
« Monsieur Darmanin est complètement discrédité auprès des indépendantistes, ça c’est sûr et certain« , a affirmé jeudi 16 mai dans le « 8h30 franceinfo » Benoît Trépied, anthropologue au CNRS et spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, alors que l’archipel est en proie à des émeutes.
Nouvelle-Calédonie : quelles sont les conséquences de l’état d’urgence sur le plan juridique ?
Le président de la République a décrété mercredi l’état d’urgence en réaction aux émeutes en Nouvelle-Calédonie. Qu’est-ce que cela signifie concrètement d’un point de vue juridique ? Les explications de Me Patrick Lingibé.
Partager la publication "Nouvelle-Calédonie : Gérald Darmanin est « complètement discrédité, il faut à tout prix que d’autres acteurs reprennent le dossier », estime un spécialiste"
« Je les soutiens et les préfets de la République les soutiendront », a déclaré jeudi le ministre de l’intérieur au sujet des mesures prises par plusieurs maires de métropole, après l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs en Guadeloupe par ses soins.